COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2015
N° 2015/493
Rôle N° 15/03848
[R] [Q]
[S] [P] épouse [Q]
C/
SA LYONNAISE DE BANQUE
Etablissement Public CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE RECOUVREMENT DES ALPES MARITIMES
Grosse délivrée
le :
à : Me Pierre-Vincent LAMBERT
Me Agnès ERMENEUX -CHAMPLY
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00062.
Jugement du Juge de l'exécution de DIGNE-LES-BAINS en date du 05 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00062.
APPELANTS
Monsieur [R] [Q], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre-Vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Madame [S] [P] épouse [Q], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
SA LYONNAISE DE BANQUE immatriculée au R.C.S. de LYON sous le N° B 954 507 976, prise en la personne de son représentant légal en exercicedomicilié es qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX- LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Frédéric PIAZZESI de la SELARL CABINET PIAZZESI AVOCATS, avocat au barreau de NICE
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE RECOUVREMENT DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller (rédacteur)
Mme Marina ALBERTI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 5 mai 2014, la LYONNAISE DE BANQUE a fait délivrer commandement de saisie immobilière aux époux [Q] portant sur diverses parcelles sises sur la commune de [Localité 4] et d'[Localité 2] (04) pour recouvrement des sommes de 79'267,75 € à l'égard de M. [R] [Q] et de 62'922,68 € à l'égard des époux [R] et [G] [Q] , ce sur le fondement de trois décisions de justice définitives savoir :
- un jugement du tribunal d'instance de Nice du 13 février 2012 signifié aux consorts [Q] le 6 avril 2012 (certificat de non appel du 29 mai 2012)
- un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 16 août 2011
- un arrêt confirmatif du précédent de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 juin 2013
La LYONNAISE DE BANQUE a fait assigner ses débiteurs devant le juge de l'exécution pour l'orientation de la procédure en vente forcée, ces derniers opposant la compensation de plein droit s'opérant avec les sommes qui leur sont dues par la banque en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 avril 2014 revêtu de l'exécution provisoire condamnant cette dernière à leur payer la somme de 241'438,66 €.
Par le jugement sur incident dont appel du 15 janvier 2015 , le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a :
- constaté que les conditions de la mise en oeuvre des articles 1291 et 1990 du Code civil n'étaient pas réunies et rejeté les demandes de compensation et de nullité de la procédure de saisie immobilière
- rejeté la demande de validation de la créance totale de la LYONNAISE DE BANQUE
- rejeté les demandes de dommages-intérêts et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- renvoyé l'affaire à l'audience du 5 février 2015 pour orientation de la procédure.
Le juge de l'exécution a retenu :
- que l'exécution provisoire assortissant la créance des débiteurs envers la banque a été suspendue après que celle-ci ait été condamnée, par ordonnance de référé du premier président du 13 juin 2014, à consigner la somme de 250'000 € entre les mains de la CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, la créance ne revêtant plus le caractère d'exigibilité nécessaire au jeu de la compensation
- que la créance revendiquée par la banque n'est pas celle résultant des décisions de justice fondant la poursuite
Par deuxiéme jugement d'orientation dont appel du 5 mars 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a :
- validé , après régularisation, la créance de la LYONNAISE DE BANQUE sur M. [R] [Q] à la somme de 16'345,07 € outre intérêts et frais et sur les consorts [Q] à la somme de 62'922,68 € outre intérêts et frais
- ordonné la vente forcée sur la mise à prix de 50'000 €
- renvoyé l'affaire à l'audience d'adjudication du 4 juin 2015 à 9:00
- réserver les dépens
Le juge de l'exécution a retenu qu'il y avait lieu de valider la créance de la LYONNAISE DE BANQUE après régularisation et d'ordonner la vente forcée en l'absence de compromis de vente produit aux débats.
Les époux [Q] ont interjeté appel des deux décisions rendues par le juge de l'exécution du tribunal de Digne les bains .
Le 16 mars 2015 , les consorts [Q] ont déposé requête aux fins d'être autorisés à assigner à jour fixe.
Le 17 mars 2015 , il a été fait droit à leur demande , les assignations délivrées les 8 et 15 avril 2015 étant déposée au greffe le 27 avril 2015 contre récépissé.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 mai 2015 , les époux [Q] soutiennent l'infirmation du jugement du 15 janvier 2015 et l'annulation, sinon l'infirmation, du jugement du 5 mars 2015.
Ils sollicitent l'annulation du commandement du 5 mai 2014, le débouté des demandes de la LYONNAISE DE BANQUE, la radiation du commandement sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et la condamnation de la LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens et en paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts et celle de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [Q] font valoir :
- que le premier juge a méconnu les dispositions de l'article 1290 du Code civil qui conditionnent le jeu de la compensation à l'existence de créances seulement liquides et exigibles
- que leur créance sur la LYONNAISE DE BANQUE absorbe en totalité la créance de cette dernière banque à leur encontre, celle-ci se trouvant éteinte
- que l'ordonnance de référé du premier président du 13 juin 2014 autorisant la LYONNAISE DE BANQUE à consigner les sommes est indifférente dès lors que la compensation s'opère de plein droit à l'instant où les créances réciproques se trouvent exister à la fois, la compensation ayant opéré dès avant l'ordonnance ayant autorisé la consignation, soit dès le 14 avril 2014 , date du jugement revêtu de l'exécution provisoire
- que la LYONNAISE DE BANQUE n'était pas représentée par Me DAUMAS lors du jugement du 5 mars 2015, ce dernier avocat ayant , en effet, fait valoir ses droits à la retraite et ayant été omis du tableau des avocats, de [Localité 3] à la date du 31 décembre 2014
- qu'il s'ensuit que le jugement doit être annulé dans une matière où la représentation par avocat est obligatoire.
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Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 mai 2015, la LYONNAISE DE BANQUE sollicite la confirmation des jugements déférés, le débouté des demandes des époux [Q] et leur condamnation solidaire aux dépens et en paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La LYONNAISE DE BANQUE fait valoir :
- que la créance des époux [Q] n'est pas exigible puisque privée de son effet
d' exigibilité par l'ordonnance de référé du premier président, ne pouvant dès lors pas donner lieu à compensation
- qu'il appartenait aux époux [Q] de faire choix d'un nouvel avocat en remplacement de celui ayant fait valoir ses droits à la retraite, ces derniers ne pouvant se prévaloir de leur propre carence
- que les dispositions de l'article 117 du code de procédure civile ne concernent que l'assignation qui doit être délivrée par un avocat régulièrement constitué, la constitution d'un avocat aux intérêts du défendeur n'étant en aucun cas obligatoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 1290 du Code civil :
« La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives »
Par jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 avril 2014 assorti de l'exécution provisoire, la LYONNAISE DE BANQUE a été condamnée à verser aux époux [Q] la somme de 241'438,66 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts.
Cette décision a été signifiée à la LYONNAISE DE BANQUE le 7 mai 2015.
Cette dernière banque poursuit la vente sur saisie immobilière de biens appartenant aux consorts [Q] pour recouvrer la somme de 16'347,07 € contre M. [Q] et celle de 60'922,68 € contre les époux , en vertu de trois décisions passées en force de chose jugée des 13 février 2012,16 août 2011 et 27 juin 2013.
La compensation a lieu entre dettes réciproques, liquides et exigibles comme en dispose l'article 1291 du Code civil.
Or , à la date du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 avril 2014 revêtu de l'exécution provisoire, les consorts [Q] détenaient sur la LYONNAISE DE BANQUE une créance liquide et exigible absorbant en totalité celle d'un montant significativement plus faible de cette dernière banque à leur égard .
La compensation prévue à l'article 1290 du Code civil s'est ainsi opérée de plein droit à l'instant même où ces deux créances ont coexisté , celle des époux [Q] d'un montant de 241'438,66 € éteignant celle de la LYONNAISE DE BANQUE à leur encontre.
Toutefois, pour tenter de faire admettre que la créance des consorts [Q] aurait perdu le caractère d'exigibilité nécessaire au jeu de la compensation , la LYONNAISE DE BANQUE se prévaut de l'ordonnance de référé du premier président du 13 juin 2014 l'autorisant à consigner le montant de la condamnation prononcée au profit des époux [Q], ce fait privant le jugement du tribunal de grande instance de Nice de son caractère exécutoire.
Cependant et comme il a été précédemment rappelé , la compensation se réalise à l'instant même où les dettes coexistent et celle-ci est par conséquent intervenue le 10 avril 2015 à la date à laquelle a été prononcé le jugement du tribunal de grande instance de Nice .
Qui plus est, le premier président , saisi en référé pour arrêter l'exécution provisoire, d'un jugement, ne peut remettre en cause les paiements effectués antérieurement à sa propre décision en sorte que celle ci n'a pu rétroactivement remettre en cause une compensation qui présente tous les caractères d'un paiement.
Le jugement du 15 janvier 2015 sera, dans ces conditions, infirmé en toutes ses dispositions et le jugement du 5 mars 2015 , qui s'inscrit à sa suite, annulé car privé de tout objet .
Succombant, la LYONNAISE DE BANQUE sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et supportera les entiers dépens sans qu'il y ait cependant lieu d'envisager sa condamnation sous astreinte à procéder à la radiation du commandement ni à prononcer sa condamnation en dommages et intérêts, faute de préjudice démontré par les époux [Q].
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- infirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains du 15 janvier 2015 dont appel en toutes ses dispositions annule le jugement du 5 mars 2015 dont appel qui en est la suite et, statuant à nouveau :
- constate qu'à la date du 10 avril 2014, les époux [Q] disposaient d'une créance liquide et exigible à l'encontre de la société LYONNAISE DE BANQUE éteignant la créance de celle-ci à leur égard
- annule, en conséquence, le commandement de saisie immobilière du 5 mars 2014 délivré par la LYONNAISE DE BANQUE à l'encontre des consorts [Q]
- dit que la LYONNAISE DE BANQUE devra procéder, à ses frais, à la radiation du commandement auprès des services de la publicité foncière de [Localité 1]
- déboute les consorts [Q] de leur demande visant à assortir cette obligation d'une astreinte
- déboute les consorts [Q] de leur demande en dommages-intérêts
- déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes
- condamne la société LYONNAISE DE BANQUE à payer aux consorts [Q] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne la société LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,