COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2015
N°2015/416
Rôle N° 13/11640
SAS TERRE BLANCHE GOLF
C/
[I] [H] épouse [Y]
Grosse délivrée le :
à :
- Me Mehdi CAUSSANEL-HAJI, avocat au barreau de NICE
- Me Robert BEAUGRAND, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section Encadrement - en date du 28 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/156.
APPELANTE
SAS TERRE BLANCHE GOLF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Mehdi CAUSSANEL-HAJI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [I] [H] épouse [Y], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Robert BEAUGRAND, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2015 prorogé au 30 juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le30 Juin 2015
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans le délai légal et par déclaration écrite régulière en la forme reçue le 4 juin 2013 au greffe de la juridiction, la société SAS Terre blanche golf a relevé appel du jugement rendu le 28 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de Draguignan qui l'a condamnée à payer à son ancienne salariée Mme [I] [H] 7 392,62 € à titre d'indemnité de préavis et 739,26 € d'indemnité de congés payés y afférente, 68 404,56 € à titre dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et a débouté la salariée de ses autres demandes.
Selon ses écritures déposées le 23 avril 2015, visées par la greffière, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, la société Terre blanche golf demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions portant condamnations à son encontre et statuant à nouveau, débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, la condamner à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, Mme [H] demande au contraire à titre principal d'infirmer partiellement le jugement rendu et statuant à nouveau, déclarer nul son licenciement notifié le 17 juin 2011 pour être la conséquence de harcèlement moral de l'employeur, condamner la société Terre blanche golf à lui payer la somme mensuelle 2 859,19 € équivalente au montant de son salaire depuis le 17 juin 2011 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, 68 404,56 € à titre dommages-intérêts pour rupture abusive, 7 392,62 € à titre d'indemnité de préavis et 739,26 € d'indemnité de congés payés y afférente ; subsidiairement confirmer le jugement entrepris ; en tout cas condamner la société Terre blanche golf à lui payer 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE :
La société SAS Terre blanche management, devenue Terre blanche golf, qui exploite à [Localité 1] un hôtel restaurant de luxe avec golf et dont l'effectif du personnel était supérieur à cinquante salariés fin 2010, a embauché Mme [I] [H] suivant contrat écrit à partir du 10 juin 2002 à temps complet pour une durée indéterminée en qualité d'assistante administrative de direction, statut agent de maitrise, puis statut cadre à partir du 1er novembre 2009, moyennant dans le dernier état de sa collaboration un salaire mensuel brut moyen de 2 850,19 € pour 151,67 heures.
Mme [H] a été médicalement placée en arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle à partir du 21 septembre 2010, arrêt depuis successivement prolongé, et dans cet intervalle la salariée s'étant vue reconnaître le statut de travailleur handicapé par décision du 19 octobre 2010 de la Maison départementale des personnes handicapées du [Localité 1].
Sans avoir repris son activité, après convocation à un entretien préalable, elle a été licenciée par lettre du 17 juin 2011, et réglée de 7 214,74 € à titre d'indemnité légale de licenciement, aux motifs essentiels ' et qui fixent les limites du litige ' ci-après énoncés :
« (') vous assurez la fonction d'Assistante de direction qui consiste notamment à réaliser ou superviser la réalisation des inventaires, rédiger comptes rendus, notes d'information et autres correspondances, contrôler le budgétaire de fonctionnement du département, contrôler le processus d'achat (commande, livraison, facturation), assurer les tâches administratives (plannings, fiches de permanences ').
Malheureusement, le 21 Septembre 2010 vous avez fait l'objet d'un arrêt de travail initial pour maladie non professionnelle. (') votre état de santé a conduit votre médecin traitant à prolonger vos arrêts maladie.
Vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 21 Septembre 2010, soit depuis près de 9 mois.
(') Eu égard à l'importance stratégique et organisationnelle de votre poste, il nous est impossible de procéder à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant de la Société.
(') Dans ces conditions (') nous ne pouvons que vous notifier votre licenciement pour absence prolongée ayant causé une totale désorganisation du service et nécessitant de pourvoir à votre remplacement définitif, (') notification qui fera courir le délai de préavis de trois mois. ».
Sur la nullité alléguée du licenciement pour cause de harcèlement moral et les demandes y afférentes :
Mme [H] soutient qu'après avoir été élue déléguée du personnel en mai 2009, son employeur l'aurait harcelée moralement « en l'écartant de ses fonctions syndicales, (') en déplaçant arbitrairement et inopinément son bureau en août 2009 vers un local d'une saleté repoussante, (') en lui imposant arbitrairement le changement de ses horaires de travail, (') en lui faisant subir un isolement professionnel accompagné de persécutions et d'humiliations », ces agissements ayant abouti à sa mise en arrêt de travail pour cause de dépression nerveuse, puis à son licenciement pour ce motif et du fait de la durée de son absence.
Outre les pièces médicales la concernant qui établissent la réalité de ses troubles psychiques, elle produit les attestations de quatre autres anciens salariés de l'entreprise, Ms. [P] [U], [N] [T], [L] [Q], [E] [Z], venant confirmer ses dires.
Elle demande en conséquence de déclarer nul le licenciement dont elle a été l'objet sur le fondement de l'article L.1152-3 du Code du travail, avec les conséquences de droit y attachées.
Selon l'article L. 1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral de l'employeur à l'encontre du salarié suppose du premier des agissements répétés et illégitimes qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale.
En l'espèce la société Terre blanche golf objecte et justifie de ce que la cause médicale objectivement constatée de la dépression nerveuse de l'intéressée est « réactionnelle » à l'apparition courant 2010 d'une « surdité bilatérale, accompagnée de vertiges, acouphènes, hyperacousie » relevées par ses médecins traitants les docteurs [J] et [V] (pièces de Mme [H] n° 23 et 24) ; que la salariée n'a pas été « écartée » de ses fonctions de déléguée du personnel mais en a démissionné comme elle le reconnait dans sa lettre à la Dirrecte du [Localité 1] du 25 juillet 2010 (pièce de Mme [H] n° 22) ; que son changement de bureau s'explique rationnellement par son affectation en février 2010 au service de maintenance et non plus à la direction administrative et financière ' et le bureau nouvellement attribué étant nettoyé régulièrement à l'instar de l'ensemble du bâtiment ; que ses horaires de travail ont été aménagés en cohérence avec certaines de ses attributions (contrôle et suivi du pointage du personnel de maintenance, contrôle des stocks) et en tenant compte ' comme pour l'ensemble des salariés du service de maintenance ' du surcroit d'activité matinale de l'entreprise en période estivale ; que les attestations d'anciens salariés de l'entreprise qu'elle verse au débat émanent de personnes en litige avec elle et dont la sincérité du témoignage est insuffisante.
La société Terre blanche golf observe encore que dans le cadre des visites médicales périodiques des salariés, Mme [H] avait été déclarée le 31 mai 2010 apte sans restriction à son poste de travail par le médecin du travail, tandis que les deux délégués du personnel de l'entreprise Mme [R] et M. [B], attestent le 22 août 2011 n'avoir « reçu à ce jour aucune doléance relative au harcèlement moral ou sexuel ».
S'agissant enfin des brimades alléguées, il n'est justifié que d'un unique avertissement précis et circonstancié notifié à la salariée le 21 septembre 2010 et relatif à l'inexécution d'une partie des tâches qui lui étaient confiées, griefs aussitôt contestés par l'intéressée, par ailleurs médicalement placée le jour même en arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle.
Il ressort de ces éléments que les conditions du harcèlement moral prévues à l'article L. 1152-1 susdit ne sont pas réunies en l'espèce.
Mme [H] ne peut en conséquence qu'être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement sur le fondement de l'article L. 1152-3 du Code du travail, ainsi que de ses demandes indemnitaires y afférentes.
Sur les autres demandes :
Selon son contrat de travail, en qualité d'Assistante Administrative, Madame [H] était notamment chargée de :
« Contrôler et suivre le budget de fonctionnement greenkeeping, ainsi que les investissements,
Contrôler et suivre le pointage d'entrée/sortie de l'équipe,
Contrôler et suivre les stocks,
Contrôler et suivre les tenues de travail de l'ensemble de l'équipe, réaliser tous les inventaires greenkeeping,
Préparer les bons de commande,
Rédiger les comptes rendus, courriers, emails ' ,
Rédiger les fiches traitements, fertilisation, travaux spécifiques, contrôler et suivre les consommations d'eau d'arrosage, contrôler et suivre les compteurs électriques, arrosage,
Contrôler et suivre le parc matériel: date d'achat, vidanges, entretiens réalisés à
l'année,
Contrôler et gérer les fournitures bureautiques, locaux, eau
Rédiger les plannings greenkeeping, ainsi que les fiches de permanence week-end, Réceptionner et valider les livraisons en collaboration avec le ou les chefs de service,
Effectuer le classement de toute la partie administrative. ».
Ces fonctions par leur nature, leur technicité, l'expérience requise pour les assumer efficacement, ne pouvaient être confiées à un salarié seulement recruté à titre temporaire, ce que l'employeur justifie pourtant avoir loyalement tenté par l'affectation momentanée à l'exécution de ces tâches d'une autre salariée, Mme [G], assistante administrative et comptable.
La société Terre blanche golf produit l'attestation précise et circonstanciée de Mme [A], assistante du directeur administratif et financier, démontrant le rôle crucial de l'emploi tenu par Mme [H] dans le bon fonctionnement de l'entreprise.
Il s'ensuit qu'après plus de huit mois consécutifs d'absence de la salariée, la nécessité était devenue impérieuse pour l'employeur de pourvoir à son remplacement de manière pérenne ce qui est advenu par le transfert suivant contrat du 1er avril 2011 d'une salariée de la société Terre blanche golf (Mme [O] [R]) sur le poste de Mme [H], et l'embauche pour une durée indéterminée d'une autre personne pour pourvoir le poste de Mme [R]).
Dans ces conditions le licenciement de Mme [H], tiré non pas de son état de santé, mais de la grave désorganisation de l'entreprise engendrée par son absence prolongée et la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif, est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé de ce chef et Mme [H] déboutée tant de sa demande dommages-intérêts pour rupture abusive que de celle tendant au paiement d'une indemnité de préavis, eu égard à son impossibilité de l'exécuter résultant de sa maladie.
En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est enfin équitable d'allouer 800 € à la société appelante au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe ;
Confirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [I] [H] de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement sur le fondement de l'article L. 1152-3 du Code du travail, ainsi que de ses demandes indemnitaires y afférentes ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit Mme [I] [H] mal fondée en toutes ses autres demandes et l'en déboute ;
Y ajoutant,
La condamne à payer 800 € à la société Terre blanche golf au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT