COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2015
N°2015/534
Rôle N° 14/01810
URSSAF [Localité 2]
C/
SARL LES DEMEURES DU CHATEAU
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
URSSAF [Localité 2]
Me Benoît CITEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 16 Décembre 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21007403.
APPELANTE
URSSAF [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représenté par Mme [K] [Z] (Inspectrice Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
SARL LES DEMEURES DU CHATEAU, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Benoît CITEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gérard FORET-DODELIN, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2015
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 10 janvier 2008, la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] notifiait à la gérante de la Société LES DEMEURES DU CHATEAU qu'elle n'ouvrait pas droit au versement des indemnités journalières arrêt maladie du chef desquelles la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU avait cotisé à son profit.
La SARL LES DEMEURES DU CHATEAU sollicitait en conséquence la restitution du montant des cotisations versées indûment par elle.
Le 21 juillet 2010, la Commission de recours amiable de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales faisait droit à la demande de remboursement de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU dans la limite de la prescription triennale prévue à l'article L.243-6 du Code de la sécurité sociale et accordait à celle-ci le remboursement de la somme de 66.167 euros au titre des années 2005, 2006 et 2007.
La SARL LES DEMEURES DU CHATEAU saisissait le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône, lequel par jugement intervenu le 16 décembre 2013 présentement déféré a :
- accueilli le recours de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU,
- condamné l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'AllocationsFamiliales des [Localité 1] à lui payer la somme de 154.041 euros avec intérêts à compter du 15 mai 2008, outre la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces intérêts se capitaliseront suivant les modalités de l'article 1154 du code civil,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-ordonné l'exécution provisoire de sa décision.
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] a relevé appel de cette décision.
Devant la Cour, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] sollicite aux termes des conclusions qu'elle a fait déposer et que son représentant a développées oralement lors de l'audience, l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à la gérante de la société des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées au-delà de la limite de la prescription triennale soit pour la période s'étendant de 1997 à 2004 et reconventionnellement de condamner la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU à lui rembourser le montant des cotisations versées au titre des années 1997 à 2004 soit la somme de 87.874 euros ainsi que celle de 12.067,58 euros versée par elle au titre des intérêts légaux, outre versement de la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL LES DEMEURES DU CHATEAU a fait déposer par son Conseil des conclusions que celui-ci a soutenues oralement lors de l'audience pour solliciter de voir :
-constater que les cotisations et contributions sociales versées par la société l'ont été en pure perte depuis 1998,
-constater que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales a été associée à la création de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU par la transmission des statuts et du contrat de travail de Madame [B],
-constater que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales est restée silencieuse alors qu'elle avait une connaissance parfaite du caractère indu des cotisations,
-dire et juger que le silence de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales sur le caractère non dû des cotisations caractérise une situation d'ignorance légitime de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU,
-dire et juger que la prescription de l'article L.243-6 du Code de la sécurité sociale n'a pu débuter avant le 7 janvier 2010,
-confirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en tant qu'il a ordonné le remboursement des cotisations indûment versées à hauteur de 154.041 euros augmenté des intérêts légaux et de leur capitalisation,
-condamner l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales au paiement à son profit de la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au versement des cotisations non dues,
-dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter du 15 mai 2008,
-ordonner la capitalisation des intérêts.
Subsidiairement, la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU demande de voir :
-constater que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales remplit une mission de service public,
-constater qu'en vertu de cette mission, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales doit délivrer une information pertinente aux cotisants,
-constater que cette information ne lui a jamais été délivrée,
-dire et juger que ce silence caractérise le manque de vigilance et la faute de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales,
-condamner l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales à rembourser les cotisations indûment versées à hauteur de 154.041 euros,
-condamner l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,
-dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter du 15 mai 2008,
-ordonner la capitalisation des intérêts,
-condamner en toute hypothèse l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales au paiement à son profit de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour s'en rapporte pour le surplus des moyens et des prétentions des parties au contenu de leurs écritures respectives dont les dispositifs ont été décrits ci-dessus.
La Mission Nationale de Contrôle et d'Audit des Organismes de Sécurité Sociale régulièrement convoquée ne comparaît pas.
ET SUR CE :
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L.243-6 du Code de la sécurité sociale « la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle ces cotisations sont acquittées » ;
Que la jurisprudence considère de manière constante que rien ne permet de fixer le point de départ du délai de prescription à une date différente, même si l'employeur ignorait à ce moment le motif de contestation qui s'offrait à lui ;
Attendu que pour solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales à lui restituer la somme de 154.041 euros, le Conseil de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU entend se prévaloir de la jurisprudence en date du 12 février 2015 aux termes de laquelle la Cour de cassation a considéré que lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ;
Attendu que pour considérer que cette jurisprudence n'est pas applicable à l'espèce, la Cour observe d'une part que cette décision ne concerne pas les cotisations sociales dues par l'employeur au titre de l'assujettissement au régime général, mais seulement une demande de remboursement de cotisations indument versées dans le cadre d'une contestation par l'employeur auprès de la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail de la tarification et de l'application du taux majoré résultant d'un accident du travail et d'autre part que l'assujettissement à un régime de sécurité sociale étant obligatoire, si l'assujettissement au régime général est remis en cause, les cotisations dues de ce chef par la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU devront nécessairement être versées au régime des non-salariés dans les limites de leur exigibilité ;
Qu'en outre en l'espèce, le droit à restitution ne résulte pas d'une décision administrative mais de l'erreur commise initialement par la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU quant au régime de cotisation du chef duquel relevait sa gérante ;
Qu'il est établi en effet que le caractère indu de la cotisation n'a été découvert que le 10 janvier 2008, date à laquelle la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] a rejeté la demande en paiement des indemnités journalières de la gérante de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU ;
Que dès le 15 mai 2008, la Conseil de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU mettait en demeure l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] de lui restituer la totalité des cotisations indûment perçues par elle ;
Que c'est dès lors à bon droit et sur la base de la prescription triennale qui résulte de l'application de l'article L.243-6 du Code de la sécurité sociale que la Commission de recours amiable a procédé au dégrèvement de la somme de 66.167 euros correspondant aux cotisations versées indûment pour les exercices 2005, 2006 et 2007 et opposé la prescription au surplus de la réclamation de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU ;
Que le jugement sera en conséquence réformé et confirmation sera effectuée de la décision de la Commission de recours amiable du 21 juillet 2010 ;
Attendu que le montant de la condamnation sollicitée par l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] à l'encontre de la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU, soit la somme de 87.874 euros en principal et celle de 12.067,58 euros au titre des intérêts au taux légal dont était assorti le jugement déféré à la faveur de l'exécution provisoire ordonnée, n'est pas contesté ;
Qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement de l'appelante ;
Sur les demandes de dommages-intérêts :
Attendu que le devoir d'information de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales découlant de l'article R.112-2 du Code de la sécurité sociale ne fait pas peser sur cet organisme l'obligation d'aviser individuellement tous les cotisants susceptibles de remplir les conditions d'obtention d'un allègement de cotisations sociales ;
Qu'il n'appartient en effet pas à cet organisme de solliciter préventivement le cotisant en vue de lui délivrer une information personnalisée, mais de répondre aux demandes qui lui sont soumises, ce qu'a fait l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales en confirmant à la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU la nature et l'étendue de ses droits ;
Que la Cour observe au demeurant que c'est la Caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], organisme indépendant de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] qui a considéré que Madame [B] n'était pas éligible au bénéfice des indemnités journalières de sécurité sociale arrêt-maladie du chef desquelles la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU cotisait à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] ;
Que dès lors aucun comportement fautif ne peut être caractérisé à l'encontre de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales ;
Que la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU sera en conséquence déboutée de ses demande de dommages-intérêts et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant publiquement contradictoirement en matière de sécurité sociale, par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Déclare l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] recevable et fondée en son appel,
Infirme le jugement déféré,
Confirme la décision prononcée par la Commission de recours amiable le 21 juillet 2010,
Condamne la SARL LES DEMEURES DU CHATEAU à rembourser à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales des [Localité 1] le montant des cotisations versées au titre des années 1997 à 2004 soit la somme de 87.874 euros outre celle de 12.067,58 euros au titre des intérêts,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT