COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 OCTOBRE 2015
N° 2015/
Rôle N° 14/05212
[H] [Y]
[W] [O] épouse [Y]
C/
SA CORTAL CONSORTS
Grosse délivrée
le :
à :
SCP DAVAL GUEDJ
Me JURIENS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/3811.
APPELANTS
Monsieur [H] [Y]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (TUNISIE) (99), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [W] [O] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 1] (TUN), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA CORTAL CONSORTS,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne DUBOIS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine DURAND, Président suppléant
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2015,
Signé par Madame Catherine DURAND, Président suppléant et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
le 7/09/1999, [H] [Y] et [W] [O] épouse [Y] ont chacun ouvert auprès de la SA CORTAL CONSORTS un compte titres, tous deux clôturés par la banque le 23/05/2000.
Un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 4/09/2003, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22/09/2005, les a condamnés à régler les soldes débiteurs de leurs comptes.
Par acte du 26/02/2010, les consorts [Y] ont fait assigner la SA Cortal Consorts devant le tribunal de grande instance de Marseille pour la voir condamner, avec exécution provisoire, au paiement des sommes de :
50.000 € pour rupture abusive de contrat,
150.000 € pour manquement à son obligation de conseil,
478.000 € pour manquements à ses obligations contractuelles,
15.000 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils ont essentiellement soutenu que le 1er mars 2000, leur banque leur a refusé sans raison d'acheter de titres de France Telecom et a donc manqué à ses obligations contractuelles et de conseil et qu'elle a ensuite résilié sans motif leur contrat et vendu leur portefeuille à une période défavorable.
Par jugement du 23/01/2012, la juridiction marseillaise a déclaré recevable mais non fondée leur action en responsabilité et les a condamnés au paiement des sommes de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Elle a essentiellement retenu que :
=$gt; les opérations de février 2000 ont bien été portées sur leurs comptes et que ceux-ci présentaient donc bien un solde débiteur au 1/03/2000,
=$gt; l'action France Telecom ayant connu une baisse brutale dès mars 2000 après une très forte hausse, l'achat par les demandeurs des titres à leur plus haute valeur aurait entraîné des pertes inévitables compte tenu de leur baisse immédiate de sorte qu'aucun préjudice n'est caractérisé,
=$gt; le contrat ne prévoyant aucun délai de préavis et la banque ayant attendu plus de deux mois avant de procéder à la clôture des comptes, la rupture des relations contractuelles n'est donc pas abusive,
=$gt; le contrat prévoit que le compte ne peut pas fonctionner de façon débitrice et qu'à défaut de régularisation dans un délai d'un mois le client donne mandat à la banque de procéder à la vente de ses placement à hauteur des sommes dues de sorte qu'au vu de la position débitrice des comptes au 11/05/2000 et de l'absence de régularisation, la défenderesse n'a pas commis de manquement à son devoir de conseil.
Les consorts [Y] ont interjeté appel par acte du 12/03/2012.
Un arrêt du 12/12/2013 a radié l'affaire.
Celle-ci a été réenrôlée le 5/03/2014.
Par ordonnance d'incident du 2/10/2014, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables en application de l'article 909 du Code de procédure civile les conclusions déposées et notifiées le 25/10/2013 par l'intimée et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité de procédure de 800 €.
Dans leurs dernières écritures déposées et notifiées le 20/03/2014 , les appelants prient la cour de :
'réformer la décision du 23 janvier 2012,
'dire et juger que la Banque CORTAL a manqué à ses obligations contractuelles et à son obligation d'information d'une manière fautive dans ses relations avec eux,
'dire et juger que cette attitude fautive a engendré un préjudice indemnisable à leur détriment,
'condamner dans ces conditions l'intimée à leur payer les sommes de :
'150.000 € pour manquement a son obligation de conseil,
'478.000 € pour manquement a ses obligations contractuelles,
'50.000 € pour rupture abusive de contrat,
'15.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
'la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Hervé Cohen, Laurent Cohen Et Paul Guedj, avocats, sur son affirmation de droit.
'
La SA CORTAL CONSORTS a déposé et notifié des écritures le 17/08/2015.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19/08/2015.
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SUR CE :
il sera liminairement observé que par ordonnance d'incident du 2/10/2014, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables en application de l'article 909 du Code de procédure civile les conclusions déposées et notifiées le 25/10/2013 par l'intimée.
Les écritures déposées et notifiées par cette dernière le 17/08/2015 sont subséquemment inopérantes en application de l'article 909 précité et doivent donc être écartées.
sur le refus de passer l'ordre :
les appelants excipent d'une faute de la banque qui a refusé d'exécuter un ordre téléphonique d'acquérir des titres de France Télécom le 1/03/2000 au motif que leurs comptes étaient débiteurs alors qu'une revente rapide des titres aurait permis de dégager une plus value importante.
Ils soutiennent que l'enregistrement des conversations téléphoniques démontre qu'aucune explication du compte débiteur n'a été donnée et que leur demande subséquente de vendre l'ensemble de leur portefeuille pour pouvoir acheter les actions France Télécom a été refusée sans justification.
Ils ajoutent que l'intimée ne démontre pas qu'après fusion (telle que prévue par l'article 3 du contrat), leurs comptes présentaient un solde débiteur puisqu'au contraire, au 2/03/2000, la synthèse de leurs comptes montrait une position créditrice.
Ils en déduisent un manquement de la banque à ses obligations d'information et de conseil.
Il ressort cependant de l'enregistrement du premier appel téléphonique de [H] [Y] le 1/03/2000 à 9h07 que l'opérateur n'a pas refusé de passer les ordres d'achat des titres France Télécom sans motif mais s'est vu opposer un rejet en raison du débit de 87.000 F du compte de l'intéressé qui ne pouvait être comblé par son Codevi de 28.000 F. Ce solde débiteur a été expliqué par le fait que le compte a été débité et non crédité de la liquidation de février.
L'enregistrement du second appel téléphonique de l'appelant le 1/03/2000 à 10h19 pour le compte cette fois-ci de [W] [Y] établit que M. [Y] qui s'est vu répondre que les achats des titres France Télécom se faisaient par mille, a voulu parler à un autre opérateur sans fournir plus d'explication que parce qu'il « en avait envie ».
Lors de son troisième appel à 11h13, il a exigé de parler à la direction « bourse » sans vouloir donner son numéro de dossier en expliquant qu'il voulait passer « un très gros ordre » nécessitant de vendre pour acheter et qu'il s'était heurté à « une incompréhension et une incompétence totale des personnages qu'il a eus ».
Un responsable lui a répondu qu'il ne disposait pas de liquidité sur ce compte en position débitrice de 16.807 € suite à la liquidation de février. Après lui avoir détaillé les titres de son portefeuille, il lui a confirmé l'impossibilité d'acheter des titres pour 50.000 € au regard du débit insusceptible d'être compensé en l'absence de Codevi souscrit pour ce compte.
L'enregistrement d'une conversation ultérieure du même jour entre opérateurs de la banque Cortal corrobore le fait que la passation de l'ordre d'achat des titres était impossible compte tenu du débit de 110.000 F.
Or, selon l'article 2.3.2 des dispositions générales, le compte ne pourra fonctionner de façon débitrice et tous les ordres de souscriptions ne sont exécutés qu'à hauteur des sommes disponibles.
A cet égard, force est de constater que les appelants, à qui incombe la charge de la preuve, soutiennent que leurs comptes étaient créditeurs le 1/03/2000 mais se contentent de procéder par affirmations sans prouver leurs assertions.
En effet, les seuls documents qu'ils versent aux débats sont des photocopies de synthèses de leurs portefeuilles estimés le lendemain, soit le 2/03/2000. Aucune pièce n 'est produite caractérisant un solde créditeur la veille, quand leurs demandes d'acquisition ont été rejetées.
Enfin, l'article 3 des dispositions générales qui prévoit que l'ensemble des comptes du client sera considéré comme des sous ensembles d'un même compte, bénéficiant d'une simple autonomie comptable et que leur soldes pourront être fusionnés à tout moment pour faire ressortir un solde unique, ne permet pas la fusion de comptes de deux personnes même d'une même famille comme le revendiquent [W] et [H] [Y].
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'en refusant d'exécuter les ordres d'achat des titres France Télecom du fait de la position débitrice des comptes de ses clients et en expliquant ce motif lors des conversations téléphoniques tenues entre [H] [Y] et ses opérateurs, la SA Cortal Consorts n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ni à son obligation d'information et de conseil, susceptible d'entraîner sa responsabilité.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé de ce chef.
sur la rupture abusive du contrat :
Les consorts [Y] considèrent que les lettres de clôture de compte envoyées par l'intimée les 2 et 6/03/2000 les ont empêchés d'acheter des titres et les ont placés dans l'impossibilité de trouver un successeur, aucune société de bourse n'acceptant un client résilié.
Ils ajoutent que ces courriers précisent que s'ils n'adressent pas les coordonnées de leur nouvel établissement bancaire ou financier le 15 avril 2000, leur portefeuille serait vendu à cette date, alors que la banque n'a procédé aux ventes des titres qu'ultérieurement à un moment où le cours boursier était encore plus défavorable.
Toutefois, aux termes de l'article 8 des dispositions générales, le contrat est conclu pour une durée indéterminée et comme tel permet au client ainsi qu'à la banque, de plein droit et à tout moment, de mettre fin à la convention.
Les appelants ne peuvent donc reprocher à la SA Cortal Consorts de ne pas avoir eu « convenance à conserver la gestion » de leurs avoirs compte tenu des écarts de comportement répétés de [H] [Y] envers ses différents services.
Ils le peuvent d'autant moins que, comme l'a à juste titre souligné le premier juge, la banque leur a accordé un délai jusqu'au 15/04/2000 pour communiquer leurs nouvelles coordonnées bancaires, leur précisant qu'à défaut de réponse à cette date, elle procéderait à la vente des titres et à la clôture des comptes.
Or, non seulement les consorts [Y] n'ont pas fourni les renseignements demandés mais en outre, le 11/05/2000, leurs comptes ont présenté une couverture négative à hauteur respectivement de 443.499 F pour celui de [W] [Y] et 241.228 F pour celui de [H] [Y], sans régularisation de leur part.
D'autre part, les lettres de clôture de mars 2000 ont mentionné le 15/04/2000 comme date butoir de transmission des coordonnées bancaires et non comme étant celle de la vente des titres, celle-ci pouvant intervenir à compter de cette date.
Les mises en demeure du 11/05/2000 rappelant les soldes débiteurs ont accordé aux appelants un délai supplémentaire jusqu'au 23/05/2000 pour solder leurs engagements sous peine de vente de l'ensemble de leurs positions sur le règlement mensuel à cette date et de gel de leurs comptes dans l'attente des RIB demandés.
Elles respectent en cela l'article 10.1.3 des dispositions contractuelles permettant à la banque en cas de défaillance dans l'ajustement ou la reconstitution de la couverture, de revendre les titres sans mise en demeure préalable.
Le premier juge a donc à bon droit retenu qu'un préavis suffisant a été accordé par la SA Cortal Consorts à ses clients et que la résiliation des contrats ne revêt aucun caractère abusif.
Les appelants seront donc déboutés de l'ensemble de leurs demandes et la décision attaquée sera intégralement confirmée.
Les consorts [Y] qui succombent, supporteront les dépens de l'appel et seront subséquemment déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
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PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,
ECARTE les conclusions de la SA Cortal Consorts déposées et notifiées le 17/08/2015,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
CONDAMNE in solidum [H] et [W] [Y] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle s'agissant de [H] [Y],
LES DEBOUTE de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,
le greffierle président