COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 22 OCTOBRE 2015
N° 2015/728
L. L.G.
Rôle N° 14/10751
[R] [C] épouse [U]
[M] [U]
C/
COMMUNE TENDE
Grosse délivrée
le :
à :
Maître JUSTON
Maître DERSY
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Nice en date du 13 mai 2014 enregistrée au répertoire général sous le N° 13/01831.
APPELANTS :
Madame [R] [C] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [M] [U]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentés par Maître Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
COMMUNE DE TENDE,
prise en la personne de son maire,
dont le siège est [Adresse 1]
représentée par Maître Benjamin DERSY, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Madame Danielle DEMONT, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Danielle DEMONT, conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 octobre 2015, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 22 octobre 2015.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2015.
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Par un arrêt avant dire droit du 11 juin 2015, auquel il convient de se référer pour l'exposé de la procédure et des prétentions des parties, rendu sur un appel formé par M. et Mme [U] contre une ordonnance rendue le 13 mai 2014, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice dans un litige les opposant à la commune de Tende, la présente cour a :
- ordonné la réouverture des débats,
- ordonné à M. et Mme [U] de produire les assignations introductives d'instance et leurs conclusions de première instance,
- enjoint aux parties de conclure sur la recevabilité de l'exception de nullité soulevée par les appelants, et renvoyé les parties à l'audience du 14 septembre 2015.
Par conclusions du 3 septembre 2015, la commune de Tende a conclu à l'irrecevabilité des exceptions de nullité présentées par les époux [U], et pour le reste a repris ses demandes antérieures tendant à la confirmation de la décision, qui avait condamné les époux [U] à déposer la barrière placée à l'entrée de la parcelle BM [Cadastre 3], sous atreinte de 100€ par jour de retard passé un délai de trois jours à compter de la signification de la décision, sauf à porter le montant de l'astreinte à la somme de 500 euros par jour de retard.
Par leurs écritures du 9 septembre 2015, M. et Mme [U] ont demandé à la cour de dire l'exception de procédure soulevée par les concluants recevable et de déclarer irrecevables les conclusions du 10 août 2015 et du 3 septembre 2015 déposées par le commune de Tende. Ils fondent cette irrecevabilité sur le fait que l'arrêt avant dire droit avait limité la demande d'explication à la question de la recevabilité de l'exception de nullité de l'assignation, ce qui interdisait aux parties de conclure sur tout autre point, en l'absence de révocation de l'ordonnance de clôture.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure :
En application des articles 74 et 112 du code de procédure civile, l'exception de nullité de l'assignation pour vice de forme doit être proposée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Elle ne peut donc être invoquée pour la première fois en cause d'appel.
Les irrégularités invoquées par les appelants relatives à l'acte introductif d'instance portent sur la mention de leur adresse et sur l'identité de Mme [U]. Ils invoquent donc des vices de forme de l'acte, qui devaient, à peine d'irrecevabilité de l'exception, être soulevés in limine litis.
Il n'est pas soutenu que ces exceptions aient été invoquées en première instance et la production des conclusions déposées devant le juge des référés confirme qu'elles ne l'ont pas été. Le moyen pris de la nullité de l'assignation est donc irrecevable.
Sur le fond :
En premier lieu, il convient de noter que lorsque par une première décision la cour rouvre les débats pour permettre aux parties de conclure sur une question précisée, les parties ne peuvent, par application des articles 444 et 445 du code de procédure civile, que conclure sur cette question.
Il sera donc statué au vu des conclusions qui avaient été déposées par les parties avant l'arrêt avant dire droit soit, pour les époux [U] les conclusions du 9 avril 2015 et pour la commune celles du 10 octobre 2014.
* Sur la demande de nullité de l'ordonnance attaquée :
Il est soutenu par les appelants que l'ordonnance attaquée serait nulle en raison des mêmes irrégularités que celles ayant affecté l'assignation, à savoir celle affectant leur adresse et celle concernant le nom de Mme [C], mentionnée comme 'Mme [R] [V] [C]' alors qu'il s'agit de 'Mme [R] [C] épouse [U]'.
Cependant, si l'article 454 du code de procédure civile impose que le jugement mentionne le nom des parties ainsi que leur domicile, ces mentions ne sont pas prévues à peine de nullité de la décision. Par ailleurs, en l'absence de tout doute sur la partie concernée par l'instance et étant observé que le nom d'épouse '[V]' figure sur nombre des pièces produites par les appelants pour désigner Mme [U], dont l'acte de vente du bien dont ils sont propriétaires, l'éventuelle irrégularité concernant son nom d'épouse constitue, non un faux en écritures publiques, mais une erreur matérielle qu'il appartient à la cour d'appel, le cas échéant, de réparer. Cependant, Mme [C] ne justifiant pas de son identité exacte par la production d'actes de l'état civil, la date à laquelle elle a perdu l'usage du nom d'[V] n'est pas connue de sorte qu'il n'y a pas lieu à rectification.
* Sur la nullité de la signification de l'ordonnance :
Cette nullité est invoquée au motif que la véritable adresse des destinataires a été mentionnée de manière manuscrite sur l'acte de signification et que l'acte était délivré à Mme [U] alors que c'était une autre personne qui avait été assignée.
En premier lieu, les appelants ne tirent aucune conséquence juridique claire de l'éventuelle irrégularité invoquée.
En second lieu, aucune irrégularité ne résulte du fait que l'adresse dactylographiée ait été corrigée de façon manuscrite sur l'acte de signification, dès lors que c'est bien à cette dernière adresse, qui est exacte, que la tentative de signification a été faite. Par ailleurs, la signification a été faite à 'Mme [U]', de sorte que cet acte n'est affecté d'aucune irrégularité en ce qui concerne l'identité de la destinataire, peu important que la décision notifiée soit affectée d'une erreur matérielle concernant le nom d'épouse de cette partie.
La signification est donc régulière.
* Sur le fond du référé :
Il résulte des pièces produites que M. et Mme [U], qui exploitent un hotel au [Adresse 2], auquel ils accédaient par une autre voie, ont obtenu de la commune (pièces 2 et 5 produites par la commune) le 30 mars 1999 l'autorisation d'emprunter un chemin longeant le vallon de Castagne pour rejoindre leur fonds et d'effectuer à leurs frais des travaux pour y permettre le passage de véhicules. Leur fonds ne se situe pas le long de ce chemin, mais les époux [U] avaient obtenu, d'un riverain de ce chemin, un droit de passage pour accéder à leur propre parcelle. L'autorisation donnée par la commune précisait que 'ces travaux n'affecteront pas la propriété du chemin qui restera communal, ni les droits de passage qui s'y rattachent s'agissant d'un chemin public inaliénable et sur lequel aucune servitude de passage ne peut être consentie'.
M. et Mme [U] ayant effectué les travaux, ils ont sollicité le 17 juillet 2001 de la commune, l'autorisation de poser sur le chemin des arceaux afin d'interdire l'accès 'aux véhicules non autorisés'. Cette lettre ajoutait 'en effet, cette partie communale débouche à des propriété privées, rendant tout stationnement impossible'. Malgré le refus de la commune (pièce 7), les époux [U] ont posé deux arceaux empêchant tout véhicule automobile de passer. Selon le Garde champêtre de la commune (pièce 13), l'un se situe à cheval sur le vallon entre les parcelles [Cadastre 1] (appartenant à M. [D]) et la parcelle [Cadastre 3] (propriété de la commune), bloquant l'accès à la partie haute de la parcelle de M. [D] et celui à une parcelle située plus avant dans le vallon, l'autre est situé sur la parcelle [Cadastre 3], interdisant l'accès à deux propriétés ([X] et [P]) et empêchant l'accès en voiture aux capatages d'eau potable qui desservent l'agglomération de [Adresse 2].
Contrairement à ce que soutiennent les époux [U], la commune établit, par rapprochement des pièces qu'elle produit (relevé de propriété - pièce 1, etrait cadastral, pièce 22 et plan de situation pièce 13), qu'elle est propriétaire notamment des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], qui longent le chemin litigieux, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par les pièces produites par les appelants.
Au vu de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu de déterminer si le chemin sur lequel ces barrières ont été installées constitue un chemin communal ou un chemin d'exploitation ou si l'une des barrières est implantée sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant à la commune, il apparaît à l'évidence que les époux [U] qui ne sont ni propriétaires ni riverains de ce chemin ne disposent d'aucun droit à interdire l'accès à une partie de celui-ci. Ils n'ont pas davantage obtenu d'autorisation pour procéder à la pose de barrières.
Ces seules constatations conduisent à considérer que l'implantation de la barrière interdisant ou limitant l'accès à la parcelle [Cadastre 3] constitue un trouble manifestement illicite dont la commune est en droit d'obtenir la cessation, par sa suppression sous astreinte, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, alinéa 1er, du code de procédure civile.
Le fait que la commune pourrait continuer à accéder à la parcelle [Cadastre 3] à pied ou par une autre voie, ou la circonstance qu'aucun autre riverain du chemin ne se soit plaint d'une entrave à son droit d'accès ou à une violation de son droit de propriété est sans conséquence sur l'existence de ce trouble manifestement illicite. Par ailleurs, le constat d'huissier de justice produit par les époux [U] (pièce 4), dressé le 6 février 2012, ne permet pas de porter une autre appréciation sur le litige. En effet, cet acte, au demeurant produit en photocopie et comportant des photographies illisibles, se borne à décrire les lieux et notamment l'état du chemin en cause tel qu'aménagé par les appelants, et à reproduire les déclarations de ceux-ci.
La décision du juge des référés sera donc confirmée.
La demande tendant à voir porter le montant de l'astreinte à 500 euros par jour de retard sera rejetée en l'absence de production par la commune d'éléments de preuve concernant la résistance de M. et Mme [U] à exécuter l'obligation fixée par le premier juge.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement :
M. et Mme [U] sollicitent reconventionnellement la condamnation de la commune à leur verser une provision correspondant à la moitié du coût des travaux qu'ils ont réalisés, en se fondant sur l'article L. 162-2 du code rural.
Il y a lieu d'observer qu'ils se fondent ainsi sur un article relatif aux chemins d'exploitation, alors qu'ils contestent par ailleurs que la voie en cause puisse être qualifiée de chemin d'exploitation. Par ailleurs, les pièces au dossier ne permettent pas au juge des référés, juge de l'évidence, de s'assurer de la nature juridique de ce chemin. Au demeurant, quand bien même il serait considéré que le chemin est un chemin d'exploitation, il sera relevé que les dispositions de l'article L. 162-2 du code rural ne concernent que 'les propriétaires dont les chemins et sentiers desservent les fonds'. Or, le fonds de M. et Mme [U] n'est pas desservi par le chemin en cause, ceux-ci étant seulement bénéficiaires d'une servitude de passage sur un fonds riverain.
Enfin, il convient de relever que l'autorisation de faire les travaux obtenue en 1999 précisait que ceux-ci seraient réalisés aux frais des requérants.
Il existe donc une contestation sérieuse sur le droit de créance des époux [U], interdisant au juge des référés de leur accorder une provision sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre la commune :
L'intention de nuire ou l'abus de droit de la commune n'est pas établie par les pièces produites par les appelants, étant relevé que le droit de celle-ci est reconnu par la présente décision. Les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'amende civile seront donc rejetées.
Sur les demandes annexes :
Les appelants succombant en leur appel, ils seront condamnés aux dépens de cette instance et à payer à la commune la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Vu l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2015,
- Déclare irrecevable l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance,
- Rejette les demandes de nullité de l'ordonnance et de la signification,
- Confirme l'ordonnance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Rejette la demande de dommages et intérêts et d'amende civile présentée par M. et Mme [U],
- Condamne M. et Mme [U] à verser à la commune de Tende la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette la demande formée sur le même fondement par M. et Mme [U],
- Condamne M. et Mme [U] aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,