COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 05 NOVEMBRE 2015
N° 2015/ 367
Rôle N° 15/01210
Association LES VOILES D'ANTIBES
C/
COMMUNE DE [Localité 2]
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à :
- Me D. REBUFAT
- Me CAPIAUX ([Localité 1])
- I. N. P. I .
Décision déférée à la Cour :
Décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut [Établissement 1] en date du 12 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14-3261.
DEMANDERESSE
Association LES VOILES D'ANTIBES,
demeurant [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDEURS
COMMUNE DE [Localité 2],
demeurant [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Jean CAPIAUX, avocat au barreau de PARIS
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [X] [Q] (Chargée de mission) en vertu d'un pouvoir général
MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE,
demeurant [Adresse 4]
représenté par M. AUDUREAU (Substitut Général)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Ministère Public : M. AUDUREAU, substitut général, lequel a été entendu en ses observations orales.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015.
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
E X P O S E D U L I T I G E :
L'association LES VOILES D'ANTIBES, déclarée le 14 mars 1996, a déposé le 22 avril 2014 à l'Institut [Établissement 1] une demande d'enregistrement n° 4085754 de la marque complexe en couleurs LES VOILES D'ANTIBES pour les produits ou services suivants des classes 18, 25 et 41 :
.
Le 10 juillet la Commune de [Localité 2] a formé opposition, car titulaire de la marque antérieure complexe en couleurs LES VOILES DE [Localité 2] déposée le 7 avril 2003 sous le n° 3220429 en classes 16, 21, 24 à 26, 38 et 41 pour les produits ou services suivants :
(récipients). Flacons non en métaux précieux. Tissus. Produits textiles, à savoir : Linge de bain (à l'exception de l'habillement). Linge de maison. Linge de table (en matières textiles). Serviettes de toilette (en matière textiles). Vêtements. Chapellerie. Broderies. Service d'affichage électronique .Publication de livres. Production de films. Montage de bandes vidéo.$gt;
Par décision OPP 14-3261/MLE du 12 janvier 2015 le Directeur Général de l'Institut [Établissement 1] a :
- reconnu l'opposition partiellement justifiée en ce qu'elle porte sur les produits et services suivants : ;
- partiellement rejetée la demande pour les produits et services précités.
Le 28 janvier 2015 l'association LES VOILES D'ANTIBES a formé un recours, et a déposé un mémoire le 9 septembre en soutenant notamment que :
- l'appréciation globale entre les 2 marques montre qu'il n'y a aucun risque de confusion; le terme LES VOILES ne confère pas à la marque antérieure une forte distinctivité, puisqu'un grand nombre de marques et de produits antérieurs à la marque LES VOILES DE [Localité 2] existaient avec LES VOILES DE; on ne peut confondre [Localité 2] et ANTIBES; il n'y a pas de similitude puisque les produits sont d'une très grande diffusion; elle-même n'a aucune activité détachée des régates;
- LES VOILES DE est un terme générique définissant une manifestation de voiliers; de nombreuses marques le reprenant ont été enregistrées pour des produits et services identiques ou similaires à ceux d'elle-même sans contestation de la Commune de [Localité 2];
- la juxtaposition de LES VOILES DE et de ANTIBES confère une forte distinctivité;
- il n'existe pour un consommateur d'attention moyenne aucun risque de confusion entre les signes en présence;
- l'impression d'ensemble de la marque LES VOILES DE [Localité 2] est le nom de la Commune qui seul est distinctif pour être dominant;
- il n'y a aucune ressemblance sur le plan visuel entre les 2 marques, ni sur le plan phonétique; leurs sonorités (3 mots pour elle et 5 pour son adversaire) sont différentes.
L'association LES VOILES D'ANTIBES demande à la Cour, vu les articles L. 711-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, de :
- constater qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les marques LES VOILES DE [Localité 2] et LES VOILES D'ANTIBES;
- annuler la décision;
- rejeter la demande d'opposition;
- condamner la Commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans ses observations du 31 juillet 2015 la Commune de [Localité 2] répond notamment que :
- sa marque verbale LES VOILES DE [Localité 2] est exploitée par une licence consentie à la société KAPPA FRANCE qui s'est plainte des conséquences dommageables pour son activité du dépôt de la marque LES VOILES D'ANTIBES;
- il y a risque de confusion en associant LES VOILES DE à une ville, le public n'ayant pas nécessairement connaissance que la marque LES VOILES DE [Localité 2] appartient à la Commune éponyme, et la marque LES VOILES D'ANTIBES à une entité distincte; l'association LES VOILES D'ANTIBES tente d'exploiter à des fins purement commerciales, dans d'autres classes de produits que celles correspondant aux manifestations nautiques, la notoriété de la marque d'elle-même;
- pour les marques LES VOILES DE citées par son adversaire : certaines ne les font pas suivre du nom d'une commune, un certain nombre ont été enregistrées antérieurement à LES VOILES DE [Localité 2], et les autres ne sont comparables à cette dernière ni en notoriété ni en réputation;
- dans l'esprit du consommateur moyen LES VOILES DE sont LES VOILES DE [Localité 2];
- elle a fait opposition à plusieurs marques commençant par LES VOILES DE, avec succès.
La Commune de [Localité 2] demande à la Cour de :
- dire non fondé l'appel de l'association LES VOILES D'ANTIBES;
- confirmer la décision;
- condamner l'association LES VOILES D'ANTIBES à lui payer la somme de 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Directeur Général de l'Institut [Établissement 1] a, par observations du 24 août 2015, estimé sa décision fondée en précisant notamment que :
- les 2 signes ont une présentation voisine et une architecture identique associant LES VOILES DE à une ville balnéaire du Sud-Est de la France; il en découle des ressemblances évidentes sur les plans visuel et surtout phonétique et intellectuel;
- l'expression LES VOILES DE présente une forte distinctivité intrinsèque au regard des produits et services visés qui ne sont pas en rapport avec l'organisation de régates, et n'est pas usuelle pour ceux-là; l'association LES VOILES D'ANTIBES ne démontre nullement que cette expression serait banale;
- le fait que les Communes de [Localité 2] et d'ANTIBES soient différentes n'empêche pas le risque de confusion.
Le Ministère Public a présenté des observations orales.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
Les produits et services de la marque LES VOILES DE [Localité 2] de la Commune de [Localité 2] ne concernent pas directement l'organisation de régates de voiliers, mais visent divers produits et services dérivés de celles-ci et qui contribuent à diffuser leur existence et leur réputation. La première partie de cette marque soit est ainsi purement descriptive puisqu'elle désigne une activité classique (composantes des voiliers et leurs objets dérivés), tandis que la seconde sert à individualiser le lieu de cette activité. La marque LES VOILES D'ANTIBES de l'association LES VOILES D'ANTIBES vise également des produits et services dérivés de l'organisation de régates, et comprend une première partie descriptive d'une activité et une seconde précisant le lieu de cette dernière.
Le caractère purement descriptif de l'expression ne permet pas à la Commune de [Localité 2] de la revendiquer comme élément distinctif d'une marque qui soit opposable à l'association LES VOILES D'ANTIBES, d'autant que cette Commune ne démontre pas que dans l'esprit du consommateur moyen cette expression est automatiquement et nécessairement assimilée uniquement à elle, [Localité 2] comme ANTIBES étant deux lieux où se pratique également la voile.
L'usage par l'association LES VOILES D'ANTIBES de l'expression est logique pour individualiser son activité, puisque toute Commune située en bord de mer a vocation à utiliser l'expression suivie de son nom, et qu'ANTIBES est connue pour disposer d'un port de plaisance.
Ainsi le consommateur moyen ne peut raisonnablement croire que les produits et services des marques LES VOILES DE [Localité 2] et LES VOILES D'ANTIBES proviennent d'une même entité telle que la Commune, ni que ceux pour lesquels l'association revendique une marque sont une variante ou une déclinaison de ceux objets de la marque de cette Commune. Par suite il n'existe aucun risque de confusion de la marque LES VOILES D'ANTIBES avec la marque LES VOILES DE [Localité 2].
La décision du Directeur Général de l'I.N.P.I. doit être annulée.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Annule la décision OPP 14-3261/MLE prise le 12 janvier 2015 par le Directeur Général de l'Institut [Établissement 1].
Condamne la Commune de [Localité 2] à payer à l'association LES VOILES D'ANTIBES la somme de 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dit que le présent arrêt sera notifié par le Greffe à la Commune de [Localité 2], à l'association LES VOILES D'ANTIBES et au Directeur Général de l'Institut [Établissement 1].
Le GREFFIER.Le PRÉSIDENT.