COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2015
N°2015/
Rôle N° 14/12617
[K] [Y]
C/
Société MARSEILLAISE DE CREDIT
Grosse délivrée le :
à :
Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Bruno MALVAUD, avocat au barreau de NIMES
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section - en date du 27 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/51.
APPELANT
Monsieur [K] [Y], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société MARSEILLAISE DE CREDIT, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bruno MALVAUD, avocat au barreau de NIMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2015, prorogé au 06 Novembre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2015
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant lettre d'embauche du 17 août 1995, M. [K] [Y] a été engagé par la société Crédit du Nord en qualité de conseiller en patrimoine. Au cours de l'année 2007, le salarié a adhéré au syndicat CGT. Il a été déchargé de son activité professionnelle au profit de son activité syndicale en tant que délégué syndical et délégué du personnel. À compter du 22 octobre 2012, à la suite d'une modification intervenue dans la situation juridique de son employeur, son contrat de travail a été transféré auprès de la Société Marseillaise de Crédit. Le salarié a alors perdu l'intégralité de ses mandats de représentation du personnel qu'il occupait jusque-là en raison du refus de portage des mandats du Crédit du Nord vers la Société Marseillaise de Crédit par les partenaires sociaux de celle-ci. Il a bénéficié de la période de protection liée à son ancien mandat durant une année, soit jusqu'au 22 octobre 2013.
Le 29 octobre 2013, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 15 novembre, prolongé jusqu'au 1er décembre 2013, puis jusqu'au 18 décembre 2013.
14 novembre 2013, le salarié a été désigné délégué syndical central par la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance. Cette désignation a été annulée par le tribunal d'instance de Marseille suivant jugement du 27 février 2014, confirmé par arrêt de la Cour de Cassation du 10 décembre 2014.
Après convocation le 7 novembre 2013 à un entretien préalable fixé au 19 novembre, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2013, rédigée en ces termes : «Ce licenciement est motivé par votre refus du poste de conseiller en patrimoine à [Localité 1] qui vous a été proposé dès notre entretien du 21 juin dernier.
Malgré notre recherche pendant plusieurs mois d'une solution adaptée à votre situation, nous ne pouvons en effet que constater que vos man'uvres dilatoires successives ont conduit à ce que le poste de conseiller en patrimoine n'a pu être pourvu et ce, au détriment des intérêts de notre clientèle et des collaborateurs du groupe de [Localité 1].
Vos explications au cours de notre entretien n'ont fait que confirmer la réalité de vos intentions puisque vous nous avez expliqué selon vos propres termes ne pas être 'organisé pour prendre le poste'. Pire encore, lorsqu'il vous a été demandé au cours de ce même entretien de vous prononcer sur la date à laquelle vous pourriez être en mesure de prendre votre poste, vous avez tenté d'éluder la question en déclarant : 'à ma connaissance, je n'ai pas refusé le poste' ; 'je n'avais pas le périmètre du poste', avant de finalement affirmer : 'il me faut du temps pour m'organiser' ; 'j'ai besoin de prendre du recul' et 'n'étant pas devin, je ne sais pas le temps dont j'ai besoin pour m'organiser.'.
Votre acceptation tardive, formalisée immédiatement après l'entretien par votre message en date du 19 novembre est dès lors en contradiction avec vos propos et man'uvres dilatoires. Elle apparaît de pure circonstance et ne nous a pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés'».
Conformément aux dispositions de la convention collective applicable, le salarié a saisi la commission paritaire de la banque en formation recours. Au terme de la séance qui s'est tenue le 20 décembre 2013, la délégation patronale a considéré que le licenciement était justifié, alors que la délégation syndicale a estimé qu'il était injustifié. L'employeur a confirmé le licenciement suivant courrier du 23 décembre 2013.
Le 5 février 2014, sollicitant sa réintégration, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille, laquelle s'est déclarée en partage de voix suivant procès-verbal du 27 février 2014. Suivant ordonnance du 27 mai 2014, le juge départiteur a dit n'y avoir lieu à référé, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge du salarié.
Le 19 juin 2014, le salarié a interjeté régulièrement appel de cette ordonnance.
Parallèlement à cette procédure, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une action au fond. L'audience de jugement est fixée au 13 novembre 2015.
Vu les écritures déposées par M. [K] [Y], le 16 septembre 2015, aux termes desquelles il demande à la cour, au visa des articles L 1132-1, L 2141-5, R 1455-6 et R 1455-7 du code du travail, de :
-infirmer l'ordonnance du 27 mai 2014 ;
-juger que le licenciement pour faute grave du 22 novembre 2013, prononcé en méconnaissance des dispositions légales interdisant la discrimination syndicale, constitue un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin ;
-ordonner à l'employeur la réintégration du salarié au sein de ses effectifs conformément à son contrat de travail, à effet du 29 novembre 2013, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
-ordonner à l'employeur de verser au salarié les sommes suivantes :
*101.669,75 € à titre de provision sur rappel de salaire du 29/11/2013 au 19/09/2015 ;
*10.166,97 € à titre de provision sur congés payés incidents ;
*50.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts pour discrimination, syndicale ;
-ordonner à l'employeur de remettre au salarié les bulletins de salaire des mois afférents au rappel de salaire précité, sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
-ordonner à l'employeur de verser au salarié la somme de 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-ordonner les intérêts de droit et la capitalisation des intérêts ;
-condamner l'employeur aux entiers dépens.
Vu les écritures de la Société Marseillaise de Crédit déposées le 16 septembre 2015, par lesquelles elle demande à la cour de :
-confirmer en tous points la décision de première instance ;
-constater l'existence d'une contestation sérieuse ;
-constater l'absence de trouble manifestement illicite ;
-juger que le litige ne relève pas de la compétence de la formation de référé ;
-renvoyer par conséquent le salarié à mieux se pourvoir ;
-débouter plus généralement le salarié de l'intégralité de ses demandes ;
-reconventionnellement, condamner le salarié à lui verser la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 16 septembre 2015.
SUR CE
Conformément à l'article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le salarié soutient qu'il subit un trouble manifestement illicite au motif que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié le 29 novembre 2013 est nul, dans la mesure où il a été prononcé en raison de ses activités syndicales.
Au soutien de ses allégations, il verse au débat le procès-verbal du 17 octobre 2014 par lequel l'inspecteur du travail a relevé à l'encontre de l'employeur l'infraction de discrimination syndicale au motif qu'il ne lui a pas attribué de poste du travail pendant 5 mois, qu'il l'a affecté ensuite sur des missions temporaires ne correspondant pas à son contrat de travail et qu'il l'a licencié pour refus de prise d'un poste de conseiller en patrimoine sur [Localité 1], alors que le salarié se trouvait en arrêt maladie et qu'il avait formalisé son acceptation par écrit.
Cependant, le Procureur de la République saisi de ce procès-verbal a procédé au classement sans suite de ce dossier au motif que les faits relatés relevaient plus du contentieux prud'homal que du contentieux pénal.
En outre, le salarié a été licencié plus d'un an après le transfert de son contrat de travail, alors qu'il ne disposait plus du statut de salarié protégé et qu'il avait cessé toute activité syndicale depuis son transfert.
Force est de constater que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite qu'il invoque, de sorte que la décision déféré qui a dit n'y avoir lieu à référé doit être confirmée.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.
Le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme l'ordonnance de référé départage du 27 mai 2014 en toutes ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [K] [Y] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT