COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 NOVEMBRE 2015
N° 2015/739
SP
Rôle N° 14/06840
[T] [L]
C/
SA SIGNORET
Grosse délivrée
le :
à :
Me Catherine COHEN-SEAT, avocat au barreau de NICE
Me Mireille PENSA BEZZINA, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section E - en date du 02 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/155.
APPELANT
Monsieur [T] [L], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Catherine COHEN-SEAT, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 218
INTIMEE
SA SIGNORET, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Mireille PENSA BEZZINA, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2015.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [T] [L] a été engagé par la société Signoret, SA, par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 1994, en qualité d'agent technico-commercial, statut VRP. La société Signoret exerce dans le domaine de l'installation et de la maintenance de réseaux câblés téléphoniques et informatiques.
Le contrat de travail prévoyait notamment :
'en son article IV le secteur d'activité à savoir la zone comprise entre les limites d'une part la rive ouest du Var jusqu'à l'embouchure de la Vésubie et la rive ouest de la Vésubie jusqu'à la frontière italienne, (avec exclusion sur la rive ouest du Var des communes de [Localité 7], [Localité 3], [Localité 6] et [Localité 1]) et d'autre part les limites du département vers l'Ouest (Var et Alpes-de-Haute-Provence)
'en son article V le statut de l'agent à savoir VRP
'en son article X les modalités de rémunération, à savoir d'une part une rémunération fixe de 7000 Fr. bruts, et d'autre part, une commission brute fixée à 8 %, congés payés inclus, de la marge commerciale dégagée par l'agent, avec un client actuel ou un nouveau client de la société sur le secteur qui lui est fixé, les affaires traitées pouvant être des installations complètes, aussi bien que des travaux d'adjonction ou de modifications d'installations existantes et concernant la totalité du domaine d'activité de la société, et une commission représentant un mois d'entretien hors-taxes pour tout contrat d'entretien d'une durée inférieure à 5 ans et une commission représentant 2 mois de coût d'entretien pour tout contrat d'entretien d'une durée de 5 ans
'en son article XII : les comptes de commission seront arrêtés le dernier jour de chaque mois qui seront réglées dans les 15 premiers jours du mois suivant, en même temps que sa rémunération fixe afférente au mois écoulé. Les commissions ne seront toutefois versées à l'agent qu'après :
dans le cas d'une vente : complet paiement de la facture correspondante
dans le cas d'une location entretien : complet paiement d'une part, de la participation aux frais d'entretien, quelle que soit la périodicité de facturation prévue au contrat
'en son article XV : une clause de non-concurrence.
Par avenant du 30 juin 1997, les modifications suivantes ont été apportées au contrat initial :
'le secteur géographique a été limité à la partie « ouest du fleuve Var à l'exception de la zone industrielle de [Localité 1] »
'la rémunération était composée d'une partie fixe de 10 000 Fr. bruts soit 1524,49 euros bruts, d'une partie variable sur le chiffre d'affaire mensuel facturé sur le secteur, soit 3 % hormis pour les extensions et le remplacement des installations téléphoniques des clients existants pour lesquelles le pourcentage est de 1,5 %, d'une partie forfaitaire sur les contrats d'entretien (1 mois pour un contrat de un an, 1,5 mois pour un contrat de 3 ans et 2 mois pour un contrat de 5 ans), et d'un commissionnement sur chiffre d'affaires des contrats de location entretien et d'une allocation forfaitaire selon la durée de l'entretien.
Au dernier état de la relation contractuelle des parties, la rémunération mensuelle fixe s'élevait à la somme de 1980 € mensuels.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 4 mars 2010, la société Signoret a notifié à Monsieur [L] un avertissement, lui reprochant « de graves insuffisances professionnelles dans l'exécution de certaines missions », d'avoir concurrencé un de ses collègues de travail « en transgressant les règles d'organisation commerciale de la société » et d'avoir des connaissances techniques jugées « largement insuffisantes ».
Contestant les termes de ce courrier d'avertissement, Monsieur [L] répondait par courrier recommandé avec accusé réception du 22 mars 2010, en réfutant les griefs qui lui étaient reprochés, et en sollicitant un entretien avec son employeur. Cet entretien a eu lieu le 29 mars 2010.
Monsieur [L] soutient que l'employeur n'a pas alors donné suite à la proposition de rupture conventionnelle qu'il lui avait pourtant faite lors de l'entretien du 29 mars 2010, et qu'en outre l'employeur a persisté à ne pas régler une partie des commissions dues et réclamées dans la lettre du 22 mars 2010.
Au mail de relance adressé le 11 septembre 2010 par le salarié, la société Signoret a alors répondu par lettre recommandée avec accusé réception du 29 septembre 2010.
Par lettre du 18 novembre 2010, Monsieur [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur au motif, notamment :
'du non-paiement de l'intégralité des commissions
'de la modification substantielle de son contrat de travail consécutive à l'intervention d'autres commerciaux sur son secteur et la perte de rémunération qui en résulte.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 26 novembre 2010, la société Signoret a réfuté les griefs invoqués par le salarié, et a libéré celui-ci de la clause de non-concurrence prévue au contrat.
Monsieur [L] a saisi le 26 janvier 2011 le conseil des prud'hommes de Nice afin d'obtenir notamment une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de commission et une indemnité de clientèle.
Par jugement de départage du 2 avril 2014, le conseil des prud'hommes de Nice a invité la société Signoret à remettre à Monsieur [L] les fiches de paie et le solde de tout compte ainsi que l'attestation Pôle emploi sans assortir sa décision d'une astreinte, a débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, a dit que la rupture de son contrat de travail s'analyse en une démission sans préavis, et a condamné l'intéressé à payer à la société Signoret une indemnité de préavis d'un montant de 17 842,24 euros, outre une indemnité de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens ont été laissés à la charge de Monsieur [L].
Monsieur [T] [L] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
L'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement de départage du 2 avril 2014 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :
'dire que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Signoret
'dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
'en conséquence,
'condamner la société Signoret à payer à Monsieur [L] les sommes de
'16 220,22 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis, outre la somme de 1622,02€ au titre des congés payés y afférents
'65 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
'condamner la société Signoret à payer :
'à titre principal, pour l'indemnité de clientèle, 75 000 €
'à titre subsidiaire : au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture définie à l'article 13 d'ANI l'une somme de 7227 €, et au titre de l'indemnité spéciale de rupture définie à l'article 14 de l'ANI une somme de 30 440,86 euros
'condamner la société Signoret à payer les sommes de :
'946,72 euros au titre du reliquat résultant des erreurs de commissionnement
'9676,57 euros sur le marché Hôpital [Établissement 2]
'9373,31 euros sur le marché Préfecture
soit au total la somme de 19 997,27 euros à titre de rappel de commission
'condamner la société Signoret à payer une somme de 16 043,75 euros, arrêtée à septembre 2010, à titre de rappel de commission sur chiffre d'affaires, au subsidiairement lui allouer une somme de 16 043,75 euros de dommages-intérêts du chef de la perte injustifiée de commission sur son secteur
'juger l'avertissement du 4 mars 2010 nul et non avenu
'en conséquence,
'condamner la société Signoret à payer une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts
'débouter la société Signoret de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions
'ordonner la remise des fiches de paye, du solde de tout compte, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, avec faculté de liquidation par « le conseil »
'dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice
'condamner la société Signoret aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
'dire qu'en cas d'exécution forcée par voie du huissier, les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2000 à modifiant le décret du 12 décembre 1996, régissant le tarif des huissiers de justice, seront supportés par le débiteur en plus des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes, Monsieur [L] fait valoir essentiellement qu'ayant le statut de VRP, l'accord national interprofessionnel VRP du 3 octobre 1975 et ses avenants trouvent à s'appliquer ; que l'existence d'un secteur d'activité fixe, constitue une condition essentielle du contrat de VRP statutaire et que l'employeur ne peut unilatéralement imposer à son salarié une modification substantielle de son contrat de travail, sans avoir au préalable obtenu son accord. Monsieur [L] ajoute qu'à défaut de clause de mobilité, la modification du secteur géographique contractuellement prévu constitue une modification du contrat de travail du salarié nécessitant son accord préalable, de surcroît si cette modification a des répercussions sur sa rémunération.
Pour critiquer la décision du conseil des prud'hommes, Monsieur [L] fait valoir que la prise d'acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige et qu'en conséquence le conseil n'aurait pas dû se limiter à la seule lettre de rupture, mais aurait dû examiner les griefs évoqués par le salarié même postérieurement et prendre en compte les circonstances de la rupture. Il ajoute qu'en tout état de cause les griefs évoqués par le salarié dans sa lettre de rupture, à savoir l'absence de règlement ou le règlement partiel et tardif des commissions, la suppression unilatérale de secteur, l'intervention de nouveaux commerciaux sur le secteur qui lui était contractuellement attribué depuis 1997, étaient suffisamment sérieux pour fonder une prise d'acte.
En particulier, Monsieur [L] soutient que l'employeur ne peut valablement prétendre que son retard pour payer serait dû à une « période difficile » et aux difficultés « d'évaluation et d'exécution rencontrées sur certains chantiers », et ne saurait non plus invoquer la clause du contrat travail initial qui spécifié que les commissions ne seraient versées qu'après l'encaissement des sommes par l'employeur, alors que cette clause n'avait jamais été appliquée par les parties, et qu'en outre par avenant du 30 juin 1997, il a été décidé que les commission seraient calculées sur le chiffre d'affaires facturé, et non pas encaissé.
Concernant le grief tiré de la perte d'exclusivité sur son secteur d'intervention, Monsieur [L] invoque jurisprudence de la Cour de cassation et soutient que la notion même de secteur suppose une répartition de la clientèle entre les différents commerciaux et un droit du commercial sur son secteur, a fortiori la notion de VRP exclusif ; que le mail du 9 novembre 2009 par lequel l'employeur annonçait que la notion de secteur attribué à un seul commercial disparaissait, démontre que cette notion existait donc bien antérieurement et avait valeur contractuelle ; que les 2 nouveaux commerciaux embauchés intervenaient directement sur le secteur attribué contractuellement à Monsieur [L], qui a protesté auprès de son employeur ; que tout en continuant à soutenir que les secteurs n'avaient pas été supprimés, la société Signoret a reproché à Monsieur [L] d'avoir concurrencé un autre commercial, Monsieur [G] ; que ce faisant l'employeur reconnaît ainsi implicitement qu'un autre commercial avait été affecté sur son secteur contractuellement attribué depuis plus de 14 ans.
Concernant l'avertissement du 4 mars 2010, dont il est sollicité l'annulation, M. [L] fait valoir qu'il n'a pas été convoqué à l'entretien préalable, mais que cet entretien a été organisé de manière impromptue, alors même alors qu'il résulte de la lettre d'avertissement que celui-ci fait bien suite à un entretien préalable. Monsieur [L] ajoute que cet avertissement est intervenu après que le salarié ait fait part de son mécontentement quant à l'intervention d'autres commerciaux dans son secteur, et que seulement 3 semaines après l'avertissement, et une semaine après sa contestation, il lui était suggéré de faire une demande de rupture conventionnelle. Monsieur [L] invoque en outre la prescription de « la plupart » des griefs contenus dans l'avertissement, et l'absence de justification des reproches par aucune pièce. Le salarié soutient que la sanction lui a causé un préjudice moral compte tenu de son caractère humiliant et vexatoire, et que la sanction n'avait pour but que de nuire à son image et de provoquer un éventuel abandon ou une éventuelle démission de sa part.
La société SAS Signoret Telecom, intervenant comme intimée, demande à la cour de confirmer le jugement en date du 2 avril 2014, et de constater que l'avertissement du 4 mars 2010 n'est affecté d'aucun vice de procédure, ne repose sur aucun fait prescrit et est valablement fondé, et de débouter en conséquence Monsieur [L] de sa demande d'annulation. La société intimée sollicite de voir constater que les griefs formulés par le salarié dans la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail ne sont pas fondés, et de juger que cette lettre de prise d'acte doit s'analyser en une démission de l'intéressé. La société Signoret sollicite en conséquence le débouter de Monsieur [L] de toutes ses demandes du chef de la rupture du contrat de travail, et sa condamnation à lui régler 17 842,24 euros au titre de l'indemnité de préavis.
Ajoutant au jugement, l'intimée sollicite de voir juger que Monsieur [L] a exécuté son contrat de travail de manière déloyale vis-à-vis de son employeur, et de le voir condamné à payer 50 000 € à titre de dommages et intérêts et de réformer en conséquence le jugement du 2 avril 2014 sur ce point. À titre subsidiaire, la société Signoret sollicite de voir juger que si la cour ne devait pas qualifier la rupture de démission, Monsieur [L] ne justifie d'aucun préjudice ouvrant droit à percevoir une quelconque indemnité complémentaire et de le voir débouter de toutes ses demandes. L'intimée sollicite la condamnation de Monsieur [L] à lui régler la somme de 10 000 € sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, et sa condamnation aux dépens.
À cet effet, la société Signoret fait valoir essentiellement que Monsieur [L] avait la possibilité de contester dans les formes légales l'avertissement qui lui a été délivré ; qu'en l'espèce, après avoir adressé un courrier recommandé à son employeur contestant les termes de l'avertissement, et bien que l'employeur ne soit pas revenu sur sa décision, Monsieur [L] n'a donné aucune suite et bien au contraire les relations entre les parties ont perduré « comme si de rien n'était » ; que c'est dans le seul but aujourd'hui d'essayer d'asseoir la prise d'acte de la rupture du contrat que l' intéressé conteste l'avertissement, dont il sait pourtant qu'il est fondé puisqu'il ne l'a pas contesté. L'employeur soutient que Monsieur [L] propose une interprétation volontairement erronée, mais que les griefs qui concernent des faits commis en février et mars 2010, sont clairs et exempts de toute ambiguïté ; qu'en matière de sanctions disciplinaires, la loi n'impose pas la tenue de l'entretien préalable lorsque la sanction envisagée est un avertissement n'ayant pas d'incidence immédiate, et qu'en outre en l'espèce, le règlement ne subordonne pas le licenciement à l'existence de sanctions antérieures ; que sur le fond, Monsieur [L] ne nie pas les faits reprochés dans l'avertissement, et l'ancienneté et son expérience dans l'entreprise loin de constituer une circonstance atténuantes dans l'appréciation de ses défaillances, sont au contraire des circonstances aggravantes.
Concernant la rupture du contrat de travail, la société Signoret soutient qu' il appartient au juge de décider si la rupture doit être considérée comme démission ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que les manquements reprochés par le salarié à l'employeur doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'il n'existe aucun texte dans le code du travail qui prévoit la prise d'acte ; qu'il convient d'appliquer le droit commun des conventions à savoir les articles 1184 et 1134 du Code civil ; que la Cour de cassation caractérise le manquement suffisamment grave comme celui qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce les griefs articulés par Monsieur [L] sont pour certains inexistants et pour d'autres relèvent d'une pure présentation erronée. À cet égard, la société Signoret soutient qu'elle a toujours respecté ses obligations contractuelles en matière de paiement des commissions.
Concernant le grief relatif à la modification substantielle du contrat de travail, l'employeur fait valoir que le contrat d'origine ne prévoit aucune exclusivité, et prévoit la possibilité pour Monsieur Signoret ou toute personne, d'intervenir sur le secteur dont il s'agit, et de procéder à des modifications du secteur géographique ; qu'ainsi fut fait en 1997, sans que Monsieur [L] ne le conteste. L'employeur soutient que si le contrat, en application de l'article L 7311'3'4 du code du travail prévoit la région dans laquelle le représentant doit exercer son activité, il n'y a pas d'exclusivité.
L'employeur ajoute que les conditions ouvrant droit à l'indemnité de clientèle ne sont pas remplis en l'espèce.
Sur la demande reconventionnelle, la société intimée fait valoir que durant la période au cours de laquelle le comportement de Monsieur [L] a changé, il était déjà en train de préparer son transfert vers Telis une société concurrente, qui l'a vraisemblablement engagé concomitamment à son départ pour le moins précipité, puisque la lettre de prise d'acte de rupture a été envoyée par Chronopost. L'employeur soutient que les jours de congés et les RTT ont été accumulés entre le mois d'avril et le mois de novembre 2010 par l'intéressé, qui a négligé l'entreprise, ses clients et ses collègues de travail, et la chute brutale de son chiffre d'affaires à compter de septembre 2010 ; que cela démontre qu'il ne travaillait plus pour l'entreprise, mais a mis à profit ses absences à la seule fin de détourner la clientèle vers Telis. L'employeur soutient en outre qu'après son départ, il a « chassé » la clientèle qu'il développait auparavant et démarché les principaux fournisseurs de la société Signoret.
Pour plus ample exposé de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil des prud'hommes et aux écritures déposées par les parties, oralement reprises.
SUR CE
Sur l identité de l intimée
Il résulte des mentions du jugement du conseil des prud hommes, qu en première instance le litige a opposé M. [L] à la SA Signoret.
C est cette société qui a été régulièrement convoquée par le greffe (accusé de réception retourné signé) en cause d appel.
Comparait toutefois à l audience devant la cour, la société Signoret Telecom, SAS, ayant le même numéro d immatriculation que celui mentionné pour la SA Signoret.
Les pièces versées aux débats démontrent que l employeur de M. [L] était bien la SAS Signoret télécom.
Il se déduit de ces éléments que la SAS Signoret télécom intervient volontairement comme venant aux droits de la SA SIGNORET en qualité d employeur de M. [L] et d intimée.
Cette intervention volontaire n est pas contestée. Elle sera déclarée recevable.
Sur la demande d'annulation de l'avertissement
Il est constant que par courrier recommandé du 4 mars 2010, l'employeur a notifié à Monsieur [L] un avertissement « eu égard à la gravité des faits commis récemment », l'invitant vivement à se reprendre et à attacher un soin particulier pour améliorer ses compétences.
Aux termes des dispositions de l'article L 1332'2 al 1e du code du travail, s'agissant d'une sanction qui n'a pas d'incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, la convocation à un entretien préalable ne s'imposait pas. Dès lors le fait que l'avertissement ait été précédé d'un entretien informel, non précédé d'une convocation, est sans influence sur la validité de la procédure mise en 'uvre pour la sanction prononcée.
Au terme de ce courrier d'avertissement, l'employeur commence par rappeler des fautes très anciennes, qui auraient été commises respectivement septembre 2005, avril 2008, février 2009 et avril 2009. Ces griefs sont incontestablement prescrits et ne peuvent faire l'objet d'une sanction.
Toutefois l'avertissement repose sur des « faits commis récemment » à savoir :
« 'lors de la visite de Monsieur Signoret chez notre client Les parfumerie Fragonard à [Localité 2], le 23 février dernier, Madame [B], la directrice générale, nous a fait part de son mécontentement à votre égard, nous disant qu'elle ne voulait plus jamais avoir affaire à vous parce que vous étiez incompétent et que vous lui aviez donné de très mauvais conseils ! Nous aurions probablement déjà perdu ce client si nous n'entretenions pas avec lui une très vieille relation. Je vous rappelle que ce client est chez nous depuis 1965.
'Lors d'une visite le 26 février dernier chez notre client l'hôpital [Établissement 1], où vous avez remporté un marché de câblage, Monsieur [K] a appris que celui-ci avait depuis plusieurs mois un projet wi-fi en préparation. Encore une fois, vous n'étiez même pas au courant, votre défaillance dans le suivi commercial de ce client est inacceptable.
'Enfin la semaine dernière vous avez délibérément concurrencé un de vos collègues de travail en transgressant les règles d'organisation commerciale de la société. Ce client, la société Riviera waves, a été troublé de recevoir 2 offres distinctes émanant de la même société. Plus grave encore, vous avez dénigré l'offre de votre collègue Monsieur [G] qui avait pris la peine de bien conseiller ce client et de valoriser au mieux la proposition.
Cette dernière attitude nuit gravement à l'image et à la crédibilité de la société que vous êtes censé représenter.
Nous constatons également que vos connaissances techniques sont largement insuffisantes, et ce malgré les formations dont nous vous faisons bénéficier. Nous vous rappelons que le développement de ces technologies chez nos clients est vital pour la pérennité de notre entreprise. »
La lettre notifiant la sanction fixe les limites du litige. Le juge saisi d'une demande d'annulation doit d'une part vérifier la réalité des faits reprochés, vérifier qu'ils sont de nature à justifier une sanction, et procéder à un contrôle de la proportion.
En l'espèce, la cour constate que par courrier du 22 mars 2010, Monsieur [L] a répondu point sur point à son employeur, contestant les griefs reprochés.
L'employeur verse aux débats l'attestation, régulière en la forme, émanant de Madame [S] [B] directrice générale des Parfumeries Fragonard, aux termes de laquelle celle-ci atteste « avoir été en contact avec Monsieur .[L] à de nombreuses reprises pour l'amélioration et la modernisation de nos installations téléphoniques et du câblage réseau des services de notre entreprise. Je n'ai pu malheureusement que déplorer le manque de compétence, les erreurs d'appréciation et les mauvaises préconisations techniques des propositions commerciales de Monsieur [L] par rapport à nos problématiques. »
Cette attestation ne précise pas les erreurs et mauvaises préconisations invoquées, de sorte que ce témoignage est insuffisant à lui seul à établir la réalité des défaillances que le client impute à l'intéressé.
Concernant le grief tiré de l'absence de connaissance d'un projet wi-fi à l'hôpital [Établissement 1], l'employeur ne verse aucun document qui viendrait attester du fait qu'un membre de la direction de l'hôtel [Établissement 1] avait effectivement mis au courant Monsieur [L] de l'existence d'un tel projet.
Concernant le grief tiré de la concurrence avec Monsieur [G], l'employeur verse seulement l'attestation de M. [G] lui-même. Or dans la mesure où celui-ci est partie au différent, son témoignage ne présente pas les garanties suffisantes d'objectivité et d'impartialité, de sorte qu'il ne peut servir à lui seul à établir le grief allégué par l'employeur.
Il résulte de ces éléments que les fautes reprochées au salarié, sont pour certaines prescrites, et pour les autres insuffisamment démontrées, de sorte que la demande tendant à voir annuler l'avertissement doit être accueillie. Le jugement du conseil des prud'hommes sera réformé de ce chef.
Sur la rupture du contrat
Il est constant que par lettre adressée le 18 novembre 2010 Chronopost, Monsieur [L] a constaté la rupture de son contrat de travail pour manquement aux obligations contractuelles de son employeur, à l'initiative de celui-ci et sous sa responsabilité, en ces termes : « Monsieur, je travaille pour l'entreprise Signoret depuis maintenant 16 ans en qualité de VRP. Vous n'avez jamais eu à vous plaindre de mes résultats, bien au contraire. Pourtant le 4 mars 2010 vous avez cru devoir prononcer un avertissement me reprochant, « régulièrement ces dernières années » de « graves insuffisances professionnelles », alors que vous ne m'aviez jamais adressé le moindre reproche. Ce grief, contesté point par point par moi le 22 mars 2010, a essentiellement pour conséquence de justifier les remises en cause de mes commissions sur diverses opérations, et en particulier « le palais Stéphanie », « l'hôpital [Établissement 2] » et la « préfecture des Alpes-Maritimes ». Si vous avez acquitté les commissions « Palais Stéphaniee » avec plus de 16 mois de retard, vous avez cru pouvoir acquitter une somme symbolique forfaitaire sur le chantier de la préfecture des Alpes-Maritimes en décembre 2009, puis retirée en février 2010, puis reversée en octobre 2010, et stopper le paiement de mes commissions sur le chantier de l'hôpital [Établissement 2] à partir de mars 2009. Votre seule réaction à la fin du mois de mars 2010 a été de tenter de m'imposer une rupture conventionnelle de mon contrat. À ce jour, et malgré mes relances et ma contestation des différents griefs, je ne suis toujours pas réglé de l'intégralité de ces commissions. Par ailleurs, vous n'avez pas hésité à me menacer de réduire mes fonctions afin de réduire les commissions en me contournant dans la vente d'installation téléphoniques limitées à dix postes, en seules « représailles » à ma revendication des commissions dues. Dernièrement, pour vous exonérer de vos obligations, vous avez invoqué que le contrat de travail ne prévoirait le paiement des commissions qu'après le paiement intégral par le client. Cette clause contractuelle n'a jamais été appliquée et, depuis l'origine, les commissions ont été payées systématiquement à la facturation sur le salaire du mois suivant. Cette clause est donc aujourd'hui caduque. Pourtant sur les dossiers litigieux, la plupart des factures ont été acquittées par les clients sans que pour autant les commissions ne me soient réglées. En 2008, vous avez embauché sur votre société « la téléphonie privée » à [Localité 4], un nouveau commercial Monsieur [J] [F] lequel travaille aussi pour le compte de la société Signoret et réalise des ventes et contrats sur mon secteur sur lesquels je devrais normalement toucher le commissionnement. En effet, vous n'avez jamais respecté la clause de mon contrat qui prévoit que le montant des commissions (partie variable de la rémunération) est composé d'un pourcentage sur le chiffre d'affaire mensuel facturé sur le secteur et d'une partie forfaitaire pour les contrats d'entretien. De plus, depuis plus d'un an, vous avez embauché sur la société Signoret, sans m'en avertir, un nouveau commercial, [N] [G], pour me « doubler » sur mon secteur. Il réalise des contrats sur lesquels je devrais contractuellement toucher le commissionnement sur le chiffre d'affaire mensuel facturé sur mon secteur. Vous n'avez pas hésité, par note interne, à annoncer uniquement à cet égard, qu'à partir de novembre 2009, la notion de secteur n'existait plus ! Ce seul fait constitue, incontestablement, une modification substantielle de mon contrat de travail ayant des répercussions sur ma rémunération. En résumé, non seulement votre avertissement était particulièrement infondé et vexatoire, mais, de surcroît, je ne suis pas, depuis plusieurs mois, rempli de mes droits à rémunération malgré mes protestations et mes relances multiples. Il est particulièrement choquant de lire, notamment dans votre courrier d'avertissement du 4 mars 2010, que j'aurais ainsi « concurrencé un de mes collègues de travail en transgressant les règles d'organisation commerciale de la société », alors qu'il s'agit précisément de [N] [G] que vous avez positionné sur mon secteur à mon insu. Je constate donc par la présente, la rupture de fait de mon contrat de travail pour manquement à vos obligations contractuelles, à votre initiative et sous votre responsabilité. Je me réserve de saisir le conseil des prud'hommes pour faire valoir mes droits, contester un avertissement injustifié, réclamer l'ensemble des commissions dues, et recevoir indemnisation des conséquences de cette rupture (') »
La prise d'acte est un mode de rupture du contrat par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur. Pour prononcer la requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge doit apprécier les griefs reprochés par le salarié et doit :
'vérifier la réalité des faits reprochés afin de vérifier l'existence d'un ou plusieurs manquements de l'employeur
'apprécier la gravité de ce ou ces manquements justifiant l'impossibilité de poursuivre la relation de travail.
Doivent être pris en compte la totalité des reproches formulés par le salarié, l'appréciation doit être globale. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe toutefois pas les limites du litige, et il y a lieu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit. La charge de la preuve d'établir la réalité des faits allégués et leur gravité, pèse sur le salarié.
En l'espèce tant dans sa lettre de prise d'acte, que devant la cour, Monsieur [L] invoque un avertissement infondé et vexatoire, le non-paiement de l'intégralité des commissions, et la modification substantielle de son contrat de travail consécutive à la suppression des secteurs et l'intervention d'autres commerciaux sur son secteur avec la perte de rémunération qui en résulte.
Concernant l'avertissement, la cour a jugé qu'il y avait lieu d'en prononcer l'annulation.
Concernant le grief tiré de la modification substantielle de son contrat de travail consécutive à la suppression des secteurs et l'intervention d'autres commerciaux sur son secteur (avec perte de rémunération), il apparait que l'application du statut d'ordre public de VRP est en effet subordonnée à une zone stable de prospection précisément définie. C'est ainsi d'ailleurs que le contrat de travail stipule en son article IV la zone précise dans laquelle l'agent exercera son activité professionnelle au sein de la société.
Pour soutenir que la notion même de secteur a été supprimée, M. [L] invoque d'une part un mail que Monsieur [K] lui a adressé le 9 novembre 2009, et une « note interne » par laquelle l'employeur annonçait que la notion de secteur attribué à un seul commercial disparaissait. Cette note interne n'est pas versée aux débats. Quant au mail du 9 novembre 2009, il expose la nouvelle politique commerciale qui vise à mettre à jour la base client, et à répartir les fiches des clients qui n'existent plus et les fiches des clients inactifs. Dès lors le grief tiré de la suppression pure et simple de la notion de secteur n'est pas établi.
Concernant le grief tiré de l'intervention d'autres commerciaux sur son secteur, aucune des dispositions du statut n'impose qu'une zone de prospection soit réservée en exclusivité à un VRP. Un employeur peut, sans remettre en cause le statut de VRP de son représentant, se réserver contractuellement le droit de traiter directement avec certains clients, ou de faire visiter le secteur par un autre représentant.
Toutefois le fait de retirer une partie de sa clientèle à un VRP constitue une modification du contrat de travail que celui-ci est en droit de refuser. Une clause du contrat de travail, de manière générale, ne peut permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle, même indirectement.
En l'espèce, le contrat n'est pas exclusif puisqu'il est stipulé « toutefois Messieurs Signoret, ou toutes autres personnes qu'ils voudraient se substituer, auront la possibilité de visiter dans ce secteur toute personne de leur choix, notamment pour des affaires devant être traitées dans des conditions particulières ».
M. [L] soutient que la société Signoret a embauché en 2009 un nouveau commercial, Monsieur [G] avec autorisation contractuelle d'intervenir sur tous les secteurs commerciaux Signoret. Cette affirmation n'est pas démentie par l'employeur.
Monsieur [L] soutient en outre que la société Signoret a laissé intervenir Monsieur [F], salarié de sa filiale monégasque, la société LTP, sur le secteur des commerciaux Signoret SA.
L'employeur affirme en réponse que Monsieur [F] est salarié de la société Ltp de Monaco, et que s'il existe un accord de partenariat entre ces 2 sociétés qui collaborent depuis plusieurs années, aucun document ne vient justifier que Monsieur [F] aurait concurrencé Monsieur [L] sur son secteur d'activité.
Monsieur [L] verse toutefois aux débats la capture d'écran du site Viadeo du 24 décembre 2011 dont il résulte que Monsieur [F] se présente comme étant un ingénieur commercial Signoret Telecom. Par ailleurs, il démontre les liens entre LTP et Signoret SA liens au demeurant non contestés. Il verse en outre un listing du chiffre d'affaires Signoret réalisé en 2010 par Monsieur [F] sur les Alpes-Maritimes. Les factures versées aux débats par la société Signoret elle-même, selon lesquelles la société LTP Telecom facturait à Signoret les prestations commerciales de Monsieur [F] démontrent au surplus que celui-ci a bel et bien été chargé de mission commerciale au-delà de la frontière.
Il appartient dès lors à l'employeur d'apporter la preuve que l'introduction de ces 2 commerciaux sur le secteur d'activité de Monsieur [L] n'a pas entraîné de modification de sa rémunération.
A cet égard, le fait qu'il soit arrivé à Monsieur [L] lui-même de démarcher dans des zones extérieures à son secteur contractuel, et le fait que lorsque Monsieur [L] a été embauché, il n'était pas le seul affecté sur le secteur, mais qu' il a rejoint un VRP qui y était déjà affecté , M. [R], sont indifférents. D'autant que l'employeur ne verse pas aux débats le contrat de M. [R] et ne justifie pas qu'il n'avait pas, préalablement obtenu son accord, avant d'introduire M. [L] sur son secteur.
M. [L] verse aux débats la liste des commissions perçues par Messieurs [G] et [F] à la suite d'affaires traitées sur son secteur (pièces 14, 29,15, et 30).
L'employeur, qui est seul détenteur des éléments techniques et comptables nécessaires, n'apporte pas la preuve que les affaires traitées par les intéressés ne correspondaient pas à des clients de M. [L], ou concernaient des produits nouveaux non compris dans le contrat de celui-ci.
Dès lors la cour constate que M. [L] justifie de la modification par l'employeur de son contrat de travail qui requérait son accord. Faute pour l'employeur d'avoir effectivement obtenu l'accord de Monsieur [L], il y a lieu de juger que la prise d'acte par l'intéressé de la rupture de son contrat de travail était fondée, et produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de la société Signoret au titre de l'indemnité de préavis
Dès lors que Monsieur [L] a pris acte à bon droit de la rupture de son contrat de travail, la demande de la société Signoret de ce chef doit être rejetée.
Sur les autres demandes de M. [L]
Demande au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis, outre les congés payés y afférents
La rupture du contrat de travail étant qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à être indemnisé de son préavis outre les congés payés y afférents. La somme sollicitée de ce chef par l'intéressé n'est pas contestée par la société Signoret, et il y a lieu dès lors de faire à la demande d'un montant de 16 220,22 euros outre 1622,02 au titre des congés payés y afférents.
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur [L] sollicite la somme de 65 000 € représentant 12 mois de rémunération sur la base d'un salaire moyen pour l'année 2010, commissions comprises, de 5406,74 euros. Il invoque son ancienneté de 16 années, le fait qu'il s'agissait d'une entreprise comptant plus de 11 salariés, son « dévouement » pour la société, et l'attitude vexatoire et « humiliante » de la société à son égard lors des mois précédents la rupture visant à le faire partir de son propre gré pour ne pas avoir à lui payer les indemnités de rupture.
L'employeur répond que l'intéressé ne justifie d'aucun préjudice.
Au vu de l'âge de l'intéressé au moment de la rupture, 44 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, 16 années, du fait non contesté que la société Signoret employait plus de 10 salariés, et en considération du fait d'une part que Monsieur [L] a retrouvé immédiatement un travail lui fournissant une rémunération d'un même niveau, et d'autre part, que le caractère vexatoire et humiliant de l'attitude de l'employeur à son égard dans les mois précédents la rupture est insuffisamment démontrée, il y a lieu d'allouer, sur la base d'un salaire brut moyen mensuel de 3444 € montant établi au vu des bulletins de salaire versés aux débats, la somme de 41 330 € représentant 12 mois de rémunération.
Indemnité de clientèle
Monsieur [L] invoque les dispositions de l'article L7313'13 du code du travail. Dès lors que la rupture est qualifiée de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'intéressé peut prétendre à une indemnité de clientèle. Il lui appartient toutefois de prouver qu'il a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur.
À cet égard, l'employeur soutient que l'intéressé ne justifie pas avoir apporté de nouveaux clients, ni même d'ailleurs d'avoir développé la clientèle existante, et soutient que le chiffre d'affaires réalisé par son secteur d'activité était le même lorsqu'il est entré dans la société que lorsqu'il en est parti.
La cour constate qu'au soutien de sa demande d'indemnité de clientèle, Monsieur [L] produit seulement des certificats d'aptitude du constructeur Alcatel pour justifier qu'il a passé avec succès les examens et obtenus les certifications demandées par son employeur. Il s'agit là toutefois de pièces inopérantes pour justifier qu'il a effectivement développé une clientèle propre.
Dès lors sa demande au titre de l'indemnité de clientèle doit être rejetée.
Monsieur [L] à titre subsidiaire sollicite de se voir allouer l'indemnité conventionnelle de rupture définie à l'article 13 de l'ANI et l'indemnité spéciale de rupture définie à l'article 14 des accords nationaux interprofessionnels des VRP.
Cette demande, qui n'est pas contestée par la société Signoret, est fondée au regard des dispositions de ces articles, et des calculs proposés par l'intéressé dans ses écritures. Il y sera fait droit. La société Signoret devra lui verser les sommes respectives de 7227 € au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture définie à l'article 13 de l'ANI, et de 30 440,86 euros au titre de l'indemnité spéciale de rupture définie à l'article 14 de l'ANI.
Rappel de commission
*Rappel suite à des erreurs de commissionnement
M. [L] sollicite la condamnation de la société Signoret à lui payer la somme de 946,72 euros au titre du reliquat résultant des erreurs de commissionnement. Il s'agit des commissions d'ores et déjà réglées après la rupture selon décompte d'avril 2011 (pièce 13bis) et pour lesquelles certaines sommes se seraient vues attribuer un coefficient de 1, 5 au lieu de 3 %.
L'avenant liant les parties énonce que le « pourcentage sur le chiffre d'affaires est de 3 % hormis pour les extensions et le remplacement des installations téléphoniques des clients existants pour lesquelles le pourcentage est de 1,5 % »
À la lecture du décompte des commissions, il apparaît que certains montants se sont vus affecter d'un coefficient de 3 %, tandis que d'autres sont affectés d'un pourcentage de 1,5 %.
La société Signoret qui ne formule aucune observation sur ce chef de demande, n'apporte aucune contestation au fait que c'est de manière erronée que certaine somme se serait vue affecter un pourcentage de 1,5 %.
Il y a lieu de faire droit à la demande.
*Marché préfecture
M. [L] sollicite la somme de 9373,31 euros sur le marché Préfecture.
En ce qui concerne le marché « Préfecture des Alpes-Maritimes », la société Signoret soutient que Monsieur [L] n'est intervenu dans ce dossier que de manière extrêmement résiduelle et qu'il ne pouvait à ce titre prétendre à d'autres commissions que celles qui lui ont été versées.
À cet égard, l'employeur produit l'attestation de Monsieur [K] selon laquelle « je me suis occupé personnellement de la réponse à l'appel d'offre lancé par la préfecture des Alpes-Maritimes en 2010. Compte tenu de ma charge de travail à cette période, j'ai demandé à Monsieur [L] de m'assister en réalisant certaines tâches nécessaires à la constitution du dossier de réponse. Pour rémunérer sa participation il a été convenu le versement d'une commission forfaitaire de 1500 € en cas de succès. N'ayant pas été satisfait du travail accompli par Monsieur [L] j'ai décidé de lui retirer cette commission. Après discussion avec la direction générale de la société, celle-ci a décidé finalement de verser cette commission. Je déclare avoir été l'unique interlocuteur du client préfecture des Alpes-Maritimes dans le cadre de ce projet. »
Le fait que Monsieur [L] ne soit intervenu que de manière résiduelle, est confirmé par l'attestation de Monsieur [P] chef d'entreprise qui a répondu à l'appel d'offre de la préfecture, dans le cadre d'un groupement avec la société Signoret, qui témoigne « lors de ce projet, je n'ai eu qu'un seul et unique interlocuteur de l'entreprise Signoret, en la personne de Monsieur [K] ('), c'est avec lui que nous avons réalisé les études et la construction du dossier de réponse. Lorsque nous avons remporté le marché, c'est avec lui que nous avons organisé des réunions clients »
Par ailleurs le procès-verbal de contrôle de la préfecture versé aux débats démontre que le représentant de la société Signoret sur le contrat est Monsieur [X] [K].
Ces éléments probants ne sont pas combattus par Monsieur [L] qui ne verse aucun élément qui serait de nature à établir qu'il a eu un rôle prépondérant dans ce marché, et qu'il n'a pas seulement assisté son collègue à sa demande pour certaines tâches.
La demande de ce chef doit être rejetée.
*Hôpital [Établissement 2]
Concernant le marché hôpital [Établissement 2], la société Signoret, pour justifier qu'elle n'a jamais payé de commission au titre de ce chantier à Monsieur [L], soutient que le marché est demeuré infructueux et qu'un litige l'oppose à son donneur d'ordre la société Montelec.
Elle verse à cet effet des courriers qu'elle a adressés en mars 2012 à cette société sous-traitant ainsi que le courrier qu'elle a reçu en réponse le 20 avril 2012. Ces documents démontrent l'existence d'un litige sérieux entre les 2 sociétés, chacune opposant à l'autre sa carence, et l'inexécution fautive du contrat. Il s'agit toutefois de documents anciens, et faute pour la société Signoret de verser aux débats l'état des situations émises et des situations payées, il y a lieu de constater que la société Signoret ne justifie pas ne pas avoir été réglée de ce chantier de sorte qu'elle doit les commissions à son VRP. La société Signoret sera condamnée à payer la somme de 9676,57 euros à Monsieur [L] de ce chef.
Sur la demande au titre des rappels de commissions sur les affaires traitées par les commerciaux intervenant sur le secteur attribué à Monsieur [L]
L'intéressé soutient que 2 commerciaux, Messieurs [F] et [G] sont intervenus sur son secteur et que s'ils ne l'avaient pas fait, il aurait perçu l'ensemble des commissions sur le chiffre d'affaires réalisées sur son secteur. Il réclame la somme de 16 043,75 euros à titre de rappel de commission, ou subsidiairement à titre de dommages-intérêts, du chef de la perte injustifiée de commission sur son secteur.
Il apparaît toutefois que l'intervention des 2 commerciaux sur le secteur de Monsieur [L] a seulement fait perdre à l'intéressé une chance de percevoir ces commissions. Cette perte de chance sera intégralement indemnisée par l'allocation de la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts en raison de l'avertissement du 4 mars 2010 « nul et non avenu »
La présente décision ayant prononcé la nullité de cet avertissement, il y a lieu d'allouer à Monsieur [L] la somme de 500 € en réparation intégrale du préjudice en résultant.
Sur la demande tendant à voir ordonner la remise des fiches de paye, du solde de tout compte, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi « conformes » sous astreinte
Dès lors que la rupture du contrat de travail est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire droit à cette demande, sans qu'il soit nécessaire d'assortir la condamnation d'une astreinte.
Sur la demande tendant à voir dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice
Il y a lieu de faire droit à la demande et de dire que les créances salariales à savoir les créances au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et des congés payés y afférents, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture conventionnelles et spéciales, et des indemnités au titre des reliquats de commissionnement, produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit en l'espèce à compter du 26 janvier 2011. Les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.
Sur la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [L] la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel. La société Signoret devra lui verser la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Signoret
La Société Signoret sollicite la condamnation de Monsieur [L] à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que l'intéressé a eu un comportement déloyal à son égard en contactant des clients pour tenter de les faire venir auprès de Telis par qui il a été embauché après la rupture de son contrat, et en étant particulièrement absent dans les mois précédant son départ, engendrant de ce fait une baisse du chiffre d'affaires pour la société Signoret.
La société Signoret précise que son action n'est pas une action en concurrence, mais repose sur l'obligation qui pèse sur chaque partie à un contrat de l'exécuter de bonne foi et de manière loyale.
En défense, Monsieur [L] fait valoir que dans le contexte de l'avertissement du 4 mars 2010, de sa contestation le 22 mars 2010, on ne peut sérieusement lui reprocher d'avoir saisi une offre qui lui était faite par un autre distributeur Alcatel. L'intéressé ajoute que la société l'avait libéré de sa clause de non-concurrence, dès la notification de la prise d'acte, et que l'employeur n'apporte pas la preuve d'actes fautifs caractérisés et d'un préjudice matériellement vérifiable.
Les pièces versées aux débats par la société Signoret, qui a la charge de la preuve, tendent seulement à démontrer que le salarié a été engagé rapidement après la rupture, par contrat à durée indéterminée chez un concurrent.
L'existence d'un comportement déloyal préalablement à la rupture du contrat de travail n'est pas démontrée par les pièces versées aux débats.
L'existence d'un préjudice financier résultant une baisse de chiffre d'affaires de Monsieur [L] avant son départ n'est pas plus démontrée.
La demande doit être en conséquence rejetée.
Aucune considération d'équité ne commande en outre de faire droit à la demande formée par la société Signoret sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Cette demande sera également rejetée.
Sur les dépens
Succombant la société Signoret supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
La demande tendant à voir « dire qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier, les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2000 seront supportées par le débiteur en plus des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ne sera pas accueillie, comme tendant à voir remettre en cause les dispositions légales applicables, et relevant en tout état de cause de la compétence du juge de l'exécution.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit l intervention volontaire de la SA Signoret télécom comme venant aux droits de la SA SIGNORET en qualité d employeur de M. [L] et d intimée
Reçoit les parties en leurs appels
Réforme le jugement du conseil des prud'hommes de [Localité 5] du 2 avril 2014 en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Dit et juge que la prise d'acte de la rupture par Monsieur [L] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Juge l'avertissement du 4 mars 2010 nul et non avenu
Condamne la SA Signoret télécom à payer à Monsieur [T] [L] les sommes suivantes :
'16 220,22 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis
'1622,02 € au titre des congés payés y afférents
'41 330 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
'7227 € au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture définie à l'article 13 de l'ANI, et 30 440,86 euros au titre de l'indemnité spéciale de rupture définie à l'article 14 de l'ANI
'946,72 euros au titre du reliquat résultant des erreurs de commissionnement
'9676,57 euros au titre du rappel de commission sur le marché Hôpital [Établissement 2]
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2011 et que les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts
Condamne la SA Signoret télécom à payer à Monsieur [T] [L] les sommes suivantes :
'3000 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance d'avoir perçu les commissions sur son secteur allouées à d'autres commerciaux
' 500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'avertissement du 4 mars 2010 annulé
'2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la société Signoret télécom SA la remise des fiches de paye, du solde de tout compte, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes à la présente décision
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte
Déboute M. [L] du surplus de ses demandes
Déboute la SAS Signoret télécom de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS Signoret Telecom aux entiers dépens de première instance et d'appel
Dit n'y avoir lieu à juger qu'en cas d'exécution forcée par voie du huissier, les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2000 seront supportés par le débiteur en plus des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT