COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2015
N°2015/
Rôle N° 13/09204
[V] [Y]
C/
SAS ALTEAD PROVENCE venant aux droits de la société ALTEAD REVEL TRANSPORT
SAS CONTI SERVICE TRAVAIL TEMPORAIRE
Grosse délivrée le :
à :
Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Thierry MUNOS, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Christophe MAMELLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section CO - en date du 12 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/244.
APPELANTE
Madame [V] [Y], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SAS ALTEAD PROVENCE venant aux droits de la société ALTEAD REVEL TRANSPORT, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Thierry MUNOS, avocat au barreau de MARSEILLE
SAS CONTI SERVICE TRAVAIL TEMPORAIRE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christophe MAMELLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sophie SAVAÏDES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2015
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [V] [Y] a été mise à la disposition de la société TRANSPORT RICO, par la SAS CONTI SERVICE, à compter du 7 août 2006, en qualité d'assistante administrative. Les contrats de mission temporaire ont été renouvelés. À compter du 1er janvier 2008, la salariée a été embauchée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'assistante par la société TRANSPORT RICO, aux droits de laquelle vient la SARL REVEL TRANSPORT. Dans le dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait un salaire mensuel de 1.688,07 € bruts. Les relations des parties étaient régies par la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Après convocation le 5 février 2010 à un entretien préalable fixé au 16 février, l'employeur a licencié la salariée pour motif économique, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2010 rédigée en ces termes : «L'exercice clos au 31 décembre 2009 affiche de lourdes pertes d'exploitation de l'ordre de 100 K€.
Nous n'avons aucune perspective de redressement sur l'année en cours compte tenu de la récession économique majeure qui touche tous nos donneurs d'ordre de l'industrie ou du BTP dont les investissements sont actuellement gelés. Les conséquences sur les résultats et la compétitivité de la société imposent une réorganisation de nos services et de notre organisation et une baisse des charges et des effectifs inadaptés au niveau d'activités.
Ces motifs ont pour conséquence la suppression de votre poste de travail afin de préserver la compétitivité de notre société et assurer sa pérennité et celle de la Branche Levage Manutention du Groupe fortement impactée par la crise actuelle.
Nous avons procédé aux recherches de reclassement dans la société ou sur les autres filiales du groupe ALTEAD. Les lourdes difficultés financières que nous rencontrons sur l'ensemble des entités et qui entraînent de nombreuses suppressions de postes ne nous permettent malheureusement pas à ce jour de trouver une solution de reclassement adaptée à votre profil, votre qualification et à vos compétences'».
Le 11 mai 2010, contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, section commerce, lequel s'est déclaré en partage de voix le 30 août 2011. Par jugement en date du 12 avril 2013, le juge départiteur a :
-prononcé la requalification des contrats de mise à disposition en contrat à durée indéterminée à compter du 7 août 2006 ;
-condamné la SARL REVEL TRANSPORT à payer à la salariée la somme de 1.652,82 € à titre d'indemnité spéciale de requalification ;
-débouté la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires ;
-déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement économique notifié le 26 février 2010 ;
-condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 11.600 € de dommages et intérêts pour absence de cause réelle sérieuse ;
-rejeté le surplus des demandes de la salariée ;
-débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SAS CONTI SERVICE ;
-condamné l'employeur à délivrer à la salariée une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement;
-rejeté la demande d'astreinte ;
-précisé que toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la SARL REVEL TRANSPORT porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
-ordonné l'exécution provisoire et rappelée que la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R 1454-14 et R 1454-28 du code du travail sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;
-ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de toutes les indemnités de chômage payées du jour du licenciement au jour du prononcé de la présente de la décision dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage ;
-condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1.500 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
-débouté la SAS CONTI SERVICE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
-condamné la SARL REVEL TRANSPORT aux dépens.
Le 2 mai 2013, Mme [V] [Y] a interjeté régulièrement appel de ce jugement. Cet appel a été enrôlé au répertoire général sous le n° 13/09204. La SARL REVEL TRANSPORT a également interjeté régulièrement appel de ce jugement le 13 mai 2013. Cette procédure a été enrôlée au répertoire général sous les n° 13/10297 et 13/10396. Par ordonnance du 26 septembre 2014, le magistrat chargé d'instruire a joint lesdites procédures sous le premier numéro.
Vu les écritures déposées par Mme [V] [Y], le 7 octobre 2015, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
-constater que l'employeur ne prouve pas les difficultés économiques alléguées, qu'il n'a pas cherché à la reclasser, qu'il n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement et qu'il n'a pas informé l'administration du travail ;
-en conséquence, dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
-condamner l'employeur à lui verser les sommes de :
*16.880,07 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*3.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement tenant à l'absence de communication des critères d'ordre du licenciement ;
*1.688,07 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement tenant au défaut d'information de l'administration ;
*1.652,82 € à titre de dommages-intérêts pour requalification des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée ;
-constater qu'elle a effectué des heures supplémentaires pour le compte de l'employeur ;
-condamner solidairement l'entreprise d'intérim et l'entreprise utilisatrice à lui verser la somme de 3.735,50 € brut à titre de paiement des heures supplémentaires pour les années 2006 à 2007, ainsi que la somme de 373,55 € au titre de l'incidence congés payés ;
-condamner l'employeur à lui verser la somme de 13.971,17 € pour les années 2008-2010 ainsi que la somme de 1.397,12 € au titre de l'incidence congés payés ;
-ordonner le remboursement aux organismes concernés de toutes les indemnités de chômage payées du jour du licenciement au jour du prononcé de la décision de première instance dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
-ordonner la remise des bulletins de salaire, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter de la date du prononcé de l'arrêt ;
-juger que la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte ;
-juger que les sommes dues porteront intérêt légal à compter de la date du jugement de première instance ;
-condamner solidairement la SARL REVEL TRANSPORT et la SAS CONTI SERVICE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 €, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les écritures de la SAS ALTEAD PROVENCE, venant aux droits de la SARL REVEL TRANSPORT, déposées le 7 octobre 2015, par lesquelles elle demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et constater que l'employeur a informé l'administration du travail du prononcé des licenciements économiques ;
-infirmer ladite décision en toutes ses autres dispositions ;
-débouter la salariée de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
à titre reconventionnel,
-condamner la salariée à lui payer 2.000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Vu les écritures de la SAS CONTI SERVICE, devenue la SAS INTERIM NATION PACA, déposées le 7 octobre 2015, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des dispositions des articles L 1251-5 et suivants, L 1251-35 et L 1251-40 du code du travail, de :
-confirmer le jugement rendu le 12 avril 2013 ;
et ainsi,
-dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement aux obligations mises à sa charge ;
-débouter la salariée de sa demande de requalification à son encontre ;
-débouter la salariée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires à son encontre ;
-débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à son encontre ;
-condamner la salariée au paiement de la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 7 octobre 2015.
SUR CE
Sur la requalification des contrats de mission en CDI :
Selon l'article L 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
L'article L 1251-6 dudit code dipose qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans les cas énumérés par la loi, notamment, pour le remplacement d'un salarié absent ou en raison d'un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
Conformément à l'article L 1251-35, le contrat de mission est renouvelable une fois pour une durée déterminée qui, ajouté à la durée du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale prévue à l'article L 1251-12 soit en principe dix-huit mois.
Aux termes de l'article L. 1251-40, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L. 1251-30 et L 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
En l'espèce, le contrat de mission du 7 août 2006, conclu pour assurer le remplacement d'une salariée en congé individuel de formation, a été renouvelé onze fois, de sorte que les dispositions de l'article L 1251-35 du code du travail n'ont pas été respectées.
S'agissant des contrats conclus pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2007, le motif invoqué est l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Or, l'entreprise utilisatrice ne démontre pas la réalité du motif allégué.
Par conséquent, il convient de confirmer la décision déférée qui a requalifié les contrats de mission en contrat à durée indéterminée et condamné la SARL REVEL TRANSPORT, venant aux droits de la société TRANSPORT RICO, à régler à la salariée la somme de 1.652,82 € à titre d'indemnité de requalification.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
En droit, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
La salariée affirme qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées. Au soutien de ses allégations, elle produit un tableau Excel détaillant les heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies, ainsi que plusieurs attestations rédigées par des salariés ou des clients.
La salarié produit donc des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
-Sur la demande au titre des heures effectuées du mois d'août 2006 au 31 décembre 2007 :
Au cours de cette période, la salariée était employée par la société d'interim CONTI SERVICE et avait été mise à la disposition de la SARL REVEL TRANSPORT.
Conformément à l'article III du règlement intérieur de la société d'intérim, elle devait remplir chaque semaine des bordereaux d'heures en précisant, notamment, le nombre d'heures travaillées par jour et elle devait faire signer ces documents par un responsable de la société utilisatrice, lequel devait y apposer son cachet.
Il est expressément indiqué dans cet article que seuls les bordereaux avec cachet et signature constituent une preuve de la réalité des heures effectuées par l'intérimaire et que c'est sur la base de ces bordereaux que sont établis les paies.
C'est donc au vu des indications de la salariée que les bulletins de paie ont été remplis, la salariée ayant perçu tous les mois le paiement des heures supplémentaires qu'elle a déclarées avoir effectuées.
Or, à aucun moment la salarié n'a contesté les bordereaux qu'elle a elle même remplis. Le tableau qu'elle produit est en contradiction avec le bordereau qu'elle remettait chaque mois à l'entreprise de travail intérimaire et ne tient pas compte des heures supplémentaires déjà rémunérées.
En considération de ces éléments, sa demande de rappel d'heures supplémentaires pendant la période au cours de laquelle elle travaillait en qualité d'intérimaire n'apparaît pas justifiée.
Il convient par conséquent de confirmer la décision du juge départiteur qui l'a déboutée de ce chef de demande.
-Sur la demande au titre des heures supplémentaires effectuées en 2008-2010 :
Au soutien de sa demande, la salariée produit un tableau détaillant avec précision les horaires effectués, ainsi que plusieurs attestations desquelles il ressort qu'elle était à son poste de travail avant huit heures et le soir jusqu'à dix-neuf heures et qu'elle travaillait pendant les heures de repas et ce, en raison de ses fonctions consistant, notamment, à gérer les appels des chauffeurs et des clients.
À l'exception de l'attestation de M. [O] [D] qui a créé avec la salariée une nouvelle société de transport et qui n'apparaît donc pas objective, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les attestations rédigées par d'anciens salariés au motif qu'ils sont eux-mêmes impliqués dans un litige prud'homal, dans la mesure où cette seule circonstance ne les prive pas du droit de témoigner. Il convient donc de les examiner.
-M. [M] [U], qui était alors chauffeur au sein de la société REVEL de mai 2007 à août 2008, atteste avoir constaté la présence de la salariée à son bureau vers 7h30, ainsi qu'aux heures de repas et le soir à 19H00 et qu'elle était joignable et disponible pour répondre à ses appels dans ces créneaux horaires.
-M. [G] [F] et M. [Z] [P], tous les deux conducteurs de travaux auprès de la société SEFI INTRAFOR, cliente de la société REVEL, certifient qu'ils avaient pour contact la salariée pour passer et modifier leurs commandes, ainsi que pour le chiffrage et la facturation et que celle-ci était joignable régulièrement avant huit heures, entre midi et deux et après dix-huit heures
-Mme [K] [H] indique avoir travaillé avec la salariée en 2008 sur le site de [Localité 2] ; qu'elles géraient un parc de plus de soixante ans engins et environ une quarantaine de chauffeurs ; que leur rôle était la saisie, la planification de l'arrivée massive par fax, mail, téléphone des commandes clients, le standard, la pré-facturation ; que ses nombreuses tâches ne leur permettaient pas d'effectuer une journée de huit heures de travail ; qu'après une réorganisation, le planning a été scindé en deux : les grues à [Localité 1] et les camions à [Localité 2] ; que la salariée gérait seule l'agence de [Localité 2] et le planning transport dans l'attente de l'arrivée de M. [A], futur responsable du planning transport ; qu'en contact tout au long de la journée, elles synchronisaient les opérations communes aux grues et camions et ce, après 19h00 ; qu'une nouvelle organisation a eu lieu à partir de juillet 2009 avec un regroupement du planning sous la responsabilité de M. [N], de sorte qu'ils étaient trois pour gérer le planning général ; que leur mission était de gérer les appels téléphoniques, les commandes, de les planifier, de sous-traiter si besoin, d'effectuer les pré-facturations et les relances des clients, de suivre les chauffeurs tout au long de la journée et que la salariée finissait très régulièrement à dix-neuf heures pour clôturer les plannings, car elle devait traiter toutes les commandes pour le lendemain, même celles arrivant tardivement, ce qui arrivait quotidiennement, les commerciaux arrivant après dix-sept heures à l'agence.
-M. [B] [A] qui a dirigé l'agence REVEL TRANSPORT du 16 février au 15 mai 2009 relate que Mme [V] [Y] était chargée du planning, du contact avec les clients et les fournisseurs, ainsi que de nombreuses tâches administratives ; que son contrat de travail prévoyait trente-neuf heures hebdomadaires, mais que celles-ci étaient très largement dépassées chaque semaine, puisque la salariée arrivait au bureau le matin vers 8 heures, alors que son horaire normal était à 8h30, qu'au moment de la pause déjeuner, elle prenait ses repas au bureau et interrompait son travail tout au plus trente à quarante-cinq minutes et qu'elle quittait son poste bien après dix-huit heures ; que son investissement à son poste faisait l'admiration, car sa très lourde charge de travail quotidien était exécutée de la plus sérieuse des façons, sans qu'aucune faute, ni retard ne vienne perturber le fonctionnement de l'agence.
-M. [R] [N] qui a été, à compter du 1er janvier 2009, responsable du planning sur le site de [Localité 1] regroupant les grues, ainsi que les nacelles poids-lourds de la société SALON LEVAGE, REVEL 13 et REVEL TRANSPORT, indique que son interlocuteur direct était la salariée basée sur le site de [Localité 2] ; que c'est elle qui gérait le traitement des commandes, la planification informatique, le suivi des chauffeurs tout au long de la journée, ainsi que la facturation ; qu'elle était joignable à partir de 7h30, mangeant sur place pratiquement tous les jours pour pouvoir répondre aux clients et aux chauffeurs et qu'elle finissait régulièrement à 19 heures. Il ajoute que lorsque la direction a décidée de baser le planning sur le site de [Localité 2], il a travaillé avec la salariée, laquelle s'occupait de traiter les commandes correspondant aux transports et aux nacelles automotrices (trente machines et environ vingt-cinq chauffeurs) ; que son rôle était également de gérer le standard, de transformer les fiches de commandes reçues par fax, envoyées par les commerciaux et les clients, en accusé de réception et de les positionner sur les plannings ; qu'elle établissait la pré-facturation correspondant au rapprochement des accusés de réception de la veille avec les bons de livraison des chauffeurs et qu'elle suivait également tous les chauffeurs pendant le déroulement de leur journée, y comprise entre midi et deux. Il ajoute qu'il faisait des points de contrôles réguliers avec elle pour anticiper les éventuels problèmes (manque de machines, panne, personnel malade, problème sur chantier, etc.) ; que la validation du planning du lendemain était effectuée aux alentours de dix-sept heures, ce qui permettait de contrôler et de valider le travail traité au cours de la journée, mais que la moindre commande arrivant entre dix-sept heures et dix-huit heures pour le lendemain, les obigeait à revoir la planification et qu'il était parfois nécessaire de chercher une sous-traitance lorsque toutes les machines étaient déjà louées, de sorte que la salariée partait à dix-neuf heures pratiquement tous les jours.
-M. [X] [L], anciennement chef d'agence de la société REVEL TRANSPORT témoigne également que la salariée effectuait un travail remarquable sur l'ensemble du pôle transport ; qu'elle effectuait des heures supplémentaires dans le but de répondre à la qualité et à la quantité de travail exigé et qu'elle terminait son travail plus tard pour ajuster le planning du lendemain, chose très fréquente dans ce milieu par la nature de son travail (ajustement obligatoire de dernière minute souvent après dix-huit heures).
De son côté, l'employeur n'oppose aucune pièce de nature à combattre utilement les allégations de la salariée. Il ne saurait valablement soutenir pour fair écherc aux prétentions de la salariée que celle-ci ne démontre pas que ces heures supplémentaires ont été accomplies à la demande de l'employeur ou à tout le moins avec son accord implicite, alors qu'il résulte des attestations versées au débat que leur accomplissement a été imposé par la nature et la quantité du travail demandé.
Par conséquent, il convient de réformer la décision entreprise qui a débouté la salariée de ce chef de demande et de condamner l'employeur à régler à la salariée les sommes de 13.971,17 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008-2010 et de 1.397,11 € au titre des congés payés y afférents.
Sur le licenciement pour motif économique :
Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
L'article L 1233-4 du même code dispose que 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'
S'agissant d'une obligation de moyens renforcée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour permettre le reclassement de la salariée concernée et donc éviter son licenciement et, particulièrement, qu'il a procédé à une recherche de reclassement individualisée et adaptée à la situation particulière du salarié.
Les possibilités de reclassement, doivent être recherchées jusqu'à la date du licenciement.
Pour rapporter la preuve qu'il a satisfait à cette obligation, l'employeur verse au débat les courriels qu'il a envoyés aux différentes sociétés du groupe rédigés en ces termes : «Compte tenu des procédures de licenciement économique en cours au titre de notre filiale REVEL, nous sommes amenés à rechercher les possibilités de reclassement pour six salariés qui occupent les fonctions de :
-1 commercial
-1 responsable planning
-1 manutentionnaire
-3 assistantes administratives
Nous demeurons bien entendu à votre disposition pour vous apporter toute précision sur leur profil.
Merci de bien vouloir me faire connaître toute possibilité d'emploi de ce type ou tout emploi disponible au sein de vos agences qui pourrait correspondre, par courrier, par fax ou par retour de mail... »
Il apparaît également que l'employeur a recruté le 1er janvier 2010 une assistante logistique et le 10 mai 2010, une employée commerciale, alors que la salariée a été licenciée en février 2010 est occupait les fonctions d'assistante administrative.
Le fait que la salariée embauchée en janvier 2010, Mme [S], était dans le groupe REVEL depuis 2002 et qu'elle a été en réalité mutée est sans incidence, dans la mesure où le poste d'assistante logistique aurait pu être proposé à la salariée, afin d'éviter son licenciement.
Force est de constater que l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il a procédé à une recherche de reclassement individualisée et adaptée à la situation particulière de la salariée. La décision querellée qui a jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse doit donc être confirmée.
Tenant l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat (30 ans), de son ancienneté (3 ans et 6 mois ), de son salaire moyen mensuel brut (1.688,07 €) et du fait qu'elle a retrouvé un emploi en créant en juillet 2010 une société de transport, l'indemnité allouée de 11.600 € apparaît justifiée.
La salariée sollicite des dommages-intérêts au motif que l'employeur ne lui a pas communiqué les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Cependant, conformément aux articles L 1233-17 et R 1233-1 du code du travail, il lui appartenait d'adresser cette demande à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé avant l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la date à laquelle elle a quitté effectivement son emploi, ce qu'elle n'a pas fait. La décision déférée qui l'a déboutée ce chef de demande sera donc confirmée.
De même, doit être rejetée la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'informer l'administration par écrit de la procédure de licenciement dans la mesure où s'agissant d'un licenciement concernant un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de onze salariés, cette demande d'indemnité ne peut s'ajouter à l'indemnisation accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes :
Les intérêts au taux légal sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.
La remise de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin rectificatif conforme au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.
La décision du juge départiteur qui a accordé à la salariée la somme de 1.500 € en paiement de ses frais irrépétibles et condamné l'employeur aux dépens de première instance doit être confirmée.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la salariée et de lui allouer à ce titre la somme de 500 €.
L'employeur qui succombe doit être tenu aux dépens d'appel.
S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l'article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel d'heures supplémentaires pour la période de 2008 à 2010.
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,
Condamne la SAS ALTEAD PROVENCE, venant aux droits de la SARL REVEL TRANSPORT, à payer à Mme [V] [Y], en sus des indemnités confirmées, les sommes suivantes:
-13.971,17 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008-2010 ;
-1.397,11 € au titre des congés payés y afférents ;
-500 € à titre d'indemnité globale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur la créance salariale à compter de la date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
Ordonne la remise par la SAS ALTEAD PROVENCE à Mme [V] [Y] de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt.
Ordonne le remboursement par la SAS ALTEAD PROVENCE aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [V] [Y] dans la limite de six mois.
Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.
Rejette toute demande contraire ou plus ample des parties.
Condamne la SAS ALTEAD PROVENCE, venant aux droits de la SARL REVEL TRANSPORT, aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT