COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 03 DECEMBRE 2015
N°2015/642
Rôle N° 13/14487
[R] [K]
C/
[Y] [X] [I]
SCOP CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à :LEVAIQUE
DUREUIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 30 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03609.
APPELANTE
Madame [R] [K]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurence Levaique de la scp Ermeneux-Levaique-Arnaud & Associes, avocat au barreau d'Aix-en-Provence et assistée de Me Lecussan, avocat au barreau de St Gaudens
INTIMES
Monsieur [Y] [X] [I], demeurant [Adresse 2]
défaillant
Caisse Régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est [Adresse 3]
représentée par Me Christian Dureuil de l'AARPI LEX CAUSA Christian Dureuil, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène COMBES, Président, et Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Hélène COMBES, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2015.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2015.
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
[R] [K] et [Y] [X] [I] ont du temps de leur mariage contracté auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur :
- le 24 mai 2006 un contrat de prêt immobilier de 153.000 euros au taux de 3,6 % l'an remboursable en 300 mensualités,
- le 11 juillet 2006, un contrat de crédit à la consommation de 15.700 euros au taux de 5,50 % remboursable sur 60 mois.
Le divorce des époux a été prononcé le 10 septembre 2008.
Le bien immobilier financé par le prêt du 24 mai 2006 a été vendu au mois de janvier 2010 et un paiement de 127.846,51 euros a été adressé au Crédit Agricole.
Par acte des 31 mai et 11 juillet 2012, le Crédit Agricole a assigné [R] [K] et [Y] [X] [I] devant le tribunal de grande instance de Toulon pour obtenir le paiement des sommes dues au titre de ces prêts.
[Y] [X] [I] n'a pas comparu et par jugement du 30 mai 2013, le tribunal de grande instance de Toulon a condamné solidairement [R] [K] et [Y] [X] [I] à payer au Crédit Agricole les sommes suivantes :
- 2.462,90 euros avec intérêts au taux de 5,5 % l'an à compter du 15 mars 2013,
- 40.335,70 euros avec intérêts au taux de 3,60 % l'an à compter du 15 mars 2013
- 800 euros au titre des frais irrépétibles
Le tribunal a ordonné la capitalisation des intérêts.
[R] [K] a relevé appel le 11 juillet 2013.
Dans ses dernières conclusions du 24 août 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et :
- de déclarer l'action du Crédit Agricole au titre du prêt immobilier, irrecevable comme prescrite,
- de débouter le Crédit Agricole de sa demande au titre du prêt mobilier au motif que toutes les échéances ont été payées, de constater en outre que la prescription est acquise,
- de lui allouer 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle rappelle qu'elle a dû quitter le domicile conjugal en urgence, abandonnant tous les éléments nécessaires à une discussion avec la banque et que ses demandes de transmission des actes par le Crédit Agricole n'ont été satisfaites que le 15 février 2011.
Sur le prêt immobilier, elle fait valoir que le premier incident de paiement est survenu le 10 novembre 2007, que la déchéance du terme est acquise depuis le 15 janvier 2010, que le produit de la vente du bien immobilier a été remis au Crédit Agricole le 29 mars 2010.
Elle soutient que le point de départ de la prescription se situe au jour du premier incident non régularisé soit le 10 novembre 2007, de sorte que le Crédit Agricole aurait dû intenter son action le 9 novembre 2009 au plus tard.
Que même si l'on considère que le point de départ de la prescription est le 29 mars 2010, elle était acquise lors de l'engagement de l'action le 31 mai 2012.
Elle soutient qu'il ne faut pas tenir compte des paiements faits en avril 2010 et février 2011 qui devaient être affectés au prêt mobilier selon ses instructions et que le Crédit Agricole a imputés pour les besoins de la cause sur les sommes dues au titre du crédit immobilier.
Elle ajoute que le décompte produit au titre du prêt immobilier est totalement fantaisiste et qu'il ne permet aucune vérification.
Sur le prêt mobilier, elle invoque l'accord qu'elle a conclu avec la banque le 25 septembre 2008 en vue du versement de la somme mensuelle de 400 euros et soutient que toutes les mensualités ont été payées.
A supposer que son argumentation sur ce point soit rejetée, elle invoque la prescription de l'action, le premier incident de paiement remontant au 11 mars 2008.
Dans ses dernières conclusions du 5 décembre 2013, le Crédit Agricole conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et réclame 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur le prêt immobilier, il réplique que la déchéance du terme constitue le point de départ de la prescription et que la banque a manifesté son intention de s'en prévaloir le 15 février 2011.
Il ajoute que des paiements interruptifs de la prescription sont intervenus aux mois d'avril 2010 et février 2011.
Sur le prêt mobilier, il conteste l'affirmations selon laquelle il a été intégralement payé.
Assigné le 15 octobre 2013 dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, [Y] [X] [I] n'a pas constitué avocat. Il sera statué par défaut.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2015.
DISCUSSION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
1- Sur la demande au titre du prêt immobilier
Le 24 mai 2006, le Crédit Agricole a consenti aux époux [K]/[X] [I] un prêt de 153.000 euros remboursable sur 300 mois.
La vente du bien immobilier financé au moyen du prêt est intervenue au mois de janvier 2010 et le Crédit Agricole a reçu un versement anticipé de 127.846,51 euros.
Ce versement apparaît sur le décompte du 15 mars 2013 (pièce intimé n° 8) à la date du 1er avril 2010, mais le Crédit Agricole ne conteste pas qu'il a été fait le 29 mars 2010.
C'est à tort que le Crédit Agricole se prévaut de la déchéance du terme à la date du 15 février 2011, alors qu'elle est intervenue avec le versement anticipé de 127.846,51 euros, qui a remis en cause toute l'économie du contrat.
Le Crédit Agricole a d'ailleurs établi le 15 janvier 2010 un décompte de remboursement anticipé faisant apparaître une indemnité de remboursement anticipé, preuve qu'il avait bien pris en compte la déchéance du terme.
Il est constant que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit, constituent des services financiers fournis par des professionnels et sont soumis à la prescription de deux ans de l'article L. 137-2 du Code de la consommation.
Le point de départ du délai de prescription de l'article L. 137-2 se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée.
En l'espèce, c'est à compter du 29 mars 2010 que le Crédit Agricole était en mesure d'exercer l'action en paiement du solde dû au titre du prêt immobilier, ce qu'il n'a fait que par actes des 31 mai 2012 et 11 juillet 2012, date des assignations des débiteurs devant le tribunal de grande instance de Toulon.
Le Crédit Agricole fait valoir que la prescription a été interrompue par un premier paiement de 132,91 euros intervenu le 20 avril 2010 et par un second paiement de 195,82 euros fait le 22 février 2011.
L'article 2240 du code civil prévoit certes que la reconnaissance du débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, interrompt le délai de prescription.
Mais le Crédit Agricole n'établit par aucune pièce l'existence du premier versement et le décompte qu'il a établi unilatéralement le 15 mars 2013, qui n'est étayé par aucun justificatif du paiement ne peut être considéré comme un document probant.
[R] [K] justifie pour sa part que le 2 février 2011, elle a adressé au Crédit Agricole un chèque de 195,82 euros qu'elle a spécialement affecté au remboursement du crédit à la consommation.
En l'absence de cause interruptive, la prescription était acquise le 29 mars 2012.
[R] [K] est bien fondée à invoquer l'irrecevabilité de la demande du Crédit Agricole au titre du prêt du 24 mai 2006, en raison de sa tardiveté.
2 - Sur la demande au titre du crédit à la consommation
Le 11 juillet 2006, le Crédit Agricole a consenti aux époux [K]/[X] [I] un crédit à la consommation de 15.700 euros destiné à l'acquisition d'un véhicule automobile, remboursable sur 60 mois.
La première échéance de 273,50 euros était fixée au 5 septembre 2006 et les échéances suivantes étaient de 299,89 euros, la dernière intervenant le 5 août 2011.
S'agissant de l'exécution de ce contrat, les seules pièces que le Crédit Agricole verse aux débats sont :
- un courrier recommandé de mise en demeure de payer la somme de 2.218,34 euros adressé le 15 février 2011 à [Y] [X] [I]
- un courrier recommandé de mise en demeure de payer la somme de 2.316,06 euros adressé le11 juin 2012 à [R] [K]
- un courrier du 11 juin 2012 transmettant le tableau d'amortissement du prêt depuis l'origine,
- le décompte arrêté au 15 mars 2013
Le Crédit Agricole s'abstient de donner des précisions sur la date du premier incident de paiement qu'[R] [K] situe au mois de novembre 2007, ce qu'il convient de retenir en l'absence de démenti du créancier.
Elle justifie également par ses relevés de compte et la copie des chèques adressés au Crédit Agricole :
- des 28 versements de 400 euros par mois qu'elle a effectués du mois d'octobre 2008 au mois de janvier 2011,
- de la reprise des échéances du mois de février 2011 au mois d'août 2011
Il ressort de ces éléments que les sommes dues au titre du crédit à la consommation ont été intégralement acquittées, ce que ne contredisent ni le décompte du Crédit Agricole qui ne mentionne pas les versements de 400 euros régulièrement effectués sur 28 mois, ni ses conclusions dans lesquelles il maintient sa demande en paiement sans l'expliciter.
Le Crédit Agricole sera débouté de sa demande en paiement au titre du crédit à la consommation.
Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
Il sera alloué à [R] [K] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par défaut,
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- Déclare irrecevable comme prescrite la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur au titre du prêt immobilier du 24 mai 2006.
- Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur de sa demande au titre du crédit à la consommation du 11 juillet 2006.
- Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur à payer à [R] [K] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
- Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT