COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 17 DECEMBRE 2015
N° 2015/ 689
Rôle N° 13/15990
SAS HEINEKEN ENTREPRISE
C/
[J] [F]
Grosse délivrée
le :
à :HUGON DE VILLERS
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 27 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/04495.
APPELANTE
Sas Heineken Entreprise, poursuites et diligences de son Président, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Philippe HUGON DE VILLERS de la SELARL SELARL INTERBARREAUX IN SITU AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
et assistée de Me Alexandra TELLE, avocat au barreau de Marseille
INTIME
Monsieur [J] [F]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 16 octobre 2007, la société Le Xenios a acquis un fonds de commerce de restauration et pour financer l'acquisition, a contracté auprès du Crédit Mutuel d'Alsace et de Lorraine (CIC Est) un emprunt de 40.250 euros.
Le remboursement de ce prêt a été cautionné par la société Heineken Entreprise qui a elle-même obtenu la garantie de [J] [F] associé de la société Lexenios, à hauteur de la somme de 48.300 euros.
La société Le Xenios s'étant montrée défaillante, la société Heineken Entreprise s'est acquittée de la somme de 36.402,46 euros envers la banque.
Par acte du 15 juin 2011, la société Heineken Entreprise a assigné [J] [F] en paiement devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence et par jugement du 27 mai 2013, le tribunal l'a déboutée de toutes ses demandes en l'état du caractère disproportionné de l'engagement.
La société Heineken Entreprise a relevé appel le 31 juillet 2013.
Dans ses dernières conclusions du 1er mars 2014, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner [J] [F] à lui payer la somme de 36.402,46 euros outre intérêts au taux de 6,8 % à compter du 25 juin 2010 outre 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle conteste toute disproportion en l'état des revenus et du patrimoine immobilier de [J] [F].
Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2013, [J] [F] conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de la société Heineken Entreprise à lui payer la somme de 36.863,02 euros à titre de dommages intérêts et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il invoque successivement :
- la nullité de l'engagemen de caution de la société Heineken Entreprise, faute d'objet
- la nullité de l'engagement de la sous-caution
- la disproportion entre son patrimoine et le montant de son engagement,
- la faute qu'a commise la société Heineken Entreprise en sollicitant un engagement disproportionné.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2015.
DISCUSSION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Dans l'acte de cession du fonds de commerce du 16 octobre 2007, [J] [F] s'est constitué caution de la société Le Xenios envers la société Heineken Entreprise et s'est engagé à la rembourser de toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires que celle-ci en sa qualité de caution, aura été amenée à régler à la banque.
La société Heineken Entreprise justifie par une quittance subrogative du 15 août 2009 qu'elle a payé à la banque CIC Est la somme de 36.402,46 euros.
Pour conclure à la nullité de l'engagement de caution pris par la société Heineken Entreprise et à la nullité de son propre engagement envers cette société, [J] [F] fait valoir que l'engagement de la société Heineken Entreprise est dépourvu d'objet et qu'elle n'a pris aucun risque.
Mais l'engagement de la société Heineken Entreprise a bien un objet au sens de l'article 1126 du code civil qui est son obligation d'assurer le remboursement des sommes dues au titre du prêt pour le cas où la société Le Xenios n'y satisfairait pas.
De même, le fait que l'engagement de caution de la société Heineken Entreprise soit donné en contrepartie de l'engagement de la société Le Xenios de se fournir auprès d'elle, n'est pas de nature à priver d'objet l'engagement de caution de [J] [F] envers la société Heineken Entreprise.
L'argumentation sur la nullité des deux engagements de caution ne peut prospérer.
[J] [F] demande à être déchargé de son engagement de caution en l'état de la disproportion de son engagement.
Aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
Lorsqu'il s'est engagé en qualité de caution à hauteur de la somme de 48.300 euros, [J] [F] a rempli une fiche patrimoniale mentionnant qu'il était marié sous le régime de la séparation de biens, qu'il disposait de revenus professionnels annuels de 18.000 euros, que les revenus de son épouse s'élevaient à 32.400 euros et que seule son épouse était propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 304.000 euros.
Ce bien immobilier correspond à l'adresse donné par [J] [F] [Adresse 2].
Même si l'engagement de caution de [J] [F] représente 2,5 années de revenus professionnels, il n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus au sens des dispositions de l'article L 341-4 du consommation, dès lors que l'épouse séparée de biens de la caution perçoit un revenu fixe et est propriétaire d'un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d'assurer son logement.
C'est à tort que le premier juge a dit que la société Heineken Entreprise ne peut se prévaloir de l'engagement de caution et a débouté la société Heineken Entreprise de sa demande en paiement.
La société Heineken Entreprise est bien fondée à réclamer le paiement de la somme de 36.402,46 euros qu'elle justifie avoir payée à la banque CIC Est.
[J] [F] sera condamné au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal, son obligation envers la société Heineken Entreprise n'étant assortie d'aucun intérêt contractuel.
Le point de départ des intérêts au taux légal sera fixé à la date de l'assignation soit le 15 juin 2011, la société Heineken Entreprise ne justifiant pas de l'envoi d'une mise en demeure par courrier recommandé à la date du 25 juin 2010.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Heineken Entreprise les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement
- Infirme le jugement déféré.
- Statuant à nouveau, condamne [J] [F] à payer à la société Heineken Entreprise la somme de 36.402,46 euros outre intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2011.
- Déboute la société Heineken Entreprise de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- Condamne [J] [F] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT