COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 18e Chambre
ARRÊT AU FOND DU 18 DECEMBRE 2015
No2015/ 708
Rôle No 13/ 17927
Véronique X...
C/
UDAF DU VAR
Grosse délivrée le :
à :
Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON
Me Cyril MARTELLO, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de TOULON-section AD-en date du 05 Août 2013, enregistré au répertoire général sous le no 12/ 389.
APPELANTE
Madame Véronique X..., demeurant ...-83136 STE ANASTASIE SUR ISSOLE
comparante en personne, assistée de Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
UDAF DU VAR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, 15 rue Chaptal-83130 LA GARDE
représentée par Me Cyril MARTELLO, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne ADAM, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président Madame Fabienne ADAM, Conseiller Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2015, puis prorogé successivement au 08 Octobre 2015, 10 Novembre 2015 et 18 Décembre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015
Signé par Monsieur Jean Bruno MASSARD, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Véronique X... a été embauchée par L'UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES du Var (UDAF) à compter du 5 mai 1992 en qualité de déléguée à la tutelle qui l'a affectée au service des familles pour l'exercice des mesures de tutelle aux prestations sociales.
En 2004, après une absence de neuf mois pour un congé individuel de formation, la salariée a été dirigée sur le service des majeurs protégés pour l'exercice de mesures de tutelle ou curatelle. Au dernier état de sa collaboration elle percevait un salaire mensuel brut de 1. 373, 88 ¿ pour un mi-temps à savoir 17heures par semaine ; la convention collective applicable est celle des établissements et services pour les personnes inadaptées et handicapées.
Madame X... a été licenciée le 15 mars 2012.
Saisi le 15 mars 2012 par la salariée d'une contestation de son licenciement et d'une demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, soit licenciement sans cause réelle et sérieuse ou discriminatoire, d'un montant de 40. 000 ¿ ainsi que de l'application de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 2. 000 ¿, le conseil de prud'hommes de Toulon a par jugement du 5 août 2013 débouté Madame X... de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Madame X... a relevé appel de ce jugement le 3 septembre 2013.
Dans ses écritures développées à la barre, l'appelante demande à la cour de :- à titre principal de déclarer le licenciement nul au motif que Madame X... a été discriminée par rapport à ses collègues de travail et par suite de condamner l'UDAF à lui verser la somme de 40. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts,- à titre subsidiaire, après avoir relevé que le licenciement est irrégulier au regard de l'article 33 de la convention collective qui prévoit qu'avant l'engagement d'une procédure de licenciement (autre que pour faute grave) le salarié doit avoir fait l'objet de deux sanctions au moins, de constater qu'il est injustifié, de le déclarer sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'UDAF à verser à Madame X... la somme de 40. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.- en tout état de cause, de condamner L'UDAF du Var à payer à Madame X... la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, l'intimée, se défendant de toute discrimination dans cette décision de licencier Madame X... et démontrant la cause réelle et sérieuse du licenciement, conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Madame X... à lui payer la somme de 4. 000 ¿ et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le fond :
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée : " Aussi, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Nous vous rappelons les raisons qui nous conduisent à appliquer cette mesure : Vous n'êtes pas titulaire du Certificat National de Compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, mention « mesure judiciaire à la protection des majeurs ». La Loi 2007-308 du 7 mars 2007, complétée par le décret 2008-1508 du 30 décembre 2008 et l'arrêté du 2 janvier 2009, prévoit cette obligation. L'article D. 471-3 du code de l'action sociale et des familles indique : « les personnes (... doivent avoir suivi avec succès une formation complémentaire attestant des compétences nécessaires à l'exercice des fonctions de mandataire judiciaire. » L'article 3 du décret 2008-1508 du 30 décembre 2008 stipule : « les personnes qui exerçaient avant le 1er janvier 2009 la tutelle d'Etat aux majeurs protégés, la tutelle aux prestations sociales versée aux adultes ou la gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial disposent du délai prévu à l'article 44 de la Loi 2007-308 du 7 mars 2007 pour satisfaire aux conditions définies au premier alinéa de l'article D 471-3 du code de l'action sociale et des familles. L'article 44 de la Loi 2007-308 du 7 mars 2007, modifié par la Loi 2010-1609 du 22 décembre 2010 notifie ce délai : « I-Se conforment, dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, aux dispositions de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'action sociale et des familles les personnes morales qui étaient précédemment habilitées pour exercer : 1o La tutelle d'Etat ou la curatelle d'Etat ; 2o La gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial ; 3oLa tutelle aux prestations sociales. » Le délai prévu a donc expiré le 1er janvier 2012. Vous disposez de 2 autres certificats nationaux de compétence vous permettant d'exercer les mesures d'accompagnement judiciaire et les mesures d'aide à la gestion du budget familial. L'organisation des services prévoit la polyvalence des délégués mandataires entre les différentes mesures : protection juridique des majeurs, mesures d'accompagnement judiciaire et aide à la gestion du budget familial. Vous n'êtes donc plus en mesure de gérer les mesures que l'UDAF du Var vous confie, puisque votre secteur compte actuellement 23 mesures de protection juridique des majeurs sur 25 dossiers qui vous sont confiés. Vous bénéficiez d'un préavis de 2 mois qui débutera à la 1ère présentation de cette lettre. Nous vous dispensons toutefois de toute activité pendant ce préavis. »
- Sur la discrimination-
Il appartient à celui qui allègue une discrimination pour l'un des motifs visés par l'article L. 1132-1 du code du travail d'établir les éléments la laissant supposer et à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des motifs étrangers à toute discrimination.
D'une part, Madame X... ne donne aucune précision sur le motif pour lequel elle aurait été discriminée ; d'autre part, hormis le motif du licenciement à savoir cette difficulté liée à la non obtention d'un certificat dont chacun s'accorde à indiquer qu'il était indispensable pour l'exercice des mesures de tutelle, elle n'apporte aucun élément qui laisse présumer que, préalablement à cette procédure de licenciement, qui sera examinée postérieurement, l'employeur voulait se défaire de cette salariée. Celle-ci donne, certes, des noms de salariés ne disposant pas des trois certificats désormais nécessaires pour l'exercice complet de leurs fonctions ainsi que celui d'une salariée dont le mémoire n'a pas été validé, salariés qui n'ont pas pour autant été licenciés, mais L'UDAF du Var s'explique sur la différence de traitement objectivement, de même que l'employeur démontre au sujet du mémoire, que par rapport aux autres salariés, des moyens supplémentaires ont été accordés à Madame X... (en terme de délai notamment). Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge n'a pas retenu cette accusation de discrimination.
- Sur la régularité du licenciement au regard de la convention collective-
Les parties s'accordent pour reconnaître que la convention collective en son article 33 prévoit qu'aucun licenciement, sauf pour faute grave, ne peut intervenir sans qu'au moins deux sanctions n'aient été au préalable prises à l'encontre du salarié.
L'UDAF du Var se défend de l'application de ces dispositions en soutenant que la procédure de licenciement n'était pas disciplinaire, Madame X... ayant été licenciée non pas pour faute grave mais pour cause réelle et sérieuse. La salariée soutient qu'il y a irrégularité de la procédure.
Certes, il n'est contestable que Madame X... n'a pas été sanctionnée pour une faute grave. Le grief fait à Madame X... est de ne pas disposer du certificat national de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, parce qu'il manque à la salariée un certificat sur les trois désormais nécessaires à l'obtention de ce titre. Il s'agit d'un fait objectif qui sera étudié dans le cadre de l'examen du bien fondé du licenciement mais à aucun moment, dans les termes mêmes de la lettre de licenciement, un comportement fautif, qui aurait pu être par exemple celui de ne pas avoir fait les efforts suffisants pour déposer le mémoire dans le temps imparti, n'est mentionné. Il s'agit d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Néanmoins, le licenciement est une sanction et même, dans l'échelle des sanctions, c'est la plus grave ; le texte de l'article 33 de la convention collective concerne les procédures disciplinaires et le licenciement est bien une procédure disciplinaire. Le texte visé n'exclut de ce préalable de double sanction avant licenciement, que le licenciement pour faute grave, le texte ne précise pas que ces dispositions ne concerneraient que " le licenciement pour faute ". Dès lors, il est constaté que la procédure prévue n'a pas été respecté puisque Madame X... n'avait, avant l'engagement de la procédure de licenciement, jamais été l'objet d'une sanction, avertissement, mise à pied par exemple.
- sur le licenciement-
Si le motif visé, à savoir le défaut de l'un des trois certificats obligatoires pour exercer dans sa plénitude les fonctions de délégué à la tutelle est un fait objectif et qui ne peut être combattu (en effet, Madame X... ne pouvait pas exercer les mesures de tutelle pour les majeurs protégés), de même que la nouvelle organisation du service qui prévoit la polyvalence des délégués mandataires ne peut être remise en cause, s'agissant d'un choix relevant du pouvoir directionnel de l'employeur, en revanche, dans la mesure où il est établi que certains délégués ne possédaient pas tous les certificats (y compris le même certificat que celui manquant à Madame X..., cas de la salariée dont le mémoire n'a pas été validé)) et que ces salariés n'ont pas faits pour autant l'objet d'un licenciement et étant relevé que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne vise pas un manque de bonne volonté de la part de Madame X... pour déposer son mémoire dans le délai imparti malgré le temps additionnel accordé, et enfin étant noté qu'il n'est pas contredit que Madame X... aurait pu par la suite se mettre en conformité et, durant ce temps, exercé des mesures autres, telles les mesures de tutelles aux prestations sociales, le licenciement est considéré comme insuffisamment fondé.
- Sur le montant de l'indemnisation-
L'article L1235-3 du code du travail dispose que le salarié victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; Madame X... démontre un préjudice plus important ; eu égard à durée de la relation contractuelle, l'âge de la salariée et les éléments versés sur sa situation, il lui sera donc alloué une somme de 30. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile-
Les dépens de première instance et d'appel seront assurés par L'UDAF du Var et en application de l'article 700 du code de procédure civile, L'UDAF du Var sera condamnée à verser à Madame X... la somme de 2. 000 ¿.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la discrimination,
Dit le licenciement de Madame Véronique X... sans cause réelle et sérieuse,
Condamne L'UNION DEPARTEMENTALE DU VAR à payer à Madame Véronique X... la somme de 30. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne L'UNION DEPARTEMENTALE DU VAR aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne L'UNION DEPARTEMENTALE DU VAR à payer à Madame Véronique X... la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER. LE CONSEILLER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.