La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2016 | FRANCE | N°14/11720

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 13 janvier 2016, 14/11720


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2016

A.V

N° 2016/006













Rôle N° 14/11720







[X] [G] épouse [Y]





C/



MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE





















Grosse délivrée

le :

à :





Me [Z] [O]



Mme [C] (2)







Décision déférée à la Cour :
r>

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/07399.





APPELANTE





Madame [X] [G] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4] (CAMEROUN)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]





représentée par Me Julien GAUTIER, a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2016

A.V

N° 2016/006

Rôle N° 14/11720

[X] [G] épouse [Y]

C/

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me [Z] [O]

Mme [C] (2)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/07399.

APPELANTE

Madame [X] [G] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4] (CAMEROUN)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Julien GAUTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Sendegul ARAS, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant.

INTIME

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 3]

représenté par Madame Isabelle POUEY, Substitut général.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Chantal MUSSO, Présidente de chambre

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [X] [G], née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (Cameroun) a contracté mariage avec M. [I] [Y], de nationalité française, le [Date naissance 2] 2004 à [Localité 4] (Cameroun). Elle a souscrit, le 30 décembre 2010, une déclaration de nationalité française auprès de la préfecture des Bouches du Rhône sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, déclaration qui a été enregistrée le 11 janvier 2012.

Par acte d'huissier du 6 juin 2012, le procureur de la République de Marseille a fait assigner Mme [X] [G] en annulation de l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française et en constatation de l'extranéité de l'intéressée, soutenant pour ce faire que celle-ci avait quitté le domicile conjugal dès le mois de janvier 2012 et que M. [I] [Y] avait engagé une procédure en divorce le 23 janvier 2012.

Par jugement en date du 9 avril 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 30 décembre 2010 par Mme [X] [G] et constaté l'extranéité de cette dernière, ordonnant la mention de la décision en marge de l'acte de naissance en application de l'article 28 du code civil.

Mme [X] [G] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 5 juin 2014.

----------------------

Mme [X] [G], aux termes de ses dernières conclusions responsives er récapitulatives n 2 signifiées par RPVA le 14 avril 2015, demande à la cour de :

- constater qu'elle a régulièrement accompli les diligences de l'article 1043 du code de procédure civile,

- infirmer intégralement le jugement déféré,

- constater que l'appelante établit l'existence d'une communauté de vie lors de sa déclaration de nationalité française souscrite le 30 décembre 2010,

- en conséquence, constater la validité de la déclaration,

- déclarer irrecevable l'action du ministère public en annulation de l'enregistrement de sa déclaration n 00525/12 du 11 janvier 2012,

- condamner l'Etat et/ou le trésor public à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel les moyens et arguments suivants :

elle ne conteste pas la recevabilité de l'action du ministère public mais son bien- fondé ;

le tribunal a commis une erreur de droit dans l'application de l'article 21-2 du code civil : en effet, Mme [X] [G] justifiait d'une communauté de vie de plus de six ans avec son époux qui existait encore à la date de la déclaration de nationalité, le 30 décembre 2010, ce dont les époux avaient attesté lors du dépôt de la déclaration ;

la présomption de fraude invoquée par le ministère public en application de l'article 26-4 alinéa 3 du code civil à raison de la cessation de la vie commune dans les douze mois suivant la déclaration n'est pas irréfragable et Mme [X] [G] démontre son intention véritable de mener durablement une vie commune avec son époux en décembre 2010 puisque les époux avaient signé ensemble, le 25 octobre 2010, un bail d'habitation dans un nouveau logement à [Localité 1] et qu'elle produit deux avis d'imposition 2010 et 2011, onze quittances de loyer portant le nom des deux conjoints, bulletins de paie et contrat de travail ;

le fait que Mme [X] [G] ait omis de signaler au ministère public la cessation de la vie commune avec son époux en janvier 2011 ne caractérise pas la fraude;

enfin, l'extranéité de Mme [X] [G] ne peut être prononcée dès lors qu'en souscrivant la déclaration de nationalité française elle a perdu sa nationalité camerounaise et qu'elle deviendrait apatride.

Le ministère public, suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 17 février 2015, conclut à titre principal à la caducité de la déclaration d'appel et à titre subsidiaire à la confirmation du jugement.

Il fait valoir :

- la formalité de l'article 1043 du code de procédure civile n'a pas été remplie ;

- l'action du ministère public est recevable au regard des dispositions de l'article 26-4 du code civil, la fraude ayant été portée à la connaissance du ministère de la justice le 3 mai 2012 et l'action engagée par le procureur de la République de Marseille le 6 juin 2012,

- l'article 21-2 du code civil suppose, non seulement une cohabitation entre les époux, mais également une communauté de vie affective, de sorte qu'il convient de rechercher si les époux avaient, lors de la déclaration, une réelle volonté de vivre ensemble durablement ;

- l'article 26-4 alinéa 3 qui prévoit une présomption de fraude lorsque la vie commune a cessé dans l'année suivant l'enregistrement de la déclaration de nationalité française est applicable en l'espèce puisque l'action du ministère public a été engagée dans les deux ans de l'enregistrement ; or, M. [I] [Y] a indiqué que son épouse avait quitté le domicile conjugal au mois de septembre 2011 et il a engagé une procédure en divorce le 23 janvier 2012 ; si Mme [X] [G] verse diverses pièces pour attester de la communauté de vie matérielle des époux, elle ne justifie pas de la communauté affective au travers des deux attestations remises et il doit être retenu que l'union contractée avec M. [I] [Y] avait pour unique but de lui permettre d'acquérir la nationalité française.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 18 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que Mme [X] [G] justifie avoir régularisé la procédure en dénonçant sa déclaration d'appel au ministère de la justice qui en a délivré récépissé ; que la demande de caducité de l'appel pour non-respect des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile sera donc rejetée ;

Attendu que l'article 21-2 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce prévoit que l'apatride ou l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;

Que la communauté de vie dont s'agit est celle visée à l'article 215 du code civil et suppose, non seulement une cohabitation effective, mais également une véritable intention des époux, sur le plan affectif et intellectuel, d'établir une relation conjugale suivie et durable qui doit exister à la date de la déclaration ;

Que l'article 26-4 du code civil  dispose que l'enregistrement de la déclaration de nationalité française peut être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, mais qu'il peut l'être encore au-delà de ce délai, en cas de mensonge ou de fraude, dans le délai de deux ans de leur découverte ;

Attendu qu'en l'espèce, la déclaration de nationalité française a été souscrite par Mme [X] [G] le 30 décembre 2010 et enregistrée le 11 janvier 2012 ; que l'action en contestation a été engagée par le ministère public le 6 juin 2012, soit donc dans le délai de deux ans de l'enregistrement ; qu'elle est donc recevable ;

Que le ministère public est recevable et bien-fondé à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 26-4 alinéa 3 du code civil  qui prévoient que la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française constitue une présomption de fraude ; qu'en effet, en premier lieu, ces dispositions peuvent être valablement invoquées, au regard des décisions du Conseil constitutionnel sur QPC des 30 mars 2012 et 13 juillet 2012, dès lors que l'action en contestation du ministère public a été engagée dans les deux années de l'enregistrement et non au-delà ; qu'en outre, en second lieu, il est avéré et non discuté que Mme [X] [G] a quitté le domicile conjugal en septembre 2011 et qu'une requête en divorce a été déposée par M. [I] [Y] le 23 janvier 2012, alors que la déclaration a été enregistrée le 11 janvier 2012 ; qu'il en résulte un renversement de la charge de la preuve, de sorte qu'il incombe à Mme [X] [G] de rapporter la preuve de la communauté de vie des époux, telle que définie plus haut, à la date de la déclaration de nationalité française, le 30 décembre 2010 ;

Que la production d'un bail d'habitation conclu le 15 octobre 2010 par les deux époux ensemble et portant sur un appartement sis [Adresse 1] , des quittances de loyer de cet appartement établies au nom des deux époux et des avis d'imposition sur le revenu 2011 et 2012 et de taxe d'habitation 2011 adressés aux deux époux à leur adresse du [Adresse 1], si elle permet de constater que Mme [X] [G] et M. [I] [Y] résidaient ensemble au mois de décembre 2010, n'est pas suffisante pour établir la communauté de vie affective entre les époux ;

Que l'attestation établie par Mme [V] [M] n'apporte aucun élément sur la communauté de vie de Mme [X] [G] et de M. [I] [Y] puisqu'elle indique seulement que Mme [X] [G] est venue à un mariage en Alsace le 15 octobre 2011 et a résidé dans sa famille près de [Localité 3] pendant quelque temps, avec l'accord prétendu de son époux; que l'attestation établie le 13 décembre 2012 par Mme [W] [Q] n'a aucune force probante dès lors que ce témoin rapporte, de manière contradictoire avec les faits, avoir passé les réveillons de [E] et Nouvel an 2011 avec le couple [Y], décrit comme « en harmonie », et affirme :« Depuis 7 ans que je connais ce couple, ils ont toujours été harmonieux. Je confirme que Madame n'est jamais partie de cette maison, même jusqu'à présent. » ; que cette attestation est en effet contredite par la déclaration de M. [I] [Y] enregistrée le 8 décembre 2011 sur la main courante des services de police de [Localité 1] dénonçant le départ du domicile conjugal de son épouse depuis la fin du mois de septembre 2011, à la suite d'une dispute, et son départ pour [Localité 3] où elle entendait rechercher un emploi ; que M. [I] [Y] indique par ailleurs, dans une lettre adressée au tribunal d'instance de Marseille le 4 janvier 2012, tout au contraire de ce qui est attesté par Mme [Q], que les relations entre lui et son épouse sont difficiles depuis plusieurs mois, qu'ils font chambre à part depuis plus d'un an et que le moindre de leurs différends est réglé par le service 17 de la police ;

 

Qu'il convient en conséquence de constater que Mme [X] [G] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une communauté de vie avec M. [I] [Y] à la date de la déclaration de nationalité française du 30 décembre 2010 et de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'enregistrement de cette déclaration et constaté l'extranéité de Mme [X] [G] ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Constate que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et rejette la demande du ministère public en caducité de l'appel de Mme [X] [G] ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions ;

Constate l'extranéité de Mme [X] [G] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [X] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 14/11720
Date de la décision : 13/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°14/11720 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-13;14.11720 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award