COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2016
O.B
N° 2016/
Rôle N° 14/24150
[G] [O]
C/
[X] [L]
[C] NATHAN épouse [L]
[Y] [S]
Grosse délivrée
le :
à :Me Daval Guedj
Me Berard
Me Tollinchi
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 20 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/05239.
APPELANT
Maître [G] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [X] [L]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Etienne BERARD de la SCP BERARD & NICOLAS, avocat au barreau de NICE
Madame [C] NATHAN épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Etienne BERARD de la SCP BERARD & NICOLAS, avocat au barreau de NICE
Monsieur [Y] [S] à l'enseigne EUROPE IMMOBILIER, dont le siège social est [Adresse 2]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.BRUE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu l'assignation du 10 octobre 2012, par laquelle Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W] ont fait citer Monsieur [G] [O], notaire et Monsieur [Y] [S], devant le tribunal de grande instance de Nice.
Vu le jugement rendu le 20 novembre 2014, par cette juridiction.
Vu la déclaration d'appel du 23 décembre 2014, par Monsieur [G] [O].
Vu les conclusions transmises le 4 mars 2015, par l'appelant et ses conclusions récapitulatives des 16 juillet 2015 et 20 novembre 2015.
Vu les conclusions transmises le 29 avril 2015, par Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W].
Vu les conclusions transmises le 30 avril 2015, par Monsieur [Y] [S] et ses conclusions récapitulatives du 23 novembre 2015.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 novembre 2015.
SUR CE
Attendu que par acte authentique reçu le 16 février 2010, par Monsieur [G] [O], notaire, Monsieur et Madame [F] ont vendu à Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W], une maison avec jardin située à [Localité 3] dont les parties avaient respectivement confié la vente et la recherche à Monsieur [Y] [S], agent immobilier ;
Attendu que par décision du 28 octobre 2011, la commune a rejeté leur demande d'autorisation préalable de travaux pour la construction d'une piscine, notamment en raison de la nécessité de laisser une bande de jardin aménagé de trois mètres minimum par rapport à la voie publique ;
Qu'agissant sur le fondement des articles 1602, 1134,'1147, 1992 et 1382 et suivants du Code civil, les époux [L] réclament la condamnation du notaire et de l'agent immobilier à leur payer la somme de 80'000 €, à titre de dommages et intérêts ;
Attendu qu'ils exposent que la décision de refus de l'autorisation de travaux pour la construction d'une piscine est directement liée à l'existence d'une servitude d'alignement grevant une bande de terrain de 124 m² sur laquelle, selon eux, aucun aménagement n'est envisageable ;
Qu'ils estiment avoir été irrémédiablement dépossédés de la jouissance d'une partie de leur terrain et ajoutent que l'emplacement réservé à la servitude d'alignement est déduit de la surface totale de la parcelle réduisant d'autant le calcul des droits à bâtir restant à leur disposition, compte tenu du pourcentage d'espaces verts de 50 % de l'unité foncière défini par le plan local
d'urbanisme et que l'impossibilité de construire la piscine est donc indifférente de son positionnement ;
Attendu qu'ils considèrent que le certificat d'urbanisme faisait mention d'une servitude, celle-ci devait être mentionnée dans l'acte ;
Qu'ils soutiennent que le notaire est tenu d'un devoir d'explication à l'égard des clients peu expérimentés et qu'il devait, en l'espèce, informer de façon claire les acquéreurs de la portée des incidences du certificat d'urbanisme joint à l'acte ;
Attendu que le devoir de conseil du notaire consiste à fournir aux parties les informations nécessaires pour qu'elles soient en mesure prendre en toute connaissance de cause la décision la plus appropriée, en fonction du but de l'opération tel qu'il a été contractuellement défini ;
Qu'il est limité à l'objet de la convention instrumentée et ne peut être étendu à des intentions ou des projets que les parties n'ont pas fait connaître ;
Qu'ainsi, il ne peut être exigé du notaire de vérifier la possibilité de réaliser une construction, un agrandissement, ou un aménagement particulier qui n'était pas mentionné dans l'acte et dont il n'a pas été préalablement avisé, à moins qu'il n'ait pu raisonnablement l'ignorer ;
Attendu en l'espèce que le mandat avec recherche donné à l'agence Europe Immobilier portait sur une villa d'environ 170 m² avec terrain, sans préciser la possibilité de construire une
piscine ;
Attendu que cette possibilité n'est mentionnée, ni dans l'offre d'achat, ni dans le compromis de vente ;
Que la condition suspensive relative à la note de renseignements d'urbanisme incluse dans cette dernière convention stipule qu'elle ne devait révéler aucune servitude rendant l'immeuble impropre à sa destination modifiant la configuration des lieux ou, dépréciant gravement l'immeuble ;
Qu'elle précise que le seul alignement n'est donc pas considéré comme une condition suspensive, à moins qu'il ne rende l'immeuble impropre à sa destination ;
Attendu que tel n'est pas le cas de l'implantation d'une piscine ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que les époux [L] ne justifient pas avoir expressément précisé que la construction d'une piscine d'une certaine taille était un élément déterminant de leur consentement ;
Attendu que le défaut de conformité ne peut donc être invoqué ;
Attendu que les époux [L] ont paraphé le certificat d'urbanisme du 10 février 2010 annexé à l'acte de vente, dans lequel est expressément mentionnée, au titre des prescriptions de voirie, la servitude d'alignement à 10 mètres de la route de [Localité 4] ;
Attendu qu'il appartenait aux acquéreurs de réclamer l'insertion d'une condition suspensive relative à la possibilité de construire une piscine et à l'obtention, auprès de la mairie, d'un permis de travaux de construction d'une piscine pour une taille et un emplacement précisément déterminés ;
Attendu que dans ces conditions, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir rempli son obligation de conseil et d'information ;
Attendu qu'aucune faute ne peut donc être retenue à son encontre ;
Attendu que l'impossibilité définitive de construire une piscine y compris de taille inférieure à 32 m² comme ils le souhaitaient n'est pas établie, alors que des plans d'implantation ont été dressés révèlent la possibilité matérielle de réaliser une piscine plus petite ;
Attendu que le descriptif du bien vendu, tant dans le compromis que l'acte authentique, ne permet pas aux acquéreurs de faire valoir un préjudice de jouissance du terrain dans son affectation première ;
Attendu que le dommage allégué est indépendant de l'intervention du notaire et de la faute prétendue ;
Attendu que le notaire ne peut être tenu d'indemniser les acheteurs de l'impossibilité de réaliser un projet immobilier, dès lors que celle-ci résulte de l'existence d'une servitude sur laquelle l'officier ministériel n'avait aucune influence ;
Que le lien de causalité n'est donc pas établi ;
Attendu que les demandes formées à l'encontre de Monsieur [G] [O] sont, en conséquence, rejetées ;
Attendu que Monsieur et Madame [L] soulignent que l'agent immobilier a fait paraître une annonce précisant que le terrain pouvait accueillir une piscine, sans s'informer de la possibilité juridique de cette construction, au regard des règles d'urbanisme et estiment qu'il a commis une faute en omettant de communiquer toutes les informations dont il disposait sur l'existence d'une servitude d'alignement ;
Mais attendu que la mention de la possibilité d'implantation d'une piscine dans une annonce immobilière ne présume pas de la taille, ni de l'implantation de celle-ci sur le terrain ;
Attendu que la publicité diffusée par un agent immobilier ne peut créer à sa charge aucune obligation, sauf à ce que l'acquéreur potentiel démontre que le contenu de l'annonce a été une condition déterminante à son consentement ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, le mandat de recherche, l'offre d'achat, le compromis et l'acte authentique de vente ne faisant pas mention de la possibilité de réaliser une piscine sur le terrain de la propriété ;
Attendu que qu'à la différence du notaire, l'agent immobilier n'est pas tenu de fournir le détail des renseignements d'urbanisme au stade de la signature du compromis, notamment en ce qui concerne les servitudes ;
Que le certificat d'urbanisme n'a été établi, dans le cadre de la de vente en cause que peu de temps avant la signature de l'acte authentique;
Attendu que la responsabilité de l'agent immobilier, en sa qualité de mandataire, ne peut donc être engagée, dans le cadre de la transaction litigieuse ;
Attendu que le caractère abusif de la présente procédure n'est pas établi ; que la demande en dommages et intérêts formée de ce chef par Monsieur [G] [O] est, en conséquence,
rejetée ;
Attendu que le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes formées à l'encontre de Monsieur [Y] [S] ;
Attendu qu'il est équitable d'allouer à Monsieur [G] [O] et Monsieur [Y] [S] la somme de 3000 €, chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W] qui succombent sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes formées à l'encontre de Monsieur [Y] [S],
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes formées par Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W] à l'encontre de Monsieur [G] [O],
Rejette la demande en dommages et intérêts formée par Monsieur [G] [O],
Condamne Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W] à payer à Monsieur [G] [O], la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W], à payer à Monsieur [Y] [S], la somme de 3000 €,en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [X] [L] et Madame [C] [W] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPÊCHE