COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2016
A.D
N° 2016/
Rôle N° 14/24231
[V] [X] divorcée [J]
Société civile AUX DEUX HELIOS
C/
[U] [Q]
[I] [S]
[N] [J]
Grosse délivrée
le :
à :Me Sider
Me Alligier
Me Badie
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 08 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00596.
APPELANTES
Madame [V] [X] divorcée [J]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant C/O M. [P] [G]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE,
S.C.I. AUX DEUX HELIOS Société civile dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son associée gérante en exercice, Mme [M], domiciliée es qualité audit siège et actuellement, Chez M. [P] [G] - [Adresse 1]
représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Bernard SIVAN, avocat au barreau de NICE,
INTIMES
Monsieur [U] [Q]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE,
Madame [I] [S]
née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [N] [J]
né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 2], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE :
Vu le jugement contradictoire, rendu le 8 décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Nice , assorti de l'exécution provisoire,
- ayant débouté la société aux Deux Hélios et Mme [X] de leur demande de nullité de la promesse synallagmatique de vente notariée pour dol, et pour violence,
- ayant déclaré la vente parfaite,
- ayant condamné la société aux Deux Hélios à régulariser cette vente dans l'étude de Me [C] [B] dans les conditions de la promesse du 15 mars 2011 et dit que faute de comparaître dans le délai d'un mois de la signification de la présente décision pour régulariser la vente, le présent jugement serait publié à la conservation des hypothèques et vaudrait titre de propriété,
- ayant condamné M. [Q] à payer à la société aux Deux Hélios le solde du prix de la vente, soit 300'000 € ainsi que la société aux Deux helios à lui payer le montant de la clause pénale, soit 55'000 €,
- ayant ordonné la compensation entre ces deux sommes,
- ayant condamné in solidum la société aux Deux Hélios et Mme [X] à payer à M. [Q] la somme de 25'000 €à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu l'appel interjeté par la société civile immobilière aux Deux Hélios et par Mme [X] le 23 décembre 2014.
Vu les conclusions des appelants en date du 9 novembre 2015.
Vu les conclusions de l'intimé en date du 20 novembre 2015.
Vu l'intervention volontaire de Mme [S] et de M [J] en leur qualité d'associés de la SCI aux Deux helios, et leurs conclusions du 28 févirer 2015.
Vu l'ordonnance de clôture du 24 novembre 2015.
Motifs
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office.
Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.
Attendu que l'intervention volontaire de Mme [S] et de M [J], qui n'est pas contestée , sera également reçue.
Attendu, sur le fond, que les appelants exposent que la société civile immobilière au Deux Hélios est propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 2], loué à la société L'Aura qui y exploite un commerce de bar restaurant ; que Mme [X] est la gérante de la société propriétaire et de la société exploitante ; que différents pourparlers ont eu lieu avec M [Q] au début de l'année 2011 devant permettre l'établissement d'un acte de prêt par le notaire , Me [C] [B], et que le 14 mars 2011, Mme [X] recevait de celui ci 'la promesse telle que nous devrions pouvoir la signer dès demain' ; que l'acte présentement contesté a été signé le 15 mars 2011; qu'il consiste en une promesse synallagmatique de vente, consentie pour un délai expirant le 30 septembre 2011, au prix de 550 000€, contenant l'inscription d'une hypothèque conventionnelle de 250'000 € au profit de l'acquéreur et emportant versement, dès le 15 mars, entre les mains du notaire de la somme de 220'800 €, dont la société aux deux Hélios a été créditée le 17 mars 2011.
Attendu que les appelants affirment qu'ils ont été trompés lors de la signature de cet acte et qu'il résulte d'une évaluation faite par expert que la valeur des murs était de 850'000 €.
Attendu que les appelants demandent que la Cour prononce, en conséquence, la nullité de la promesse de vente pour absence de consentement et pour vice de consentement.
Attendu qu'il est, en premier lieu, fait état de ce que les associés n'ont pas donné leur consentement à la vente, que le procès verbal de l'assemblée de la SCI en date du 14 mars 2011est sans valeur, n'étant signé par aucun des associés, à l'exception de la gérante, et ce contrairement aux statuts, alors qu'ils ne lui avaient pas donné pouvoir.
Mais attendu d'une part, qu'en application de l'article 1844-16 du Code Civil ni la société, ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi, sauf celle résultant de l'incapacité et celle résultant d'un vice du consentement et d'autre part, que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social, les clauses statutaires limitant les pouvoirs du gérant leur étant inopposables.
Attendu qu'en l'espèce, l'objet social est ainsi défini :
' l'acquisition de biens et droits immobiliers sis à [Adresse 5] et plus généralement la propriété, l'administration et la gestion de tous immeubles et droits immobiliers, et exceptionnellement l'aliénation de ceux des immeubles devenus utiles à la société au moyen de vente échange ou apport en société ».
Attendu qu'à cet égard, il est exposé par les appelants, eux mêmes, ainsi que par les intervenants volontaires,
- que d'importants travaux devaient être réalisés dans les lieux pour permettre une exploitation conforme au commerce de bar restaurant qui y était installé ,
- que la SCI n'avait pas la trésorerie suffisante pour cela et qu'il lui était difficile de trouver un financement dans la mesure où le bien était déjà grevé de deux inscriptions d'hypothèque et où l'état de santé de sa gérante ne le permettait pas,
- ou encore, que la SCI étant 'en réelle difficulté financière', 'c'est dans l'empressement que la gérante a tenté de trouver une source de financement' , ( voir page 7 paragraphe 1 des conclusions des intervenants volontaires) ;
Attendu que ces éléments permettent donc de retenir que l'opération de vente entrait bien dans l'objet social tel que ci dessus rappelé .
Attendu qu'il doit être, par ailleurs, relevé que le procès verbal de l'assemblée de la SCI, en date du 14 mars 2011 qui a bien été joint à l'acte du 15 mars, au moyen d'une copie certifiée conforme par la gérante, relate que tous les associés convoqués verbalement par la gérante y étaient présents et qu'ils ont voté à l'unanimité la vente des biens en litige à M [Q] au prix précisément spécifié de 550 000€ avec pouvoir à cet effet donné au gérant;
Attendu que la promesse de vente en litige vise ce procès verbal en énonçant que tout pouvoir à l'effet des présentes a bien été donné à Mme [X].
Attendu que malgré leurs contestations, ni les appelants, ni les intervenants volontaires ne combattent utilement la réalité des mentions ainsi portées à ce procès-verbal et que M [Q] n'avait aucune raison de les mettre en doute au moment de l'acte auquel ledit procès verbal a été annexé.
Attendu, encore que les appelants, qui se prévalent des statuts, ne les produisent cependant pas, ce qui rend vain tout moyen tiré de leur non respect, et que l'article 44 du décret du 30 juillet 1978 n'exige pas la signature du procès verbal par les associés, mais uniquement par le gérant (et s'il y a lieu par le président de l'assemblée), ce qui anéantit également le moyen tiré de ce que « les procès-verbaux des décisions collectives sont établis et signés par tous les associés conformément aux dispositions de l'article 44 du décret numéro 78 - 704 du 30 juillet 1978 » (page 9 des conclusions des appelants).
Attendu qu'il sera, de surcroît, observé que les intervenants volontaires comme les appelants reconnaissent à ce propos que 'le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire n' est signé par aucun des associés à l'exception de la gérante'(page 9 des conclusions des appelants et page 6 in fine des conclusions des intervenants) .
Attendu que les appelants tout comme les intervenants volontaires ne sauraient , non plus, se prévaloir du non établissement d'une feuille de présence (dont ils conviennent, en outre , qu'elle n'est pas obligatoire, voir conclusions des intervenants volontaires- page 6-) ) , et que les griefs tirés d'un défaut de convocation régulière à l'assemblée, de l'absence de consentement des associés, ou de l'existence pour les associés d'un grief lié à l'absence d'informations sont, dans ces conditions, inopérants .
Attendu que la demande de nullité fondée de ces chefs sera donc rejetée, les développements faits (complétés par ceux à venir ci dessous) confortant la présomption de bonne foi dont bénéficie M [Q], les appelants et intervenants vonlontaires ne parvenant dans ces conditions pas à la combattre utilement.
Attendu que les appelants invoquent, en second lieu, l'erreur obstacle qui aurait pour conséquence de s'opposer à l'existence même du consentement; qu'ils exposent ainsi que pour M. [Q], il s'agissait d'acquérir les murs et que pour la société civile immobilière et Mme [J], il s'agissait d'obtenir un prêt.
Mais attendu que les échanges qui ont précédé la signature de l'acte au 15 mars et qui révèlent effectivement que jusqu'au 9 mars 2011, les parties négociaient sur les conditions d'un prêt, (avec toutefois la stipulation de garanties réservant au créancier prêteur un droit de préférence en cas de vente), ne sont que des pourparlers pré- contractuels et des actes préparatoires, lesquels ne sauraient anéantir l'accord de volonté tel qu'il résulte de l'acte finalement signé le 15 mars 2011 .
Attendu d'ailleurs, que cet acte produit par M [Q], signé des parties et portant la mention 'copie exécutoire' dont l'authenticité n'est pas contestée, est sans équivoque quant à la portée des obligations qu'il contient, étant souligné la parfaite clarté de ses mentions
- quant à la dénomination relative à la qualité des parties : 'promettant et bénéficiaire' à la place de prêteur et emprunteur,
- quant à la qualification de l'acte, intitulé 'promesse synallagmatique de vente', et la stipulation sans ambiguïté que 'le vendeur promettant s'engage irrévocablement à vendre à l'acquéreur bénéficiaire qui s'engage irrévocablement à acquérir sous les conditions ci-après relatées les biens ci-dessous identifiés',
- enfin, quant à la clause relative au prix de vente, payable comptant le jour de la constatation authentique de la réalisation de la promesse avec un paiement partiel anticipé pour 250'000 €, ce paiement étant prévu comme devant s'imputer sur le solde du prix payé comptant et étant qualifié 'exclusivement d'une avance sur le prix de vente' ,
alors que les appelants ne font, par ailleurs, état, ni ne démontrent, l'existence d'une quelconque altération des facultés mentales de la signataire susceptible d'amoindrir ses capacités intellectuelles ou de porter atteinte à sa compréhension de l'acte .
Attenduque les appelants ne peuvent , derechef, prétendre que le consentement aurait été donné dans la croyance de contracter un prêt au regard de la teneur du procès-verbal de l'assemblée générale de la société civile immobilière, dont il convient de souligner qu'elle a été convoquée par la gérante, elle-même, et que le procès verbal en a été aussi rédigé par elle.
Attendu, en troisième lieu, que les appelants fondent leur demande de nullité sur les vices du consentement, à savoir, le dol, et l'exercice de violences morales.
Mais attendu que la circonstance que M. [Q] ait, dans un premier temps, accepté, avec le concours de son notaire, de participer, dans les conditions relatées, à des négociations portant sur un prêt n'est pas, en soi, de nature à constituer des manoeuvres dolosives, ni une tromperie et qu'il ne peut, non plus, être prétendu que « Mme [J] n'a jamais voulu vendre son bien immobilier » (page 16 de ses conclusions) compte tenu encore de la réunion des associés qu'elle a initiée à cet effet et de la décision d'assemblée générale dont elle a justifié auprès du notaire et également du mail de celui ci lui envoyant le projet d'acte dont les termes sont sans ambiguité quant à l'objet de l'acte ainsi communiqué.
Attendu qu'il en est de même de l'urgence et de la nécessité dans laquelle elle se trouvait d'obtenir des liquidités, situation qui n'est, en l'état imputable, qu'à la SCI et à son projet d'investissement au regard notamment de ses moyens financiers( voir à ce sujet le montant de son capital social - 1000€ - et l'importance des prêts restant à sa charge), alors :
- qu'aucune pression, ni aucun abus de faiblesse de la part de M [Q] ne sont démontrés, l'état de santé de Mme [X] qui ne prouve au demeurant pas qu'il ait eu des conséquences sur ses facultés intellectuelles et la situation financière obérée de la SCI ne pouvant suffire à caractériser ces griefs
- que la preuve de la stipulation d'un prix inférieur à la valeur alléguée par les appelants ne saurait être considérée comme suffisamment faite par la seule évaluation produite établie à la demande de M [J] .
Attendu qu'il s'évince des observations ci dessus relatives au caractère clair et sans équivoque de l'objet du contrat, que les demandes assises sur l'existence d'un prêt sont également mal fondées;
Attendu qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées.
Attendu, enfin, qu'en l'état du consentement des deux parties à l'acte du 15 mars 2011, il ne peut être reproché à M [Q] une rupture brutale des pourparlers sur le prêt.
Attendu que les appelants ainsi que les intervenants volontaires seront donc déboutés de toutes leurs demandes, tant principales que subsidiaires, ainsi que de leurs demandes annexes, au titre des dommages et intérêts, des frais irrépétibles et des dépens.
Attendu sur l'appel incident de M. [Q] tendant à son indemnisation au titre de la perte de loyer pour 56'700 €, que la clause pénale insérée à l'acte, à laquelle il a été fait droit par le jugement attaqué constitue une évaluation forfaitaire, faite d'avance au cas d'inexécution de l'obligation contractée ; que par ailleurs, et quand bien même la clause pénale ainsi conventionnellement prévue est stipulée comme étant indépendante de tous dommages et intérêts M. [Q] ne démontre pas subir un préjudice plus ample que celui qui lui a été accordé par le jugement, compte tenu du fait qu'il n'a, en toute hypothèse, versé qu'une partie du prix et qu'il n'a pas versé de dépôt de garantie .
Attendu que sa demande sera donc rejetée.
Attendu que M. [Q] réclame, enfin, que la compensation de la condamnation à dommages et intérêts, prononcée in solidum pour 25'000 € contre la société aux Deux Hélios et Mme [X], soit ordonnée avec la condamnation à verser le solde du prix de vente;
attendu qu'il sera fait droit à cette demande.
Attendu qu' aucune autre critique n'étant développée, le jugement sera confirmé, sauf donc à y ajouter la compensation ci-dessus .
Attendu qu'en raison de leur succombance, les appelants supporteront les dépens de la procédure d'appel et verseront , en équité, à M. [Q] la somme supplémentaire de 2000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
reçoit l'appel,
reçoit l'intervention volontaire de M. [J] et de Mme [S],
confirme le jugement critiqué en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
dit que la compensation sera ordonnée entre la condamnation de M [Q] à verser le solde du prix de vente restant à payer par M. [Q] et la condamnation contre la société aux Deux Helios à payer la somme de 25'000 € à titre de dommages et intérêts,
condamne in solidum la société aux Deux Hélios et Mme [X], prise tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante de la société, à verser à M. [Q] la somme de 2000 €par application de l'article 700 du code de procédure civile,
rejette les demandes plus amples,
condamne in solidum la société aux Deux Hélios et Mme [X], prise en tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante de la société aux dépens d'appel, et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPÊCHE