COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2016
N° 2016/ 44
Rôle N° 15/10885
[F] [X]
C/
[J] [E]
SARL NOUVELLE HARRIS YACHTING
Grosse délivrée
le :
à :
SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-[X] & ASSOCIES
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SCP DESOMBRE M & J,
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Juin 2006 enregistré au répertoire général sous le n° 05/06921.
APPELANT
Maître [F] [X] Es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [J] [E]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-[X] & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me François CREPEAUX de l'ASSOCIATION MACHETTI - CREPEAUX - VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMES
Monsieur [J] [E]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1] (99), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Albert-David TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE
SARL NOUVELLE HARRIS YACHTING prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Didier VALETTE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2016,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant actes des 30 janvier 1990 et 22 février 1991, Monsieur [J] [E] a donné à bail commercial à la société HARRIS YACHTING des locaux commerciaux situés lieu dit [Adresse 4]) moyennant un loyer annuel HT de 180 000 francs pour les locaux du premier bail et de 600 000 francs pour ceux du second bail.
La cession judiciaire du fonds de commerce emportant cession du bail a été conclue le 1er mars 1993 par la société HARRIS YACHTING au profit de la société NOUVELLE HARRIS YACHTING, sur autorisation d'un jugement du tribunal de commerce d'Antibes arrêtant le plan de cession de la société locataire le 29 janvier 1993.
Bien qu'ayant été mis en redressement judiciaire le 10 décembre 1993 puis en liquidation judiciaire le 25 février 1994 par le tribunal de commerce désignant Maître [X] en qualité de liquidateur, M. [E] a passé seul le 2 février 1996 au profit de la société Nouvelle HARRIS Yachting un avenant modificatif des baux en réduisant les loyers initialement convenus à 137000 francs pour le premier et 400 000 francs pour le second.
Par arrêt définitif du 30 octobre 2002, cet avenant a été déclaré inopposable à la procédure collective.
Par arrêt du 29 octobre 2003, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reconnu à M.[E] le bénéfice de la suspension de la procédure collective du fait de la suspension des poursuites résultant de la procédure de désendettement soumise à la commission chargée d'examiner la situation des répatriés.
Par arrêt du conseil d'état du 4 décembre 2009, la demande de M.[E] visant à être admis au dispositif de désendettement des rapatriés a été définitivement rejetée.
Dans l'intervalle, Maître [X], liquidateur de M.[E] avait fait délivrer à la société Nouvelle HARRIS Yachting un commandement en date du 26 février 2002 d'avoir à lui payer es qualités des arriérés locatifs échus du 1er avril 1997 au 31 mars 2002 pour le premier bail et du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001pour le second, mais par jugement du 25 octobre 2005 aujourd'hui définif, le tribunal de grande instance de Grasse a constaté la péremption du commandement.
Le 27 septembre 2005, soit pendant la période de suspension de la procédure collective, M.[E] a fait également délivrer à la société Nouvelle HARRIS Yachting un commandement de payer visant la clause résolutoire sur la base du loyer résultant des baux initiaux.
Sur opposition à commandement de la Société Nouvelle HARRIS Yachting, le tribunal de grande instance de Grasse, par jugement du 8 juin 2006, a déclaré nul le commandement, après avoir relevé que la Société Nouvelle HARRIS Yachting était en droit d'opposer à M.[E] l'avenant de réduction du loyer, même s'il avait été déclaré inopposable à la procédure collective, et que même à supposer que M [E] puisse exercer une action en paiement de loyers à la faveur de la suspension de la procédure collective,un acte notarié du 22 octobre 2001 consistant en une cession de créance du Crédit du Nord sur M.[E] au profit de la société Nouvelle Haris Yachting rendait celle-ci créancière de M.[E] de plus de 500.000 euros, de telle sorte qu'aucune somme ne restait due à M. [E] après compensation.
Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 11 septembre 2008, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement.
Par assignation du 18 juillet 2006, M.[E] avait parallèlement fait assigner la société Nouvelle HARRIS Yachting en résiliation du bail commercial par le jeu de la clause résolutoire figurant au même commandement du 27 septembre 2005 et sollicitait la condamnation de la société locataire à lui régler la somme de 1.989.955, 55€ au titre de l'arriéré de loyers.
Cette seconde instance n'a pas été jointe à la première et a donné lieu à un rejet des demandes de M. [E] par jugement du tribunal de grande instance en date de Grasse en date du 8 juin 2006, sur la base de la nullité du commandement retenu par la juridiction dans son jugement antérieur.
Ce jugement a été confirmé par arrêt du 17 juin 2010 à ce jour définitif.
M. [E] n'a formé pourvoi qu'à l'encontre de l'arrêt du 11 septembre 2008.
Par arrêt du 13 septembre 2011, la cour de cassation a cassé cet arrêt, sauf en ce qu'il avait rejeté le moyen de nullité de l'assignation introductive d'instance, au visa de l'article 1690 du code civil en ce que la cour d'appel avait retenu que la Société Nouvelle HARRIS Yachting pouvait opposer une compensation au titre de la créance cédée, sans avoir vérifié si cette cession de créance avait fait l'objet d'une signification au débiteur ou à son liquidateur suivant la date retenue pour cette formalité.
*****
Maître [X] es qualité de liquidateur qui n'était pas partie à la procédure ni intervenant devant la cour de cassation a saisi la cour d'[Localité 2], cour de renvoi autrement composée le 18 décembre 2013.
La Société Nouvelle HARRIS Yachting a déposé des conclusions d'incident tendant à voir déclarer cette saisine irrecevable et l'instance périmée , la déclaration n'ayant pas été déposée au greffe de la cour d'appel dans les quatre mois de l'arrêt rendu par la cour de cassation.
Par ordonnance du 22 mai 2014 confirmé par l'arrêt rendu sur déféré par la cour le 22 janvier 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré la saisine recevable, aux motifs que Maître [X] en sa qualité de liquidateur tirait de ses fonctions dans lesquelles il a été réinvesti par l'effet de l'arrêt du conseil d'état du 4 décembre 2009 mettant fin à la procédure spécifique aux rapatriés, le pouvoir de reprendre l'instance antérieurement introduite par le débiteur.
Par arrêt du 2 juin 2015, la cour d'appel a ordonné la radiation au fond de l'affaire pour défaut de diligences et conclusions au fond des parties.
L'affaire a été réenrolée sur conclusions de Maître [X] es qualités le 11 juin 2015 .
*****
Dans ses dernières conclusions en date du 7 avril 2015 auxquelles il est fait expressément référence, Monsieur [E] demande à la cour de :
- constater que Maître [X] n'a aucun intérêt ni qualité à agir comme liquidateur de M [E] redevenu in bonis,
- déclarer Maître [X] irrecevables en ses demandes ,
- le condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que par jugement du 23 avril 2004, le tribunal de commerce a condamné Maître [X] à la reddition de comptes, la remise des fonds et des dossiers entre les mains de M. [E] et que le 18 mai 2005, le juge du registre du commerce a ordonné la radiation de toute mention relative à la procédure collective.
Dans ses dernières conclusions en date du 30 juillet 2015 auxquelles il est fait expressément référence, Maître [F] [X] es qualités demande à la cour de :
- recevoir le concluant es qualité en son appel,
- dire et juger le jugement du Tribunal de grande instance de Grasse du 28.03.2008 et l'arrêt de la Cour de céans du 17.06.2010 non avenus et, en tout état de cause, dépourvus de l'autoríté de la chose jugée à l'égard du concluant es qualité,
- dire et juger que, la procédure de liquidation judiciaire de M. [E] ayant repris son cours par l'effet du rejet de sa demande d'admission au dispositif de désendettement des rapatriés, la SOCIETE NOUVELLE HARRIS YACHTING est irrecevable à invoquer l'avenant du 02.02.1996 et la cession de créance dont elle a bénéficié de la part du CREDIT DU NORD,
- dire et juger qu'el1e est redevable des loyers selon les baux d'origine, sauf pour la période du 29.10.2003 au 19.03.2007, où l'avenant du 02.02.1996 peut trouver à s'appliquer,
- dire et juger que la SOCIETE NOUVELLE HARRIS YACHTING n'est pas fondée, même au cours de cette période, à opposer compensation entre sa dette de loyer et la créance antérieure acquise du CREDIT DU NORD,
Avant dire droit,
VU l'article 566 du code de procédure civile,
désigner tel expert avec mission de :
- prendre connaissance des baux liant les parties,
- rechercher quels loyers a payé la SOCIETE NOUVELLE HARIS YACHTING depuis le 01.04.1997, en précisant quels ont été les bénéficiaires des paiements,
- rechercher quels loyers auraient dû être payés au cours de la même période en application des baux initiaux avant le 29.10.2003 et après le 19.03.2007, et en application de l'avenant du 02.02.1996 entre ces deux dates,
- proposer le compte des parties.
- allouer 5.000 € au concluant es qualité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 juillet 2015 auxquelles il est fait expressément référence, la société Nouvelle Haris Yachting demande à la cour de :
Sous réserve de la recevabilité de la saisine de votre Cour après renvoi de Cassation,
Sous réserve de la péremption d'instance,
- dire et juger que la cour n'est saisie que de la validité formelle du commandement de payer délivré le 27 septembre 2005 par Monsieur [J] [E] ayant abouti à un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 8 juin 2006 suite à une assignation délivrée par la Société NOUVELLE HARIS YACHTING le 19 octobre 2005,
- dire et juger en effet que par jugement en date du 28 mars 2008, confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 17 juin 2010, Monsieur [Q] a été débouté de son action en résiliation de bail et en paiement et que ces décisions bénéficient à la date de ce jour de l'autorité de la chose jugée,
- dire et juger dans ces conditions sans intérêt et sans objet la procédure dont est saisie la cour,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la cour n'est saisie en vertu de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 septembre 2011 que sur la régularité d'une signification de la cession de créance que détenait le Crédit du Nord à Pencontre de Monsieur [J] [E], cession opérée au profit de la Société HARIS YACHTING,
- dire et juger que si Monsieur [J] [E] a contesté dans le cadre de la procédure qui a abouti à l'arrêt du 11 septembre 2008 la régularité de la cession de créance, il ne la conteste plus à la date d'aujourd'hui,
En ce qui concerne Maître [F] [X], es-qualité de Liquidateur de Monsieur [J] [E], il n'a jamais contesté que cette cession de créance lui ait été régulièrement notifiée,
- dire et juger en tant que de besoin que la compensation opposée par la Société HARIS YACHTING à, Monsieur [J] [E] l'a été d'une part postérieurement au commandement de payer en date du 27 septembre 2005 à une date où Monsieur [J] [E] bénéficiait de la suspension de sa procédure collective,
- débouter Maître [F] [X] de sa demande d'instauration d'une mesure d'expertise portant sur les années 1997 à ce jour,
- dire et juger en effet que la Cour n'a à connaître en tant que de besoin que d'éventuels loyers impayés à la date du commandement, c'est-à-dire au 27 septembre 2005, et sous réserve de la prescription quinquennale, soit entre le 27 septembre 2000 et le 27 septembre 2005,
En tout état de cause, Maître [F] [X] est infondé à solliciter une mesure d'expertise sur le fondement des dispositions de l'article 146 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,
Dans ces conditions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2006,
Y ajoutant,
- déclarer irrecevable, sur le fondement des dispositions de l'article 564 du Code de Procédure Civile, la demande d'expertise formulée par Maître [F] [X],
- condamner Maître [F] [X] et Monsieur [J] [E] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la régularité de la saisine
Par ordonnance en date du 22 mai 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir opposée par la société Nouvelle Harris Yachting et par Monsieur [E] et admis la régularité de la saisine de la cour de céans comme juridiction de renvoi effectuée par Maître [X] es qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation [E].
La cour ayant confirmé sur déféré la dite ordonnance par arrêt du 22 janvier 2015, la cour de céans n'a plus à se prononcer de ce chef.
- Sur l'intérêt et la qualité à agir de Maître [X]
Par jugement en date du 10 décembre 1993, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Monsieur [J] [E] et désigné Maître [F] [X] aux fonctions de représentant des créanciers.
Par jugement en date du 25 février 1994, le tribunal de commerce d'Antibes a converti cette procédure en liquidation judiciaire en désignant Maître [X] en qualité de liquidateur.
M. [E] soutient que cette procédure collective a été définitivement clôturée et qu'il se trouve désormais in bonis au regard :
- de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 14 avril 2004 qui a prononcé la radiation de la procédure collective,
- du jugement définitif en date du 23 avril 2004 rendu par le tribunal de commerce d'Antibes qui a ordonné à Maître [X] de procéder à la reddition des comptes, la remise des fonds et des dossiers de la dite procédure collective entre les mains de M. [J] [E],ce à quoi a acquiescé Maître [X],
- de l'exécution par Maître [X] de cette décision en remettant les fonds disponibles à M. [E] par deux chèques de la caisse des dépôts et consignations pour une somme totale de 88715,30€ déduction faite des paiements opérés suivant un état de comptes arrêté au 7 octobre 2004,
- de l'ordonnance en date du 18 mai 2005 par laquelle M. le juge du registre du commerce d'Antibes a ordonné la suppression de toute mention relative à la procédure collective,
- de la radiation du tribunal de commerce opérée le 28 octobre 2005 par le tribunal de commerce d'Antibes pour transfert du siège dans le ressort du tribunal de commerce de Nice,
- de la radiation du tribunal de commerce de Nice en date du 27 juillet 2006.
Or, il apparaît que l'ensemble de ces décisions ressort de la suspension de la procédure collective ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de céans en date du 29 octobre 2003 jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur l'instance introduite par M. [E] devant la juridiction administrative sur sa demande d'admission au dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, sans qu'aucune des dites décisions n'ait prononcé la clôture de la procédure collective, la radiation prononcée le 14 avril 2004 étant non pas celle de la radiation de la procédure collective mais celle de la radiation de l'affaire du rôle de la juridiction commerciale.
La cause de la suspension de la procédure de liquidation ayant pris fin par l'arrêt du conseil d'état en date du 4 décembre 2009 qui a rejeté le pourvoi interjeté par Monsieur [E] contre la décision de la cour administrative d'appel de [Localité 3] du 19 mars 2007 qui avait confirmé la décision ayant rejeté sa demande d'admission à ce régime spécifique, M. [E] est donc à nouveau soumis aux effets de la liquidation judiciaire depuis cette date et se trouve actuellement dessaisi de ses droits vis à vis d'un locataire qu'il prétend défaillant et qui ne peuvent être exercés à ce jour que par Maître [X] en sa qualité de liquidateur.
La fin de non-recevoir présentée par M. [E] sera en conséquence rejetée.
- Sur le fond
Par acte de la SCP FISCHOFF- NICOLAI en date du 27 septembre 2005, M [J] [E] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à l'encontre de la société Nouvelle Harris Yachting pour avoir paiement :
- des loyers échus du 1er avril 1997 au 30 juin 2005 pour un grand terrain cadastré section C numéros [Cadastre 1] à [Cadastre 2] et ce pour un montant de 902 528, 67€ TTC
- des loyers échus du 1er janvier 1997 au 30 juin 2005, pour un petit terrain cadastré section C numéro 2743 et ce pour un montant de 311 782,64€
soit un montant total de 1 214 613,50€ ( en compris le coût du commandement)
Ce commandement était précisé comme délivré ' en vertu de baux commerciaux conclus par actes sous seing privé en date du 30 janvier 1990 enregistré à la recette des impôts d'[Localité 4] le 14 février 1990".
En faisant référence exclusivement à ces titres servant de base au commandement litigieux, M. [E] a considéré à tort qu'il pouvait s'affranchir de l'avenant qu'il avait conclu lui même le 2 février 1996 au profit de la société Nouvelle Harris Yachting en réduisant le montant des loyers et bénéficier ainsi de l'inopposabilité de cet avenant conclu pendant la période où il se trouvait sous le coup de la procédure collective, telle que reconnue par l'arrêt du 30 octobre 2002 et dont les effets auraient perduré pendant la période de suspension.
En effet l'arrêt du 30 octobre 2002 ayant déclaré l'avenant non pas nul mais inopposable aux créanciers de la procédure collective dans le cadre de la liquidation de M. [E], ce dernier demeurait, après la suspension de cette procédure collective, personnellement lié par l'avenant et ne pouvait réclamer dans le commandement dont il avait pris l'initiative que le montant des loyers découlant de cet accord.
Une cause de nullité est encourue de ce chef.
Par ailleurs, et ainsi que l'a reconnu le premier juge, la société Nouvelle Harris Yachting était en droit à la date du commandement d'opposer à M. [E] les dispositions des articles 1289 et 1290 du code civil sur la compensation.
En effet en vertu d'un acte sous seing privé du 7 août 2001 enregistré par acte notarié en date du 22 octobre 2001, la société Nouvelle Harris Yachting était titulaire d'une créance cédée par le Crédit du Nord pour un montant de 513 289,50€ arrêtée au 31 mars 2004.
Cette créance a été valablement signifiée le 31 août 2001 au liquidateur seul habilité à cette date à recevoir l'acte de signification dans les conditions de l'article 1690 du code civil.
L'article 1289 du code civil dispose que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, l'article 1291 venant préciser que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes ayant également pour objet une somme d'argent et qui sont légalement liquides et exigibles.
Il s'ensuit que pour opérer paiement par la compensation, les deux dettes doivent être à la date de ce paiement également liquides et exigibles. Or à la date où M. [E] avait recouvré la totale maîtrise de son patrimoine et exigé le paiement de l'arriéré de loyer restant du au 30 juin 2005 réduit par les effets de l'avenant du 2 février 1996, la société Nouvelle Harris Yachting pouvait personnellement lui opposer la compensation du montant de la cession, sans égard au caractère connexe ou non des créances applicables dans le cadre de la procédure collective qui était alors suspendue.
Par ailleurs et même à considérer que la compensation légale se serait opérée en période suspecte dès lors que M. [E] restait pendant la période de suspension en état de cessation de paiement, il n'en demeure pas moins qu'un paiement réalisé par ce moyen ne saurait être annulé sur le fondement de l'article 632-2 du code de commerce, dès lors qu'il n'est pas démontré que la société débitrice des loyers aurait provoqué les conditions légales de la compensation dans le seul but de privilégier sa situation par rapport à celle des autres créanciers mais qu'elle n'a au contraire fait que soulever une exception à la réclamation de M. [E] effectuée par voie du commandement.
Ne basant pas le commandement sur les actes de baux applicables et ne justifiant pas de la réalité de sa créance, c'est à bon droit et par les motifs ajoutés à ceux non contraires du premier juge qu'a été jugé nul et de nul effet le commandement de payer délivré par M [E] le 27 septembre 2005, indépendamment des conséquences de l'arrêt du 17 juin 2010 qui reste inopposable à Maître [X] qui n'avait pas été appelé à la cause alors qu'il était réinvesti à cette date dans ses fonctions de liquidateur.
Le jugement sera ainsi confirmé dans toutes ses dispositions, étant précisé que la société Nouvelle Harris Yachting ne maintient plus en cause d'appel la demande de dommages et intérêts dont elle avait été déboutée en première instance.
La cour n'étant saisie que sur l'opposition à commandement, les demandes nouvelles du liquidateur portant sur le paiement de l'arriéré du à ce jour avec instauration préalable d'une mesure d'expertise ne peuvent être examinés par la cour comme restant étrangères à sa saisine.
A toutes fins utiles, il convient d'ajouter que le liquidateur ne pourrait déléguer dans sa totalité la mission de vérification des comptes locatifs qui lui appartient au premier chef et pour lesquels il ne produit aucun état.
Les dépens seront laissés à la charge de M.[E] qui a pris l'initiative de la délivrance du commandement invalidé et qui sera condamné à payer à la société Nouvelle Harris Yachting la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
M. [E] succombant aux dépens ne peut revendiquer l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par considération d'équité, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée de ce chef par Maître [X], es qualités.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,
Statuant dans les limites de sa saisine sur renvoi de cassation ;
Rejette la fin de non recevoir présentée par M. [E] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable Maître [X] en sa demande d'expertise ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. [E] à payer à la société Nouvelle Harris Yachting la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [E] aux dépens d'appel, et pour leur recouvrement accorde à Maître Desombre, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable à Maître [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E].
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,