COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 04 FÉVRIER 2016
N° 2016/034
Rôle N° 14/07887
SAS SOCIETE CHARTRAINE D'ELECTRICITE SCE (SCE)
C/
[V] [Z]
Mutuelle SMABTP AVAUX PUBLICS (SMABTP)
Grosse délivrée
le :
à :
Me G. BOUZEREAU
Me N. ARPINO
Me F. AZE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/04227.
APPELANTE
SAS SOCIETE CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ (SCE) à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]
représentée par Me Gilbert BOUZEREAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
plaidant par Me Sonia GAMEIRO de la SELARL LESTER-GAMEIRO, avocate au barreau de CHARTRES
INTIMES
Monsieur [V] [Z]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (76),
demeurant [Adresse 4]
représenté et plaidant par Me Nathalie ARPINO de la SELARL BERTAGNA AVOCATS, avocate au barreau de DRAGUIGNAN
Mutuelle SMABTP AVAUX PUBLICS (SMABTP),
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Frantz AZE de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Emmanuelle DURAND de la SCP AZE BOZZI & AZE, avocate au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Marie-José DURAND, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
[V] [Z] a confié à la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ, assurée auprès de la SMABTP, des travaux d'aménagement de sa villa située [Adresse 5] selon devis des 17 décembre 2007 et 26 mars 2008.
L'entreprise a quitté les lieux en juillet 2008, se plaignant de ne pas avoir été réglée de ses 4ème et 5ème situations de travaux.
Le maître de l'ouvrage a fait état de retards, désordres et malfaçons et a en outre reproché à la société CHARTRAINE D'ELECTRICITÉ de ne pas lui avoir communiqué son attestation d'assurance.
Suite à assignation en référé délivrée le 4.11.2008 à la requête de [V] [Z], le président du tribunal de grande instance de Draguignan a, par ordonnance du 26 novembre 2008, ordonné une expertise et commis pour y procéder [Y] [K].
L'expert a clôturé son rapport le 31 mai 2010.
Par assignation du 7 avril 2011, [V] [Z] a demandé la condamnation conjointe et solidaire de la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ et de son assureur la SMABTP au paiement des sommes suivantes :
- 123 176,52 € TTC au titre des travaux de reprise.
- 53 400 € au titre des pénalités de retard arrêtées au 31 mars 2011
- 102 000 € au titre du trouble de jouissance
avec intérêts légaux à compter du 13 octobre 2010,
sollicitant en outre l'exécution provisoire et la somme de 4000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
**
Par jugement du 6.3.2014, le tribunal de grande instance de Draguignan a :
Constaté que la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ a abandonné le chantier de Monsieur [Z] fin juillet 2008.
Dit que la réception des travaux est intervenue le 23 septembre 2008.
Dit que la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ est entièrement responsable des malfaçons, défaut de conception, et inachèvement, des travaux constatés par l'expert.
Dit que la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ est redevable des sommes suivantes :
- 38 866,20 € au titre des travaux de reprise,
- une indemnité de 1 000€ / mois pendant 3 mois / an, en réparation du préjudice de jouissance résultant des infiltrations du mois de septembre 2008 jusqu'au règlement effectif,
- 4 000 € en ce qui concerne le préjudice de jouissance consécutif à la durée des travaux.
Dit que les sommes dues au titre du retard d'exécution s'élèvent à 50 € / jour de retard à compter du 31 mai 2008 et jusqu'au règlement effectif (le montant des pénalités s'élevant à 36 500 € au jour du dépôt du rapport d'expertise).
Condamné la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à payer les sommes ci-énoncées à Monsieur [Z].
Constaté que Monsieur [Z] est débiteur de la somme de 57 130,53 € et l'a condamné à payer cette somme à la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ.
Dit que la SMABTP devra relever et garantir la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à hauteur de 21 163,30 € en ce qui concerne les désordres concernant les infiltrations et qui relèvent de la garantie décennale.
Condamné la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à payer à Monsieur [Z], la somme de 4000€ en application de l'art 700 du code de procédure civile.
Débouté pour le surplus.
Prononcé l'exécution provisoire.
Condamné la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ aux dépens.
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Le 17.4.2014, la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ interjetait appel.
Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées par le RPVA le 19.10.2015 la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1152, 1162, 1230, 1792 et 1792-3 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [Y] [K],
Vu les conditions générales du contrat d'assurances de la SMABTP,
Déclarer la Société Chartraine recevable et fondée en son appel,
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu le 6 mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN,
A TITRE PRINCIPAL,
Déclarer Monsieur [V] [Z] seul responsable des désordres constatés par l'Expert judiciaire, Monsieur [Y] [K], aux termes de son rapport du 31 mai 2010,
Débouter, en conséquence, Monsieur [V] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
Confirmer le montant des travaux de reprise, à savoir la somme de 38.866,20 € TTC,
Réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur [V] [Z] au titre des pénalités de retard et trouble de jouissance,
Confirmer la réception des travaux réalisés par la SOCIÉTÉ CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ sur l'immeuble de Monsieur [V] [Z] ([Adresse 3]) à la date du 23 septembre 2008,
A tout le moins, dire et juger que la réception desdits travaux est fixée à la date du rapport d'expertise judiciaire, soit le 31 mai 2010,
Condamner la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) à relever et garantir la SOCIÉTÉ CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
EN TOUTE HYPOTHÈSE,
Condamner Monsieur [V] [Z] à payer à la SOCIÉTÉ CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ les sommes suivantes :
- 89.143,27 € au titre des travaux réalisés,
- 6.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- lesdites sommes outre intérêts de droit,
Condamner Monsieur [V] [Z] aux entiers dépens, y compris ceux de référé, d'expertise et de première instance.
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Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées par le RPVA le 9.11.2015, [V] [Z] demande à la cour de :
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 6 mars 2014,
Vu l'ordonnance de référé de M. le Premier Président de la Cour d'Appel d'Aix en Provence du 13 juin 2014,
Vu les dispositions de l'article 1134 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu l'article 1154 du Code Civil,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [K],
Vu le descriptif estimatif du BET HARPAGE,
Confirmer le jugement en ce qu'il a, au bénéfice de l'exécution provisoire, dit que la SCE avait abandonné le chantier de M. [Z] fin juillet 2008 et condamné cette même société à réparer les préjudices de M. [Z],
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SMABTP à relever et garantir la société Chartraine d'Electricité au titre des désordres concernant les infiltrations qui relèvent de la garantie décennale.
Statuant à nouveau,
Condamner la Société Chartraine d'Electricité et la Compagnie d'assurance SMABTP, conjointement et solidairement, à verser à Monsieur [V] [Z] les sommes de :
- 123 176,52 € TTC au titre des travaux de reprise des désordres
- 101.950,00 € au titre des pénalités contractuelles de retard arrêtées au 30.12.2014
- 306.000 € au titre du trouble de jouissance (3 000 € par mois, somme arrêtée au 15.11.2015) à parfaire.
Condamner la Société Chartraine d'Electricité et la SMABTP, conjointement et solidairement, à verser ces sommes avec intérêt légal et anatocisme, à compter de la mise en demeure du 13 octobre 2010.
Constater le paiement partiel de la somme de 94.745,67€ le 30.12.2014.
Débouter la société SCE exerçant sous l'enseigne SOCIÉTÉ SUD CONSTRUCTIONS et la société SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner la Société Chartraine d'Electricité exerçant sous l'enseigne Sud Construction Entreprise et la SMABTP, conjointement et solidairement au paiement de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les condamner aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.
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Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées signifiées par le RPVA le 14.11.2015, la SMABTP demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 1792-6 du Code Civil,
Vu le contrat d'assurance,
À titre principal,
DIRE ET JUGER qu'aucune réception des ouvrages réalisés par la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ n'est intervenue.
DIRE ET JUGER que faute pour la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ de rapporter la preuve qu'elle a proposé à Monsieur [Z] de procéder à la réception de l'ouvrage et qu'il l'aurait refusée de manière abusive, aucune fixation judiciaire ne peut intervenir à sa demande.
REFORMER le jugement entrepris sur ce point.
A tout le moins, DIRE ET JUGER que l'ouvrage était en état d'être reçu, le 10 mai 2010, avec les réserves
En conséquence,
DIRE ET JUGER que la garantie décennale souscrite par la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ auprès de la SMABTP n'est pas susceptible de trouver application.
DIRE ET JUGER que la garantie responsabilité civile applicable avant réception et après réception n'est pas susceptible de garantir les dommages matériels affectant les ouvrages réalisés par la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ.
DIRE ET JUGER que les dépenses nécessaires à l'exécution ou à la finition du marché de la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ sont exclues des garanties prévues par le contrat d'assurance.
DIRE ET JUGER que les pénalités de retard sont exclues des garanties prévues par le contrat d'assurance.
DIRE ET JUGER que les indemnités sollicitées au titre du trouble de jouissance consécutif à des dommages matériels non garantis ne sont nullement garantis parle contrat.
En conséquence,
DÉBOUTER purement et simplement Monsieur [Z] et la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SMABTP et mettre cette dernière purement et simplement hors de cause.
CONDAMNER Monsieur [Z] ou toute partie succombante à payer à la SMABTP la somme de 5 000,00 € au titre des frais irrépétibles.
CONDAMNER Monsieur [Z] ou toute partie succombante aux entiers dépens,
À titre subsidiaire,
LIMITER les indemnités susceptibles d'être allouées à Monsieur [Z] au titre des dommages matériels à la somme 38 866,20 €.
DIRE ET JUGER que seule la somme de 13 700,00 € correspondant au coût des travaux de reprise des infiltrations en toiture, seuls dommages susceptibles de rendre l'ouvrage impropre à sa destination, est susceptible d'être mise à la charge de la SMABTP dans l'hypothèse où la Cour considérerait que l'ouvrage a été réceptionné et que ces dommages étaient cachés à la réception.
LIMITER les indemnités susceptibles d'être allouées à Monsieur [Z] au titre du préjudice de jouissance à la somme de 9 000,00 €.
LAISSER à la charge de la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ le montant de sa franchise contractuelle et en tant que de besoin la condamner à relever et garantir la SMABTP du montant de cette franchise.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17.11.2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les travaux et le solde restant dû à l'entreprise :
Il résulte des différentes pièces produites par les parties selon bordereaux de communication de pièces, de leurs explications et du rapport de l'expert judiciaire, dont le sérieux, la compétence et l'impartialité, ne sont pas sérieusement discutés :
que [V] [Z] a chargé l'entreprise SCE de procéder à la création d'une véranda à l'étage de sa villa et à divers travaux d'aménagement intérieur,
que selon devis établis les 17 décembre 2007 et 26 mars 2008 (annexes 1 et 2 du rapport d'expertise), ces travaux consistaient à :
' réaménager la cuisine,
' procéder à des démolitions et à divers aménagements à l'étage, concernant notamment une salle de bains
' aménager la toiture,
' créer une véranda en cuisine,
' remettre à niveau une chambre,
' créer un dressing à l'étage,
qu'en vertu de ces deux devis, signés par le maître de l'ouvrage, le montant des travaux s'élevait à la somme de 120'027,04 € hors-taxes, soit 128'362,74 € TTC (page 29 du rapport d'expertise),
que néanmoins, des travaux supplémentaires ont été commandés par le maître de l'ouvrage, ayant fait l'objet d'un devis daté du 1er août 2008 ajustant le montant total des travaux à la somme de 170'263,40 € TTC, (annexe 10 du rapport),
que cependant, selon nouvelle situation de travaux du 31 août 2008, le montant total des travaux réalisés s'élève à la somme de 160'375,48€ TTC (annexe 11 du rapport),
que selon l'expert, ces travaux supplémentaires, repris dans cette nouvelle situation de travaux du 31 août 2008, ont bien été réalisés,
que le technicien commis a d'ailleurs relevé que le maître de l'ouvrage n'avait pas fait état de travaux non réalisés (page 29 du rapport in fine),
que sur ce montant total de travaux, le maître de l'ouvrage n'a réglé que le montant de trois situations de travaux, établies respectivement pour les sommes de 12'345,34€, 38'976,29 € et 19'910,58 €, ce qui correspond à un total de 71'232,21 €.
Ainsi, pour les travaux effectivement réalisés, le maître de l'ouvrage reste devoir à l'entreprise: 160'375,48 € - 71'232,21 € = 89'143, 27 €, somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la demande formée par lettre du 5.11.2010.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a condamné le maître de l'ouvrage à régler un solde de travaux à l'entreprise. Sa décision doit être confirmée dans son principe, mais réformée quant au montant de la condamnation.
Sur les désordres et les responsabilités :
En application de l'article 1792 ' 6 du Code civil, alinéa premier :
« La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement» .
Cet article n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite.
Tel est notamment le cas lorsqu'il y a prise de possession par le maître de l'ouvrage, manifestant une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage et paiement intégral des travaux.
La réception judiciaire suppose un refus, exprès mais abusif, de la part du maître de l'ouvrage, d'une réception demandée par l'entreprise.
En l'espèce, il n'a été établi aucun procès-verbal de réception, l'entreprise n'a nullement demandé au maître de l'ouvrage de procéder à la réception de ses travaux, et le maître de l'ouvrage, qui a laissé impayée une partie importante des travaux réalisés, a rapidement engagé une procédure de référé et n'a nullement manifesté la volonté d'accepter l'ouvrage, ce qu'il explique d'ailleurs en détail dans ses dernières conclusions (page 24).
Au surplus, en raison de la multiplicité des infiltrations, l'ouvrage n'était pas en état d'être reçu.
En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer la réception judiciaire.
En l'absence de réception, le maître de l'ouvrage ne peut qu'invoquer les règles de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Alors qu'il appartient à l'entreprise de réaliser les travaux conformément aux accords passés, aux règles de l'art et aux différentes normes, que pèse donc sur elle une obligation de livrer un ouvrage exempt de désordres, en cas de manquement à cette obligation de résultat, elle doit être déclarée responsable et condamnée à indemniser la victime des désordres résultant de ces manquements.
Tel est bien le cas ici, comme cela résulte des différents constats d'huissier et des recherches de l'expert judiciaire.
Ainsi, contrairement à ce qu'allègue l'entreprise, le maître de l'ouvrage n'est pas responsable des différents désordres subis, dûment examinés par l'expert judiciaire.
L'entreprise doit donc être condamnée à régler le montant des travaux de reprise ou des non-façons.
Sur l'indemnisation :
1°/ travaux de reprise et moins value :
S'il est exact que le maître de l'ouvrage a eu recours à un conseil technique qui a procédé à une évaluation des travaux de reprise, que cette évaluation a été soumise à l'examen de l'expert qui a procédé à une analyse détaillée, poste par poste, du document établi par ce conseil technique, force est de constater que si [V] [Z] critique l'évaluation expertale, il le fait en continuant à se référer à ce document, sans produire une nouvelle étude, établie par un professionnel de la construction, qui viendrait contredire les appréciations du technicien commis.
Alors que le rapport de [Y] [K] est particulièrement précis, détaillé et complet, que le technicien commis a procédé à l'analyse de chacun des multiples griefs formulés par le maître de l'ouvrage, qu'il a tenu plusieurs réunions et a répondu aux dires des parties, ses travaux doivent être pris en considération pour déterminer le montant des travaux de reprise.
Il doit également être relevé que les travaux confiés à l'entreprise répondaient à des demandes précises du maître de l'ouvrage, concernant notamment la création d'une véranda à l'étage et divers aménagements.
À juste titre, [V] [Z] est fondé à reprocher à l'entreprise de ne pas avoir réalisé la véranda d'étage avec une toiture comportant une génoise, à l'identique de la toiture existante, les photographies prises par l'expert révélant cette grave discordance entre l'existant avec génoise et l'extension réalisée sans génoise.
Les désordres devant faire l'objet de travaux de reprise ont été décrits avec précision par le technicien commis et concernent :
l'esthétique de l'arêtier,
l'absence de génoise,
l'absence de poignée aux fenêtres,
la finition des placards,
des problèmes d'étanchéité aux fenêtres,
le décalage du miroir dans le dressing,
la finition d'un arc maçonné,
la pose d'un couvre joint en inox,
la pose de carrelage,
le placage du lavabo,
des joints concernant des marches d'escalier,
l'absence de cache électrique,
l'arc du salon, dont il faut reprendre la géométrie,
la finition du carrelage de la cuisine,
la reprise d'un joint concernant la baie vitrée de la cuisine,
une fuite de la toiture de la galerie de la cuisine,
une fuite de la toiture du porche,
une fuite de la toiture du salon,
des problèmes concernant la voûte de l'escalier,
soit des travaux évalués par l'expert à une somme de 43'824,70 € TTC.
(page 46 du rapport de l'expert ).
Comme l'a indiqué à juste titre le technicien commis, compte tenu de la nature ponctuelle des travaux de reprise, il n'est pas justifié de recourir à un maître d''uvre.
Si [V] [Z] réclame une somme supérieure, qui comprendrait d'autres travaux de reprise, il ne justifie nullement de l'exigibilité de cette somme, alors que les travaux n'ont pas concerné l'ensemble de la villa.
Compte tenu des demandes formulées par lui, la somme de 43'824,70 € portera intérêts au taux légal à compter de la réclamation formulée le 13 octobre 2010.
Le jugement déféré doit donc être partiellement réformé en ce que le premier juge avait limité le montant des travaux de reprise à une somme inférieure, soit 38'866,20 €.
2°/ pénalités de retard :
[V] [Z] réclame en outre la condamnation de l'entreprise à lui payer la somme de 101'950 € au titre des pénalités contractuelles de retard , somme arrêtée au 30 décembre 2014.
En signant le devis du 17 décembre 2007, portant sur un montant de travaux 121'644,27€ TTC, il a en effet apposé la mention manuscrite suivante: « bon pour accord avec début travaux 01/ 02/ 2008 fin des travaux le 31 / 05/ 2008 avec 50 € TTC de pénalité journalière » (annexe 1 du rapport d'expertise).
Par contre, le devis du 26 mars 2008 concernant le dressing ne comporte que la seule mention manuscrite bon pour accord ,avant sa signature.
Comme indiqué précédemment, le maître de l'ouvrage a, en cours de chantier, commandé des travaux supplémentaires, le montant total des travaux passant ainsi de 121'644,27 € TTC à 160'375,48 € TTC.
En outre, après avoir réglé les trois premières situations de travaux, [V] [Z] a interrompu tout paiement, provoquant par la même l'arrêt des travaux par l'entreprise, qui a quitté les lieux en juillet 2008.
Alors qu'en application de l'article 1152 alinéa 2 du Code civil, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter une clause pénale qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, qu'en vertu de l'article 1231 du Code civil, lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152, il convient ici, compte tenu de l'ampleur des travaux déjà réalisés, des modifications importantes intervenues en cours de chantier, de l'attitude du maître de l'ouvrage qui a refusé de régler le solde des travaux, de réduire la clause pénale concernant les pénalités de retard à la somme globale de 1000€ .
Ladite indemnité portera intérêts au taux légal à compter de sa fixation par le présent arrêt.
3°/ préjudice de jouissance :
[V] [Z] demande la condamnation de l'entreprise à lui payer la somme de 306'000 € au titre du trouble de jouissance, calculée à raison de 3000 € par mois, somme arrêtée au 15 novembre 2015, sauf à parfaire.
Compte tenu de la nature des désordres, de leur impact, mais également de l'importance de certains des travaux de reprise à effectuer, générant nécessairement un préjudice de jouissance, l'indemnisation de ce préjudice doit être fixée à hauteur de la somme de 10'000 €.
Ladite indemnité portera intérêts au taux légal à compter de sa fixation par le présent arrêt.
Si les sommes dues par l'entreprise au maître de l'ouvrage porteront intérêts dans les conditions précitées, la capitalisation s'opérera également conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Sur la garantie de l'assureur :
En l'absence de réception, la garantie décennale ne peut être mobilisée.
En outre, les autres garanties souscrites par l'entrepreneur concernant la responsabilité civile de droit commun, ne peuvent également être mobilisées puisqu'en vertu de l'article 36 des conditions générales ne sont jamais garanties :
'36. 9 : les dépenses nécessaires à l'exécution ou la finition de votre marché
36. 10 : les amendes, astreintes et pénalités de retard.'
Au surplus, l'indemnisation du trouble de jouissance n'étant que la conséquence de dommages non garantis, l'entreprise, comme le maître de l'ouvrage, ne peuvent obtenir la garantie de l'assureur.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Alors que le maître de l'ouvrage et l'entreprise succombent chacun partiellement, que chacun est condamné à paiement, il convient, compte tenu des circonstances de la cause, de faire masse des dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire et de dire que la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE en supportera les 3/4, [V] [Z] 1/4.
L'équité ne commande nullement d'allouer aux parties la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement,
Contradictoirement,
CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :
1°/ déclaré la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE responsable des désordres constatés par l'expert [Y] [K],
2°/ dit que [V] [Z] reste devoir un solde de travaux à la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE,
3°/ débouté la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE et la S.M.A.B.T.P. de leurs demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE REFORME pour le surplus,
STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DÉBOUTE la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE de sa demande de fixation d'une réception judiciaire des travaux,
CONDAMNE [V] [Z] à payer à la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE la somme de 89'143,27 € au titre d'un solde de travaux avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2010,
CONDAMNE la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE à payer à [V] [Z] :
1°/ 43'824,70 € TTC au titre des travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2010,
2°/ 1000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de retard, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
3°/ 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DIT que la capitalisation s'opérera conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
DIT que la S.M.A.B.T.P. ne doit pas garantir la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE,
DÉBOUTE en conséquence [V] [Z] de ses demandes de condamnation de la S.M.A.B.T.P. et la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE de ses demandes aux fins d'être relevée et garantie par la S.M.A.B.T.P.,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
DIT que le greffe communiquera à l'expert une copie du présent arrêt,
FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire,
DIT que la société CHARTRAINE D'ÉLECTRICITÉ à l'enseigne SUD CONSTRUCTION ENTREPRISE en supportera les 3/4, [V] [Z] 1/4,
EN ORDONNE la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT