COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 FEVRIER 2016
N° 2016/ 88
Rôle N° 14/13640
[M] [K] épouse [Z]
[U] [Z]
C/
SARL [Y] HIFI VIDEO
Grosse délivrée
le :
à :
Me Christian DUREUIL
Me Marc BERIDOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02739.
APPELANTS
Madame [M] [K] épouse [Z]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (Espagne)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [U] [Z]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL [Y] HIFI VIDEO prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marc BERIDOT de la SCP ROUSTAN BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [Y] HIFI VIDEO est locataire depuis 1973 de deux locaux commerciaux pour l'exploitation de son fonds de commerce de vente de matériel et appareils électroniques, radios, télévisions, Hifi, video et photos ainsi que de l'entretien et réparation des dits appareils.
L'établissement principal correspondant à l'activité de vente était situé [Adresse 1] et et l'établissement secondaire correspondant l'activité de réparation était situé [Adresse 2] dans un local loué en vertu d'un bail commercial renouvelé pour la dernière fois 23 septembre 2009 pour une durée de neuf ans auprès des époux [Z], propriétaires des lieux.
Par acte du 13 mars 2013, la société [Y] HIFI VIDEO a avisé les bailleurs que Monsieur [W] [Y], gérant majoritaire depuis plus de deux ans et ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, entendait céder son bail avec déspécialisation à une agence immobilière en se prévalant des dispositions de l'article L 145 - 51 du code de commerce.
Monsieur [W] [Y] a pris sa retraite le 1er avril 2012, sans pouvoir céder son bail en raison de l'opposition de Monsieur et Madame [Z] qui ont saisi le tribunal de grande instance afin de voir juger leur opposition justifiée.
Par jugement en date du 26 juin 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a débouté Madame [M] [K] épouse [Z] et Monsieur [U] [Z] de leurs demandes et les a condamnés à payer à la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO la somme de 55'000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur et Madame [Z] ont interjeté appel de cette décision le 9 juillet 2014.
Dans leurs dernières conclusions en date du 19 septembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence, Monsieur et Madame [Z] demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable et sans fondement l'action engagée par la société [Y] HIFI VIDEO en l'absence de qualité pour agir et subsidiairement, à défaut de justifier l'existence d'une exploitation d'un fonds de commerce dans les lieux litigieux,
- subsidiairement, constater qu'il n'est justifié par aucun élément de la réalité et de l'existence de la perte de chance dont la réparation est sollicitée,
- débouter la société [Y] HIFI VIDEO de ses demandes,
- la condamner à payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 14 novembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence, la société [Y] HIFI VIDEO demande à la cour de :
- confirmer le jugement, sauf à porter le montant des dommages-intérêts à la somme de 65'000€,
- débouter Monsieur et Madame [Z] de l'ensemble de leurs demandes et les condamner à payer à la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la qualité à agir
Les époux [Z] font grief à la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO d'avoir présenté la demande de cession de bail le 13 mars 2013 et d'en défendre en justice les effets en se prévalant de la retraite de son gérant majoritaire, alors que les dispositions de l'article L 145 - 51 du code de commerce ne protègent que ce dernier personne physique.
Cette fin de non recevoir sera rejetée, la demande de cession de bail sur le fondement des dispositions précitées ne pouvant être notifiée au propriétaire des lieux que par la société personne morale titulaire du bail qui a seule qualité à agir en défense à l'action initiée par les propriétaires sur la base du contrat.
- Sur le fond
L'article 145 - 51 du code de commerce dispose que :
« lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite... a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a dans un délai de deux mois priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. À défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois il n'a pas saisi le tribunal de grande instance....
Les dispositions du présent article sont applicables à l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail. »
Il est justifié aux débats que M. [Y] gérant majoritaire de la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO a fait valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2012 et que dès lors il remplissait les conditions pour bénéficier des dispositions légales précitées.
Le fait qu'il demeure débiteur des obligations contractuelles du bail tant que celui ci n'a pas été cédé, et notamment d'acquitter les loyers et d'exploiter le fonds est indifférent à l'application de cette disposition dès lors qu'il n'a pas été déchu de la propriété commerciale avant la notification du congé en date du 13 mars 2013.
De même, il importe peu que le droit au bail de l'établissement principal ait été cédé avant ou concomittament à l'établissement secondaire dès lors que les baux étaient distincts ; les propriétaires n'ont pas à s'immiscer dans la stratégie commerciale du locataire qui au demeurant pouvait considérer que la cessation de l'activité principale de vente dans l'établissement de la rue
[C] induisait la cessation de l'activité secondaire abritée dans le local loué aux époux [Z] à la suite de la retraite de son dirigeant.
La notification a été faite par la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO aux bailleurs dans les formes prévues par l'article 145-51 du code de commerce, l'activité d'agence immobilière envisagée par le cesssionnaire pressenti pour un prix de 55 000€ n'étant manifestement incompatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble.
La contestation injustifiée des bailleurs à ce projet a provoqué l'échec de cette cession envisagée par la société Sesame Privliège dans son courrier du 26 mai 2013 et a entrainé pour la S.A.R.L un préjudice caractérisé par une perte de chance de céder son bail dans de bonnes conditions et l'obligation de continuer le paiement des loyers sans pouvoir maintenir dans les lieux une activité rentable au regard du caractère accessoire de l'activité exploitée dans ces locaux.
Par ces motifs partiellement subsitués à ceux du premier juge, l'indemnité fixée par le premier juge sera maintenue sans être majorée.
La décision sera ainsi confirmée dans toutes ses dispositions.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge des époux [Z] qui seront en outre condamnéa à verser à la S.A.R.L la somme de 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Condamne in solidum Madame [M] [K] épouse [Z] et Monsieur [U] [Z] à payer à la S.A.R.L [Y] HIFI VIDEO la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum Madame [M] [K] épouse [Z] et Monsieur [U] [Z] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,