COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 MARS 2016
N°2016/0114
Rôle N° 14/15721
[K] [S]
SCI ANXA
C/
[W] [J]
[B] [X] épouse [J]
SA AXA FRANCE IARD
Grosse délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Julien BROSSON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Mai 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2014/173.
APPELANTS
Monsieur [K] [S] APPELANT, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Laure CAPINERO de la SELARL INTERBARREAUX IN SITU AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Caroline CALPAXIDES, avocat au barreau de MARSEILLE,
SCI ANXA immatriculée au RCS de CANNES sous le numéro D 413 217 571, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Thierry BENSAUDE, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMES
Monsieur [W] [J]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] (Italie), demeurant [Adresse 7]
représenté et plaidant par Me Julien BROSSON, avocat au barreau de GRASSE
Madame [B] [X] épouse [J]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 2], demeurant [Adresse 7]
représentée et plaidant par Me Julien BROSSON, avocat au barreau de GRASSE
SA AXA FRANCE IARD
assignation le 3/2/15 à personne morale (hôtesse) à la requête de M. [J] [W], demeurant [Adresse 3]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie CASTANIE, Présidente, et Mme Béatrice MARS, Conseiller, chargées du rapport.
Madame Sylvie CASTANIE, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Président (rédacteur)
Monsieur Martin DELAGE, Conseiller
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016, prorogé au 17 Mars 2016.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2016.
Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :
Les époux [J] sont propriétaires d'un appartement, situé au premier étage d'un immeuble du XIXe siècle, présentant un intérêt architectural et placé, après sa division en plusieurs appartements, sous le régime de la copropriété, dénommé « [Adresse 6] », situé [Adresse 2]).
Courant février 2011, la SCI Anxa, propriétaire de l'appartement situé au-dessous, entreprend des travaux de rénovation, consistant notamment en la démolition d'une partie des murs et des cloisons intérieurs, sous la direction de [K] [S], exerçant sous l'appellation « NBMH Architectess ».
Les époux [J] exposant que le plancher de leur appartement s'est affaissé, provoquent, selon ordonnance de référé en date du 15 avril 2011 la désignation de l'expert [F] qui sera ultérieurement remplacé par l'expert [O] et l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard de tous travaux de démolition et de tous travaux touchant à la structure de l'immeuble, par la SCI Anxa dans son lot.
Le rapport d'expertise est déposé le 28 octobre 2011.
Les époux [J] assignent, selon actes en date des 5,13 et 26 mars 2012, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 5] » représenté par son syndic en exercice et [K] [S] « NBMH Architectes » devant le tribunal de grande instance de Grasse.
Statuant par jugement réputé contradictoire, [K] [S] NBMH Architectes n'ayant pas comparu, cette juridiction :
-déclare la SCI Anxa et [K] [S], responsables des désordres,
-condamne la SCI Anxa et [K] [S], in solidum, à payer aux époux [J] :
la somme de 43'097,24 euros, au titre des travaux de reprise,
la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance durant l'exécution des travaux de reprise,
la somme de 5000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-déboute les époux [J] du surplus de leurs demandes,
-condamne [K] [S] à relever et garantir la SCI Anxa des condamnations prononcées à son encontre,
-met hors de cause la société AXA France IARD,
-condamne [K] [S] à payer à la SCI Anxa la somme de 3000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamne les époux [J] à payer à la société AXA France IARD la somme de 1200 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamne la SCI Anxa et [K] [S], in solidum, aux dépens, incluant ceux de l'instance de référé et le coût de l'expertise judiciaire.
La SCI Anxa relève appel de ce jugement, selon déclaration au greffe en date du 8 août 2014.
[K] [S] relève appel de ce jugement, selon déclaration au greffe en date du 29 août 2014.
Les époux [J] relèvent appel de ce jugement, selon déclaration au greffe en date du 4 novembre 2014.
Dans ses dernières écritures en date du 26 décembre 2014 la SCI Anxa conclut à l'infirmation du jugement entrepris, uniquement en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 43'097 €. Il doit en effet être constaté que les époux [J] qui ont modifié la distribution de leur appartement et poser une couche de carrelage sur le carrelage existant et une couche de marbre sur certaines parties du sol, ont contribué à alourdir le plancher et donc à produire le sinistre. Ils doivent en conséquence supporter, à concurrence de 50 %, le coût des travaux de reprise. Ils doivent enfin être condamnés à lui payer la somme de 2000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières écritures en date du 5 décembre 2014, [K] [S] conclut à l'infirmation du jugement dont appel dans toutes ses dispositions le concernant. Aucune faute n'étant établie à son encontre, les époux [J] et la SCI Anxa doivent être déboutés de toutes leurs demandes formées à son égard et condamnés in solidum à lui payer la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans leurs dernières écritures en date du 30 octobre 2014, les époux [J] concluent à la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a déclaré la SCI Anxa et [K] [S] responsables des désordres et les a condamnés in solidum à leur payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à son infirmation en ce qu'il les a condamnés in solidum à leur payer la somme de 43'097,54 euros, les a déboutés de leur demande tendant au remboursement des frais d'hôtel exposés, a fixé le montant de leur préjudice de jouissance à la somme de 3000 € et leur a alloué une indemnité d'un montant de 1200 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils concluent devant la cour à la condamnation de la SCI Anxa et de [K] [S] à leur payer la somme de 44'131,57 euros au titre des travaux de reprise, la somme de 5165,89 euros au titre des frais d'hôtel, la somme de 10'000 € en réparation du préjudice de jouissance durant l'exécution des travaux de reprise et la somme de 15'000 €, au titre de leur préjudice moral. La société AXA France Iard doit être déboutée de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile à leur encontre. La SCI Anxa et [K] [S] doivent enfin et en tout état de cause, être condamnés in solidum à leur payer la somme de 8000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de référé, le coût de l'expertise de Monsieur [G] et le coût de l'expertise judiciaire de [R] [O].
La société AXA France Iard a été assignée selon acte extrajudiciaire en date du 3 février 2015 remis à personne habilitée. Cette société n'ayant pas constitue avocat, il doit être statué par arrêt par arrêt réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture est en date du 16 décembre 2015.
Postérieurement à cette ordonnance, [K] [S] dépose et notifie le 22 décembre 2015 de nouvelles conclusions par lesquelles, ajoutant à ses prétentions initiales, il demande au principal qu'il soit constaté qu'il n'a aucun lien de droit avec la société Anxa et avec les époux [J]. C'est en effet la société NBMH Architectes, personne morale distincte de lui même qui était l'architecte de l'opération litigieuse. C'est donc à tort que le tribunal l'a condamné in solidum avec la SCI Anxa. Il conclut subsidiairement au bénéfice de ses premières demandes.
La SCI Anxa conclut le 23 décembre 2015, au visa des dispositions de l'article 783 du code de procédure civile, au rejet des écritures notifiées par [K] [S], le 22 décembre 2015, celui-ci ne justifiant d'aucune cause grave de nature à entraîner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 16 décembre 2015.
[K] [S] conclut, selon écritures du 29 décembre 2015 à la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 16 décembre 2015, en vue d'admettre aux débats ses conclusions signifiées le 22 décembre 2015 lesquelles, sans évoquer de nouveaux moyens ne font que répondre aux écritures adverses.
Les conclusions notifiées par [K] [S] le 22 décembre 2015 doivent, en application des articles 783 et 784 du code procédure civile, être déclarées irrecevables et écartées des débats, aucune cause grave ne s'étant révélée après que l'ordonnance de clôture ait été rendue.
SUR CE
L'expert judiciaire [O] conclut son rapport, à l'issue d'investigations approfondies et d'un travail sérieux dont la qualité technique n'est pas utilement combattue, dans les termes suivants :
-le plancher de l'appartement des époux [J], situé au-dessus de celui de la SCI Anxa, siège des travaux litigieux s'est en effet affaissé, avec des conséquences sur les meubles de la cuisine, le sol et les murs intérieurs,
-les dommages de nature principalement esthétiques sont stabilisés, grâce à l'exécution en deux temps de travaux d'étaiement dans l'appartement du dessous,
-la cause des désordres se situe dans l'absence d'étaiement du plancher haut de l'appartement appartenant à la SCI Anxa, lors de la démolition des cloisons anciennes. L'expert précise que la flexion, dès lors qu'il s'agissait d'un plancher en bois, ancien, était inévitable,
-les travaux conservatoires entrepris par la société Anxa suffisent à assurer la sécurité des personnes occupant les lieux,
-l'expert évalue les travaux de reprise dans l'appartement des époux [J] à la somme totale de 41'400 € TTC.
Ces éléments objectifs prouvent que ce sont bien les travaux entrepris par la SCI Anxa dans l'appartement du dessous et en particulier la démolition des cloisons anciennes, exécutée, sans étaiement du plancher haut, qui sont à l'origine exclusive des désordres survenus dans l'appartement des époux [J], la surcharge prétendue par ceux-ci de leur plancher n'ayant en effet, selon l'expert, joué aucun rôle causal.
Les époux [J] fondent leur action, au principal, sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil et, subsidiairement, sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a considéré par des moyens en fait et en droit pertinents, adoptés par la cour, d'une part, que l'architecte [S], chargé de la direction des travaux, avait commis une faute en relation causale avec le dommage, en ne prévoyant pas l'étaiement du plancher haut de l'appartement de la SCI Anxa, lors de la démolition des cloisons anciennes, alors selon l'expert, que la flexion été inévitable et donc prévisible, d'autre part, que l'affaissement du plancher de l'appartement des époux [J] constituait à l'égard de ceux-ci, un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage dont la SCI Anxa devait être déclarée responsable, sur ce fondement et enfin que [K] [S] devait être condamné à relever et garantir la SCI Anxa des condamnations prononcées à son encontre.
Le coût des travaux de reprise de l'appartement [J] doit être fixé, eu égard à la majoration des taux de TVA applicables, à la somme de 43 131,57euros TTC.
Il doit par ailleurs être alloué aux époux [J] qui justifient avoir exposé durant la période comprise entre le 1er mars 2011 et le 17 mars 2011, correspondant à l'apparition des désordres dans leur appartement, des frais d'hôtellerie et de restauration, la somme de 3000 €, à titre de dommages et intérêts. S'il ne peut en effet être reproché aux époux [J] d'avoir, par mesure de sécurité, décidé de quitter momentanément leur logement, pour se protéger des dangers que les désordres constatés leur permettaient, sans crainte excessive, de redouter, les conséquences financières du choix fait par de résider dans un établissement hôtelier de luxe, qui sont sans lien direct avec le dommage, ne doivent pas être mises à la charge de la SCI Anxa et de [K] [S].
Il doit être accordé aux époux [J] la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice de jouissance subi durant la période d'exécution des travaux de reprise, dont la durée a raisonnablement été fixée par le premier juge à un mois.
Les époux [J] ont été justement déboutés de leur demande en réparation du préjudice moral allégué, la relation de causalité entre l'état de stress présenté par Madame [J] et le dommage n'étant pas établie avec suffisamment de certitude.
C'est à juste titre enfin que les époux [J] ont été condamnés à payer à la société AXA France, assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble « le Rouve » qu'ils ont attrait dans la cause, la somme de 1200 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La solution apportée au litige en appel justifie que la SCI Anxa et [K] [S] soient condamnés in solidum à payer aux époux [J] la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles, exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après avoir délibéré,
Rejette la demande de [K] [S] tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 16 décembre 2015, en l'absence de cause grave révélée postérieurement à ladite ordonnance,
En conséquence, constate l'irrecevabilité des conclusions notifiées par [K] [S] le 22 décembre 2015,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SCI Anxa et [K] [S] responsables des désordres survenus dans l'appartement appartenant aux époux [J], en ce qu'il a condamné in solidum la SCI Anxa et [K] [S] à payer aux époux [J] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance, en ce qu'il a débouté les époux [J] de leur demande en réparation du préjudice moral, en ce qu'il a condamné les époux [J] à payer à la société AXA France Iard la somme de 1200 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile et enfin en ce qu'il a condamné [K] [S] à relever et garantir la SCI Anxa de toutes les condamnations prononcées à son encontre et l'infirmant pour le surplus :
Condamne in solidum la SCI Anxa et [K] [S] à payer aux époux [J] :
-la somme de 43'097,54 euros TTC, au titre du coût des travaux de reprise,
-la somme de 3000 €, au titre des frais d'hôtellerie et de restauration , exposés du 1er au 17 mars 2011,
-la somme de 4000 € en réparation du trouble de jouissance subi durant l'exécution des travaux de reprise,
Ajoutant au jugement :
Condamne in solidum la SCI Anxa et [K] [S] à payer aux époux [J] la somme de 3000 €, au titre des frais irrépétibles exposés à l'appel,
Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Condamne in solidum la SCI Anxa et [K] [S] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE