COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 25 MARS 2016
N°2016/
Rôle N° 14/06066
[H] [Y]
C/
SAS CARREFOUR
Grosse délivrée le :
à :
Me Mathias PETRICOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 17 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1042.
APPELANTE
Madame [H] [Y], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Mathias PETRICOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS CARREFOUR, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2016
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [H] [Y] a été embauchée par la société PERSO 2000, devenue par la suite la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, à compter du 9 octobre 1975 suivant contrat de travail à durée indéterminé dont l'instrumentum n'a pas été produit dans le cadre de la présente instance.
Depuis cette date, la salariée a toujours exercé les fonctions de conseiller administratif et comptable au sein du service administratif, intitulé « pool administratif magasin (PAM) », de l'hypermarché de [Localité 1]. Jusqu'en 2010, elle travaillait selon un horaire fixe du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 16 heures.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Les horaires de travail de la salariée ont été modifiés une première fois le 8 juillet 2010, modification qu'elle a refusé d'appliquer considérant qu'il s'agissait d'une modification de son contrat de travail à laquelle elle n'avait pas consenti.
Une réorganisation de l'organisation du travail a été mise en 'uvre par l'employeur qui en a informé la salariée par lettre du 5 octobre 2010 dans les termes suivants :
« Suite à la présentation en CHSCT du 19/08/2010 et du CE du 20/08/2010, nous vous invitons à participer à la réunion du lundi 11 octobre 2010 à 10h30 en salle Côte Bleue. En effet, dans le cadre du projet TBO (Transformation du Back Office), les métiers du PAM et de la Réception sont déclarés métiers sensibles et nécessitent la mise en 'uvre de solutions de reclassement pour les salariés concernés. Durant cette réunion collective, les informations communiquées porteront sur :
la présentation de la nouvelle organisation cible,
le principe de la GPEC (remise d'un guide d'information) et des mesures d'accompagnement à la mobilité interne mises en 'uvre au profit des salariés volontaires,
l'accompagnement spécifique mis en place pour les collaborateurs en situation de handicap et pour les collaborateurs seniors,
la mise en 'uvre d'un entretien et d'un suivi individuel dans le cadre d'un volontariat.
A l'issue de cette réunion collective, nous vous invitons à un entretien individuel mardi 12 octobre à 12h00 pour définir :
l'objet de l'entretien et rappeler l'organisation cible,
préciser les aides et mesures d'accompagnement qui sont à votre disposition,
faire un bilan de vos attentes professionnelles et besoins éventuels d'accompagnement. »
A l'issue de cette procédure, la salariée n'a pas fait l'objet d'une mesure de reclassement et elle a été maintenue à son poste dont les horaires avaient été modifiés le 8 juillet 2010. Elle a continué de refuser d'appliquer ces nouveaux horaires.
L'employeur lui a alors adressé un avertissement par lettre recommandée du 17 novembre 2010 ainsi rédigée :
« Nous vous avons fait part, au cours de notre entretien du 04 novembre 2010, de notre intention de vous adresser une sanction disciplinaire en vous notifiant verbalement les motifs qui nous ont conduits à envisager cette décision. Après avoir pris acte de vos explications, nous avons décidé de vous adresser un avertissement, qui figurera dans votre dossier, pour les motifs qui vous ont été exposés lors de cet entretien et qui sont les suivants :
Votre contrat de travail prévoit une durée hebdomadaire de travail effectif de 35 heures. Les nécessités du service dans lequel vous êtes affectée ont impliqué un changement de vos horaires de travail. Nous vous les avons présentés oralement puis notifiés par courrier recommandé en date du jeudi 8 juillet 2010. Ces horaires ont en outre fait l'objet d'un affichage. Vous refusez obstinément de vous y soumettre et appliquez des horaires totalement fantaisistes qui ne respectent pas le planning prévu et affiché. Cette attitude perturbe le bon fonctionnement du service dès lors que vos collègues de travail doivent pallier vos retards répétés en vous substituant dans vos taches, au détriment des leurs. Pour exemple, et sans que cette liste soit exhaustive, en septembre dernier :
Le 20 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous avez travaillé de 8h50 à 16h02
le 21 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous avez travaillé de 8h50 à 16h02
le 22 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous avez travaillé de 8h48 à 16h30
le 24 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous avez travaillé de 8h53 à 16h43.
Nous retrouvons les mêmes manquements à vos horaires en octobre :
Le 4 vous étiez planifiée de repos, vous avez travaillé de 9h05 à 16h05
le 9 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous n'êtes pas venue travailler
le 11 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous avez travaillé de 8h34 à 16h20
le 18 vous étiez planifiée de repos, vous avez travaillé de 9h10 à 16h22
le 23 vous étiez planifiée de 6h30 à 14h00, vous n'êtes pas venue travailler
le 25 vous étiez planifiée de 6h30 à l 4h00, vous avez travaillé de 9h05 à 16h33.
Je vous rappelle l'article 15 du Règlement Intérieur qui précise que : « ...les salariés sont tenus de respecter les planning de modulation établis par la Direction et de se conformer à l'horaire arrêté par leur supérieur hiérarchique et affiché sur les lieux de travail conformément à la loi et aux accords d'entreprise' » Plusieurs remarques verbales vous ont déjà été formulées sur le non respect du planning des horaires. Nous attirons votre attention pour que de tels faits ne se reproduisent pas dans l'avenir. »
A compte du 7 février 2011, les horaires de la salariée ont été fixés selon un emploi du temps sur 5 semaines établi comme suit :
semaines 1 et 2 : le lundi de 4 heures 45 à 12 heures 15 puis du mardi au vendredi de 9 heures à 16 heures 30 ;
semaine 3 : repos le lundi, puis du mardi au vendredi de 8 heures 40 à 16 heures 30 puis le samedi de 6 heures à 12 heures ;
semaine 4 et 5 : du lundi au vendredi de 9 heures à 16 heures 30.
La salariée ayant contesté ces horaires ainsi que l'avertissement précité, l'employeur lui répondait ainsi le 25 février 2011 :
« Nous faisons suite à votre lettre du 27 janvier 2011 par laquelle vous nous indiquez que la modification de vos horaires constituerait une modification de votre contrat de travail, et qu'à ce titre vous seriez en droit de la refuser. Vous nous précisez que vous continuerez à pratiquer vos anciens horaires, et nous pouvons en effet constater depuis le 7 février que les horaires qui vous ont été fixés ne sont pas respectés. Ces horaires ne prévoient qu'un samedi par mois de 6H00 à 12H00, et votre prise de poste demeure fixée à 9h00 pour l'essentiel, à l'exception de deux lundi par mois, où elle est avancée à 4h45 et d'une semaine par mois où elle est avancée à 8h40 les autres jours de la semaine. Cette modification d'horaires est justifiée par les besoins du service, comme cela a d'ailleurs été précisé au CE et au CHSCT, auxquels le projet de modification d'horaires a été présenté. Il ne s'agit que d'une modification de vos conditions de travail qui relève des nécessités d'organisation de votre service. Vous ne pouvez refuser d'effectuer ces horaires, votre contrat de travail ne nous fait nullement interdiction de les modifier. Aussi, ces précisions étant faites, je vous invite instamment à respecter les horaires qui ont été prévus, à défaut de quoi je me trouverai malheureusement contraint d'engager à votre encontre une procédure disciplinaire. S'agissant de votre avertissement, les horaires avaient été portés à votre connaissance notamment par voie d'affichage, la notification de ceux-ci par Lettre recommandée avec AR n'avait été qu'une précaution supplémentaire face à votre refus de les appliquer. Le fait que vous n'ayez pas retiré cette lettre n'enlève rien au fait que vous avez délibérément refusé d'appliquer les horaires qui vous avez été tracés. Nous ne pouvons donc que maintenir l'avertissement qui vous a été notifié. »
La salariée refusant toujours de se plier aux nouveaux horaires, elle a été mise à pied à titre disciplinaire durant deux jours par lettre recommandée du 18 avril 2011 ainsi rédigée :
« Nous vous avons reçue en entretien préalable à sanction disciplinaire le 6 avril 2011. Nous vous avons indiqué à l'occasion de cet entretien les motifs qui nous conduisent à envisager à votre encontre une sanction, à savoir le non respect habituel de vos horaires. Ainsi :
Le 14 février 2011, alors que votre arrivée était planifiée à 4 h 45, vous vous êtes présentée à votre poste à 8 h 38 et, alors que votre départ était planifié à 12 h 15, vous avez quitté votre poste à 16 h 27.
Le 15 février, alors que votre arrivée était prévue à 9 h, vous vous êtes présentée à votre poste à 10 h 02, et alors que votre départ était prévu à 16 h 30, vous avez quitté votre pote à 16 h 09.
Le 16 février, alors que votre arrivée était prévue à 9 h, vous vous êtes présentée à votre poste à 8 h 18.
Le 17 février, alors que votre prise de poste était prévue à 9 h, vous vous êtes présentée à 9 h 35 et vous avez quitté votre poste à 16 h 01 alors que votre départ été prévu à 16 h 30.
Le 18 février, alors que vous étiez planifiée à 9 h, vous vous êtes présentée à 8 h 43 et vous avez quitté votre poste à 16 h 06 alors que votre départ été prévu à 16 h 30.
Le 28 février alors que vous étiez prévue de 4 h 45 à 12 h 15, vous êtes arrivée à 8 h 56 et vous avez quitté votre poste à 16 h 09.
Le 7 mars, alors que vous étiez prévue de repos, vous êtes venue travailler.
Le 12 mars, alors que vous étiez prévue de 6 h à 12 h, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail sans aucun justificatif valable d'absence.
Ce non respect renouvelé de vos horaires n'est pas acceptable. Comme nous avons pu vous l'expliquer, et ainsi que cela résulte d'une présentation effectuée au CHSCT ainsi qu'au comité d'établissement le 17 janvier dernier, les nécessités du service administratif ainsi que l'équité entre les employés du service ont impliqué une modification des horaires et notamment de vos horaires de travail que vous refusez depuis d'appliquer. Cette modification ne constitue pas, contrairement à ce que vous affirmez une modification de votre contrat de travail et vous êtes tenue de respecter ces nouveaux horaires, ce que vous persistez pourtant à méconnaître. Ce non respect répété de vos horaires malgré un précédent avertissement, me conduit à vous notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours effective le 27 et 28 avril prochains avec retenues de salaire correspondantes. Soyez assurée que cette sanction constitue une mesure de mansuétude de notre part au regard de l'ancienneté acquise dans notre entreprise mais qu'en cas de réitération de ce non respect de vos horaires, nous nous trouverions contraints d'envisager votre licenciement pour faute grave. »
La salariée ne se soumettant pas plus aux horaires précités a été licenciée pour faute grave suivant lettre recommandée du 31 octobre 2011 dans les termes suivants :
« Nous vous avons reçue le 17 octobre 2011 à 14 heures pour un entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre, entretien à l'occasion duquel vous étiez assistée par M. [V]. Malgré les explications que vous nous avez fournies, qui ne nous ont pas convaincu, nous avons décidé de vous licencier pour les motifs qui vous ont été exposés au cours de l'entretien et qui sont les suivants :
Le samedi 1er octobre 2011, alors que vous étiez planifiée de 7 heures à 14 heures, vous ne vous êtes pas présentée sans nous fournir le moindre justificatif d'absence. Par ailleurs, alors que vous étiez planifiée en repos le jeudi 29 septembre 2011, vous n'avez pas respecté cette planification : vous êtes venu travailler en accomplissant les horaires suivants : 8 h 33 à 16 h 32, et ce de votre propre initiative. Vous persistez ainsi à ne pas respecter vos horaires de travail planifiés et ce depuis maintenant plusieurs mois, malgré l'organisation mise en place dans votre service et présentée au comité d'établissement et au CHSCT le 17 janvier 2011. Nous vous avons pourtant invitée à plusieurs reprises à respecter vos horaires de travail, ce qui nous a d'ailleurs conduits à prononcer à votre encontre un avertissement ainsi qu'une mise à pied disciplinaire. Vos contestations à cet égard apparaissent particulièrement infondées. Vous avez cru devoir persister dans votre comportement, refusant catégoriquement d'appliquer les horaires qui vous étaient planifiés et refusant tout travail le samedi. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps un tel comportement caractérisant une insubordination manifeste et perturbant le bon fonctionnement de votre service.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise. Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture, et vous cesserez donc à cette date de faire partie des effectifs de notre société. A compter de la date de notification de votre licenciement, vous pourrez contacter le service paie afin de convenir d'un rendez-vous pour recevoir les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dus, votre certificat de travail et l'attestation nécessaire à votre inscription auprès de Pole Emploi. Nous vous informons que vous avez acquis 116 heures au titre du droit individuel à la formation, correspondant à 1 061.40 Euros. Vous pourrez utiliser ces droits après votre départ pour effectuer une action de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de bilan de compétence. Vous pourrez éventuellement, après votre départ, faire procéder au déblocage de votre participation dans le respect des textes en vigueur en vous adressant à : [Adresse 2] en joignant une copie de votre certificat de travail à votre demande écrite de déblocage. Enfin, nous joignons à 1a présente une note d'information sur le maintien temporaire des couvertures complémentaires santé et prévoyance après la cessation de votre contrat de travail. »
Contestant son licenciement, Mme [H] [Y] a saisi le 27 novembre 2012 le conseil de prud'hommes de MARTIGUES, section commerce, lequel, par jugement rendu le 17 février 2014, a :
dit que la salariée bien fondée en ses demandes ;
dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, en l'absence de faute grave ;
condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :
' 4 860,78 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
' 486,08 € d'incidence congés payés sur préavis ;
'21 711,49 € à titre d'indemnité de licenciement ;
enjoint à l'employeur de procéder à la régularisation de ces sommes auprès des organismes sociaux ;
ordonné la remise à la salariée des documents suivants rectifiés : un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle Emploi ;
rappelé sur ces montants l'exécution provisoire de droit par application des dispositions des article R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail, et fixé la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois à 2 430,39 € ;
condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 300 € au titre des frais irrépétibles ;
dit que les intérêts légaux seront comptabilisés à compter du 27 novembre 2012 au regard de l'article 1153-1 du code civil ;
ordonné l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, sur les montants non couverts par l'exécution provisoire de droit ;
débouté l'employeur de sa demande relative aux frais irrépétibles ;
dit que l'employeur supportera les entiers dépens de l'instance ;
débouté le salariée du surplus de ses demandes.
Mme [H] [Y] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 13 mars 2014.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [H] [Y] demande à la cour de :
condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
' 4 860,77 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
' 486,08 € à titre de congés payés sur préavis ;
' 21 711,49 € à titre d'indemnité de licenciement ;
'116 658,72 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' 3 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
ordonné à l'employeur la remise des documents de fin de contrat de travail modifiés et conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS CARREFOUR demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave ;
dire régulier et fondé le licenciement pour faute grave ;
débouter purement et simplement la salariée de toutes ses demandes ;
la condamner au paiement d'une somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;
la condamner au paiement des entiers dépens.
SUR CE
1/ Sur la faute grave
Le changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue en principe un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise, et non une modification du contrat de travail. Mais les parties peuvent inclure une clause de fixation des horaires de travail dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein. Toutefois, la commune intention des parties de contractualiser les horaires de travail du salarié ne peut résulter de la seule pratique de ces horaires depuis de nombreuses années, quand bien même ils auraient été définis au regard des contraintes familiales du salarié.
Mais, par exception au principe précédent, un bouleversement des horaires est susceptible de constituer une modification du contrat nonobstant la nature extracontractuelle de l'élément modifié et ce à raison de l'incidence, objective ou subjective, de la modification sur la situation personnelle du salarié.
C'est ainsi que, sur le plan objectif, le changement d'horaire constitue une modification du contrat de travail s'il est d'une importance telle qu'il en bouleverse l'économie ou l'équilibre, tel le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu, d'un horaire fixe à un horaire variable et encore d'un horaire fixe à un horaire variant chaque semaine selon un cycle.
Enfin, sur le plan subjectif, la modification des horaires, si elle n'est pas objectivement importante, doit encore être appréciée au regard de la situation personnelle du salarié car le pouvoir de direction de l'employeur ne saurait porter une atteinte excessive à son droit au respect de la vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.
En l'espèce, en l'absence de contrat de travail écrit, les horaires, même très longtemps appliqués à la salariée, soit du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 16 heures ne constituent nullement un élément contractualisé de la commune intention des parties.
Dès lors, il convient de rechercher si les nouveaux horaires bouleversent l'économie ou l'équilibre du contrat. Certes, les nouveaux horaires varient selon la semaine alors que les horaires précédents étaient fixes, mais cette variation est particulièrement limitée et se caractérise deux lundis toutes les 5 semaines par une embauche avancée à 4 heures 45 et un samedi toutes les cinq semaines de 6 heures à 12 heures. Ni l'embauche anticipée deux lundis sur cinq, ni le travail un samedi matin sur cinq, alors que le samedi est un jour ouvré pour l'entreprise, ni même la combinaison de ces deux éléments ne constituent un élément objectif bouleversant l'économie du contrat de travail ni son équilibre.
Sur un plan subjectif, alors que la salariée était âgée à l'époque des faits de 56 ans et avait achevé d'élever ses enfants, elle se contente de faire valoir qu'elle est très attachée à sa vie familiale et que les nouveaux horaires entraînent forcément un changement de ses habitudes. Ainsi, il n'est établi par aucun élément que la modification des horaires porte une atteinte excessive au respect de sa vie personnelle et familiale ni à son droit au repos.
La salariée fait encore valoir qu'en réalité elle devait travailler non pas un samedi toutes les 5 semaines mais 2 comme elle aurait dû le faire les 20 novembre 2010, 4 décembre 2010 et 18 décembre 2010. Mais ces dates ne concernent nullement les griefs articulés dans la lettre de licenciement et ne lui ont porté aucun préjudice puisque précisément elle n'a jamais accepté de travailler le samedi.
La salariée fait valoir subsidiairement que l'employeur a abusé de son pouvoir de direction dès lors qu'il ne justifie pas que le changement d'horaires était dans l'intérêt de l'entreprise. Mais, en l'espèce, la modification des horaires, qui s'appliquait à l'ensemble des salariés du service, avait été présentée et discutée en comité d'établissement et en CHSCT et elle se fondait sur un plan de réorganisation précis visant l'adaptation du service aux évolutions du commerce. Dès lors que l'abus n'est pas établi, il n'appartient pas au juge de s'immiscer plus avant dans l'exercice du pouvoir de direction qui relève alors de la liberté du chef d'entreprise.
En conséquence, l'employeur avait le loisir de modifier, dans les limites de l'espèce, les horaires de la salariée. Le refus de cette dernière de se soumettre aux nouveaux horaires, si elle a pu ne constituer un temps qu'un manquement justifiant tout d'abord un simple avertissement puis deux jours de mise à pied, a dégénéré, au regard même de sa très grande ancienneté, en une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise dès lors que malgré les sanctions précédentes elle persistait depuis plus d'un an à venir travailler alors qu'elle était en repos et à ne pas assurer son travail les samedi et lundi matin. En effet, une telle insubordination, qui a persisté malgré deux sanctions disciplinaires, et sur une telle période, était de nature à désorganiser le service.
2/ Sur les autres demandes
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais par lui exposés et non compris dans les dépens. Dès lors, il sera débouté de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La salariée supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Constate la faute grave sur laquelle est fondée le licenciement.
Déboute Mme [H] [Y] de l'ensemble de ses demandes.
Déboute la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES de sa demande concernant les frais irrépétibles.
Condamne Mme [H] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT