COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 29 MARS 2016
A.V
N° 2016/
Rôle N° 15/02715
[Q] [J]
C/
[L] [L]
Grosse délivrée
le :
à :Me Gangloff
ME Fialon
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02465.
APPELANT
Monsieur [Q] [J]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Gaël GANGLOFF, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame [L] [L]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 15/006527 du 22/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Céline FIALON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Février 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2016,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 5 mars 2013, Mme [L] [L] a fait assigner M. [Q] [J] devant le tribunal de grande instance de Draguignan en paiement d'une somme de 60.000 euros au titre du remboursement d'un prêt constaté par acte sous seing privé du 10 novembre 2006, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2013.
Par jugement du 2 février 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a déclaré la demande de Mme [L] [L] recevable et a condamné M. [Q] [J] à lui payer la somme de 60.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2013. Il a débouté M. [Q] [J] de ses demandes et rejeté toutes autres réclamations plus amples ou contraires.
Il a retenu que l'acte du 10 novembre 2006 respecte les formalités de l'article 1326 du code civil et prévoit les modalités de remboursement de la somme de 60.000 euros, qu'il est valable quoique la cause n'en soit pas exprimée et que M. [Q] [J] est défaillant à prouver l'absence de cause et donc l'absence de remise des fonds. Il a rejeté la demande de compensation opposée par M. [Q] [J] en retenant qu'il ne caractérise pas l'existence d'une dette de Mme [L] [L] à son égard.
M. [Q] [J] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 23 février 2015.
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M. [Q] [J], suivant conclusions récapitulatives n°2 signifiées le 29 janvier 2016, demande à la cour, au visa des articles 9 du code de procédure civile et 1131, 1289 et 1315 du code civil, de :
A titre principal,
- dire que Mme [L] [L] a reçu la somme de 51.713,95 euros en héritage et non pas 60.000 euros,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- constater que Mme [L] [L] qui vivait alors en couple avec M. [Q] [J] avait pour amant M. [U] [Y],
- dire que la reconnaissance de dette rédigée par M. [Q] [J] est dépourvue de cause, M. [Q] [J] l'ayant rédigée afin que Mme [L] [L] ne le quitte pas,
- dire que la prétendue reconnaissance de dette ne comporte pas d'échéance, ni de terme et qu'elle n'est donc pas valable,
- dire que Mme [L] [L] ne prouve pas que M. [Q] [J] aurait reçu la somme de 60.000 euros, qu'elle ne verse aucun justificatif à l'appui de ses demandes, qu'elle s'obstine, malgré plusieurs sommations, à ne pas produire ses relevés bancaires alors qu'il lui appartient de rapporter la preuve de ses allégations,
- dire que Mme [L] [L] avait un train de vie particulièrement dispendieux (fiançailles au palace Le Carlton, caddies à 300 euros, vêtements'),
- dans ces conditions, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait que M. [Q] [J] puisse devoir la moindre somme à Mme [L] [L], opérer une compensation avec la somme de 27.133 euros payée par M. [Q] [J] pour le compte du couple,
En tout état de cause,
condamner Mme [L] [L] à payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient avoir rédigé la reconnaissance de dette pour retenir à tout prix sa compagne qui voulait le quitter et il produit plusieurs attestations en ce sens et prétend que cet acte est donc dépourvu de cause. Il ajoute que la reconnaissance de dette ne comporte pas de terme et que Mme [L] [L] ne rapporte pas la preuve de la remise des fonds, en violation de l'article 1315 du code civil. Il termine en indiquant qu'il a payé de nombreuses dépenses de Mme [L] [L] lorsqu'ils étaient en couple (prêts à la consommation, formation de Mme [L] [L], voyage et dépenses diverses).
Mme [L] [L], en l'état de ses écritures notifiées par RPVA le 5 juin 2015, demande à la cour de :
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Débouter M. [Q] [J] de l'ensemble de ses demandes,
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Condamner M. [Q] [J] à lui payer la somme de 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2013,
Le condamner aux entiers dépens.
Elle expose que M. [Q] [J], qui vivait en concubinage avec elle, a profité de sa faiblesse pour utiliser son compte bancaire alors que lui-même était interdit bancaire et qu'il s'est engagé, au moment de la séparation du couple, à rembourser sa dette à l'égard de sa compagne. Elle conteste le règlement par M. [Q] [J] de la somme de 6.885 euros correspondant au voyage au [Localité 3].
La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2016.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'en application de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit son extinction ;
Que Mme [L] [L] réclame la condamnation de M. [Q] [J] en présentant un document manuscrit écrit et signé par ce dernier, en date du 10 novembre 2006, par lequel il déclare « avoir une reconnaissance de dette d'un montant de 60.000 euros (soixante mille euros) envers Mme [L] [L] née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2] de nationalité française » et s'engage « à lui verser la moitié de (son) salaire, charges déduites (loyer, téléphones,') » ; qu'il n'est pas discuté que ce document répond aux conditions de forme posées par l'article 1326 du code civil et qu'il dispose donc de la force probante permettant à Mme [L] [L] de faire la preuve de l'obligation de M. [Q] [J] à son égard ;
Que M. [Q] [J] prétend que la convention serait nulle comme dépourvue de cause, soulignant que Mme [L] [L] ne rapporte pas la preuve de la remise de la somme de 60.000 euros, objet de son engagement de remboursement ; mais que la convention n'en est pas moins valable, même si la cause n'en est pas exprimée ; que dès lors, il appartient au débiteur qui soutient que l'obligation serait nulle à défaut de cause, de rapporter la preuve de cette absence de cause, de sorte qu'il n'incombe pas au demandeur en paiement (Mme [L] [L]) de rapporter la preuve de la remise des fonds objets de la reconnaissance de dette mais au débiteur signataire de cette reconnaissance de dette (M. [Q] [J]) de démontrer l'absence de remise de ces fonds ;
Que les quelques attestations produites aux débats par M. [Q] [J] ne permettent pas de retenir, comme il le prétend, qu'il aurait établi la reconnaissance de dette litigieuse dans le seul but de retenir sa compagne qui avait un amant et entendait le quitter ; que de même la production de ses relevés bancaires à la Lyonnaise de Banque ne permet pas de démontrer qu'il n'aurait pas bénéficié de la somme de 60.000 euros dès lors que Mme [L] [L] indique que cette somme aurait été dépensée directement par M. [Q] [J] en utilisant sa propre carte bancaire à un moment où il avait été interdit bancaire à la BNP Paribas ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que M. [Q] [J] échouait à démontrer l'absence de cause de la reconnaissance de dette et devait être condamné à l'exécuter ;
Attendu que l'appelant soutient devant la cour que la reconnaissance de dette serait nulle à défaut d'avoir prévu des modalités de remboursement de la somme due ; mais qu'il y est mentionné que le débiteur remboursera sur son salaire hors charges, ce qui implique un remboursement par échéances mensuelles proportionnées à ses revenus ; qu'au demeurant, la fixation d'un terme ne constitue pas une condition de validité de l'obligation de remboursement, l'article 1900 du code civil prévoyant, en matière de prêt, que, s'il n'a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder un délai suivant les circonstances ; qu'en l'espèce, eu égard à la date de la reconnaissance de dette (novembre 2006) et à celle de la mise en demeure de rembourser (25 janvier 2013), il y a lieu de n'accorder aucun délai supplémentaire à M. [Q] [J] qui a déjà bénéficié de plusieurs années de délais ;
Attendu que M. [Q] [J] soutient qu'il devrait être procédé à une compensation entre sa dette de 60.000 euros et sa propre créance à l'égard de Mme [L] [L] au regard des dépenses qu'il indique avoir faites au bénéfice de celle-ci et qu'il chiffre à la somme de 27.133 euros ; mais que le tribunal a justement considéré que l'engagement de dépenses au profit du couple pendant la durée de leur vie commune ne suffisait pas à établir l'obligation pour Mme [L] [L] d'en opérer le remboursement au moment de la rupture ;
Attendu qu'il convient en conséquence de débouter M. [Q] [J] de son appel et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
la cour statuant publiquement, contradictoirement,
et en dernier ressort,
Déboute M. [Q] [J] de son appel et confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [Q] [J] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRESIDENT