COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 AVRIL 2016
N° 2016/ 204
Rôle N° 14/21062
SARL LA CELIA
C/
SCI LIBERTY
Grosse délivrée
le :
à :
Me Frédéric BERENGER
Me Alain ROUSTAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 29 Septembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04681.
APPELANTE
SARL LA CELIA RCS Salon de Provence, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laetitia MURACCIOLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SCI LIBERTY (appelante incidente), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alain ROUSTAN de la SCP ROUSTAN BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Février 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2016,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 6 juillet 2004, à effet au 1er juillet, la SCI Liberty a consenti à la SARL La Celia un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 3], pour l'exploitation d'une activité de 'salles de réception, réunion, fêtes diverses, restauration', moyennant un loyer annuel de 36 587,76 euros HT.
Ce bail comporte une clause selon laquelle la locataire obtiendra toutes les autorisations nécessaires propres à son exploitation afin que le bailleur ne soit jamais recherché à ce sujet.
Par arrêté municipal du 8 septembre 2006, la fermeture de l'établissement exploité par la SARL La Celia a été ordonnée pour une durée indéterminée, au regard de l'absence de permis de construire modificatif, d'atteinte à la sécurité des personnes et de doléances du voisinage relatives à la tranquillité publique.
Ensuite d'un rapport effectué le 4 octobre 2006 par la société Bureau Véritas, la SARL La Celia a, par lettre du 16 janvier 2007, mis le bailleur en demeure d'avoir à effectuer les travaux nécessaires à l'exploitation des lieux loués.
Par lettre du 11 juillet 2007 adressée au bailleur, la Commune [Localité 1] a refusé la demande de permis de construire présenté par la SCI Liberty portant sur un changement de destination d'un bâtiment industriel à usage de salle de réception, au motif d'irrégularités concernant la réglementation d'accessibilité et relative au plan d'occupation des sols concernant le nombre de places de stationnement.
La SARL La Celia ayant cessé le paiement des loyers en août 2006, plusieurs commandements de payer lui ont été signifiés, à la suite de quoi le bailleur a fait assigner la locataire aux fins de constat de la résiliation du bail devant le juge des référés, demande rejetée selon ordonnances des 30 septembre 2008 et 9 mars 2010.
Par ordonnance du 7 décembre 2010, le juge des référés a désigné Monsieur [O] en qualité d'expert.
Dans son rapport déposé le 12 juillet 2011, celui-ci a conclu à l'insuffisance des travaux réalisés tant par le locataire que le bailleur pour rendre les locaux adaptés à la destination envisagée, pour transformer ces locaux à usage de bureaux en établissement recevant du public.
Par une ordonnance du 20 septembre 2011, le juge des référés a prononcé la résolution du bail et ordonné l'expulsion de la locataire en raison de l'impossibilité d'utilisation des biens loués selon l'usage prévu au bail.
La SARL La Celia a saisi le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence de demandes en remboursement de travaux, au titre de la perte d'exploitation, en restitution de matériel, dispense de loyers, demandes dont elle a été déboutée par un jugement du 29 septembre 2014 dont elle a relevé appel, et qui l'a condamnée au paiement de la somme de 95 281,11 euros au titre des loyers de décembre 2009 à septembre 2011 et a débouté le bailleur de sa demande en paiement de la somme de 54 000 euros à titre de travaux de remise en état.
Le premier juge a considéré, en application de la clause du bail, que la locataire n'avait pas demandé les autorisations administratives et que la fermeture de l'établissement était la conséquence de sa carence.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 avril 2015, la SARL La Celia a conclu à la réformation en toutes ses dispositions du jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté le bailleur de sa demande reconventionnelle et statuant à nouveau, sur le fondement des articles 1719 et suivants du code civil, demandé à la cour, de dire et juger que la SCI Liberty a manqué à son obligation de délivrance d'une chose conforme à la destination convenue au bail, qu'elle n'a pas exécuté son obligation d'effectuer les travaux de mise aux normes, que la SARL La Celia a été dans l'impossibilité d'exploiter les lieux loués conformément à la destination prévue au bail du fait de ce manquement et en conséquence, de condamner la SCI Liberty au paiement de la somme de 161 923,19 euros en remboursement des travaux d'aménagement et d'embellissement réalisés et de celle de 101 000 euros au titre de la perte d'exploitation.
La SARL La Celia conclut également au rejet de l'ensemble des demandes formées par la SCI Liberty et à sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.
Pour conclure à la réformation du jugement, la SARL La Celia rappelle que le bailleur doit délivrer au preneur une chose conforme à la destination convenue au contrat et que pèse sur lui une obligation de vigilance quant à l'obtention de l'autorisation d'effectuer les travaux nécessaires à l'activité envisagée. Elle ajoute que s'agissant de la réglementation d'urbanisme, le bailleur doit obtenir les obligations nécessaires avant la remise de la chose au preneur, faisant valoir que celui-ci a reloué les locaux, mais à usage de bureaux.
Par conclusions notifiées le 17 février 2015, la SCI Liberty a conclu au débouté de la SARL La Celia de son appel ainsi que de toutes ses demandes, à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des travaux de remise en état des lieux réalisés pour un montant de 54 000 euros.
La SCI Liberty demande ainsi la condamnation de la SARL La Celia au paiement de la somme ci-dessus outre celle de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Liberty fait valoir que la clause prévue au bail l'exonère de toute obligation afférente aux autorisations aux fins d'exploitation des locaux, considérant que les locaux étaient conformes à leur destination. Elle ajoute que la délivrance de l'autorisation administrative était simplement conditionnée par l'exécution de travaux, ceux effectués par la locataire étant insuffisants pour l'obtention de ces autorisations.
Concernant les travaux d'aménagement effectués par la SARL La Celia, la SCI Liberty rappelle qu'ils sont acquis à l'expiration du bail et que les lieux, laissés dans un état déplorable ont nécessité des travaux de remise en état.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Pour réfuter l'affirmation de la SARL La Celia selon laquelle elle aurait manqué à son obligation de délivrance d'un local conforme à la destination prévue par le bail, la SCI Liberty fait valoir qu'aux termes du bail et d'accord exprès des parties, la locataire s'est engagée à obtenir toutes les autorisations nécessaires propres à son exploitation afin que le bailleur ne soit jamais recherché à ce sujet.
La SARL La Celia répond qu'il appartient au bailleur de s'assurer que toutes les mesures ont été prises pour que ces autorisations puissent être effectivement obtenues et que pour ce faire, il aurait fallu que le changement de destination intervienne et que des travaux et aménagements soient réalisés par le bailleur, précisant que, s'agissant de la réglementation d'urbanisme, c'est préalablement à la remise de la chose au preneur que le bailleur doit obtenir les autorisations requises et vérifier que certaines restrictions administratives n'interdisent pas l'affectation contractuelle.
Il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [O] que l'immeuble appartenant à la SCI Liberty, élevé d'un niveau sur rez de chaussée, a été édifié au cours de la dernière partie du 20ème siècle dans la perspective d'être exploité en bâtiment d'activités, bureaux, atelier et hangar et que le bail consenti à la SARL La Celia porte sur les locaux situés notamment au 1er étage anciennement à usage de bureaux.
Il est rappelé que ce bail a été consenti à SARL La Celia pour l'exploitation dans les lieux d'une activité de 'salles de réception, réunion, fêtes diverses, restauration'.
Par arrêté municipal du 8 septembre 2006, la fermeture de l'établissement exploité par la SARL La Celia a été ordonnée, information étant donnée que la réouverture de l'établissement serait ordonnée après délivrance d'un permis de construire modificatif et de l'avis favorable de la Commission Communale de Sécurité.
La SCI Liberty justifie que par lettre du 11 juillet 2007, la Commune [Localité 1] a refusé la demande de permis de construire présenté par elle, portant sur un changement de destination d'un bâtiment industriel à usage de salle de réception, lettre libellée comme suit : des irrégularités concernant la réglementation accessibilité ont été relevées et notamment la non prise en compte de la loi du 11 février 2005 d'une part et des dispositions des divers articles de l'arrêté du 1er août 2006 d'autre part. De plus, il ne respecte pas l'article UE 12 du plan d'occupation des sols en ce qu'il est prévu pour les établissements recevant du public une place de stationnement pour quatre personnes pouvant être accueillie soit 77 places.
Ces éléments apportent la démonstration de l'impossibilité d'obtenir les autorisations administratives requises dès lors que des travaux étaient rendus nécessaires du fait de la déspécialisation des locaux anciennement à usage de bureaux et d'ailleurs reloués par la SCI Liberty conformément à cet usage, déspécialisation nécessitant un permis de construire modificatif, démarche qui n'incombait pas à la locataire.
Un rapport daté du 12 février 2007, de la Cete Apave Sudeurope, produit par la SCI Liberty, a établi une proposition de prestation 'diagnostic sécurité' dans un établissement recevant du public ayant pour objet la vérification des ouvrages dans l'optique de leur mise en conformité.
Il s'agit bien en l'espèce de travaux de mise en conformité des locaux en vue de la nouvelle destination du bail, que le bailleur devait réaliser conformément à son obligation de délivrance, sans pouvoir en être exonéré par la clause du bail qui ne pouvait concerner les démarches que celui-ci était seul à pouvoir effectuer en qualité de propriétaire du bâtiment.
L'exploitation des lieux ayant été rendu impossible par l'absence de délivrance de lieux loués pour l'usage convenu, la SARL La Celia est exonérée de toute responsabilité pour n'avoir pas respecté ses obligations de paiement des loyers, demande en paiement dont la SCI Liberty est déboutée.
La SARL La Celia sollicite le remboursement des travaux effectués dans les lieux, demande à laquelle il est fait droit sans que la SCI Liberty puisse opposer la clause d'accession prévue au bail pour n'avoir pas satisfait à son obligation de délivrance.
Au regard des justificatifs produits, la SCI Liberty doit être condamnée à payer à la SARL La Celia la somme de 144 319,29 euros.
La SARL La Celia qui sollicite le paiement d'une perte d'exploitation d'un montant de 101 000 euros, expose avoir dû annuler les réservations de salle qu'elles avaient prises entre septembre 2006 et début 2008 pour un montant de 101 000 euros et avoir dû procéder au remboursement des acomptes perçus, tous éléments dont elle ne justifie pas, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
La SCI Liberty sollicite reconventionnellement le paiement d'une somme de 54 000 euros correspondant à la gratuité de loyer pendant une année consentie au nouveau preneur des lieux en contrepartie de la réalisation des travaux de remise en état.
Citant le rapport de l'expert judiciaire, la SCI Liberty indique que les locaux sont inexploités et ont fait l'objet de dégradations consécutivement à des actes de vandalisme, ce qui résulte également des trois procès-verbaux de constat d'huissier dressés les 14 février 2007, 12 octobre 2009 et 9 avril 2010.
Il en résulte que si malgré l'absence d'état des lieux d'entrée, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, celui-ci ne répond que des dégradations ou des pertes lui incombant conformément aux dispositions de l'article 1732 du code civil, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Liberty de sa demande.
Enfin, la SCI Liberty est condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Confirme le jugement du 29 septembre 2014 prononcé par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté la SARL La Celia au titre d'une perte d'exploitation et la SCI Liberty au titre de la remise en état des lieux ;
Y ajoutant :
Réforme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Dit que la SCI Liberty a manqué à son obligation de délivrance ;
Déboute la SCI Liberty de sa demande en paiement des loyers pour la période de décembre 2009 à septembre 2011 ;
Condamne la SCI Liberty à payer à la SARL La Celia la somme de 144 319,29 euros ;
Condamne la SCI Liberty à payer à la SARL La Celia la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI Liberty aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,