COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 AVRIL 2016
N°2016/342
JPM
Rôle N° 14/09150
[T] [H]
C/
SCS CAP BOULANGER
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Arnaud THIERRY, avocat au barreau de LILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section E - en date du 15 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1101.
APPELANT
Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
SCS CAP BOULANGER, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Arnaud THIERRY, avocat au barreau de LILLE
([Adresse 3])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [T] [H] a été embauché par la société Media Saturn par contrat de travail à durée indéterminée du 16 août 1993 en qualité de chef de rayon. Dans le dernier état des relations, Monsieur [H] a exercé les fonctions de responsable de département dans le magasin de [Localité 1] [Localité 2], statut cadre.
A compter du 5 juillet 2011, l'employeur est devenu la société Cap Boulanger (groupe HTM).
Le 20 mars 2012, l'employeur a fait connaître au salarié que dans le cadre d'un projet de réorganisation de l'entreprise destiné à en assurer la compétitivité et sur lequel le comité central d'entreprise avait été consulté, le poste du salarié figurait parmi ceux susceptibles d'être supprimés. L'employeur a donc notifié au salarié qu'il était éligible au plan de départ volontaire ainsi que les modalités de sa candidature à ce départ volontaire.
Par lettre du 5 avril 2012, le salarié a fait connaître qu'il était candidat au départ volontaire et qu'il souhaitait bénéficier des différents dispositions s'y rattachant, notamment le congé de reclassement.
Le salarié n'ayant pas été retenu l'employeur, par lettre du 5 juin 2012, a proposé au salarié une modification de son contrat de travail pour motif économique visant le poste de Responsable Univers , statut cadre , position 2, dans le magasin de [Localité 1] [Localité 2] pour un salaire brut mensuel de 3343,17€ outre une rémunération variable pouvant atteindre jusqu'à 5200€ brut par an en fonction des résultats obtenus.
Par lettre du 26 juin 2012, soit dans le délai d'un mois qui lui avait été imparti, le salarié a notifié son refus d'accepter cette modification.
Par lettre du 19 juillet 2012, l'employeur a lui notifié la mise en oeuvre de son projet de réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité et, compte tenu de son refus d'accepter la modification de son contrat de travail, lui a proposé un reclassement interne sur un poste de responsable exploitation magasin, statut cadre, à [Localité 3], pour un salaire brut de 3343,17€ outre une rémunération variable pouvant atteindre jusqu'à 5200€ brut par an en fonction des résultats obtenus.
Par lettre du 23 juillet 2012, soit dans le délai de 15 jours qui lui avait été imparti, le salarié a notifié son refus, 'tant pour des questions de forme que fond ', d'accepter cette modification.
Par lettre du 10 août 2012, l'employeur lui a notifié son licenciement pour motif économique.
Le 17 août 2012, le salarié a accepté le bénéfice du congé de reclassement devant se terminer le 10 août 2013.
Toutefois, contestant le bien fondé de son licenciement , le salarié a saisi, le 12 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de [Localité 1] aux fins de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités.
Par jugement de départage du 15 avril 2014, le conseil de prud'hommes l'a débouté de toutes ses demandes.
C'est le jugement dont Monsieur [T] [H] a régulièrement interjeté appel.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [T] [H] demande à la cour de réformer le jugement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de condamner la société intimée à lui payer les sommes de 100000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 93243,59€ au titre de l'indemnité spécifique de licenciement et 2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
La scs Cap Boulanger demande à la cour de dire le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'elle avait respecté ses obligations en matière de reclassement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de le condamner à lui payer une somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Pour plus amples développement, il est renvoyé aux conclusions déposées et réitérées à l'audience par les parties.
SUR CE
I - Sur le licenciement
La lettre de licenciement est ainsi rédigée:
'Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif.
Cette mesure est la conséquence du projet de réorganisation et de compression des effectifs initié le 23 novembre 2011 et entériné le 10 février 2012, réorganisation et plan nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité et indispensables pour assurer à l'entreprlse sa pérennité.
Le réseau Saturn France est présent en France depuis 1999 et compte 35 magasins répartis sur tout le territoire.
Le réseau Saturn France a été confronté à un niveau de pertes important, lequel a conduit à son rachat par le groupe HTM. A cette occasion, le réseau Saturn France a été rebaptisé CAP BOULANGER.
Les difficultés rencontrées par le réseau CAP BOULANGER ont notamment pour cause:
-Un positionnement antinomique de « spécialiste discounter »,
-Une part de CA insuffisante en Blanc.
-L'absence de site internet marchand.
-Un approvisionnement décentralisé par magasin empêchant la massification des achats.
- Un budget publicité élevé.
-Des loyers élevés.
-L'absence de marques propres de ventes de services, de ventes de crédit.
- Des changements de stratégies répétitives.
Dès lors, le niveau de résultat de la société CAP BOULANGER apparaît comme un modèle économiquement non viable.
Le groupe HTM a, en conséquence, proposé d'appliquer au réseau CAP BOULANGER un modèle économique, commercial/ organisationnel et humain, déjà éprouvé, dans le but de restaurer puis de sauvegarder la compétitivité de la société et au travers cela d'en préserver les emplois.
Telles sont les raisons qui ont amenés la société CAP BOULANGER à consulter les représentants du personnel sur le projet de réorganisation et de compression des effectifs, nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et indispensable pour assurer la pérennité de l'entreprise.
Le projet de réorganisation de l'entreprise a été soumis à la consultation du Comité Central d'Entreprise le 10 février 2012, et par la suite au Comité d'Etablissement de TOULON LA VALElTE.
Les débats intervenus lors de ces réunions, n'ayant pas permis de trouver de solution alternative au projet présenté, la société CAP BOULANGER a décidé de mettre en 'uvre ledit projet et dans cette perspective a été amenée à établir un plan de sauvegarde de l'emploi.
A ce titre, une réunion d'information a été organisée, au sein de votre établissement, en vue de présenter les différentes mesures du plan de sauvegarde de l'emploi. Le plan prévoyait un accès à la bourse interne de l'emploi assorti de l'accès aux services d'accompaçnernent d'un cabinet extérieur. Ce dispositif était destiné à vous permettre de vous positionner valablement sur un reclassement interne étant précisé que vous aviez, également, la possibilité de poursuivre votre activité au sein de notre établissement de TOULON LA VALETTE.
Dans le cadre du projet de réorganisation de l'entreprise, il apparaissait comme impératif de procéder à une harmonisation des structures de magasins dans le but de parvenir un modèle économique intégré.
A cette fin, nous vous avons en date du 06 juin 2012, proposé un avenant à votre contrat de travail, avenant que vous avez refusé.
Afin d'éviter votre licenciement pour motif économique, nous vous avons en date du 19 juillet 2012 proposé un reclassement au poste de RESPONSABLE EXPLOITATION au sein de notre établissement de MARSEILLE LA VALENTINE proposition de reclassement interne que vous avez refusé.
En conséquence, compte tenu de votre refus de reclassement interne, nous sommes aujourd'hui contraints de prononcer par la présente votre licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ de votre préavis de 3 mois. Vous serez dispensé de l'activité au service de notre société pendant cette période de préavis.
Il est expressément convenu que vous serez délié de toute obligation de non concurrence qui aurait pu être stipulée entre la société CAP BOULANGER et vous-même.
Compte tenu de cette levée de tout engagement de non concurrence, la société CAP BOULANGER sera pour sa part déliée de tout engagement de versement de la contrepartie financière applicable en contrepartie de cette obligation.
Conformément aux informations contenues dans le dossier soumis au Comité central d'entreprise et au Comité d'établissement et conformément aux dispositions des articles L 1233-71 à L 1233-76 du Code du Travail, nous vous proposons le bénéfice d'un congé de reclassement dont les conditions de mise en 'uvre vous sont rappelées dans le document intitulé congé de reclassement joint au présent courrier.
Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la date de présentation postale de la présente pour nous faire part de votre choix d'adhérer ou pas au congé de reclassement, par lettre recommandée avec accusé de réception. Votre absence de réponse dans ce délai sera assimilée à un refus de cette proposition.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d'en formuler la demande avant le terme de votre préavis. Nous vous informons qu'à ce jour votre Droit Individuel à la Formation s'élève à 120 heures. (...)'
Pour obtenir la réformation du jugement et faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'appelant rappelle d'abord le contexte dans lequel le groupe HTM avait repris 34 magasins du réseau Saturn (groupe Metro) ce qui avait amené le groupe HTM, sur la décision du 10 juin 2011 prise par l' Autorité de la Concurrence, à devoir céder à terme plusieurs magasins dont celui de [Localité 1] [Localité 2] afin de ne pas se trouver en situation monopolistique du fait de l'implantation de magasins, notamment ceux de la société Boulanger, appartenant aussi au groupe HTM.
Ensuite et sur le fond, il soutient:
- en premier lieu, qu'il n' y avait pas de menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe HTM, que l'intégration des 34 magasins Saturn au sein du groupe HTM ne constituait pas une menace pour ce dernier mais une opportunité de son développement économique, qu'il était inexact de soutenir que le comité central d'entreprise aurait donné un avis largement favorable sur les motivations économiques à l'origine de la restructuration et sur le contenu du plan de sauvegarde, qu'en tout état de cause, la situation du groupe au jour du licenciement était florissante, que les documents comptables produits par la société intimée n'étaient pas certifiés par un commissaire aux comptes alors même que les comptes annuels depuis 2011 n'étaient pas publiés sur infogreffe, qu'il existait une discordance dans les données comptables notamment celles communiquées au comité central d'entreprise et celles reprises par le cabinet d'expertise Tandem;
-en second lieu, que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée, que la proposition de modification du contrat de travail du 5 juin 2012 et le refus du salarié de l'accepter ne dispensaient pas l'employeur de son obligation de reclassement, que la demande du 19 juillet 2012 se bornait à inviter le salarié à se positionner dans un délai de 15 jours sur une candidature à un unique poste de responsable d'exploitation magasin situé à [Localité 3] mais, en tout état de cause et en cas d'acceptation, le salarié aurait été en concours avec d'autres salariés soumis comme lui aux critères d'ordre relatifs au licenciement tels que figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi, qu'en outre, ce poste se trouvait aussi en concours avec l'ensemble des salariés du groupe HTM dans le cadre de la mobilité interne, que le plan de sauvegarde de l'emploi, présenté au comité central d'entreprise le 10 février 2012, ne contenait pas la liste des emplois proposés en reclassement interne et le chiffre mentionné dans ce plan de 405 postes disponibles était au surplus en contradiction avec celui de 286 mentionné sur la fiche annexe n° 5, que ni le plan de sauvegarde, qui se bornait à renvoyer les salariés à une bourse de l'emploi interne au groupe, ni les fiches annexes, qui étaient imprécises ou incomplètes, ne permettaient d'avoir une connaissance complète des postes disponibles, qu'au demeurant, en supposant que le salarié ait été choisi dans les critères d'ordre pour rejoindre le poste de [Localité 3], il aurait dû se soumettre à une période d'adaptation, annoncée pour une durée de 2 mois, de sorte qu'en cas d'inadaptation du salarié à ce poste, ledit poste de reclassement pouvait encore lui échapper; qu'en réalité, aucune offre de reclassement ferme et définitive ne lui avait été adressée; que pour le surplus, l'appelant rappelle la taille du groupe , le nombre de ses salariés et l'absence de registres des entrées et sorties du personnel ainsi que l'absence de recherches de reclassement dans les autres sociétés du groupe.
Pour demander la confirmation du jugement sur la cause du licenciement et obtenir le rejet des prétentions de l'appelant, la société Cap Boulanger fait valoir, d'abord s'agissant du contexte, que l'engagement pris par le groupe HTM de céder à terme certains magasins afin de respecter la décision de l'Autorité de la Concurrence, l'avait conduit à permettre à ces magasins de disposer jusqu'à leur cession du modèle économique, commercial, organisationnel et humain déjà éprouvé et qui était celui de Boulanger. Elle ajoute que Monsieur [H] ayant obtenu moins de points au regard des critères d'ordre, sa demande de départ d'adhérer au plan de départ volontaire n'avait pu être satisfaite.
Elle fait ensuite valoir sur le fond :
-en premier lieu, que la motivation de la lettre de licenciement répondait parfaitement aux exigences de l'article L1232-6 du code du travail en ce que l'élément causal reposait sur la nécessaire réorganisation de l'entreprise au travers du modèle Boulanger compte tenu de l'échec du système organisationnel précédent de Saturn et en ce que l'élément matériel consistait à l'impossibilité de reclassement de Monsieur [H] du fait de ses refus successifs des propositions de reclassement, qu'il n' y avait aucun doute sur l'opportunité de l'application du modèle organisationnel de Boulanger dans la mesure où le modèle Saturn n'avait jamais dégagé une seule année un résultat positif, avait dégagé en 2010 un niveau de pertes cumulées que l'expert du comité central d'entreprise avait lui même qualifié de colossal et avait connu depuis 2008 un niveau de pertes jamais égalées ce qui démontrait l'absence de perspectives du modèle Saturn à terme;
-en second lieu, que le motif économique réel et sérieux pouvait être retenu consécutivement au refus de modification du contrat de travail manifesté par Monsieur [H] quand bien même cette modification aurait emporté modification de la rémunération, que la suppression du poste de Monsieur [H] liée à une réorganisation constituait un licenciement économique au sens de l'article L 1233-3 du code du travail dès lors que cette réorganisation résultait de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, cette réorganisation étant étrangère et autonome à toute difficulté économique, que cette réorganisation avait été effectuée pour sauvegarder sa compétitivité et par conséquent sa survie à court terme, que le juge n'avait pas le pouvoir de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles, qu'en l'espèce, l'appelant avait confondu les diverses notions, que la cour devait seulement rechercher la pertinence de la réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarder et non pas l'existence de difficultés économiques ni même d'ailleurs la motivation économique du rachat du réseau Saturn par le groupe HTM, qu'en tout état de cause, pour justifier la nécessité d'une réorganisation, elle entendait se référer aux pertes cumulées de 300 millions d'euros du réseau Saturn , à l'absence de seuil de profitabilité dans les 34 magasins de ce réseau, à la déficience du modèle précédemment appliqué, aux recapitalisations régulières et conséquentes auxquelles l'ancien modèle avait l'habitude de recourir et à l'absence totale de perspectives de redressement d'un tel modèle qui fonctionnait avec une structure de charges d'un spécialiste et des marges de discounter, qu'elle renvoyait au détail de l'analyse reprise par le rapport de l'expert-comptable Tandem désigné pour assister le comité central d'entreprise, que pour ces raisons, elle avait décidé une réorganisation par la mise en place du modèle économique Boulanger dont l'efficacité avait largement été démontrée , que la pertinence de ce système avait été confirmée à divers égards (système d'information, achats, service après-vente et logistique) par l'expert-comptable Tandem, qu'elle entendait aussi démontrer que le rachat de Saturn avait objectivement grevé les finances du groupe HTM sur 2011 et 2012 et que la réorganisation avait eu ensuite un impact visible et positif sur ses résultats de 2013, que le résultat d'exploitation du groupe était passé de -41,9 millions d'euros en 2011, année du rachat, à - 61,9 millions d'euros en 2012, année de non achèvement de la réorganisation entreprise, à 0,9 millions d'euros en 2013, soit une évolution de 62, 8 millions d'euros, que le résultat consolidé du groupe était quant à lui passé de + 4,9 millions d'euros en 2010, année précédant le rachat, à - 19,9 millions d'euros en 2011, à 93,2 millions d'euros en 2012 et à -5,2 millions d'euros en 2013;
-en troisième et dernier lieu, qu'elle avait bien respecté son obligation de reclassement, que Monsieur [H] voulait conduire la cour à oublier que son poste n'avait pas vocation initiale à être supprimé, qu'initialement il ne lui avait été proposé, le 5 juin 2012, qu'une légère modification de son contrat consistant à le repositionner, aux mêmes conditions salariales et statutaires, du poste de responsable de département vers le poste de responsable univers, de surcroît dans le même magasin de [Localité 1], que c'était son refus qui avait conduit l'employeur à lui proposer, le 19 juillet 2012, un poste au titre du reclassement interne à [Localité 3], que la cour devra tirer les conséquences de ce refus illégitime de sorte qu'il ne pouvait pas venir reprocher à l'employeur de ne pas lui avoir adressé d'offre ferme et définitive, que le plan de sauvegarde de l'emploi était suffisant, que la liste des emplois disponibles tant dans la société Boulanger que dans le groupe avait été communiquée dans une bourse de l'emploi, que cette liste avait été communiquée au comité d'entreprise et affiché sur des panneaux dédiés, qu'elle avait bien été d'abord réservée aux seuls salariés concernés par le plan, que des fiches de référentiels emplois avaient été annexées ainsi que les accord filières permettant aux salariés d'avoir une parfaite connaissance des postes à pourvoir, que chaque salarié avait été destinataire d'une brochure présentant le plan et les modalités de reclassement, qu'un intervenant avait été désigné dans chaque établissement pour aider les salariés dans leur positionnement
Le défaut de reclassement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte qu'il convient de rechercher d'abord si l'employeur avait sérieusement et loyalement tenté de reclasser Monsieur [H]. La charge de la preuve incombe à l'employeur.
Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de reclassement, la société intimée entend se référer à la proposition de modification du contrat de travail du 5 juin 2012, à la proposition de reclassement du 19 juillet 2012 et aux mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.
En l'espèce, la proposition de modification du contrat de travail du 5 juin 2012 avait été faite à Monsieur [H] en application de l'article L 1222- 6 du code du travail et non pas au titre d'une proposition de reclassement. La société Cap Boulanger n'avait en réalité proposé individuellement et par écrit à Monsieur [H] qu'une seule offre de reclassement, celle du 19 juillet 2012, sans en proposer aucune autre alors qu'elle reconnaît qu'il y avait d'autres postes disponibles dans l'entreprise et dans le groupe. C'est à tort que pour justifier ou expliquer cette absence d'autre proposition écrite, elle invoque les refus précédents de Monsieur [H] d'accepter le poste de responsable univers à [Localité 1] puis à [Localité 3] alors qu'il ne lui appartenait pas de présumer des éventuels refus à venir du salarié. En définitive, elle se fonde quasi exclusivement sur le plan de sauvegarde de l'emploi pour démontrer qu'elle aurait tenté de reclasser Monsieur [H] et elle se fonde plus précisément sur les dispositions de ce plan visant la 'bourse interne de l'emploi' qui avait recensé les postes de reclassement disponibles et annexé des fiches. Elle cite en outre l'affichage de cette bourse de l'emploi sur des panneaux dédiés. Toutefois, les mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ne dispensaient pas l'employeur de procéder à des offres écrites, précises et concrètes de reclassement. Or, quand bien même Monsieur [H] avait il eu connaissance du plan de sauvegarde de l'emploi et de la possibilité pour lui de se positionner par rapport à la liste des postes disponibles, l'employeur ne pouvait pas se contenter de renvoyer Monsieur [H] à cette liste générale des emplois disponibles tout en laissant au salarié la charge de déterminer lui-même le poste susceptible de répondre à son reclassement alors que l'employeur ne justifie pas avoir préalablement procédé sur ces postes à des recherches individualisées et personnalisées ni même avoir préalablement étudié les possibilités d'adaptation du salarié sur tout ou partie d'entre eux. Le renvoi à la liste des emplois disponibles était d'autant plus insuffisant que, d'une part, le niveau de rémunération en ce compris les primes n'y apparaissait pas directement et, d'autre part, qu'aucune garantie n'était donnée sur le caractère ferme et définitif des propositions puisque le salarié devait ensuite être soumis aux critères d'ordre des licenciements. En l'état de ces seuls constatations, il y a lieu de dire que la société Cap Boulanger n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de la sauvegarde de la compétitivité, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse et le jugement réformé sur ce point.
Au jour de la rupture, le salarié avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés. Les bulletins de salaires correspondant à la période normalement travaillée par lui permettent de fixer son salaire brut à la somme de 4440€. Il est né en 1964 et il produit les relevés de pôle emploi établissant qu'il avait reçu une aide d'un montant de 25103€ pour la création d'une entreprise. Il ne produit pas d'autres justificatifs actualisés de sa situation. Ces éléments ajoutés aux circonstances de la rupture amènent la cour à condamner la société intimée à lui payer la somme de 35000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
II - Sur l'indemnité spécifique
Pour obtenir un rappel au titre de l'indemnité spécifique de licenciement supra légale calculée selon des modalités prévues au plan de sauvegarde de l'emploi , l'appelant fait valoir qu'il lui avait été versé une indemnité de licenciement supra légale inférieure à celle qui aurait dû lui être versée alors que son poste avait été supprimé comme annoncé par l'employeur. Pour s'opposer à cette demande la société intimée réplique que l'indemnité revendiquée par Monsieur [H] n'était due qu'aux salariés dont le poste avait été supprimé ou n'avait pas de correspondance dans la nouvelle organisation ce qui, selon elle, n'était pas la cas de Monsieur [H].
En l'espèce, il résulte effectivement des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi que l'indemnité spécifique telle que revendiquée par Monsieur [H] correspond à la catégorie des salariés dont le poste avait vocation à être supprimé ou dont l'emploi n'avait pas de correspondance dans la société Boulanger. Or, c'est à tort que Monsieur [H] soutient que son poste aurait été supprimé. En effet, si le 20 mars 2012, l'employeur lui avait fait connaître que dans le cadre d'un projet de réorganisation de l'entreprise destiné à en assurer la compétitivité, son poste figurait parmi ceux susceptibles d'être supprimés et qu' il lui notifiait être éligible au plan de départ volontaire, il n'en demeure pas moins que la lettre licenciement, qui doit seule être prise en compte et dont les termes figurent intégralement plus haut, n'avait pas visé la suppression de son poste. Dans ces conditions, les raisons pour lesquelles la société Cap Boulanger n'avait pas intégré Monsieur [H] dans le plan de départ volontaire sont sans effet sur la liquidation de l'indemnité spécifique qu'il réclame . Au demeurant, il sera observé que la société intimée justifie devant la cour (sa pièce n°25) que le refus d'intégrer Monsieur [H] dans le plan de départ volontaire avait été motivé par le fait qu'il avait obtenu moins de points au regard des critères d'ordre qu'un autre salarié, Monsieur [P]. Par ailleurs, il est établi que le poste de responsable de département tel que prévu dans l'organisation Saturn correspondait à celui de responsable univers avec le même niveau et le même statut dans l'organisation Boulanger, raison pour laquelle la société Cap Boulanger lui avait proposé ce poste d'abord à [Localité 1] puis à [Localité 3]. D'ailleurs, Monsieur [H], en refusant ces deux postes, n'avait jamais invoqué un changement de poste ou d'emploi ni même un changement de statut mais seulement un changement du montant des primes.
Monsieur [H] qui reconnaît avoir perçu une somme au titre de l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 21881,72€ puis une indemnité supplémentaire supra légale d'un montant de 12796,81€ à l'issue de son congé de reclassement n'est donc pas fondé à revendiquer une indemnité de rupture spécifique supplémentaire. Pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, il y a lieu de confirmer le jugement qui l'a débouté de cette demande.
III - Sur l'article 700 du code procédure civile
L'équité commande d'allouer une somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale.
Reçoit Monsieur [T] [H] en son appel.
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 1] en ce qu'il a statué sur la cause du licenciement et sur les dépens , statuant à nouveau, condamne la scs Cap Boulanger à payer à Monsieur [T] [H] les sommes de :
-35000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Confirme le jugement pour le surplus.
Condamne la scs Cap Boulanger aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT