COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 AVRIL 2016
N°2016/ 357
Rôle N° 14/21618
[U] [O]
C/
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES ALPES MARITIMES
Grosse délivrée
le :
à : Me Magali TRAVERSINI
+ notification LRAR à toutes les parties
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 21 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11-14-105.
APPELANT
Monsieur [U] [O]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/012638 du 01/12/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN- PROVENCE)
représenté par Me Magali TRAVERSINI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES ALPES MARITIMES
REF (0701418) IN5/002 indu APL 10/2007-10/2009
(0701418) IN5/004 indu APL 12/2006-09/2007
(0701418) IN6/001indu AAH 01/2007-09/2009 IN6 001
(0701418) IN6/002 indu AAH 12/2006 - IN5/005 indu APL 01/2011-11/2011, demeurant [Adresse 2]
CEDEX 2
représentée par M. [F] [N], en vertu d'un pouvoir général
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier COLENO, Président, et Madame Agnès MOULET, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Madame Françoise BEL, Conseiller
Madame Agnès MOULET, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016.
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement dont appel du 21 octobre 2014, le juge du tribunal d'instance de Nice statuant en matière de surendettement, après jugement de rétablissement personnel avec clôture du 28 août 2012, a rejeté la demande en annulation de prélèvements effectués par la Caisse d'allocations familiales sur des prestations postérieurement audit jugement, et après un précédent jugement du 20 février 2013 qui avait annulé semblables prélèvements pour 3.700 €, au motif qu'il s'agit de dettes classées pénales, issues d'une fraude aux prestations reconnue devant le délégué du Procureur de la République et qui ont donc été exclues de l'effacement ainsi qu'il résulte de l'état des créances et des termes du jugement du 28 août 2012, contrairement à celles visées au jugement de 2013 qui n'étaient pas frauduleuses.
Vu l'arrêt avant dire droit du 17 décembre 2015 par lequel la Cour a ordonné le versement aux débats de trois dossiers afférents à la demande de surendettement (dossier BANQUE DE FRANCE), au jugement de rétablissement personnel et au jugement de restitution (dossiers du tribunal d'instance),
Vu les dernières conclusions déposées le 23 février 2016 pour [U] [O] auxquelles la partie a déclaré oralement à l'audience vouloir se référer tendant à l'infirmation de cette décision et demandant à la Cour d'annuler les paiements de la Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes faits à elle-même pour un montant de 3.200 €, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et leur capitalisation, de condamner la Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices outre intérêts au taux légal et capitalisation, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 € sous réserve de sa renonciation à l'aide juridictionnelle, soutenant notamment :
-que l'application de l'article L333-1 2° du code de la consommation exige qu'une condamnation pénale soit intervenue, ce qui n'est pas le cas de l'intervention du délégué du Procureur de la République à l'issue de laquelle un accord est intervenu,
-que l'application du 3° du même article exige que l'origine frauduleuse soit établie soit par une décision de justice, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L114-37 et L162-1-14 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire des pénalités prononcées par le directeur de l'organisme et notifiée, ce qui n'est pas le cas d'espèce où les retenues ont été opérées aux fins de remboursement d'un indu,
-que c'est sciemment et forte de sa position de prestataire, et de la sorte abusivement, et d'autant plus en l'état d'un précédent jugement, que la Caisse d'allocations familiales opère ces retenues, sur une allocation adulte handicapé d'un montant de 296,99 €, son complément de 179,31 € et une aide personnalisée au logement de 377,08 €, soit sur la somme mensuelle totale de 853,38 € dont il dispose pour vivre,
-que les conséquences financières dramatiques qui en résultent ont un fort retentissement sur son état de santé altéré,
Vu les dernières conclusions déposées par la Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes auxquelles la partie a déclaré oralement à l'audience vouloir se référer tendant à la confirmation du jugement dont appel et au rejet des prétentions de M.[O], soutenant notamment :
-qu'il a été clairement confirmé tant par la BANQUE DE FRANCE que par le tribunal que les 4 dettes litigieuses n'ont pas fait l'objet d'un effacement par le jugement de rétablissement personnel du 28 août 2012 ainsi qu'il résulte de l'état des créances arrêté et validé qui n'a pas été contesté, et qu'elle n'a fait qu'appliquer ce jugement,
-qu'en fait M.[O] avait, pour percevoir l'allocation adulte handicapé, dissimulé qu'il était titulaire depuis 1996 d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie d'un montant mensuel de 491,39 €, que son épouse avait pour sa part dissimulé qu'elle percevait des revenus salariaux depuis 2003,
-que le directeur de la Caisse d'allocations familiales avait décidé de déposer plainte auprès du Procureur de la République pour escroquerie pour un montant total de 19.905,43 €, qu'il avait accepté la médiation pénale proposée par le Procureur de la République dans le cadre de laquelle M.[O] a reconnu les fausses déclarations et faux en écriture,
-que c'est en vertu de l'engagement pris par le débiteur devant le délégué du Procureur de la République qu'elle opère les retenues critiquées,
-que le jugement du 20 février 2013 concernait une unique créance prélevée par une erreur de sa part, qu'elle a immédiatement réparée,
-que c'est la Caisse d'allocations familiales qui a été victime pendant 14 ans des agissements frauduleux de M.[O] qui continue devant la Cour à taire qu'il perçoit la rente d'invalidité en sus des prestations qu'elle lui sert, ce dont il est justifié par la production de sa propre déclaration annuelle de ressources,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que, selon le dossier du jugement du 28 août 2012, la CPAM avait exercé un recours contre la décision d'orientation de la demande de surendettement déposée le 17 novembre 2011 par [U] [O] vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prise par la Commission de surendettement des particuliers des Alpes-Maritimes le 22 décembre 2011 ;
que le dossier a été transmis au tribunal par la commission le 10 janvier 2012, et a été examiné à une audience du 12 juin 2012 ;
qu'à cette date, figuraient au dossier :
-un état des créances au 24/11/2010 faisant apparaître, classées en rubrique « dettes sociales » :
*une créance de la CPAM de 8.515,57 € (trop perçu sur pension d'invalidité 07/2004 à 10/2006) : le jugement n'a prononcé que de ce chef pour écarter la mauvaise foi,
*4 créances de la Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes de 469,09 € (indu AAH 12/2006), 3.542,45 € (indu APL 10/2007 à 10/2009), 942 € (indu APL 12/2006 à 09/2007), et 15.947,55 € (indu AAH),
-un état des créances au 07/12/2011 fait apparaître les mêmes créances, également classées en rubrique « dettes sociales » celle de 3.542,45 € (indu APL 10/2007 à 10/2009) ramenée à 1.921,66 €, et celle de 15.947,55 € (indu AAH) ramenée à 15.799,69 €, mais une créance supplémentaire de 2.137,95 € au titre d'un indu d'APL de janvier à novembre 2011 ;
Attendu que la Caisse d'allocations familiales avait, le 27 mars 2012, adressé au tribunal une lettre pour l'informer que seule une créance de 2.137,85 € pouvait faire l'objet d'un effacement et avait produit un « état des créances au 27 mars 2012 » comportant mention des 5 créances précitées au 7 décembre 2011, mais scindées en deux rubriques :
-« dettes pénales et réparations pécuniaires » :469,09 € (indu AAH 12/2006), 942,41 € (indu APL 12/2006 à 09/2007), 1.921,66 € (indu APL 10/2007 à 10/2009), et celle de 15.799,69 € (indu AAH),
-« dettes sociales » : 2.137,95 € au titre d'un indu d'APL de janvier à novembre 2011 ;
qu'elle ajoutait que les créances autres que celle de 2.137,85 € « ne doivent pas être prises en compte lors du jugement, ces créances représentant une fraude aux prestations sociales » ;
Attendu que c'est sur ces bases que le juge du tribunal d'instance s'est prononcé par le jugement du 28 août 2012 pour ordonner l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel et sa clôture pour insuffisance d'actif, rappelant qu'elle entraînait « l'effacement des dettes existantes au jour du présent jugement, hors celles visées par l'article L332-9 du code de la consommation ainsi que les dettes alimentaires, les réparations pécuniaires allouées aux victimes, les amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale et les dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès d'une caisse de Crédit Municipal » ;
que l'état des créances n'était pas joint au jugement ;
Attendu, sur ce, qu'aux termes de l'article L333-1 du code de la consommation, sauf accord du créancier, sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement :
1°les dettes alimentaires,
2°les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale.
Les amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement.
3°les dettes ayant pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L114-12 du code de la sécurité sociale.
L'origine frauduleuse de la dette est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L114-17 et L162-1-14 du même code ;
Attendu que le 3°) de l'article ci-dessus résulte d'une loi du 21 décembre 2011 publiée au journal officiel du 22 décembre 2011, entrée en vigueur donc le 23 décembre 2011 (article 1er du code civil) ;
que ces dispositions n'étaient donc pas applicables lors du dépôt de la demande comme lors de la décision de la commission ;
que le jugement ne mentionne pas non plus cette catégorie de dettes dans sa disposition afférente à l'effacement ;
que, n'ayant pas été appliquées, ni en tant que telles ni suivant leurs modalités, ces dispositions ne sont donc pas en cause ;
Attendu que l'examen du dossier de la BANQUE DE FRANCE fait apparaître que c'est le 23 février 2012 que la Caisse d'allocations familiales a adressé à la commission une lettre demandant la rectification de sa précédente déclaration de créance pour préciser, comme ensuite devant le tribunal que les créances autres que celle de 2.137,85 € ne doivent pas être prises en compte dans le plan de surendettement, ces créances « représentant une fraude aux prestations sociales » ;
Attendu que l'appelant soutient à bon droit que l'application de l'article L333-1 2° du code de la consommation exige qu'une condamnation pénale soit intervenue :
que s'il est justifié que le directeur a notifié au débiteur le 27 juillet 2010 qu'il déposait plainte entre les mains du Procureur de la République, il résulte des pièces produites par
la Caisse d'allocations familiales que cette plainte a abouti le 17 février 2012 à un protocole d'accord par lequel M.[O] s'est engagé à rembourser les sommes ici en cause réclamées par la Caisse d'allocations familiales suivant des modalités à mettre au point entre eux, dans le cadre d'une mission de médiation pénale confiée au délégué du Procureur de la République ;
qu'il n'a été fait état de ce protocole ni devant la commission, ni devant le tribunal ;
Attendu que ce protocole d'accord ne constitue pas une réparation pécuniaire allouée aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale au sens de l'article L333-1 2°, en l'absence de condamnation que seule une juridiction pouvait prononcer, mais qui n'a pas été saisie ;
Attendu par conséquent que la dette n'a pu à aucun titre être exclue de l'effacement ;
Attendu en revanche que la mesure d'effacement ne fait pas disparaître la dette qui demeure en tant qu'obligation naturelle ;
que la Caisse d'allocations familiales soutient agir en vertu du protocole signé devant le délégué du Procureur de la République et de l'accord de [U] [O] ;
que, sauf à considérer qu'il a entendu tromper le délégué du Procureur de la République et la Caisse d'allocations familiales en acceptant une médiation pénale et en s'engageant dans ce cadre à rembourser celle-ci alors même qu'il avait inclus les dettes considérées dans sa demande de surendettement déposée quelques mois plus tôt, [U] [O], qui ne conteste pas que le mode de paiement par voie d'une retenue limitée à 100 € par mois à proportion de ses ressources -desquelles il persiste en effet devant la Cour à omettre la rente invalidité qu'il perçoit- ait reçu son accord en vertu du protocole précité ainsi que l'écrivait la Caisse d'allocations familiales le 25 octobre 2013, n'est pas recevable à agir en répétition ;
que l'appelant n'est pas fondé à prétendre se prévaloir du jugement du 20 février 2013 qui, sur la demande de la commission elle-même, a annulé de précédentes retenues opérées par la Caisse d'allocations familiales après la décision de recevabilité du 22 décembre 2011 de la dernière demande de surendettement, et que la Caisse d'allocations familiales a admise pour la suite comme appliquée à la cinquième créance considérée comme sociale ;
Attendu que, dans une telle configuration, la demande de dommages-intérêts formée par l'appelant est dépourvue de fondement ;
Attendu que, par ces motifs substitués, la décision déférée est confirmée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions;
Déboute de ses demandes autres ou plus amples ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,