COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 MAI 2016
jlg
N° 2016/ 316
Rôle N° 14/23718
[Z] [R]
[V] [G]
C/
Syndicat des Copropriétaires LE PIERRE DE GEMME
Grosse délivrée
le :
à :
Me RENUCCI
Me JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 18 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03226.
APPELANTS
Monsieur [Z] [R], en qualité de copropriétaire des lots 320,114, 33, 41 dans la copropriété 'PIERRE DE GEMME'
demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE, plaidant
Madame [V] [G] en qualité de copropriétaires des lots 320, 114, 33, 41, dans la copropriété 'PIERRE DE GEMME'
demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIME
Syndicat des Copropriétaires LE PIERRE DE GEMME,représenté par son Syndic en exercice la SARL CERUTTI GESTION IMMOBILIERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représenté et assisté par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Priscilla BOSIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et moyens des parties :
M. [Z] [R] et Mme Marie-José [G] sont propriétaires des lots 320 (un appartement), 114 (un garage), 41 (un parking extérieur) et 33 (un parking extérieur) de l'immeuble en copropriété dénommé Le Pierre de Gemme, situé [Adresse 4].
L'assemblée générale des copropriétaire qui s'est tenue le 28 mars 2014 a adopté une résolution n° 13, ainsi retranscrite dans le procès-verbal de cette assemblée :
« 13) Information et décision de l'assemblée générale concernant l'attribution des télécommandes (article 26) :
À de nombreuses reprises nous avons été amenés à rappeler qu'en accord avec le conseil syndical et pour des raisons de sécurité une seule télécommande est affectée par emplacement ou garage.
L'intérêt du système Vigik réside dans une stricte gestion des badges sans quoi tout le système perd de son intérêt.
-décision à prendre concernant le nombre de télécommandes pouvant être affectées par parking ou garage.
L'assemblée générale :
-après avoir pris connaissance du dossier et délibéré,
-décide d'affecter le nombre de 1 télécommande par parking ou garage.
-décide d'affecter une télécommande supplémentaire par parking ou garage aux copropriétaires qui en feront la demande,
-décide qu'en cas de stationnement abusif dans les parties communes et plus particulièrement dans les allées de circulation et/ou sur les parkings visiteurs la télécommande supplémentaire pourra être désactivée après mise en demeure restée infructueuse.
Votent contre : 1 copropriétaire totalisant 153/10152 tantièmes. [R] [Z]/[G] [V] (153).
Votent abstention : néant
Votent pour : 45 copropriétaires totalisant 8111/10152 tantièmes.
Résolution adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires. »
46 copropriétaires sur 68 étaient présents ou représentés à cette assemblée et totalisaient 8264/10152 tantièmes.
M. [R] et Mme [G] ayant, par acte du 28 mai 2014, assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pierre de Gemme (le syndicat des copropriétaires) en annulation de la résolution n° 13, le tribunal de grande instance de Nice les a déboutés de cette demande par jugement réputé contradictoire du 18 novembre 2014.
M. [R] et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 décembre 2014.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2016 et auxquelles il convient de se référer, ils demandent à la cour, au visa des article 9 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 :
-de constater que la résolution litigieuse porte atteinte à leur droit de libre jouissance des parties communes institué par la loi,
-de constater que cette résolution instaure un régime discriminatoire entre les copropriétaires,
-en conséquence,
-d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
-de dire et juger que la résolution n° 13 est illégale,
-de dire et juger que cette résolution crée une rupture d'égalité entre les copropriétaires,
-en conséquence,
-d'annuler la résolution n° 13,
-de condamner la syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils exposent notamment qu'ils ont mis leur appartement en location sans intégrer dans le bail d'habitation ni le garage ni l'un des parkings dont ils sont propriétaires et que pour pouvoir accéder à leur domicile, leurs locataires doivent parcourir plusieurs centaines de mètres à pied sur un chemin en pente, ce qui porte atteinte à leur droit de jouir normalement de cet appartement.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 mars 2016 et auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires demande la confirmation du jugement et la condamnation des appelants à leur payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait notamment valoir :
-que la résolution n° 13, qui n'est pas discriminatoire, a été prise pour des raisons de sécurité et pour assurer une parfaite fluidité de la circulation et supprimer les stationnements anarchiques rencontrés dans le passé,
-qu'elle a été régulièrement adoptée à la majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'il est inexacte de prétendre que l'unanimité était requise,
-que contrairement à ce qu'affirme les appelants, elle est conforme au règlement de copropriété, qui précise en son chapitre III :
« Chacun des copropriétaires devra respecter la réglementation intérieure qui pourrait être édictée pour l'usage de certaines parties communes et le fonctionnement des services collectifs et des éléments d'équipement communs.
« Encombrement - nul ne pourra, même temporairement, encombrer les parties communes ni y déposer quoi que ce soit, ni les utiliser pour son usage personnel, en dehors de leur destination normale, sauf cas de nécessité. Les allées et voies de circulation, les entrées, couloirs, escaliers et paliers devront être laissés libres en tout temps. Ils ne pourront en aucun cas servir de garage à bicyclettes, motocyclettes, voitures d'enfants ou autres.
« Les espaces libres et jardins entourant les bâtiments, ainsi que leurs aménagements et accessoires, les allées de desserte et les voies de circulation devront être conservées par les occupants dans un état de rigoureuse propreté. »
-que le fait que le lot 320 participe aux charges d'entretien du portail est sans intérêt, celui-ci assurant aussi la sécurité de l'habitation et un portillon étant mis en place pour la circulation des piétons.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2016.
Motifs de la décision :
L'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Le règlement de copropriété de l'immeuble Le Pierre de Gemme prévoit que les parties communes générales comprennent notamment « la voie d'accès et le portail d'entrée de l'ensemble immobilier, les passages, voies de circulation et dégagements pour piétons et pour voiture à l'intérieur de la propriété ».
Il résulte des photographies produites par les appelants que les bâtiments d'habitation de la copropriété sont situés à au moins une centaine de mètres de la voie publique et qu'ils sont desservis par une voie de circulation de chaque côté de laquelle sont aménagés des places de stationnement. Cette voie constitue donc un accessoire nécessaire au droit de chaque copropriété sur les parties privatives des lots à usage d'appartement.
La résolution n° 13, qui interdit à un copropriétaires ne disposant pas d'un garage ou d'un parking d'utiliser cette voie pour accéder, à partir de la voie publique, au bâtiment dans lequel se trouve son appartement, a pour effet de lui imposer une modification des modalités de la jouissance de ses parties privatives, que la nécessité de réglementer le stationnement à l'intérieur de la copropriété ne saurait suffire à justifier. Cette résolution sera donc être annulée dès lors qu'elle n'a pas été prise avec le consentement de M. [R] et de Mme [G].
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Annule la résolution n° 13 de l'assemblée générale du 28 mars 2014 ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires à payer la somme de 2 000 euros à M. [R] et à Mme [G] ;
Condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT