La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2016 | FRANCE | N°14/05429

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 03 juin 2016, 14/05429


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2016



N°2016/394















Rôle N° 14/05429







SAS ENTREPRISE D'ANGELO





C/



[L] [N]





















Grosse délivrée le :

à :

Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE





Me Nathalie LOURENCO avocat au barreau de GAP



Copie certifiée co

nforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section I - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/124.





APPELANTE



SAS ENTREPRISE D'ANGELO, demeurant [Adresse 1...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2016

N°2016/394

Rôle N° 14/05429

SAS ENTREPRISE D'ANGELO

C/

[L] [N]

Grosse délivrée le :

à :

Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Nathalie LOURENCO avocat au barreau de GAP

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section I - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/124.

APPELANTE

SAS ENTREPRISE D'ANGELO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [L] [N], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Nathalie LOURENCO de l'AARPI BERLANGER-LOURENCO-COLAS, avocat au barreau de GAP

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2016 prorogé au 03 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2016

Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [L] [N] a été engagé par la société ENTREPRISE D'ANGELO, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2006, en qualité de chef d'équipe, niveau II, position 1.

Son contrat de travail a été suspendu consécutivement à deux accidents du travail survenus les 20 avril 2009 et 21 octobre 2011.

Par courriers des 7 novembre 2012 et 9 avril 2013, il a réclamé le paiement d'heures supplémentaires. Il s'est plaint en outre du non-respect des préconisations du médecin du travail.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, Monsieur [L] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains le 30 avril 2013.

Par jugement du 7 février 2014, le conseil de prud'hommes a:

-dit que la SAS ENTREPRISE D'ANGELO devra payer à Monsieur [N] les sommes suivantes:

*16 880,50 € au titre de rappel de salaire depuis le 1er janvier 2008 à ce jour,

*773,96 € au titre des heures supplémentaires d'octobre 2012 à mars 2013,

*77,40 € au titre des congés payés sur les heures supplémentaires,

*12 690,53 € (6 mois de salaire) au titre du travail dissimulé,

*3 855,00 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi,

*779,01 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Monsieur [N] de sa demande relative au paiement des congés payés sur le rappel des salaires, ceux-ci étant intégrés dans ledit rappel,

-débouté la SAS D'ANGELO de sa demande de remboursement des jours de RTT injustement pris,

-ordonné à la SAS ENTREPRISE D'ANGELO:

*la réédition et la production des bulletins de salaires depuis le 1 er janvier 2008 jusqu'au mois d'octobre 2013 portant tous les éléments de rémunération conformes au jugement,

*de valider les certificats d'aptitude (CACES) suivant le plan de formation professionnelle et annuelle de la société,

-prononcé l'exécution provisoire de la totalité du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile en raison de l'irrespect manifeste de la convention collective en vigueur et du préjudice causé, le tout sous astreinte définitive de 50 € par jour de retard à compter du 10ème jour suivant le prononcé du jugement,

-débouté la SAS ENTREPRISE de toutes ses demandes reconventionnelles,

-condamné la SAS ENTREPRISE D'ANGELO aux entiers dépens et intérêts légaux, en particulier le remboursement à Monsieur [N] de 35 €, somme correspondant à la taxe forfaitaire.

Le 5 mars 2014, la société ENTREPRISE D'ANGELO a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions, l'appelante demande à la cour de:

-réformer le jugement déféré,

-constater qu'elle a versé à Monsieur [N] un salaire bien supérieur au minimum conventionnel et qu'il est pleinement rempli de ses droits,

-condamner l'intimé à lui verser une indemnité de 2 220,71 € correspondant aux jours de RTT dont Monsieur [N] a injustement bénéficié , remboursement qui constituera également une réparation du préjudice subi par la société dans le cadre de la procédure abusivement diligentée par son salarié s'agissant des rappels de salaire qui ne se justifiaient pas,

-limiter à la somme de 704,91 € brut le montant des heures supplémentaires susceptibles d'être allouée à Monsieur [N] , outre congés payés y afférents,

-débouter Monsieur [N] du surplus de ses demandes,

-condamner ce dernier à verser à la société 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures, Monsieur [N], intimé, sollicite:

à titre principal,

-ordonner la radiation du rôle,

à titre subsidiaire,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, soit:

-condamner la SAS Entreprise D'ANGELO à verser à Monsieur [L] [N] les sommes suivantes:

' 16 880,50 € au titre du rappel des salaires depuis le 1 er janvier 2008 à aujourd'hui conformément à la Convention Collective des ouvriers de Travaux Publics et des Accords paritaires portant fixation du barème des minima des ouvriers des Travaux Publics applicables en Provence Alpes Côte d'Azur,

' 1688,05 € au titre de l'indemnité des 10% des congés payés sur le rappel de salaire de l'ensemble de la période,

' 773,96 € au titre du non-paiement des heures supplémentaires de la période d'octobre 2012 à mars 2013,

' 77,40 € au titre de l'indemnité des 10% des congés payés sur les heures supplémentaires effectuées,

' 12 690,53 € au titre du travail dissimulé d'emploi salarié avéré, indemnité égale à 6 mois de salaire

' 779,01 € au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile,

-ordonner à la SAS Entreprise D'ANGELO de rééditer et produire des bulletins de salaires depuis le 1er janvier 2008 jusqu'à ce jour, portant tous les éléments de rémunération conformes à la Convention Collective des ouvriers TP et accords collectifs et à la situation de Mr [N],

-ordonner à la société D'ANGELO de s'acquitter de la validité des certificats d'aptitudes (CACES ou autres formations équivalentes) de Mr [N] conformément au décret N°98-1 084 du 2 décembre 1998 ou le cas échéant de verser la somme équivalente de l'ensemble des certificats d'aptitudes pour un montant laissé à l'appréciation des juges,

A titre reconventionnel,

-condamner la SAS D'ANGELO à verser à Monsieur [N] la somme de 12 690,53€ au titre des dommages et intérêts relatifs au préjudice subi depuis le mois d'Octobre 2012 pour refus de paiement des heures supplémentaires, non-application de la convention collective des ouvriers TP et non-respect des recommandations de la médecine du travail,

y ajoutant,

-condamner la SAS Entreprise D'ANGELO à verser à Monsieur [L] [N] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

-ordonner l'exécution provisoire de la totalité du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile, en raison de l'irrespect manifeste de la convention collective en vigueur et du préjudice causé, le tout sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant le prononcé du jugement,

-condamner la SAS Entreprise D'ANGELO aux entiers dépens et en particulier le remboursement à Mr [N] de 35 € somme correspondant à la taxe forfaitaire,

-débouter de toute demande reconventionnelle la SAS ENTREPRISE D'ANGELO.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la radiation:

En se fondant sur l'article 526 du code de procédure civile, [L] [N] réclame la radiation de l'affaire, à titre de sanction de la non-exécution par la société ENTREPRISE D'ANGELO des causes du jugement attaqué. Il conteste tout versement volontaire postérieur à la saisie-attribution.

La société ENTREPRISE D'ANGELO indique que par saisie-attribution du 5 février 2016, le salarié a encaissé 7 775,54€ et que par virement du 8 février 2016, il a bénéficié de la somme de

29 108,50 €.Elle explique la tardiveté des versements par sa situation économique difficile.

Selon l'article 526 du code de procédure civile, ' lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Le premier président ou le conseiller chargé de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée.'

La radiation du rôle de l'affaire relève exclusivement des attributions du premier président de la cour d'appel ou du conseiller de la mise en état, dont il n'est pas justifié de la saisine, en l'espèce.

Force est de constater, quel que soit l'avancement de l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains, que [L] [N] a mal orienté sa demande, à laquelle la cour, statuant au fond, ne saurait donc faire droit.

Sur le rappel de salaire :

La société ENTREPRISE D'ANGELO soutient que la qualification de chef d'équipe a été maintenue au bénéfice de Monsieur [N] alors qu'il n'en exécute pas les attributions, conformément aux préconisations de la médecine du travail. Elle souligne qu'en vertu de la convention collective des travaux publics, les employeurs sont libres d'attribuer la classification opportune à leurs ouvriers en considération de la fonction réellement exercée par eux.

Elle relève qu'en 2008, Monsieur [N] était classé chef d'équipe niveau II, position 1, conformément au contenu de sa mission qui ne comportait ni conduite d'équipe, ni rédaction de compte-rendu d'activité, ni travaux nécessitant une réelle technicité. Il devait donc bénéficier d'une rémunération correspondant au coefficient 125 et non pas 165 comme mentionné par erreur sur ses bulletins de paye. La société ENTREPRISE D'ANGELO soutient que le ' niveau II, échelon 621A, coefficient 165" mentionné sur les bulletins de salaire de l'année 2009 ne correspond à rien dans la convention collective des travaux publics, et que l'erreur a perduré, compte tenu du changement de prestataire paie. Elle produit l'attestation de deux salariés [I] [Q] et [C] [H], indiquant que l'intimé n' a pas assuré les fonctions de chef d'équipe, et note que chaque année Monsieur [N] a perçu un salaire brut supérieur à celui qui devait lui être versé sur la base des dispositions conventionnelles. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris.

[L] [N] fait valoir que la société ENTREPRISE D'ANGELO, qui a pour code NAF 4221 Z correspondant à une activité de construction de réseaux pour fluides, aurait dû appliquer, en raison de ses autres activités liées à la construction d'ouvrages de génie civil, à la maçonnerie et au terrassement notamment, la convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992 étendue depuis 1993 ainsi que les accords collectifs portant fixation du barème des minima des ouvriers des travaux publics applicable en Provence Alpes Côte d'Azur.

Il produit un tableau contenant tous les montants minima en fonction de sa classification, telle que mentionnée sur ses bulletins de salaire (coefficient 165 à compter du 1er janvier 2008), année par année depuis 2008 et réclame la confirmation du jugement déféré, qui a condamné son employeur à lui verser la somme de 16 880,50 € à titre de rappel de salaire.

A l'évidence, les parties s'accordent relativement à l'application, en l'espèce, de la convention collective nationale des Travaux Publics du 15 décembre 1992, nonobstant la référence aux conventions collectives nationales du 8 octobre 1990 existant également sur la lettre d'engagement.

Pour déterminer la classification dont relève le salarié, il convient d'effectuer l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments produits par les parties, et de les comparer avec la classification de la convention collective nationale applicable. Les mentions portées sur le bulletin de paie ou l'attribution d'un salaire nettement supérieur au salaire minimum correspondant à l'emploi exercé ou même les mentions du contrat de travail ne sont que des indices, non déterminants à eux seuls.

En l'espèce, la lettre d'engagement de Monsieur [N] fait état d'un emploi comme 'chef d'équipe, coefficient 125, niveau II, position I', les bulletins de salaire produits ( de janvier 2008 à mai 2013 ) portent mention d'un coefficient 165 pour un emploi de chef d'équipe niveau II, puis à compter du 1er janvier 2011 niveau III, position 2 et l'intimé, lui-même, dans son courrier du 4 juillet 2013 indique avoir eu des fonctions de chauffeur poids lourds depuis octobre 2012.

En l'espèce, en l'absence de tout élément caractérisant la volonté claire et non équivoque de l'employeur de surclasser le salarié, la simple mention sur le bulletin de paie d'un coefficient est insuffisante à déterminer la classification de l'intéressé, dès lors que la rémunération correspondante n'a pas été versée.

Dans la mesure où les éléments produits ne permettent pas de dire que [L] [N], exerçait réellement les fonctions dévolues par la convention collective au chef d'équipe niveau 165, à savoir l'organisation des travaux de sa spécialité et ceux des aides appelées éventuellement à l'assister, le compte-rendu à sa hiérarchie, la réalisation des travaux complexes de sa spécialité, avec une certaine connaissance de techniques connexes, le tout avec autonomie, et à défaut de volonté de surclassement de l'employeur, il ne saurait bénéficier de cette qualification.

Ses demandes de rappel de salaire et de remise de bulletins de salaires rectifiés doivent donc être rejetées et le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires:

La société ENTREPRISE D'ANGELO indique ne pas être en mesure de retrouver tous les éléments relatifs à l'amplitude de travail de l'intimé, qui n'a produit qu'en cause d'appel les relevés détaillés dont il se prévaut pour réclamer paiement d'heures suplémentaires. Ne pouvant contester objectivement ces pièces, elle fait valoir cependant que le total des heures réellement effectuées dans une journée est sans commune mesure avec l'amplitude horaire alléguée. Elle conteste en revanche la valeur du rappel de salaire sollicité à ce titre et rappelant les taux horaires applicables ( 11,98 € en 2012 et 12,20 € en 2013), admet devoir à ce titre la somme brute de 704,91 €.

[L] [N] soutient avoir effectué 47,25 heures supplémentaires d'octobre 2012 à mars 2013, les horaires de présence sur le chantier ( du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 13h à 16h30) l'obligeant à être présent au dépôt avant, pour récupérer son matériel, faire le plein de carburant, se rendre sur le chantier... Il réclame la somme de 773,96 €, à ce titre, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Le temps de travail effectif est celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

En l'espèce, [L] [N] produit au débat ses courriers des 7 novembre 2012 et 9 avril 2013 contenant ses doléances relativement aux heures supplémentaires restées impayées, l'attestation de [Y] [Z] indiquant l'obligation d'arriver plus tôt au dépôt, un document intitulé attestation sur l'honneur du 22 novembre 2012 signé par plusieurs personnes et suivi de la copie de deux documents d'identité ( de [N] [S] et [O] [W]), ses relevés [V], un relevé hebdomadaire des heures accomplies d'octobre 2012 à mars 2013, ainsi que les relevés des histogrammes le concernant, deux courriers du syndicat CFDT en date du 19 novembre 2012 et du 25 février 2013 invoquant la réclamation de salariés à ce sujet.

Parmi les pièces produites, si certaines comme les attestations sont sans force probante d'heures supplémentaires impayées ( en raison de leur forme et de leur contenu non respectueux des exigences de l'article 202 du code de procédure civile), d'autres comme les relevés [V] et les histogrammes sont de nature à étayer la demande de [L] [N].

Pour sa part, la société D'ANGELO, qui ne verse au débat que deux relevés du temps de travail des semaines 40 et 44 (année 2012) conformes à ceux produits par le salarié, ne conteste que l'activité réelle accomplie pendant l'amplitude horaire, sans produire d'élément objectif.

La demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réclamées doit donc être accueillie, mais à hauteur de 704,91 € comme le calcule la société ENTREPRISE D'ANGELO en justifiant du taux horaire applicable à la classification du salarié au cours de la période de référence.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains doit donc être infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé:

La société ENTREPRISE D'ANGELO soutient que le critère d'intentionnalité prévu par l'article L8221-5 du code du travail fait défaut, aucune intention de nuire n'ayant été caractérisée par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains. Elle insiste sur le nombre réduit d'heures restées impayées.

L'article L 8221-5 du code du travail prévoit':« est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:[' ]

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article

L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;[..] ».

L'article L 8223-1 du code du travail prévoit qu' « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.»

Il n'est pas démontré, en l'espèce, que la relation de travail ait été rompue, d'autant que [L] [N] décrit, dans ses dernières conclusions, son quotidien difficile au sein de la société ENTREPRISE D'ANGELO.

Par conséquent, nonobstant l'inadéquation des mentions apposées sur les bulletins de salaire avec le temps de travail effectivement accompli, les conditions d'application de l'article L8223-1 du code du travail n'étant pas réunies - en l'absence de rupture du lien contractuel-, il convient de rejeter la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains doit donc être infirmé de ce chef.

Sur l'actualisation des certificats d'aptitude:

Monsieur [N], en se fondant sur l'obligation de formation du salarié pesant sur l'employeur, sollicite qu'il soit ordonné à la société ENTREPRISE D'ANGELO de s'acquitter de la validité de ses certificats d'aptitudes (CACES ou autres formations équivalentes) conformément au décret N°98-1 084 du 2 décembre 1998 ou le cas échéant de verser la somme équivalente de l'ensemble des certificats d'aptitudes pour un montant laissé à l'appréciation des juges.

La société ENTREPRISE D'ANGELO soutient que seuls deux salariés, affectés à la conduite d'engins de façon permanente, ont pu bénéficier d'un stage CACES en octobre 2012 et qu'elle n' a pas à former les salariés qui ne sont pas amenés à conduire des engins. Elle rappelle que Monsieur [N] a suivi une formation en juillet 2012 et qu'elle rencontre des difficultés ne lui permettant pas de financer ladite formation pour ce salarié, affecté à une activité de conduite.

L'employeur a l'obligation, dans le cadre de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, d'accompagner les changements survenus dans son entreprise en adaptant les salariés aux évolutions des métiers, des techniques et des technologies.

Cependant, l'employeur n'a ni l'obligation que cette formation débouche sur une qualification différente, ni celle d'assurer une promotion professionnelle du salarié. Le contenu de l'obligation reste limité à l'adaptation de la qualification contractuelle du salarié.

Si, en l'espèce, l'avis d'aptitude émis par la médecine du travail concerne les attributions de conduite de poids lourds et d'engins, il ne saurait en résulter une obligation pour la société ENTREPRISE D'ANGELO de donner à son salarié, déjà affecté à la conduite de poids lourds et adapté à ce poste, une nouvelle qualification.

Compte tenu de la formation 'FCO MARCHANDISES' que [L] [N] a été autorisé à suivre en 2012, aucun manquement à l'obligation d'adaptation et de formation n'est démontré à l'encontre de la société ENTREPRISE D'ANGELO qui n'a pas à mener les actions de formation qu'elle ne juge pas nécessaires au développement de son activité économique.

La demande alternative du salarié doit donc être rejetée et le jugement de première instance infirmé sur ce point.

Sur le préjudice subi:

Monsieur [N] liste les violations de l'employeur à ses obligations ( non-paiement des heures supplémentaires, non-application de la convention collective des ouvriers TP, non-application des minima des ouvriers des TP applicables en Provence Côte d'Azur depuis mars 2006, non-respect des recommandations de la médecine du travail, sa 'mise au placard', son dénigrement permanent par l'employeur notamment) pour réclamer la condamnation de la société appelante à lui payer la somme de 12 690,53 € à titre de dommages-intérêts.

La société ENTREPRISE D'ANGELO conteste ces manquements.

S'il est vrai que 47,25 heures supplémentaires ne lui avaient pas été payées pour la période comprise entre octobre 2012 et mars 2013, [L] [N] ne démontre pas le préjudice qui subsiste pour lui, une fois la condamnation de la société ENTREPRISE D'ANGELO prononcée de ce chef, dans la mesure où le retard apporté à ce paiement sera compensé par les intérêts moratoires de droit.

En ce qui concerne la non-application de la convention collective des ouvriers TP et des minima des ouvriers des TP applicables en Provence Côte d'Azur depuis mars 2006, ce manquement n'a pas été démontré.

Quant aux recommandations de la médecine du travail, elles résultent de la visite de pré-reprise en date du 5 juin 2012 ( à l'occasion de laquelle le médecin du travail préconisait un ' minimum de travaux type tranchées', 'conduite à privilégier'), de la visite du 2 octobre 2012 constatant une aptitude avec conduite des PL et engins et demandant de 'privilégier la conduite si possible, en évitant les travaux accroupis ou à genoux prolongés', ainsi que des visites du 8 janvier et 15 avril 2013 confirmant le précédent avis.

Il n'est pas contesté par [L] [N] qu'il a été affecté à la conduite de poids lourds, ' poste préconisé par la médecine du travail ( AISMT [Localité 1] Docteur Juste)' depuis octobre 2012, comme il l'indique lui-même dans son courrier du 4 juillet 2013.

Par conséquent, aucun manquement de l'employeur n'est démontré, quant à l'aménagement de son poste de travail.

En revanche, il n'est pas contesté par la société ENTREPRISE D'ANGELO, qui l'explique par son manque de chantiers, que [L] [N] a été affecté en juin 2013 à des tâches 'd'assistance au rangement du dépôt'.

Si ce changement d'affectation n'est pas contre-indiqué par la médecine du travail, il n'est pas objectivement justifié par la société ENTREPRISE D'ANGELO, qui ne produit aucun élément permettant de vérifier la baisse d'activité, la non-utilisation de la flotte de poids lourds de l'entreprise à cette période et l'affectation d'autres chauffeurs à ces mêmes tâches de rangement.

Dans ces conditions et compte tenu de la quasi-concomitance de cette mesure avec l'audience devant le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains, comme s'en est ému le syndicat CFDT 04 dans son courrier du 3 juillet 2013, la décision de l'employeur doit être considérée comme vexatoire, d'autant qu'elle a cessé, sans autre justification.

Il y a donc lieu d'accueillir la demande de dommages-intérêts, à hauteur de 150€, en l'absence d'élément sur la durée de cette affectation, sur le dénigrement de la part de l'employeur et les mauvaises conditions de travail, qui ne sont qu'allégués, mais non démontrés.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains doit être infirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle:

La société ENTREPRISE D'ANGELO réclame la condamnation de l'intimé à lui verser une indemnité de 2 220,71 € correspondant aux jours de RTT dont Monsieur [N] a injustement bénéficié, 'remboursement qui constituera également une réparation du préjudice subi par la société dans le cadre de la procédure abusivement diligentée par son salarié s'agissant des rappels de salaire qui ne se justifiaient pas'.

Elle précise que Monsieur [N] a bénéficié de jours de réduction du temps de travail alors qu'il n'avait pas travaillé à concurrence des 1607 heures requises au sein de l'entreprise conformément à l'accord de réduction du temps de travail et à la journée de solidarité ( ajoutant 7 heures à la durée annuelle de travail), d'autant qu'il avait, par ailleurs, bénéficié de nombreuses heures d'absence pour intempéries ou convenance personnelle notamment, de 2008 à 2013.

[L] [N] fait valoir qu'il n'a jamais profité d'une absence non convenue ou non justifiée.

Cependant, la société ENTREPRISE D'ANGELO, qui ne produit que l'accord ' réduction du temps de travail Loi Aubry II' du 9 janvier 2002 applicable à l'entreprise, mais aucun élément relativement à la durée annuelle de travail de [L] [N], ni à ses absences, ne saurait se retrancher derrière la mauvaise gestion des RTT déléguée à un service comptable, pour demander réparation de jours d'absence, qui sont mentionnés sur les bulletins de paie du salarié et dont elle ne démontre pas qu'ils ont été obtenus ou pris par fraude ou à son insu.

Quant au fondement indemnitaire de la demande, il suppose la caractérisation d'une faute de la part de [L] [N] et la démonstration d'un préjudice en résultant pour l'appelante.

Or, aucun abus du droit d'agir en justice n'est démontré à l'encontre du salarié, qui a réclamé paiement d'heures supplémentaires avant de saisir le conseil de prud'hommes et qui l' a fait, à juste titre, comme l'a admis la société appelante, en cause d'appel.

La demande d'indemnité doit donc être rejetée et le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains confirmé de ce chef.

Sur l'exécution provisoire:

La demande d'exécution provisoire est inopérante devant la cour et doit donc être rejetée.

Sur l'astreinte:

Aucun élément n'étant versé au débat permettant de craindre une résistance de la société ENTREPRISE D'ANGELO, qui par ailleurs a été l'objet d'une saisie-attribution à hauteur d'une somme bien supérieure à celle fixée par le présent arrêt, la demande d'astreinte doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre la somme de 1 500€ à [L] [N], en cause d'appel.

La société ENTREPRISE D'ANGELO, qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société ENTREPRISE D'ANGELO à payer à [L] [N] les sommes suivantes:

- 704,91€ à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 70,49€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,

- 150 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

- 1 500€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société ENTREPRISE D'ANGELO aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Pascale MARTIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/05429
Date de la décision : 03/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°14/05429 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-03;14.05429 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award