COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 03 JUIN 2016
N°2016/762
Rôle N° 15/07843
[U] [D]
C/
Association INSTITUT [Établissement 1]
CPAM DES ALPES MARITIMES
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Valéry MAJEWSKI
Me Cédric BIANCHI
Me Stéphane CECCALDI
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES MARITIMES en date du 19 Mars 2015,enregistré au répertoire général sous le n° 21400615.
APPELANTE
Madame [U] [D], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Valéry MAJEWSKI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉES
Association INSTITUT [Établissement 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cédric BIANCHI, avocat au barreau de NICE
CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2016
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[U] [D] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Alpes Maritimes d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, Institut [Établissement 1], dans le cadre de la maladie professionnelle n° 57 pour « épaule douloureuse gauche » qu'elle a déclarée le 25 février 2011.
Le Tribunal par jugement en date du 19 mars 2015, a déclaré l'action non prescrite, et rejeté son recours.
[U] [D] a relevé appel de cette décision, le 15 avril 2015.
Le conseil de l'appelant expose que la maladie a été contractée dans des conditions que l'employeur ne pouvait ignorer, soit le cadre de manutentions manuelles en méconnaissance des prescriptions légales, ainsi qu'en l'absence de mesures pour y remédier, et que par conséquent les conditions de la faute inexcusable sont réunies.
Il demande l'infirmation en ce sens du jugement déféré, la majoration du capital versé, la mise en place d'une expertise aux fins de déterminer les préjudices complémentaires, et sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Institut [Établissement 1] demande la confirmation du jugement entrepris, de faire constater le respect par l'entreprise des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, l'absence de conscience du danger par l'employeur, ainsi que l'absence de tout lien de causalité avec une éventuelle faute et le préjudice invoqué, et sollicite également une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté la Caisse s'en rapporte à justice sur la détermination éventuelle de la faute inexcusable, dans cette hypothèse, demande que l'employeur soit condamné à lui rembourser les sommes dont elle serait amenée à faire l'avance, et sollicite pour sa part une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
SUR CE
Attendu que [U] [D], employée par CDI en qualité d'agent hospitalier en dialyse au centre d'hémodialyse [Établissement 1], a présenté le 25 février 2011 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle tableau n° 57 pour une « épaule douloureuse gauche » ;
Que la caisse a pris en charge cette affection au titre professionnel, a versé des indemnités journalières du 25 février 2011 au 22 janvier 2012, date à laquelle la salariée a été consolidée avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %, ayant entraîné le paiement d'un capital de 1 883,88 € ;
Attendu que [U] [D] expose que la maladie a été contractée dans des conditions que l'employeur ne pouvait ignorer, soit le cadre de manutentions manuelles en méconnaissance des prescriptions légales, ainsi qu'en l'absence de mesures pour y remédier, et que par conséquent les conditions de la faute inexcusable sont réunies ;
Que la question préjudicielle de la prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable n'est pas reprise en cause d'appel par la société employeur ; que cette question n'est donc pas soumise à l'appréciation de la cour ;
Attendu que le premier juge a rejeté l'action en reconnaissance de faute inexcusable, en raison de l'absence de démonstration d'une quelconque conscience du danger que l'employeur aurait dû avoir ;
Qu'en effet, concernant la faute inexcusable, l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;
Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;
Qu'ainsi le choix du présent contentieux par le salarié emporte un ensemble de conséquences et en particulier la rigueur d'une démonstration répondant à l'application commune de dispositions générales relatives à la responsabilité encourue au titre de la faute inexcusable ;
Attendu, sur la conscience du danger, qu'il doit être rappelé que lorsque les circonstances de l'espèce démontrent que l'entreprise pouvait ne pas avoir conscience du danger, par référence à ce qui peut être attendu d'un employeur normalement diligent, la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
Que la conscience du danger reste indispensable pour fonder le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;
Attendu qu'en l'espèce, le fondement de l'action de [U] [D] repose notamment sur le fait que celle-ci a travaillé auprès de l'Institut [Établissement 1] pendant prés de quatre années, en effectuant des « tâches de manutention manuelles » pour le centre d'hémodialyse, « nécessitant des gestes répétitifs et forcés ' », et alors que les lits équipant les lieux de travail étaient à fonctionnement manuel et n'avaient pas été remplacés par des lits à fonctionnement électrique ;
Attendu que les éléments fournis au dossier démontrent que les premiers documents faisant état d'un éventuel danger pour les salariés travaillant avec des lits « manuels » sont tous postérieurs à la déclaration de la maladie par la requérante ; qu'en effet, les risques du « lit manuel » en comparaison avec les avantages du « lit électrique » ne sont mentionnés pour la première fois dans l'entreprise que par un procès verbal de la délégation unique du personnel (DUP) du 15 novembre 2011, deux réunions du CHSCT des 13 décembre 2012 et 14 juin 2013, un plan de prévention des risques en date de mars 2013 ;
Que ces éléments ne sont pas contestés par la demanderesse, et ont été repris à juste titre par le premier juge ;
Attendu qu'en conséquence en l'espèce, la preuve n'étant pas rapportée que l'employeur était informé d'une éventuelle anomalie du matériel utilisé, cette conscience du danger est écartée, et partant, la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
Qu'effectivement, ne peut être retenue la faute inexcusable de l'employeur à partir du moment où est apportée la preuve que les protections mises en place pouvaient légitimement lui sembler suffisantes au regard tout à la fois, et selon les contentieux, des données scientifiques, de la législation en vigueur, ou des exigences sans cesse actualisées par les nécessités de protection des salariés au sein de contextes professionnels spécifiques ;
Attendu qu'il ressort également des pièces du dossier que, postérieurement aux différentes mises en garde susvisées, la société employeur a tenu compte de cette nouvelle évaluation des risques, de l'état d'évolution de la technique, et a entrepris la mise en place des remplacements des moyens de travail « dangereux » par des moyens de travail « non dangereux ou moins dangereux » ;
Qu'il s'agit là tout à la fois de l'esprit et du texte des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail invoqués à juste titre par l'Institut [Établissement 1] ;
Attendu par ailleurs, et surabondamment, que la société employeur conteste l'imputabilité de la maladie de la requérante à l'activité au sein de l'entreprise ;
Que l'employeur fait effectivement ressortir que [U] [D] a été employée dans le cadre de contrats de travail antérieurs à son embauche par l'Institut [Établissement 1] ; que ces différents emplois, tels que « serveuse », « conditionneuse », également par ailleurs dans le cadre d'un autre établissement de soins, avaient pu probablement entraîner la pathologie professionnelle invoquée ; qu'en tout état de cause, l'Institut [Établissement 1] fait ressortir que la demanderesse ne démontre aucunement le lien causal entre l'emploi occupé par elle auprès de l'Institut, et l'affection dont elle souffre ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de [U] [D],
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT