COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2016
N° 2016/510
GP
Rôle N° 14/22010
[B] [A]
C/
SARL CORSOPS
Grosse délivrée
le :
à :
Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE
Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 30 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1429.
APPELANT
Monsieur [B] [A], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 129
INTIMÉE
SARL CORSOPS, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Avril 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [B] [A] a été embauché en qualité d'assistant d'exploitation le 1er août 2006 par la SARL CORSOPS.
À sa demande, son temps de travail a été réduit à 84 heures par mois à compter du 1er mai 2008.
Le 21 février 2011, durant son service de nuit, Monsieur [B] [A] a tenu des propos désobligeants concernant son employeur auprès du client Longford, exploitant le domaine [Localité 1] à [Localité 2], où il était affecté. Le client a informé la SARL CORSOPS le 22 février 2011 qu'il ne souhaitait plus la présence de Monsieur [B] [A] sur son domaine.
Monsieur [B] [A] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 février 2011, arrêt prolongé jusqu'au 31 octobre 2011.
La SARL CORSOPS a notifié à Monsieur [B] [A], par lettre recommandée du 2 mars 2011, son planning du mois de mars en informant le salarié qu'elle était « dans l'obligation, et dans l'intérêt de la société, de (le) changer de site à compter du 10 mars 2011' (Il sera) affecté au site de [Localité 3] à [Localité 4] sur des vacations de nuit ».
Par courrier du 11 avril 2011 (daté par erreur du 11 avril 2012), Monsieur [B] [A] a réclamé auprès de son employeur l'octroi du statut d'agent de maîtrise, niveau 2, le versement du rappel de salaire correspondant, le paiement d'heures supplémentaires sur les mois de février 2007, mars 2007, novembre et décembre 2007, de majoration de congés pris hors période estivale et de frais sur les mois de décembre 2006 et janvier 2007.
Lors des élections des délégués du personnel organisées par l'employeur en avril 2011, Monsieur [B] [A] s'est porté candidat pour un mandat de membre titulaire. Il n'a pas été élu. Il a été désigné, le 9 mai 2011, délégué syndical par le Syndicat Force Ouvrière.
À la suite de la requête formée devant le tribunal d'instance de Grasse par la SARL CORSOPS aux fins de contestation de cette désignation, le Syndicat Force Ouvrière a annulé la désignation syndicale de Monsieur [B] [A] par courrier du 7 novembre 2011.
La SARL CORSOPS a indiqué à Monsieur [B] [A], par courriers des 24 novembre et 19 décembre 2011, qu'il était en absence injustifiée et que par ailleurs, il devait à la société la somme de 599,43 € représentant sa participation à la Mutuelle PRO BTP.
Par lettre du 16 février 2012, Monsieur [B] [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 8 mars 2012, Monsieur [B] [A] a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages intérêts pour délit de marchandage.
Par jugement du 30 septembre 2014, le Conseil de prud'hommes de Nice a débouté Monsieur [B] [A] de ses demandes, a condamné Monsieur [B] [A] à payer à la SARL CORSOPS la somme de 2622,66 € au titre du préavis non exécuté, a débouté la SARL CORSOPS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [B] [A] aux dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [B] [A] conclut à l'infirmation du jugement aux fins de voir juger qu'il exerçait les fonctions d'un agent de maîtrise, échelon 2, coefficient 1, de voir juger que la SARL CORSOPS s'est rendue coupable du délit de marchandage et qu'elle a gravement manqué à ses obligations contractuelles, de voir juger que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, à la condamnation de la SARL CORSOPS à lui verser les sommes de :
-5351,07 € à titre de rappel de salaire,
-535,10 € au titre des congés payés afférents,
-7646,40 € à titre de dommages intérêts pour délit de marchandage,
-22 940 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2548,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-254,88 € au titre des congés payés afférents,
-1529,28 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
-1274,40 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance du salarié d'utiliser ses droits au DIF,
à ce que soit ordonnée la remise des documents sociaux et des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, sans limitation de durée, à ce qu'il soit jugé que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, à ce qu'il soit ordonné que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, à ce qu'il soit jugé, en tant que besoin, que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du Décret du 8 mars 2011 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 devra être supporté par la partie défaillante en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et à la condamnation de la SARL CORSOPS à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur [B] [A] fait valoir que, l'employeur étant particulièrement satisfait de son travail, il a été promu au poste de responsable de site, que néanmoins aucune modification n'était effectuée sur son bulletin de paie et donc aucune augmentation salariale, qu'en réalité les fonctions qu'il a exercées s'apparente au statut d'agent de maîtrise niveau II, échelon 1, qu'il effectuait des tâches sans aucune relation avec ses attributions, que les salariés de CORSOPS devaient en effet quotidiennement arroser le jardin et sortir les containers à poubelle du domaine, que bien entendu ces prestations « complémentaires » étaient facturées par la société CORSOPS à la société LONGFORCE, qu'incontestablement le délit de marchandage est constitué, que le concluant n'a jamais passé de visite médicale préalable à l'embauche et n'a passé qu'une visite périodique le 15 janvier 2007, que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, que depuis décembre 2008 il percevait un salaire inférieur au minimum conventionnel du statut d'agent d'exploitation, que l'employeur n'a procédé à une régularisation que postérieurement à la prise d'acte, que de même il ne se voyait pas rembourser ses frais de déplacement, que ses multiples relances verbales sont restés vaines, qu'à compter du 22 février 2011, il va rencontrer des problèmes de santé et son contrat de travail va être suspendu, que la seule réponse de l'employeur à ses sollicitations a été de l'affecter sur un autre site à [Localité 4], que la clause de mobilité figurant au contrat de travail est nulle, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que c'est sans la moindre raison que l'employeur a décidé de le muter sur un autre site, que par lettre recommandée du 11 avril 2011 (datée par erreur en 2012), il a notifié à son employeur plusieurs difficultés liées à leurs relations contractuelles, qu'à compter du 31 octobre 2011, il souhaitera reprendre ses fonctions, mais son employeur ne lui adressera pas de planning, le mettant ainsi dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions, que la SARL CORSOPS a préféré lui notifier une absence prétendument injustifiée mais surtout lui réclamer la somme de 599,43 € alors que le concluant est absent depuis le mois de février 2011, que las de l'attitude et des manquements de son employeur à ses obligations, il a été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 16 février 2012 et qu'il doit être reçu en l'ensemble de ses réclamations.
La SARL CORSOPS conclut à la confirmation de la décision entreprise, sauf en ce que la Société a été déboutée de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles, en tout état de cause, à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de rupture de Monsieur [B] [A] n'est pas fondée et doit s'analyser en une démission avec toutes les conséquences de droit y étant attachées, en tout état de cause, à ce qu'il soit jugé que Monsieur [B] [A] n'est pas fondé dans ses prétentions au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail, à ce qu'il soit jugé que, d'une manière générale, les demandes de Monsieur [B] [A] sont non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant, en conséquence, au débouté de Monsieur [B] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et à la condamnation de Monsieur [B] [A] à lui payer 2622,66 € au titre du préavis non exécuté et 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL CORSOPS fait valoir que le 21 février 2011, durant son service de nuit, Monsieur [B] [A] a tenu des propos particulièrement désobligeants à l'égard de son employeur auprès du client Longford, exploitant le luxueux domaine [Localité 1] à Eze où il était affecté, que son comportement a été jugé tellement offensant par le client que, dès le 22 février 2011, celui-ci a informé la société concluante qu'il ne souhaitait plus dorénavant la présence de Monsieur [B] [A] sur son domaine, que le client a confirmé sa demande de retrait par mail du 7 mars 2011, qu'ainsi, alors qu'elle aurait parfaitement pu sanctionner Monsieur [B] [A] pour son comportement totalement déplacé et déloyal, la société concluante s'est contentée de l'affecter, à compter du 10 mars 2011, sur un autre domaine tout aussi luxueux, situé à [Localité 5], le domaine [Localité 6], se trouvant encore plus à proximité du domicile du salarié, qu'à la suite de l'incident avec le client du domaine [Localité 1] et à compter du 22 février 2011, le contrat de travail de Monsieur [B] [A] s'est trouvé suspendu pour cause d'arrêt maladie, que pour la première fois par lettre du 11 avril 2011, Monsieur [B] [A] a formulé certaines prétentions, que parallèlement il s'est porté candidat pour un mandat de délégué du personnel titulaire dans le cadre des élections professionnelles organisées par la Société en avril 2011, que n'ayant pas été élu, Monsieur [B] [A] s'est fait désigner comme délégué syndical par l'intermédiaire du syndicat FO, que le 31 mars 2011 la société concluante a saisi le tribunal d'instance de Nice, cette désignation étant irrégulière au regard des conditions nécessaires à la désignation d'un délégué syndical par une organisation syndicale, qu'à la suite du dépôt de cette requête, le syndicat Force Ouvrière a annulé la désignation de Monsieur [B] [A], qu'à compter du 1er novembre 2011 et malgré les demandes réitérées de son employeur, Monsieur [B] [A] n'a pas repris son poste et n'a pas pour autant justifié de son absence, que Monsieur [B] [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail alors qu'il était absent de l'entreprise depuis près d'une année, que Monsieur [B] [A] assurait des missions de surveillance au sein du domaine [Localité 1], intervenant en binôme et par roulement de jour et de nuit, qu'il s'est vu attribuer un coefficient supérieur à celui d'un simple agent de sécurité pour rétribuer les missions complémentaires qui lui étaient confiées (coefficient 160), qu'il n'a jamais assumé la responsabilité des prestations effectuées sur le site [Localité 1] et n'a jamais eu une mission d'encadrement sur les agents de sécurité, qu'il ne peut revendiquer le statut d'agent de maîtrise, que Monsieur [B] [A] ne justifie nullement qu'il ait été évincé de l'application des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou du bénéfice d'avantages sociaux ou qu'il a subi une perte financière du fait des prestations effectuées quant à l'arrosage de la pelouse attenante au local de surveillance et quant à la sortie des containers, cette demande ayant été formulée par le client pour des raisons de sécurité afin d'éviter des intrusions dans le domaine, qu'il s'agit d'une prestation totalement accessoire et annexe à la surveillance, que ce grief ne saurait rentrer dans le champ d'application du délit de marchandage, que la société concluante a initié la formalité liée à la visite médicale d'embauche par le biais de la déclaration unique d'embauche établie pour l'embauche de Monsieur [B] [A], que dès lors, ayant respecté ses obligations, il ne saurait lui être reproché le fait que la première visite auprès de la médecine du travail n'ait pu intervenir que le 15 janvier 2007, que s'agissant des autres visites, Monsieur [B] [A] est particulièrement mal venu à faire état d'un manquement de son employeur à ce titre, qu'en effet, comme il le souligne lui-même dans ses écritures, il était chargé de rappeler aux salariés les dates des visites auprès de la médecine du travail, dont les siennes, que dès que l'employeur a été avisé de l'erreur sur le minimum conventionnel, il a immédiatement régularisé le taux horaire du salarié en lui versant un rappel de salaire de 1459,40 €, que le salarié n'avait à aucun moment saisi son employeur de cette difficulté ni par oral, ni dans son courrier du 11 avril 2011, que ni la loi ni la convention collective applicable n'impose à l'employeur la prise en charge des frais de déplacement domicile-lieu de travail-domicile, que Monsieur [B] [A] s'est toujours rendu directement depuis son domicile au [Localité 1], que Monsieur [B] [A] ne chiffre d'ailleurs nullement cette prétention, que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, que la mutation du salarié dans un même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail, d'autant plus que le nouveau site se trouvait plus à proximité du domicile de Monsieur [B] [A] que celui du [Localité 1] (30 km au lieu de 42 km), que la mesure de mutation était justifiée par le comportement totalement déplacé de Monsieur [B] [A] qui a conduit le client a demandé son retrait, que cette mesure n'est donc pas abusive et s'inscrit parfaitement dans le pouvoir de direction de l'employeur, que la prise d'acte de rupture de Monsieur [B] [A] n'est pas fondée et constitue une démission et que l'appelant doit être débouté de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur la reclassification :
Monsieur [B] [A] fait valoir qu'après deux ans de service, il s'est vu attribuer bien plus de responsabilités qu'un simple agent de service, avec notamment la charge de :
-contrôler le travail effectué par les agents de sécurité,
-rédiger des rapports d'activité sur l'ensemble des salariés présents sur le site,
-contrôler les heures effectuées par les salariés et transmettre les heures ainsi contrôlées à son employeur afin de permettre d'éditer les bulletins de paie desdits salariés,
-faire convoquer en tant que de besoin les salariés à la médecine du travail,
-effectuer la liaison entre l'employeur et les salariés sur le site [Localité 1],
que ses fonctions allaient bien au-delà de celles prévues pour un agent d'exploitation de niveau 4, échelon 1, qu'il ressort des pièces et témoignages qu'il verse aux débats qu'il formait les salariés, contrôlait leurs activités, leur donnait ordres et consignes, relevait les éléments de salaire, etc., qu'il est manifeste qu'il exerçait les fonctions d'un agent de maîtrise niveau II, échelon 1, et qu'il a droit un rappel de salaire correspondant à cette classification.
Il produit à l'appui de sa demande de reclassification :
-des échanges de courriels dont il ressort qu'il adressait à son employeur les heures effectuées par les autres salariés (pour les mois de novembre 2008, janvier et février 2009) ;
-un courriel de son employeur du 21 novembre 2009 lui demandant de revoir avec les agents le problème de l'alarme de la villa G et de mettre en place une procédure pour remédier à cela ;
-un courriel de son employeur du 7 décembre 2009 lui demandant, à la suite du constat de registres mal remplis, d'établir un rapport complet sur la situation, dans lequel il est demandé au salarié de mentionner les agents qui n'ont pas fait le travail demandé, afin de communiquer ce rapport à Monsieur [I] pour décider des mesures à prendre ;
-un « rapport de consignes » afin d'informer les agents le 10 avril 2009 que Monsieur [Z] est en vacances jusqu'au 28 avril et que jusqu'à cette date, pour toutes décisions, il faut appeler Monsieur [B] [A] ;
-un rapport d'événement sur le site [Localité 1] faisant état d'une tournée d'inspection avec
« Monsieur [Z] et Monsieur [A] (Chef de site) » ;
-l'attestation non datée de Monsieur [H] [L], agent de sécurité, qui rapporte que, lorsqu'il est arrivé sur le site [Localité 1], il a « été accueilli et formé par le chef de site et adjoint du responsable d'exploitation, Mr [A] [B]. (Il) recevait (ses) ordres et planning, ainsi que les différentes consignes de travail de la part de Monsieur [A]. C'est lui également qui si besoin était (lui) faisait des remarques sur (son) travail, il gérait aussi les plannings et c'est à lui que (il s') adressait lorsque (il) voulait effectuer un changement de vacation. Mr [B] [A] passait aussi de manière inopinée pour effectuer des contrôles sur le site afin de vérifier que tout se passait bien. (Il) avait aussi comme consigne du responsable d'exploitation de n'appeler que Monsieur [B] [A] en cas de besoin » ;
-l'attestation non datée de Monsieur [K] [O], maître chien, qui relate avoir travaillé pour la société CORSOPS sur le site [Localité 1] et que « le chef de site était Monsieur [B] [A]. C'est lui qui établissait les plannings, c'est de lui que (il) prenait des ordres et les consignes et c'est aussi lui que (il) avait ordre d'appeler en cas de problèmes. C'est aussi [A] qui (l') a formé sur le site » ;
-l'attestation du 12 mai 2011 de Madame [E] [Z] [P], secrétaire, qui témoigne « que lorsque Monsieur [B] [A] a été engagé par la société CORSOPS en août 2006, il l'a été comme assistant d'exploitation en CDI à temps plein, et avait entre autres comme tâches la gestion administrative, l'encadrement et le contrôle des différents sites de la société. Monsieur [A] se rendait également sur les sites de jour comme de nuit pour effectuer un contrôle des agents, il mettait aussi des consignes de travail et veillait à ce que tout se déroule parfaitement. Monsieur [A] a également mis en place un logiciel de salaire, qu'il avait lui-même créé et qui nous a réellement facilité la gestion des payes. Par la suite, Monsieur [A] a été « muté » sur le site [Localité 1] à [Localité 2], en qualité de chef de site et c'est lui-même qui y a formé des agents en place sur ce site. Monsieur [A] était l'intermédiaire de confiance entre la société CORSOPS et le client. Ceci étant, en parallèle à cette époque, Monsieur [A] continuait à effectuer des contrôles de jour comme de nuit, c'est également lui qui (lui) transmettait par mail ou qu'il (lui) remettait lorsqu'il était au bureau, les éléments de salaires des agents et aussi les rapports d'activité du site. Monsieur [A] faisait un travail remarquable et était toujours à l'écoute des agents qu'il encadrait et à disposition de la société afin que celle-ci ait un fonctionnement exemplaire ».
La SARL CORSOPS conteste la crédibilité des témoignages de ses anciens salariés produits par Monsieur [B] [A], en relevant que Monsieur [H] [L] était en contentieux avec la société (jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 10 mai 2011 déboutant M. [H] [L] de ses demandes en requalification du contrat de travail et en paiement de rappel de salaire et d'heures supplémentaires), de même que Monsieur [K] [O] a fait citer son ancien employeur devant la juridiction prud'homale par requête du 20 mai 2011 pour voir statuer sur des demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de rappel de salaire et d'indemnités de rupture et Madame [Z] [P] a saisi la formation de référé de demandes formées contre son ancien employeur (ordonnance de référé du 5 mai 2011 de déclaration d'incompétence, de même que M. [G] [P] a saisi la juridiction prud'homale contre CORSOPS le 22 octobre 2010), étant précisé que Madame [P] a produit, dans le cadre du litige prud'homal l'opposant à la SARL CORSOPS, une attestation de Monsieur [L] et une attestation du 4 octobre 2015 de Monsieur [B] [A].
La délivrance d'attestations croisées entre anciens salariés tous en litige prud'homal avec la SARL CORSOPS ne permet pas à la Cour de retenir l'entière objectivité et crédibilité de ces témoignages.
Il résulte des autres éléments versés par l'appelant qu'il était désigné comme le « chef de site » du site [Localité 1], sur lequel étaient affectés 4 agents de sécurité (dont M. [A]), qu'il était chargé de contrôler le travail des agents et de transmettre leurs heures de travail et servait de liaison entre les agents et l'employeur.
Monsieur [B] [A] réclame sa classification au statut d'agent de maîtrise, niveau II, échelon 1, correspondant, selon l'Annexe II sur la classification des postes d'emploi à la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985, à la définition suivante :
« Niveau II
L'agent de maîtrise de niveau II encadre un groupe de salariés soit directement, soit par l'intermédiaire d'agents de maîtrise de niveau I. Il dispose d'instructions relatives aux conditions d'organisation de travail du groupe lui permettant d'utiliser les moyens qui lui sont fournis en fonction d'un programme et des objectifs à atteindre.
Il prend notamment la responsabilité :
' de participer à l'accueil du personnel nouveau et de veiller à son adaptation ;
' de faire réaliser les programmes en recherchant la bonne utilisation du personnel et des moyens, de donner les instructions adaptées et d'en contrôler l'exécution ;
' de décider et d'appliquer les mesures correctrices nécessaires pour faire respecter les normes d'activités ;
' d'apprécier les compétences du personnel et de proposer les mesures propres à promouvoir l'évolution et les promotions individuelles ;
' d'imposer le respect des dispositions relatives à l'hygiène et à la sécurité et d'en promouvoir l'esprit ;
' de rechercher et de proposer des améliorations à apporter dans le domaine des conditions de travail ;
' de transmettre et d'expliquer les informations professionnelles ascendantes et descendantes.
Le niveau de connaissances, qui peut être acquis par l'expérience professionnelle, correspond aux niveaux III et IV de l'Education nationale.
1er échelon :
Agent de maîtrise responsable de la conduite de travaux répondant aux définitions des échelons des niveaux I à IV du personnel d'exécution.
Il peut intervenir sur les processus d'exécution et les méthodes de vérification du respect des normes ».
Monsieur [B] [A] ne justifie pas, même s'il contrôlait le travail des agents de sécurité, qu'il appréciait les compétences de ces agents et proposait des mesures propres à promouvoir leur évolution et les promotions individuelles, qu'il recherchait et proposait des améliorations à apporter dans le domaine des conditions de travail et qu'il imposait le respect des dispositions relatives à l'hygiène et à la sécurité.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande de reclassification au statut d'agent de maîtrise, niveau II, échelon 1, ainsi que sa demande subséquente en paiement d'un rappel de salaire conventionnel.
Sur le délit de marchandage :
Monsieur [B] [A] produit une « note de service n° 6 » du 7 novembre 2007 précisant que l'agent de jour doit arroser le parterre de plante qui se trouve à côté du portail d'entrée, ainsi qu'un
« rapport de consignes » du 15 mai 2009 rappelant que les agents de nuit doivent obligatoirement sortir les containers poubelles.
Il convient d'observer que l'arrosage du parterre de plante attenante au local de surveillance constitue une activité tout à fait résiduelle à la mission d'agent de sécurité ; la mission relative à la sortie des containers poubelles est une activité annexe aux missions de l'agent de sécurité de nuit et Monsieur [B] [A] n'invoque aucune disposition légale ou conventionnelle interdisant à l'employeur d'étendre les missions principales de ses agents à des activités annexes. Cette prestation entre dans la prestation globale de service conclue entre la SARL CORSOPS et la société LONGFORD et rémunérée forfaitairement. Monsieur [B] [A] ne prétend pas au surplus qu'il a été privé d'avantages ou de garanties légales ou conventionnelles et ne démontre pas avoir subi un préjudice.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que n'était pas établi le délit de marchandage et ont débouté Monsieur [B] [A] de sa demande de dommages intérêts.
Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :
Monsieur [B] [A] invoque, au titre des manquements reprochés à son employeur à l'appui de sa prise d'acte, le défaut de classification de son emploi au statut d'agent de maîtrise, le défaut de paiement du salaire conventionnel correspondant au statut d'agent de maîtrise, niveau II, échelon 1, et le délit de marchandage, griefs qui ont été ci-dessus jugés infondés.
Il invoque également les griefs suivants :
' le manquement à l'obligation de sécurité de résultat :
Monsieur [B] [A] invoque le défaut de visite médicale préalable à l'embauche, faisant observer qu'il n'a passé qu'une visite périodique le 15 janvier 2007 ; il fait valoir qu'il aurait donc dû passer une visite médicale périodique au plus tard le 15 janvier 2009, qu'il lui arrivait d'exercer ses fonctions de nuit et qu'il aurait dû bénéficier d'une surveillance médicale renforcée et que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.
La SARL CORSOPS réplique que le retard dans l'organisation de la visite médicale d'embauche ne saurait lui être imputé dans la mesure où la formalité liée à la visite médicale d'embauche a été initiée par le biais de la déclaration unique d'embauche, qui inclut la demande d'adhésion à un service de médecine du travail, tel que précisé par le document versé par la société en pièce 29-3.
Pour autant, l'envoi à l'URSSAF de la déclaration unique d'embauche ne dispense pas pour autant l'employeur d'assurer l'effectivité de l'organisation de la visite médicale d'embauche.
La SARL CORSOPS relève par ailleurs que Monsieur [B] [A] est particulièrement mal venu à faire état d'un manquement de son employeur à ce titre alors qu'il indique lui-même qu'il était chargé de rappeler aux salariés les dates des visites auprès de la médecine du travail, dont les siennes.
Cependant, il relève de la responsabilité de l'employeur d'assurer l'effectivité de l'organisation des visites médicales par la médecine du travail. Or, le salarié a bénéficié d'une seule visite médicale en date du 15 janvier 2007, jusqu'à son arrêt de travail à compter du 22 février 2011.
Il convient d'observer que Monsieur [B] [A] a reproché à son employeur pour la première fois, par courrier du 11 avril 2011, le défaut de visite médicale d'embauche et le défaut de visite médicale régulière en dehors de la visite du 15 janvier 2007. Il a par ailleurs allégué, dans son courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail du 16 février 2012, qu'à la fin de son congé maladie en date du 31 octobre 2011, l'employeur ne l'avait pas fait convoquer pour une visite médicale de reprise.
Monsieur [B] [A] ne prétend pas malgré tout avoir répondu au courrier du 24 novembre 2011 de la SARL CORSOPS, lui demandant de justifier son absence depuis le 31 octobre 2011, date de sa dernière prolongation d'arrêt de travail (courrier recommandé réceptionné par le salarié le 25/11/2011), pas plus qu'il ne prétend avoir répondu au courrier du 19 décembre 2011 de la société lui rappelant qu'il était en absence injustifiée (courrier recommandé réceptionné par le salarié le 21/12/2011).
Alors que Monsieur [B] [A] ne prétend pas que son arrêt de travail pour maladie à compter du 22 février 2011 soit en lien avec l'absence de suivi régulier par la médecine du travail et alors qu'il n'a pas répondu à son employeur qui le sollicitait aux fins de justifier son absence à partir du 31 octobre 2011, pas plus qu'il n'a demandé la reprise de son travail ou l'organisation d'une visite médicale de reprise, il n'est pas établi que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, antérieur au 22 février 2011, soit un an avant la prise d'acte, était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur.
' le non paiement du salaire minimum conventionnel :
Il convient d'observer que, dans son premier courrier de réclamation du 11 avril 2011, Monsieur [B] [A] n'a pas réclamé le paiement d'un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel. Il a reproché à son employeur, pour la première fois dans son courrier de prise d'acte de rupture du 16 février 2012, de ne pas avoir « appliqué les différentes augmentations des grilles salariales propres à la convention des entreprises de sécurité ».
À la suite du courrier de prise d'acte du salarié, l'employeur a répondu point par point aux griefs adressés par Monsieur [B] [A] et lui a indiqué qu'après vérification, il reconnaissait son erreur, lui réglant avec son solde de tout compte un rappel de salaire brut de 1459,40 €.
Le manquement de l'employeur est avéré.
Cependant, le salarié n'ayant jamais adressé de réclamation de ce chef à son employeur jusqu'à la date de sa prise d'acte de rupture, il ne peut reprocher à la SARL CORSOPS d'avoir procédé à une régularisation que postérieurement à la prise d'acte. Il n'est pas démontré, dans ces conditions, que ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
' le non remboursement des frais de déplacement :
Monsieur [B] [A] expose qu'il est expressément prévu à son contrat de travail que ses frais de déplacement devaient lui être intégralement remboursés, qu'il a dû régler sur ses propres deniers les frais afin de se rendre sur le site [Localité 1], qu'il est dans l'impossibilité de chiffrer le montant des frais qui lui est dû du fait qu'il a remis une partie des originaux à son employeur mais également, du fait que depuis le temps, certains justificatifs ont été égarés ou dégradés et qu'il s'agit là incontestablement d'un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles.
Il est prévu à l'article V du contrat de travail de Monsieur [B] [A] que « les frais de déplacement (pour le compte de l'entreprise et pour lesquels vous avez été missionné) seront remboursés sur présentation de justificatifs à partir du siège social jusqu'aux chantiers et sites de la SARL CORSOPS. Un forfait variable de remboursement de frais pourrait vous être attribué pour vous rendre de votre domicile au siège social de l'entreprise ».
Monsieur [B] [A], tout en soulignant que l'indemnisation des frais était bien prévue entre son domicile et le siège de la société ainsi qu'entre le siège et le site, indique qu'il se rendait directement sur les sites, donc sans passer par le siège social de l'entreprise.
Il n'était pas contractuellement prévu que le salarié puisse être indemnisé de ses déplacements domicile-lieu de travail.
Monsieur [B] [A] ne justifie pas avoir adressé une quelconque demande de remboursement de frais à son employeur, ni lui avoir transmis de justificatif. D'ailleurs, dans son courrier de réclamation du 11 avril 2011, le salarié demandait uniquement le paiement de 90,60 € « qui manque sur la note de frais de décembre 2006 » et le paiement de 95,88 € « qui manque sur la note de frais de janvier 2007 » ; il ne prétendait pas que l'employeur lui devait le remboursement de frais postérieurement au mois de janvier 2007 jusqu'à la date de sa réclamation du 11 avril 2011. Ce n'est que dans son courrier de prise d'acte de rupture du 16 février 2012 que Monsieur [B] [A] a invoqué que les frais de déplacement ne lui étaient plus versés depuis 2008.
Alors que le salarié se rendait directement de son domicile sur son lieu de travail et ne pouvait prétendre au remboursement de frais, il n'est pas démontré que l'employeur a manqué de ce chef à ses obligations contractuelles.
' la mutation abusive :
Monsieur [B] [A] invoque que son employeur a décidé unilatéralement de l'affecter sur un site à [Localité 4] alors qu'il exerçait jusqu'à présent sur [Localité 2], qu'il ne peut faire valoir qu'il a fait usage de la clause de mobilité inscrite au contrat de travail, cette clause étant nulle à défaut de précision sur sa zone géographique d'application et compte tenu qu'elle confère à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, que c'est sans la moindre raison que l'employeur a décidé de le muter sur un autre site, par courrier recommandé du 2 mars 2011, alors que le client n'a demandé la mutation du salarié que le 7 mars, que sa mutation est abusive et constitue une justification à sa prise d'acte.
Au-delà de la clause contractuelle de mobilité, qui est nulle à défaut de toute précision sur son étendue, aucune clause du contrat de travail ne fixe le lieu de travail de Monsieur [B] [A].
Monsieur [B] [A] ne conteste pas la survenance d'un incident sur son lieu de travail le 21 février 2011 ; il ne fournit aucune explication ; il a été en arrêt de travail à partir du 22 février 2011.
La SARL CORSOPS produit un courriel du 7 mars 2011 de [Q] [K] (de Longford) adressé à Monsieur [I] au sujet de « Mr [B] [A] » en ces termes : « Faisant suite à mon appel du 22 février 2011, concernant Mr [B] [A], je vous confirme par la présente que celui-ci n'est pas apte à exercer son travail sur le site de [Localité 1], dont je suis responsable. En effet, les propos tenus par cet agent en ma présence et en celle de mon collaborateur (lundi 21 février pendant son service de nuit) m'amène à vous demander expressément le retrait de celui-ci de mon site. Le fait de dénigrer outrageusement votre entreprise ne reflète pas la confiance que j'ai en celle-ci ».
Au vu de ce courriel, il est établi que la mutation de Monsieur [B] [A], sur un secteur géographique identique et plus proche du domicile du salarié (à 30 km au lieu de 42 km, distances non contestées par le salarié), était conforme aux intérêts de l'entreprise et n'était donc pas abusive.
Au vu de ce qui précède, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture par Monsieur [B] [A] s'analysait en une démission et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre du préavis, de l'indemnité légale de licenciement, du DIF et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné le salarié à payer à Monsieur [B] [A] la somme de 2622,66 € au titre du préavis de deux mois, non exécuté.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,
Reçoit les appels en la forme,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur [B] [A] à payer à la SARL CORSOPS 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT