COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUILLET 2016
N° 2016/502
Rôle N° 14/09383
BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR
C/
[R] [K]
Grosse délivrée
le :
à : Me DURAND
Me LA BALME
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 20 Mars 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/01608.
APPELANTE
BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Régis DURAND, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Cyrille LA BALME de la SELARL LA BALME, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 mars 2005, la société Deuzas, créée par [Z] [K] et [Y] [H], a ouvert un compte professionnel dans les livres de la Société Anonyme Coopérative Banque Populaire Cote d'Azur (la Banque Populaire).
Par acte du 3 mai 2005, la Banque Populaire a consenti à sa cliente un prêt d'un montant de 26 000 euros remboursable sur 7 ans.
Par acte du 12 novembre 2007 la Banque Populaire a consenti à la société Deuzas un second prêt d'un montant de 30 000 euros remboursable sur 5 ans.
Par acte séparé du même jour, [R] [K] s'est engagé en qualité de caution solidaire à garantir le remboursement de ce second prêt, dans la limite de 36 000 euros.
Le 19 avril 2010 le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Deuzas, convertie en liquidation judiciaire le 24 février 2011.
La Banque Populaire a déclaré sa créance par courriers du 21 juin 2010 et du 28 mars 2011 pour les montants suivants :
- 36 523,77 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire,
- 10 916,17 euros outre intérêts au titre du prêt d'un montant de 26 000 euros,
- 21 735,53 euros outre intérêts au titre du prêt d'un montant de 30 000 euros.
Par acte d'huissier du 6 mai 2011, la Banque Populaire a assigné en paiement [R] [K], en sa qualité de caution, devant le tribunal de grande instance de Toulon.
Par jugement du 20 mars 2014, cette juridiction a :
- dit n'y avoir lieu à nullité de l'assignation,
- dit que le cautionnement était disproportionné,
- débouté la Banque Populaire de ses demandes
- débouté [R] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde,
- condamné la banque au dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 7 mai 2014, la Banque Populaire a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières écritures du 21 juillet 2014, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'assignation n'était pas nulle et en ce qu'il a écarté la responsabilité de la banque,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- statuant à nouveau, dire que le cautionnement consenti par [R] [K] n'était pas disproportionné,
- condamner [R] [K] au paiement de la somme de 21 735,53 euros avec intérêts au taux majoré de 9,50 % sur la somme de 20 615,62 euros à compter du 23 février 2011 et anatocisme annuel,
- condamner [R] [K] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même code.
La Banque Populaire fait valoir que l'assignation en paiement n'est pas nulle, dans la mesure où le fait qu'elle ne contienne aucune précision quant à la forme sociale de la demanderesse ne cause aucun grief au défendeur.
Elle soutient que le cautionnement souscrit par [R] [K] n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, compte tenu notamment des autres garanties prises.
Elle ajoute que la caution n'apporte aucun élément sur sa situation financière actuelle, laquelle lui permettrait peut être de faire face à son engagement.
En réponse à l'un des arguments non repris en cause d'appel par [R] [K], la Banque Populaire affirme qu'elle n'a nullement manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de la société Deuzas, dont la situation n'était pas compromise.
Par ses dernières écritures du 16 septembre 2014, [R] [K] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner la Banque Populaire au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[R] [K] fait valoir que son cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lorsqu'il s'est engagé et que sa situation financière ne s'est pas améliorée.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 juin 2016.
MOTIFS
Attendu qu'en cause d'appel [R] [K] ne conteste plus la validité de l'assignation qui lui a été délivrée le 6 mai 2011 ;
Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité de cet acte ;
Attendu que par acte sous seing privé du 12 novembre 2007, [R] [K] s'est engagé en qualité de caution solidaire, dans la limite de 36 000 euros, à garantir le remboursement du prêt consenti le même jour par la Banque Populaire à la société Deuzas d'un montant de 30 000 euros ;
Que la société Deuzas ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du 24 février 2011, la Banque Populaire a déclaré sa créance au titre de ce prêt pour un montant de 21 735,53 euros, outre intérêts conventionnels ;
Que sur le fondement du contrat de cautionnement, la Banque Populaire sollicite la condamnation de [R] [K] au paiement de la somme de 21 735,53 euros avec intérêts au taux majoré de 9,50 % sur la somme de 20 615,62 euros à compter du 23 février 2011 ;
Attendu que pour s'opposer à cette demande, [R] [K] invoque le caractère disproportionné de son engagement sur le fondement de l'article L 341-4 du code de la consommation ;
Qu'aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement ;
Que le caractère manifestement disproportionné d'un cautionnement s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'une part, de ses revenus, charges et patrimoine, d'autre part ;
Attendu qu'en l'espèce aucune fiche de renseignements n'a été remise à la banque par [R] [K] au moment où il a souscrit son engagement de caution, en novembre 2007 ;
Que s'agissant des revenus perçus en 2007, [R] [K] reconnaît qu'il recevait un revenu mensuel de 1 420 euros, ce qui est confirmé par l'avis d'imposition sur le revenu 2007 (pièce n° 4 de l'intimé) ;
Qu'il ne produit aucun document relatif aux éventuelles charges qui étaient les siennes en 2007 et à sa situation patrimoniale ;
Qu'il ressort d'une fiche de renseignements remise à la banque en 2005, soit deux ans avant le cautionnement litigieux, par l'épouse de [R] [K] que cette dernière percevait des revenus professionnels et locatifs qui lui permettaient de subvenir aux besoins de la famille ;
Qu'au regard de ces pièces éparses et en l'absence de tout autre élément, [R] [K] ne rapporte pas la preuve que son engagement de caution souscrit pour un montant de 36 000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;
Qu'en application du texte sus visé, la Banque Populaire peut se prévaloir du contrat de cautionnement litigieux à l'encontre de [R] [K], qui sera condamné à payer la somme de 21 735,53 euros outre intérêts conventionnels au taux majoré de 9,50 % sur la somme de 20 615,62 euros à compter du 23 février 2011, ces montants n'étant pas contestés ;
Qu'il sera fait droit à la demande tendant à la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;
Attendu qu'en cause d'appel [R] [K] ne reprend pas son argumentation relative au devoir de mise en garde ;
Qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ce point ;
Attendu qu'au regard de la situation économique des parties il n'est pas inéquitable de laisser à la banque la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité de l'assignation,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
- Condamne [R] [K] à payer à la Société Anonyme Coopérative Banque Populaire Cote d'Azur la somme de 21 735,53 euros outre intérêts conventionnels au taux majoré de 9,50 % sur la somme de 20 615,62 euros à compter du 23 février 2011 ;
- Dit que les intérêts se capitaliseront en application de l'article 1154 du code civil,
- Déboute la Société Anonyme Coopérative Banque Populaire Cote d'Azur de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- Condamne [R] [K] au paiement des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT