COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT DÉFÉRÉ
DU 22 SEPTEMBRE 2016
N° 2016/ 521
Rôle N° 16/02535
[T] [C] épouse [Q]
C/
[S] [I]
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat de Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 28 Janvier 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/14339 (minute M16/45).
DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ
Madame [T] [C] épouse [Q]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1],
demeurant C/ Madame [K] [Adresse 1]
représentée par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Charles REINAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Albert-david TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE
DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ
Maître [S] [I]
ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL MEDITERRES
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président magistrat rapporteur
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2016,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 25 septembre 1989 la Banque Louis-Dreyfus, devenue France BBL, a consenti à la SARL Mediterres un prêt hypothécaire de 500 000 F, assorti d'une garantie hypothécaire donnée par M. [B] [Q], époux de Mme [C], désormais séparée de corps, garantie à laquelle elle a consenti.
Le tribunal de commerce d'Antibes a prononcé le redressement de la SARL Mediterres le 30 septembre 1994 puis sa liquidation judiciaire le 27 octobre 1995, Me [S] [I] étant nommé liquidateur.
En qualité de cessionnaire de la créance résultant du prêt consenti à la SARL Mediterres, la banque BGC a obtenu du juge-commissaire qu'il l'admette au passif de cette société, ceci par une ordonnance du 18 mai 2011.
Parallèlement, la SAS Sofigere venant aux droits de la société France BBL a exigé le remboursement du prêt hypothécaire et poursuivi l'adjudication du bien donné pour sûreté.
Mme [C] a saisi le juge-commissaire à la procédure collective de la société Mediterres d'une réclamation visant à lui faire constater que le formalisme de la déclaration de créance de la BGC, admise pour 909 991,94 francs, ainsi que le droit de suite invoqué par les cessionnaires successifs, étaient entachés d'irrégularités et que la créance avait été apurée avant même sa déclaration.
Par ordonnance du 19 juin 2013, il a été jugé que Mme [C] ne démontrait par son intérêt à agir pour former une réclamation contre l'état des créances de la SARL Mediterres, relativement à une créance déclarée par la Banque Générale du Commerce BGC admise pour un montant de 696 262,98 euros à titre privilégié hypothécaire.
Mme [C] a interjeté appel de cette ordonnance du juge-commissaire le 9 juillet 2013.
Le 15 octobre 2015 le conseiller de la mise en état a constaté son désistement d'appel contre M.[B] [Q] et le 5 novembre 2015 il a constaté son désistement d'appel contre la SARL Sofigere.
Demeurant seul en cause, le 19 octobre 2015 Me [S] [I], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Mediterres a déposé des conclusions d'incident qui ont abouti à une ordonnance rendue le 28 janvier 2016 par laquelle le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté par Mme [C] contre l'ordonnance rendue le 19 juin 2013 par le juge-commissaire, débouté celle-ci de ses autres demandes, statué sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
Mme [C] a déféré cette ordonnance à la cour par requête et conclusions déposées et notifiées le 7 juin 2016.
Elle demande à la cour juger son appel recevable, de rejeter l'incident introduit par Me [I], à titre subsidiaire de faire application de l'article 553 du code de procédure civile et lui ordonner de régulariser la procédure d'appel vis-à-vis des parties concernées par l'action indivisible, de condamner Me [I] à lui payer la somme de 1500 € au titre de la résistance abusive, outre 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens distraits au profit de son avocat.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 26 mai 2016 par Me [S] [I].
Il demande à la cour, vu l'indivisibilité du litige à l'égard du débiteur et du créancier visés par la réclamation, vu l'absence de qualité du liquidateur judiciaire à représenter le débiteur et le créancier dans le cadre de l'instance en réclamation, vu le désistement de l'appelant à l'égard de la société Sofigere et de la SARL Mediterres, représentée par M. [Q], de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE, LA COUR,
Au visa des articles L. 624-1 et suivants du code de commerce, Mme [C] fait valoir que dans la mesure où Me [I] a validé la déclaration du créancier, il n'est plus fondé à intervenir, car il est investi du pouvoir de représentation des créanciers admis et selon les dispositions de l'article L. 624-4 du code de commerce, il n'y a pas lieu à convocation du créancier lorsque celui-ci n'a pas contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours ; qu'à l'inverse l'article L. 624-8 du code de commerce qui dispose que tout intéressé peut présenter devant le juge-commissaire une réclamation sur l'admission d'une créance, autorise elle-même à intervenir, comme du reste la l'article 103 de la loi numéro 85-98 du 25 janvier 1985 qui disposait que « toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article 102, peut prendre connaissance de l'état d'admission des créances et former réclamation après audition du mandataire judiciaire et des parties intéressées » ; qu'en outre, l'article 25 du décret numéro 85-1388 et du 27 décembre 1985 disposait que le juge-commissaire statue par ordonnance, les intéressés et les mandataires « étant avisés », ce en quoi elle n'avait par obligation d'attraire à la procédure les parties qui n'y sont pas appelées ; que son action tend seulement à faire connaître au juge-commissaire les irrégularités qu'elle a constatées sur l'admission de la créance BGC et sur le préjudice qu'elle lui cause, car elle devait recevoir un pourcentage sur la vente de l'appartement de M. [Q] vendu par adjudication ; qu'enfin, en ayant statué ainsi qu'il l'a fait, le conseiller de la mise en état a mis en échec les droits qu'elle tient de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, car son ordonnance crée une ingérence dans le droit d'accès qui est le sien d'exercer un recours.
Elle estime, par ailleurs que s'il fallait faire application de l'article 553 du code de procédure civile sur l'indivisibilité, l'article 553 du code de procédure civile lui permet de régulariser la procédure puisque que l'appel interjeté en temps utile contre l'une des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres.
Mais, la matière est indivisible et Mme [C] ne saurait valablement opposer aux règles de procédure instituées dans le cadre de la procédure d'appel, l'article 25 du décret numéro 85-1388 du 27 décembre 1985 qu'elle invoque.
Ainsi, l'article 553 du code de procédure civile dispose-t-il qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et que l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance, tandis que le 28 avril 1998 la Cour de Cassation a jugé que « si lorsque la matière est indivisible, l'appel interjeté en temps utile contre l'une des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres et couvre l'irrégularité ou la tardiveté d'intimation, encore faut-il que tous les intéressés aient été mis en cause devant la juridiction d'appel » et aussi le 6 juillet 2010 qu'il existait un lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, solution qui ne saurait être différente en matière de réclamation dirigée contre l'état des créances, sauf à admettre que plusieurs décisions se contredisant mutuellement puissent coexister, ce qui est inconcevable en raison de l'impossibilité de les exécuter simultanément, le liquidateur soulignant à cet égard, pour démontrer l'existence d'un lien unissant tous les intervenants, que selon l'article 84 du décret du 27 décembre 1985 (devenu l'article R. 624-10 du code de commerce) les réclamations des tiers sont mentionnées sur l'état par le greffier, ce qui ne se conçoit que si la réclamation est susceptible d'avoir une incidence sur l'admission, l'état des créances fixant contradictoirement le passif du débiteur erga omnes, comme jugé par la Cour de Cassation le 28 janvier 1997.
Ainsi, l'admission de la créance de la BGC au passif de la SARL Mediterres est indivisible à l'égard du créancier, ou de son cessionnaire Sofigere, du débiteur et du liquidateur judiciaire et l'appel ne peut faire l'objet d'une instance opposant seulement Mme [C] au liquidateur judiciaire, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, représente l'intérêt collectif des créanciers et non leurs intérêts individuels.
Enfin, les désistements d'appel ont eu pour effet de rendre irrévocable la décision dont appel à l'égard de la société Sofigere et du débiteur , ce en quoi l'appel résiduel est irrecevable, comme cela a été jugé par le conseiller de la mise en état dont la cour approuve les motifs de l'ordonnance qu'il a rendue, observation étant faite que le droit d'accès à un tribunal invoqué par Mme [C] sur la base de la Convention européenne des droits de l'homme, ne l'autorise pas à s'affranchir des règles procédurales en vigueur destinées à garantir les droits de toutes les parties au procès.
Mme [C] succombe.
Elle sera condamnée aux dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,
Confirme l'ordonnance déférée,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [C] à payer à Me [I], ès qualités, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT