COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 14 OCTOBRE 2016
N° 2016/556
Rôle N° 14/09712
SARL LES RESTANQUES DE FLAYOSC
C/
[W] [H]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE
Me [W] DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section AD - en date du 04 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/165.
APPELANTE
SARL LES RESTANQUES DE FLAYOSC, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [W] [H], demeurant Chez Mme [Adresse 2]
représenté par Me [W] DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Marjorie PASCAL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARON, Présidente de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2016.
Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[W] [H] a été embauché, par contrat à durée indéterminée conclu le le 22 avril 2009, par la SARL Les restanques de Flayosc, exploitant une résidence service pour personnes retraitées, pour exercer les fonctions d'agent de service polyvalent.
Il a été mis fin à ce contrat par l'employeur le 21 juin 2009, au motif de rupture pendant la période d'essai.
Par contrat à durée déterminée, [W] [H] a à nouveau été embauché, en qualité de surveillant de nuit à temps partiel, pour remplacement d'un salarié absent, entre le 1er juillet et le 30 septembre 2009.
Enfin, le 1er octobre 2009, un troisième contrat à durée indéterminée, a été conclu, pour les mêmes fonctions, entre les parties.
Le salarié a pris acte de la rupture de ce dernier contrat par lettre du 30 juillet 2013.
Par jugement du conseil des prud'hommes de Draguignan du 4 avril 2014, notifié aux parties le 14 avril 2014, la juridiction a jugé :
' concernant le premier contrat à durée indéterminée du 22 avril 2009, que la rupture en était intervenue après la fin de la période d'essai, et devait par conséquent s'analyser en licenciement infondé. La juridiction a accordé au salarié le paiement des sommes de 609 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement, et de 203 € à titre de complément d'indemnité de préavis.
' concernant le second contrat à durée déterminée, qu'il devait être requalifié en contrat à durée indéterminée. La juridiction a accordé au salarié le paiement d'une indemnité de requalification à hauteur de 609 €.
' concernant le troisième contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2009, que la prise d'acte, le 30 juillet 2013, par le salarié, de la rupture du contrat de travail en raison des manquements commis par l'employeur, devait s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La juridiction a accordé à [W] [H], sur le fondement de cette troisième relation de travail, paiement de diverses sommes au titre de dommages-intérêts pour licenciement infondé, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, rappel de salaire pour travail de nuit et majorations conventionnelles, rappel de repos compensateur sur les heures de nuit, indemnité pour dimanche et jours fériés et indemnité de repos compensateur, rappel de salaire pour permanence de nuit, et majorations pour heures supplémentaires, indemnité compensatrice de congés payés et rappel d'indemnité de congés payés, ainsi que la somme de 500 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 5 mai 2014, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, la SARL Les restanques de Flayosc a régulièrement relevé appel général de la décision.
Soutenant,
par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :
' concernant le premier contrat à durée indéterminée du 22 avril 2009, qu'une période d'essai d'un mois, renouvelable une fois pour la même durée avait été prévue, conformément à la convention collective applicable, et que la rupture de la période d'essai avait été notifiée le 19 juin 2009, soit à l'intérieur du délai prévu renouvelé ; que [W] [H], ayant été très rapidement réembauché par contrat à durée indéterminée n'avait de toute façon subi aucun préjudice ; subsidiairement, que les sommes réclamées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et de licenciement infondé doivent être calculées sur la base du salaire perçu en 2009, et non en 2013 comme le fait le salarié,
' concernant le deuxième contrat du 1er juillet 2009, à durée déterminée pour la période échéant au 30 septembre 2009 - pour lequel [W] [H] soutient que le motif du recours était injustifié, l'identité du salarié remplacé n'étant pas précisée -, que l'indemnité de requalification doit être limitée à la somme de 609 €, montant du salaire correspondant à ce contrat,
' concernant le troisième contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2009, en qualité de surveillant de nuit à temps partiel, que, dans le dernier état de la relation de travail, la répartition des 76 heures mensuelles de travail se faisait, chaque jour, en temps de travail effectif de 18 heures à 19 heures, puis en temps d'astreinte de 19 heures à 7 heures, enfin en temps de travail effectif de 7 heures à 9 heures,
' que [W] [H] sollicite en premier lieu le paiement d'un rappel de salaires, en faisant valoir qu'il était moins payé que l'un de ses collègues, M. [P] ; que cette demande doit être rejetée, Monsieur [P] ayant des attributions supplémentaires d'entretien et de cantonnement des espaces extérieurs, et [W] [H] bénéficiant en outre d'un logement de fonction,
' que la demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures effectuées en astreinte doit également être rejetée, les heures d'astreinte ne pouvant être requalifiées en travail effectif, puisqu'il était logé au sein de la résidence et libre de vaquer à ses occupations personnelles, devant simplement répondre à d'éventuels appels des résidents ; et les interventions effectives ayant été systématiquement rémunérées, ainsi que l'établissent les bulletins de salaire produits aux débats,
' que l'article 8 de l'accord du 27 janvier 2000, invoqué par le salarié, qui ne concerne que les maisons de retraite médicalisées, n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant d'une résidence avec services,
' qu'il s'ensuit que les sommes réclamées en tant que majorations d'heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos, majoration de congés payés et temps de pause qui découlent de la requalification d'astreinte en heures de travail effectif ne sont donc pas davantage dues, (ces différentes indemnités n'étant d'ailleurs pas cumulables entre elles), non plus que les sommes réclamées au titre du travail dissimulé,
' que le salarié, qui réclame l'indemnisation du travail effectif effectué un dimanche ou un jour férié, a déjà été indemnisé de ce chef, par l'octroi d'une indemnité égale à 0,40 point par heure, conformément à l'article 82. 2 de la convention collective applicable ; qu'il a également été rempli de ses droits s'agissant des congés payés pour la période comprise entre 2009 et 2013,
' que la répartition de ses horaires de travail était prévue au contrat, et le salarié destinataire d'un planning 15 jours à l'avance, de sorte qu'il ne saurait être soutenu qu'il y avait travail dissimulé ; que seule lui était due la majoration des heures effectuées au-delà de 10 % de la durée hebdomadaire ou mensuelle, à hauteur de 25 ou 50 %, pour un montant de 2606,64 euros, outre 260,06 euros au titre des congés payés afférents, pour la période comprise entre 2009 et 2013, somme qui lui a été réglée le 6 décembre 2013, lors de l'audience de jugement devant le conseil de prud'hommes,
' qu'enfin, aucune somme n'est due au salarié au titre du remboursement des indemnités journalières complémentaires versées par l'organisme de prévoyance, l'employeur s'étant acquitté de toutes ses obligations sur ce point,
' que le contrat de travail a été suspendu en raison d'un arrêt de maladie, entre le 13 mai et le 1er octobre 2013, le salarié ayant dans un premier temps saisi le conseil de prud'hommes, le 4 juin 2013, pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat, avant de prendre acte de la rupture, par courrier du 30 juillet 2013 ; que la prise d'acte par le salarié de la rupture de la relation de travail rend sans objet sa demande de résiliation judiciaire, de sorte que, si, comme en l'espèce, les griefs reprochés à l'employeur ne sont pas justifiés, la rupture doit être requalifiée en démission, par définition privative de toute indemnité,
' que [W] [H], ancien policier, bénéficie d'une pension de retraite ; qu'il souhaitait en réalité s'installer en Thaïlande, ces circonstances réduisant d'autant le préjudice allégué du fait de la rupture,
l'employeur demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, de lui donner acte du versement de la somme de 2606,64 euros correspondant à des majorations d'heures supplémentaires pour la période comprise entre 2009 et 2013, outre les congés payés afférents à hauteur de 260,66 euros ; de débouter [W] [H] de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement de la somme de 5000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
[W] [H] réplique,
par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :
' concernant le premier contrat du 22 avril 2009, qu'aucun accord n'a été conclu entre les parties pour le renouvellement de la période d'essai, la rupture ayant par conséquent eu lieu après l'expiration de cette période, justifiant ainsi la demande en paiement, d'une part d'une indemnité pour licenciement infondé, d'autre part d'une indemnité de préavis, sur la base de la rémunération qu'il aurait dû percevoir du 22 avril au 21 juin 2009, soit un salaire mensuel de 4461,57 euros, compte tenu des différents rappels ci-dessous exposés,
' concernant le deuxième contrat du 1er juillet 2009, qu'il ne mentionnait pas l'identité du salarié remplacé, et doit par conséquent être requalifié en contrat à durée indéterminée, l'indemnisation devant là encore être calculée sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir, soit un salaire mensuel de 4998,62 euros,
' concernant le troisième contrat du 1er octobre 2009, qu'il exerçait la même fonction qu'un autre salarié de l'entreprise, M. [P], et qu'il devait donc percevoir le même salaire, alors que son salaire était inférieur,
' que les heures effectuées entre 19 heures et 7 heures constituent des heures de travail effectif et non des heures d'astreinte, aucun accord collectif, accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant été conclu dans l'entreprise, avec information de l'inspecteur du travail, en contravention aux dispositions de l'article L 31 21 ' 7 du code du travail,
' que l'article 8 de l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial prévoit la liste des postes assujettis au régime des astreintes, parmi lesquels ne figure pas ceux correspondant à la qualification du salarié, engagé comme agent de service hôtelier, alors qu'il était amené à intervenir, à la suite d'appels sur son téléphone portable ne fonctionnant que l'intérieur de l'établissement, l'obligeant ainsi à rester de façon permanente dans les locaux de la résidence, sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, jusqu'à quatre et cinq fois pendant ses veilles de nuit, sans être jamais payé et sans avoir reçu la formation spécifique nécessaire pour l'intervention auprès de personnes âgées,
' que ces heures de nuit constituaient des heures de travail effectif,
' qu'au surplus, les heures de travail effectif, fixées par le contrat au chiffre de trois par jour, était bien supérieures, [W] [H] ne pouvant accomplir toutes les tâches qui étaient les siennes dans le temps imparti, et ayant en réalité travaillé, entre le 22 avril 2009 et le 31 octobre 2010, au moins jusqu'à 22 heures, et encore de 7 heures à 9 heures le matin,
' que [W] [H] est bien-fondé à solliciter des rappels de salaire, primes d'ancienneté incluse, les indemnités pour sujétions spéciales de travail de nuit, des rappels de salaire pour repos compensateur, des rappels de salaire pour heures effectuées les dimanches et jours fériés, des rappels de salaire au titre d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées et non payées, des rappels de salaires sur temps de pause, la contrepartie obligatoire en repos pour heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, et le rappel d'indemnité de congés payés sur toutes ces sommes, ainsi que des congés payés supplémentaires pour fractionnement ; enfin, une indemnité pour travail dissimulé,
' que lui sont dues en outre diverses sommes constituant rappel sur cotisations sociales intégrées à tort dans l'assiette des cotisations, ou remboursement des indemnités journalières complémentaires versées par l'organisme de prévoyance,
' que la prise d'acte de la rupture de ce contrat, le 30 juillet 2013, doit être analysé en licenciement infondé, en raison des manquements de l'employeur ci-dessus exposés, lui donnant droit à dommages-intérêts, indemnité légale de licenciement, indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, et allocation de dommages intérêts pour préjudice moral,
' qu'il est bien-fondé à solliciter en outre la rectification des bulletins de salaire et des documents sociaux ; et la transmission de la décision à intervenir aux autorités administratives et aux organismes sociaux ainsi qu'à Monsieur le préfet du Var et à Monsieur le président du conseil général du Var et à la direction générale du travail ; outre le paiement de la somme de 5000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
[W] [H] sollicite encore la remise des fiches de paye comportant rappel de salaire, et les documents sociaux de fin de contrat, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture en période d'essai du premier contrat du 22 avril 2009
En droit, la période d'essai peut être renouvelée, une seule fois, si un accord de branche étendu et la lettre d'engagement ou le contrat de travail en prévoient expressément la possibilité. Si l'employeur entend renouveler l'essai, il doit le faire savoir au salarié avant l'expiration de la première période. L'accord du salarié sur ce renouvellement est nécessaire et doit être express et non équivoque.
En l'espèce, il est constant qu'aucun accord n'a été recueilli, auprès de [W] [H], pour le renouvellement de la période d'essai. La rupture de la relation de travail, par l'employeur, sans motif, le 21 juin 2009, soit après l'expiration de cette période d'essai qui, ayant été conclue pour un mois, se terminait nécessairement le 22 mai 2009, s'analyse donc en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L 12 35 ' 5, s'agissant d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, [W] [H] peut prétendre, du fait du licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, qui a été, compte tenu de son âge, de la durée de la relation de travail, de sa qualification et de son salaire, enfin du fait qu'il a été très rapidement réembauché par la même entreprise, le 1er juillet 2009, compte tenu enfin des considérations qui suivent sur le montant du salaire à allouer au salarié, sagement appréciée par les premiers juges à la somme de 609€.
L'employeur acquiesce par ailleurs à la demande en paiement du solde de l'indemnité de préavis, soit 203 euros, qu'il convient également d'allouer au salarié.
Sur le contrat à durée déterminée conclu entre les parties entre le 1er juillet et le 30 septembre 2009
En droit, l'article L 12 42 ' 2 du code du travail dispose notamment qu'un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, pour remplacer un salarié absent. Cependant, le salarié remplacé doit être identifié, le contrat ne pouvant être conclu pour remplacer tout salarié absent. L'article L 12 42 ' 12 du même code dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En l'espèce, le contrat conclu entre les parties le 1er juillet portait comme motif : « remplacement du personnel en congé pendant la période de juillet à septembre 2009 ». Le salarié remplacé n'étant pas identifié, le contrat doit être réputé conclu pour une durée indéterminée. La rupture de la relation de travail le 30 septembre 2009, s'analyse donc en licenciement infondé.
En pareil cas, le salarié a droit à une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire. Lorsque les relations contractuelles se poursuivent à l'issue du contrat à durée déterminée, soit de fait, soit par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, l'indemnité accordée ne peut être inférieure au dernier salaire perçu avant la saisine du juge.
En l'espèce, il résulte de la production des bulletins de paye de [W] [H] que celui-ci percevait, au jour de la rupture du troisième contrat du 1er octobre 2009, - et devait percevoir, ainsi qu'il sera exposé ci-après - un salaire mensuel de 909,55 €, montant auquel il convient par conséquent de fixer l'indemnité de requalification.
Sur l'égalité de salaire entre les salariés
[W] [H] soutient qu'embauché en qualité d'employé de service hôtelier, il était rémunéré, dans le dernier état de la relation de travail, à raison de 9,43 euros de l'heure, alors que M. [P], embauché en la même qualité, était rémunéré 10,50 € de l'heure, et que les attributions des deux salariés étaient identiques. Il réclame à ce titre paiement des sommes de 1206,66 euros, représentant rappel de salaires, outre 120,67 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur fait cependant valoir, d'une part que M. [P] assurait une fonction supplémentaire d'entretien et de cantonnement des espaces extérieurs ; que [W] [H], au contraire de son collègue, bénéficiait d'un logement de fonction ; qu'enfin, le salaire de M. [P] avait été renégocié après son départ à la retraite et sa réembauche par l'entreprise.
Le fait pour le salarié de bénéficier d'un logement de fonction, qui, bien que figurant dans son salaire au titre des avantages en nature à déduire, n'en constitue pas moins un avantage considérable compte tenu des prix de l'immobilier dans le Var, et en particulier dans la commune prisée de [Localité 1], justifie à lui seul la différence de salaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en rappel de salaires présentée sur ce fondement.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures effectuées en astreinte
En droit, l'article L 31 21 ' 5 du code du travail dispose qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, à l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
Les trois contrats conclus entre les parties prévoyaient une durée du travail déterminée de la manière suivante : « de 18 heures à 21 heures, soit trois heures par jour ; de 21 heures à 9 heures, veille de nuit sous forme d'astreinte ». À compter du 1er novembre 2010, les horaires ont été modifiés de la façon suivante : « 18 heures à 19 heures : une heure de travail effectif ; 19 heures à 7 heures : veille pour répondre physiquement à une alarme ; 7 heures à 9 heures : deux heures de travail effectif ».
[W] [H] ne conteste nullement que les interventions qu'il a pu faire, durant les heures de veille, ont été rémunérées au titre d'un temps de travail effectif. En revanche, il soutient que la période qualifiée d'astreinte constituait en réalité un temps de travail effectif, d'abord faute de conclusion d'un accord collectif ou d'information de l'inspecteur du travail après fixation par l'employeur ; ensuite parce que l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail, qui prévoit une liste limitative des postes assujettis à astreinte ne comporte pas sa classification d'agent de service hôtelier ; enfin parce qu'il ne pouvait, pendant les heures d'astreinte, vaquer à ses occupations personnelles, étant constamment dérangé et ne pouvant sortir de son domicile au sein de la résidence.
La SARL Les restanques de Flayosc réplique que les interventions effectuées durant les heures d'astreinte ont été rémunérées en tant qu'heures de travail de travail effectif, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté ; et que les heures d'astreinte elles-mêmes ne sauraient être considérées comme du travail effectif.
La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée 3307, qui prévoit effectivement la possibilité d'organisation d'astreintes, notamment pour les établissements de résidences avec services. Il ne saurait donc être soutenu qu'aucun accord collectif ne prévoit l'organisation d'astreintes. S'il est exact, comme le fait valoir [W] [H], que l'accord du 27 janvier 2000 prévoit une liste limitative des postes soumis à astreinte, parmi lesquels ne figurent pas les agents de service hôtelier, cette disposition ne concerne pas les employés logés sur place par l'employeur, mais uniquement ceux devant quitter leur domicile pour effectuer les interventions demandées.
En l'espèce, il est constant que [W] [H] avait en fait uniquement pour mission d'assurer, durant la semaine de 19 heures à 7 heures ainsi que durant les samedis, dimanches et jours fériés, par une certaine vigilance, la sécurité des personnes et des biens de l'établissement en faisant preuve d'attention vis-à-vis de ceux-ci, en intervenant de manière appropriée pour les aider ou en alertant les secours d'éventuels problèmes de santé ou de sécurité constatés, et qu'il bénéficiait d'un logement de fonction, au sein de la résidence, et pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles durant les heures d'astreinte.
Il s'ensuit que la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant ces périodes, dans le logement de fonction personnel situé dans l'établissement, afin de pouvoir répondre à des demandes éventuelles et d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence touchant à la sécurité des personnes et des biens, sans autres sujétions particulières telles que rondes ou interventions ponctuelles régulières, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, peu important que, comme il le soutient, il n'ait disposé que d'un téléphone fonctionnant dans l'enceinte de l'établissement, dès lors que son obligation était précisément de se tenir dans le logement de fonction.
Il convient donc de dire que les temps de permanence litigieux constituaient une astreinte et non un temps de travail effectif ; et de débouter par conséquent le salarié de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre des heures effectuées en astreinte, et en rappel de salaire au titre des heures effectuées lors des veilles de nuit, qualifiées à tort d'heures de travail effectif, en indemnité et repos compensateur pour les heures effectuées les dimanches et jours fériés, qualifiée à tort d'heures de travail effectif, en rappel de salaire au titre des heures complémentaires et supplémentaires effectuées et non payées, et en indemnité de congés payés et de congés payés dus pour cause de fractionnement, ainsi qu'en indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu'en indemnisation de l'absence de temps de pause, toutes ces demandes concernant des heures d'astreinte qualifiées à tort d'heures de travail effectif.
Il n'y a pas lieu par ailleurs de donner acte à l'employeur de ce qu'il a reconnu devoir, et effectivement versé au salarié, une somme de 2606,64 euros, représentant la majoration supplémentaire, à hauteur de 25 ou 50 %, et les congés payés afférents à hauteur de 260,06 €, correspondant à un certain nombre d'heures complémentaires représentant du travail effectif, ce montant n'étant pas contesté par le salarié, et aucun litige n'étant soulevé sur ce point devant la cour.
Sur le rappel des sommes dues au titre des sommes versées par le régime de prévoyance
[W] [H] soutient que l'employeur a commis une erreur en soumettant à déclaration 100 % des sommes reversées au titre de l'indemnité par le régime complémentaire de prévoyance, d'une part pour l'indemnisation d'un accident du travail, en mars 2011 ; d'autre part pour un arrêt de maladie survenu entre le 12 mai et le 31 août 2013. Il sollicite donc à ce titre paiement des sommes de 12,80 euros nets au titre de l'accident du travail et 97,90 euros nets au titre de l'arrêt de maladie.
Il ajoute que la convention collective applicable prévoit un remboursement de 100 % en cas d'accident du travail et de maladie, alors que le contrat souscrit par l'employeur ne garantit le remboursement que sur la base de 90 % du salaire brut de référence, sous déduction de la prestation de la sécurité sociale. Il en déduit que lui est dû un rappel sur les indemnités complémentaires versées par le régime de prévoyance pour atteindre le 100 %, qu'il sollicite à hauteur de 60,25 euros nets pour l'accident du travail et 130,13 euros nets pour l'arrêt de maladie.
La SARL Les restanques de Flayosc réplique que l'ensemble des cotisations ont été réglées et reversées conformément aux règles applicables.
Cependant, la fraction des prestations correspondant à la part de l'employeur dans le financement du régime complémentaire doit être incluse dans l'assiette des cotisations sociales assujetties à la contribution solidarité autonomie, à la CSG et à la CRDS, après abattement de 3 %. Il apparaît que cet abattement n'a pas été réalisé, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande du salarié en paiement des sommes de 12,80 euros et 97,90 euros nets.
Par ailleurs, l'article 84 de la convention collective applicable dispose :
« Montant et durée des garanties complémentaires
Chaque arrêt de travail sera indemnisé à l'issue d'un délai de carence de 3 jours pour les salariés non cadres, sans délai de carence pour les cadres en cas de maladie, et immédiatement pour l'ensemble des salariés, en cas de maladie professionnelle, accident du travail ou de trajet.
Pour les salariés non cadres et cadres, ceux-ci percevront :
- pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile : 100 % de la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail ;
- au-delà de 90 jours, maintien en net de 80 % de la rémunération brute sur la base de la moyenne des rémunérations des 6 derniers mois précédant la période indemnisée, et ce durant l'incapacité temporaire indemnisée par la sécurité sociale.
Pour les salariés non cadres et cadres, ceux-ci percevront 100 % de la rémunération nette qu'ils auraient perçue s'ils avaient travaillé pendant la période d'incapacité de travail et ce durant toute l'incapacité temporaire indemnisée par la sécurité sociale. »
Or, il est constant que le salarié n'a été indemnisé que sur une base de 90 %, conformément aux contrats de prévoyance souscrits par l'employeur, mais en contravention aux dispositions de la convention collective.
Il convient par conséquent de faire également droit aux demandes du salarié en paiement des sommes de 60,25 et 130,13 euros, ces sommes étant exprimées en net.
En revanche, compte tenu de ce qui précède, les demandes en rappel de salaires sur les indemnités journalières au titre de l'accident du travail et l'arrêt de maladie, calculées sur la base d'un salaire correspondant à des heures de travail effectif, seront rejetées.
Sur l'imputabilité de la rupture du contrat du 1er octobre 2009
Par lettre du 30 juillet 2013, [W] [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, en se fondant sur les faits de non paiement des salaires ou accessoires de salaire (non paiement des heures complémentaires majorées, les indemnités pour travail de nuit, des congés payés et jours fériés), non-respect des limites de durée de travail et des temps de repos, ainsi que sur la modification des horaires de travail au 1er novembre 2010 sans avenant au contrat de travail.
Préalablement, il avait, par acte du 3 juin 2013, saisi le conseil des prud'hommes de Fréjus en sollicitant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat conclu le 1er octobre 2009.
En droit, la saisine de la juridiction pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat ne peut avoir d'effet qu'à la date de la décision qui la prononce, sauf licenciement survenu entre-temps. Au contraire, la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail met fin immédiatement au contrat, sans possibilité de rétractation.
Il s'ensuit qu'il convient d'apprécier la réalité des manquements allégués de l'employeur, dans le cadre de la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail, et de déterminer si ces manquements sont de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail.
En l'état de ce qui précède, seul est établi, dans le cadre du contrat conclu entre les parties le 1er octobre 2009, constituant relation de travail autonome, le manquement de l'employeur concernant l'intégration à tort d'une partie d'indemnité dans l'assiette des cotisations et le défaut de versement, à hauteur de 10 %, de ses indemnités complémentaires, pour des montants somme toute très limités.
L'employeur a par ailleurs reconnu être redevable d'une somme de 2606,64 euros, et les congés payés afférents à hauteur de 260,06 €, représentant des majorations, à hauteur de 25 ou 50 %, pour heures complémentaires, non versées.
Ces manquements, compte tenu de leur peu d'importance quantitative pour le premier, et du versement spontané de l'employeur pour le second, n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail.
Enfin, s'agissant de la modification de la répartition des heures, en droit, l'employeur a la possibilité de fixer librement une nouvelle répartition des horaires de travail au sein de la journée, dès lors qu'il n'en résulte aucune modification de la durée contractuelle du travail ou de la rémunération. Tel est le cas en l'espèce, par la modification, le 1er novembre 2010, de la répartition des heures de travail effectif et des heures de veille, ainsi qu'exposé ci-dessus, cette décision de l'employeur constituant un simple changement des conditions de travail s'imposant au salarié.
Il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture du contrat n'est pas fondée sur des manquements de l'employeur empêchant la poursuite de la relation de travail, cette prise d'acte entraînant par conséquent les effets d'une démission.
Les demandes du salarié en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, et de dommages-intérêts pour préjudice moral seront par conséquent rejetées.
Sur la demande en remise de documents
Il convient de condamner l'employeur à délivrer à [W] [H] la remise des fiches de paye comportant rappel de salaire, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les autres demandes
Les condamnations prononcées au titre de l'exécution du contrat de travail seront assorties des intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement déféré pour les condamnations prononcées au titre des créances indemnitaires et à compter de la date de notification de la lettre recommandée convoquant le débiteur devant le bureau de conciliation pour les condamnations prononcées au titre de l'exécution du contrat de travail.
[W] [H] échouant en la quasi-totalité de ses prétentions, il apparaît inéquitable, compte tenu de la complexité de l'affaire, de laisser à la charge de l'employeur la totalité des frais irrépétibles engagés pour la présente instance, qu'il convient de fixer à la somme de 3000 €. Pour le même motif, les demandes qu'il présente en publication et communication de l'arrêt seront également rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Réforme le jugement déféré dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,
Condamne la SARL Les restanques de Flayosc à verser à [W] [H] :
' 609€ au titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat conclu le 22 avril 2009,
' 203 € au titre de reliquat d'indemnité de préavis sur ce même contrat,
' 909,55 euros au titre de l'indemnité de requalification due pour le contrat conclu entre les parties le 1er juillet 2009,
' 12,80 euros et 97,90 euros, ces sommes étant exprimées en net, au titre de l'imputation indue sur l'assiette des cotisations,
' 60,25 euros et 130,13 euros, ces sommes étant exprimées en net, au titre du complément d'indemnités journalières durant l'accident de travail et l'arrêt de maladie précités,
avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement déféré pour les condamnations prononcées au titre des créances indemnitaires et à compter de la date de notification de la lettre recommandée convoquant la SARL Les restanques de Flayosc devant le bureau de conciliation pour les condamnations prononcées au titre de l'exécution du contrat de travail,
Condamne l'employeur à délivrer à [W] [H] la remise des fiches de paye comportant rappel de salaire, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt,
Condamne le salarié à verser à l'employeur la somme de 3000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE