COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 OCTOBRE 2016
N°2016/
Rôle N° 14/06443
SODI
C/
[C] [X]
Syndicat GENERAL DES TRANSPORTS CFDT 13
Grosse délivrée le :
à :
Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS
Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 25 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/280.
APPELANTE
SODI, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS et par Mme [Q] [B], Responsable Ressources Humaines avec pouvoir spécial
INTIMES
Monsieur [C] [X], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Syndicat GENERAL DES TRANSPORTS CFDT 13, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Août 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2016
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [X] a été embauché par la société SODI RHONE ALPES MEDITERRANEE, suivant contrat de travail à durée indéterminée, le 1er mars 2007, en qualité de magasinier polyvalent à temps complet pour travailler sur le site de LA MEDE au secteur métallurgie.
Le 1er juillet 2007, la société SODI RHONE ALPES MEDITERRANEE a été rachetée par la société SODI et le contrat de travail a été transféré à cette dernière.
À compter du mois de janvier 2009 le salarié a exercé les fonctions de monteur polyvalent statut ouvrier, niveau II, échelon 2, coefficient 185 de la convention collective.
Le salarié a été licencié pour inaptitude le 20 juin 2012.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait toujours les fonctions de monteur polyvalent et il percevait un salaire de base brut mensuel de 1 720 € pour 151,67 heures de travail.
Les relations contractuelles des parties étaient régies par la convention collective de l'assainissement et de la maintenance industrielle.
Contestant l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés et sollicitant le paiement d'une prime d'habillage/déshabillage, M. [C] [X] a saisi le 10 avril 2013 le conseil de prud'hommes de MARTIGUES, section commerce, lequel, par jugement rendu le 25 février 2014, a :
constaté l'absence de mandat de représentation du syndicat général des transports CFDT 13 dans sa demande d'intervention volontaire ;
rejeté l'intervention volontaire du syndicat général des transports CFDT 13 ;
dit le salarié partiellement fondé en son action ;
condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
'797,51 € à titre de rappel sur indemnité de congés payés ; (rappelé l'exécution de droit en application des dispositions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois à 1 720 €)
'500,00 € au titre du préjudice financier ;
'800,00 € au titre des frais irrépétibles ;
ordonné sur l'intégralité du jugement l'exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;
dit que les intérêts légaux seront comptabilisés à compter du 10 avril 2013 au regard de l'article 1153-1 du code civil ;
débouté le salarié de sa demande au titre du rappel de prime pour le temps d'habillage-déshabillage ;
débouté l'employeur de sa demande relative aux frais irrépétibles ;
dit que l'employeur supportera les entiers dépens.
La société SODI a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 19 mars 2014.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la société SODI demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à la contrepartie aux temps d'habillage, douche et déshabillage, a rejeté l'intervention volontaire du syndicat général des transports CFDT 13 et a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes ;
infirmer la décision attaquée en ce qu'elle l'a condamné à payer au salarié la somme de 797,51 € bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés lié à des primes de panier, outre 500 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice financier et 800 € au titre des frais irrépétibles ;
dire que les demandes formulées par le salarié au titre du temps d'habillage et de déshabillage sont infondées ;
dire que les demandes formulées par le salarié au titre de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés sont infondées ;
dire que la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral n'est pas fondée ;
débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;
condamner le salarié à lui restituer la somme de 1 150,31 € perçue en règlement des condamnations assorties de l'exécution provisoire ;
condamner le salarié à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner le salarié aux entiers dépens.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par leur conseil selon lesquelles M. [C] [X] et le syndicat général des transports CFDT 13 demandent à la cour de :
fixer la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 1 984,50 € ;
dire qu'il y a lieu à rappel de salaire ;
dire qu'il y a lieu à rappel d'indemnité de congés payés ;
condamner l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
'3 664,24 € à titre de rappel de salaire et incidence congés payés pour le temps d'habillage et de déshabillage sur la période 2008 à 2013, avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
'5 000,00 € à titre d'indemnisation pour exécution fautive des relations contractuelles et modification illégale du contrat de travail ;
'3 249,09 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés, avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
' 324,90 € à titre d'incidence congés payés, avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
'3 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;
'2 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
dire l'intervention volontaire du syndicat général des transports CFDT 13 recevable ;
condamner l'employeur à payer au syndicat général des transports CFDT 13 les sommes suivantes :
' 500,00 € au titre du non-respect des dispositions sur le temps d'habillage / déshabillage ;
' 500,00 € au titre du non-respect des dispositions en matière de calcul de l'indemnité de congés payés ;
'2 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l'employeur aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur la recevabilité de l'intervention du syndicat général des transports CFDT 13
En cause d'appel, le syndicat est représenté par un avocat et ainsi la question du défaut de mandat ad litem retenue par les premiers juges ne se pose plus.
Un syndicat est recevable à agir lorsque les faits ont porté une atteinte directe ou au moins indirecte à l'intérêt collectif de la profession ou encore ont causé un préjudice même indirect, fût-il de nature morale, à l'intérêt collectif.
Ainsi, il y a lieu de retenir que l'intervention volontaire du syndicat général des transports CFDT 13 est bien recevable.
2/ Sur la prime d'habillage et de déshabillage
Il n'est pas contesté en l'espèce que le salarié était astreint au port d'une tenue particulière, qu'il devait se changer sur son lieu de travail et que cette activité occupait 15 minutes par jour.
Le salarié sollicite le paiement d'une prime d'habillage et de déshabillage de ce chef alors que l'employeur répond qu'un usage d'entreprise assimilait le temps d'habillage et de déshabillage au temps de travail effectif et que cet usage a été confirmé par l'avenant n° 1 à l'accord d'aménagement du temps de travail du personnel non cadre signé le 25 avril 2014 par trois organisations syndicales dont la CFDT.
L'article L. 3121-3 du code du travail dispose que :
"Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif."
L'employeur produit pour établir l'usage dont il se prévaut les attestations des salariés [L] [E], chef d'exploitation, [D] [H], chef d'équipe et [O] [C], chef de chantier, ainsi que le courrier du délégué du personnel suppléant CFDT, M. [G] [V] du 3 octobre 2013.
Pour contester la réalité de l'usage, le salarié ne produit qu'une attestation d'un collègue, M. [J], qui affirmait le 24 juin 2016 que jusqu'en décembre 2012 le temps d'habillage et de déshabillage n'était pas compris dans le temps de travail. Mais cette même personne a attesté en sens inverse le 26 août 2016. Dès lors, les témoignages contradictoires de M. [J] ne seront pas pris en compte.
La cour retient des témoignages de MM. [E], [H] et [C], ainsi que du courrier de M. [V] que l'employeur prouve suffisamment l'usage dont il se prévaut et qui n'a nullement été modifié par sa mention sur les bulletins de paye en 2013 ni par sa ratification dans l'accord du 25 avril 2014.
En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande de rappel d'indemnité d'habillage et de déshabillage, opérations qu'il effectuait sur son temps de travail et qui étaient rémunérées comme temps de travail effectif.
3/ Sur l'assiette de l'indemnité de congés payés
Le salarié soutient que l'employeur a exclu à tort de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés la prime mensuelle d'ancienneté, les primes de panier, les indemnités de repos compensateur au titre des heures supplémentaires ainsi que les indemnités perçues au titre des périodes d'absence assimilées au temps de travail.
Pour justifier de ses calculs, l'employeur produit les journaux de paie récapitulatifs de 2008 à 2012 concernant le salarié et les extraits correspondant du logiciel de paie CCMX ainsi que les tableaux annuels extraits de ce même logiciel qui récapitulent les éléments de rémunération inclus ou exclus de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
3-1/ Sur la prime mensuelle d'ancienneté
L'employeur justifie par les pièces précitées de ce que la prime mensuelle d'ancienneté était bien servie durant les périodes de congés. Dès lors, elle ne participe naturellement pas à l'assiette permettant de calculer l'indemnité de congés payés.
3-2/ Sur les primes de panier
Il est constant que l'employeur versait au salarié une indemnité de repas pour chaque jour travaillé, conformément à l'article 4 de l'annexe III de la convention collective, et que cette prime de panier a varié sur la période considérée, progressivement, de 7,60 € à 8,40 €.
La convention collective dispose à ce titre que :
"Les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale de l'assainissement et de la maintenance industrielle réalisent des travaux sur des chantiers en dehors de leur entreprise en des lieux variant constamment.
Les circonstances et usages de la profession impliquent donc que les ouvriers, qui ne peuvent regagner leur entreprise ou leur résidence, sont obligés de prendre leur repas à l'extérieur, y compris au restaurant.
Afin de compenser les dépenses supplémentaires inhérentes à cette situation, une indemnité de repas est versée aux ouvriers qui, en raison de leur éloignement, ne peuvent, pour déjeuner, regagner leur entreprise ou leur résidence".
À raison de la généralité de la motivation retenue par la convention collective, du caractère forfaitaire de la prime de panier ainsi que de son paiement intervenu de manière continue et sans considération de l'éloignement de tel ou tel chantier, il y a lieu de retenir que cette prime ne correspond pas à un remboursement de frais réellement exposés mais constitue à une gratification motivée par les difficultés d'exercice du métier et qu'ainsi elle doit être incluse dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
La cour retiendra le calcul précis proposé par l'employeur et non discuté en son détail par le salarié qui établit le montant des primes de panier allouées au salarié du 10 avril 2008 au 23 juin 2012 à la somme de 5 743,65 €. Ainsi l'employeur est redevable d'un rappel sur congés payés de 574,36 € outre 57,43 € à titre d'incidence congés payés de ce rappel (puisque l'indemnité de congés payés de l'année n-1 fait partie de l'assiette permettant de calculer celle versée pour l'année n) avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation au bureau de conciliation, concernant les deux sommes.
3-3/ Sur les indemnités de repos compensateur
L'employeur explique qu'il inclut les indemnités afférentes aux repos compensateurs pour heures supplémentaires dans l'assiette de calcul mais qu'il a exclu les indemnités allouées en compensation des repos non pris car ces sommes constituent des dommages et intérêts.
Le salarié n'apporte aucun élément pour contester que l'employeur ait bien effectué cette distinction qui est conforme à la loi et dont le respect est suffisamment établi dès lors au moyen des pièces produites par l'employeur.
Le salarié sera en conséquence débouté de ce chef.
3-4/ Sur l'indemnisation des absences assimilées à du temps de travail
L'employeur soutient encore qu'il a bien inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés les sommes correspondantes à des absences assimilées à du temps de travail comme c'est le cas pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles.
Le salarié ne fait état d'aucune période non-travaillée mais rémunérée et non-prise en compte dans le calcul des congés payés. Il sera dès lors débouté de ce chef.
4/ Sur l'exécution des relations contractuelles et la modification du contrat de travail
Comme il a été dit, il était d'usage dans l'entreprise d'assimiler le temps d'habillage et de déshabillage au temps de travail, en sorte que ni la mention de cette pratique sur les bulletins de paie à partir de 2013, ni sa ratification par les organisations syndicales dans le cadre d'un accord d'entreprise en 2014 ne constituent une modification du contrat de travail et pas plus un manquement à une exécution loyale des relations contractuelles. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef.
5/ Sur le préjudice moral et financier
Se plaignant de la mauvaise foi de l'employeur, le salarié sollicite la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.
Mais en l'espèce la mauvaise foi de l'employeur n'est pas démontrée s'agissant d'une erreur d'interprétation qui pouvait sembler s'autoriser de l'absence de contestation de l'URSSAF et le préjudice du salarié, distinct de celui réparé par les intérêts de retard, n'est pas plus établi.
En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef.
6/ Sur les demandes formées par le syndicat général des transports CFDT 13
Le syndicat sera nécessairement débouté concernant la prime d'habillage et de déshabillage dès lors que l'employeur s'est conformé à la loi en cette matière.
S'agissant du défaut de prise en compte de la prime de panier dans l'assiette du calcul de l'indemnité de congés payés, l'interprétation erronée de la loi effectuée par l'employeur porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés de l'entreprise, et ainsi, le syndicat, qui défend ce dernier, a subi un préjudice qui sera évalué à la somme de 1 000 € compte tenu des éléments de l'espèce qui ont déjà été rappelés.
La demande de réparation étant présentée dans deux dossiers plaidés à la même audience, pour deux salariés, alors que le préjudice dont a souffert le syndicat, tenant à l'atteinte portée à l'intérêt collectif des salariés, est le même dans les deux espèces, il lui sera alloué la somme de 500 € dans chacune afin que l'ensemble se monte à la somme de 1 000 € à laquelle l'entier préjudice vient d'être évalué.
7/ Sur les autres demandes
L'équité commande d'allouer au salarié et au syndicat la somme de 1 000 € chacun au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur supportera les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [C] [X] de sa demande de rappel de prime d'habillage et déshabillage et en ce qu'il a condamné la société SODI aux entiers dépens de première instance.
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'intervention volontaire du syndicat général des transports CFDT 13.
Condamne la société SODI à payer à M. [C] [X] la somme de 574,36 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés outre celle de 57,43 € au titre de l'incidence congés payés de ce rappel, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2013.
Y ajoutant,
Déboute M. [C] [X] de ses autres demandes.
Condamne la société SODI à payer au syndicat général des transports CFDT 13 la somme de 500 € en réparation de son préjudice moral.
Condamne la société SODI à payer à M. [C] [X] et au syndicat général des transports CFDT 13 la somme de 1 000 € chacun au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne la société SODI aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT