COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT SUR REQUETE
DU 28 OCTOBRE 2016
N° 2016/ 792
Rôle N° 16/09165
SCI MAS DU MOULIN VIEUX
C/
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à : Me Pierre LIBERAS
Me Laurence LEVAIQUE
Requête en opposition à arrêt :
Arrêt n° 257 de la 15ème Chambre A de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 18 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/22329.
DEMANDERESSE A LA REQUÊTE
SCI MAS DU MOULIN VIEUX immatriculée au R.C.S. de GRASSE sous le numéro 342 828 373, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté par Me Jean-Pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN / BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Anne-Sophie ROUSSELIN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
DEFENDERRESSE A LA REQUÊTE
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE- ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Renaud ESSNER, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise BEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente
Madame Françoise BEL, Conseiller (rédacteur)
Madame Agnès MOULET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2016,
Signé par Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par jugement d'orientation du 12 mai 2015 le juge de l'exécution a prononcé la nullité de l'engagement hypothécaire souscrit par la SCI Mas du Moulin Vieux contraire à l'objet social de la société et prononcé la nullité de la procédure de saisie immobilière poursuivie par la Caisse d'Epargne.
Il a débouté la société civile immobilière Mas du Moulin Vieux de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement hypothécaire du 25 juin 2009 qui ne fonde pas les présentes poursuites de saisie immobilière.
Il a enfin débouté la société de la demande reconventionnelle en paiement de dommages- intérêts pour abus de saisie et d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Le premier juge a retenu que même si le cautionnement hypothécaire résulte d'une autorisation unanime des associés, antérieure à la signature de l'acte de prêt, qu'il est conforme à l'objet social que ces derniers ont à l'unanimité modifié, que l'existence d'une communauté d'intérêts entre la SCI et les associés cautionnés est réelle, cette conformité n'entraîne qu'une présomption simple d'existence d'intérêt social, susceptible d'être renversée, en démontrant notamment que l'acte de cautionnement souscrit est contraire à son intérêt social, notamment en l'absence d'une contrepartie directe ou indirecte.
Il rappelle que la Cour de Cassation statuant sur le pourvoi inscrit contre un arrêt de cette cour
du 7 décembre 2012 l'a rejeté dans un arrêt du 23 septembre 2014 dans ces termes : 'Mais attendu que n'est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un
associé dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet
statutaire ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble donné en garantie
du prêt consenti par la Caisse à M. X...constituait le seul bien de la SCI, de sorte que cette dernière, qui ne tirait aucun avantage de son engagement, mettait en jeu son existence même..'Il ajoute que cette jurisprudence est transposable à l'espèce, l'immeuble affecté hypothécairement étant le seul bien dont la société est propriétaire; que la société ne tire aucun
avantage de son engagement et met en jeu son existence même, prenant le risque de perdre
l'unique objet de son patrimoine.
Il écarte la discussion concernant la valeur des biens affectés hypothécairement au motif qu'elle
est sans effet sur la validité du cautionnement.
La SCI Mas du Moulin Vieux a fait opposition par acte du 17 mai 2016 à un arrêt prononcé par défaut le 18 mars 2016 par la présente Cour prononçant :
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la SA Caisse d'Epargne justifie d'une créance exigible en vertu du titre exécutoire du 4 février 2011,
Mentionne le montant de la créance du poursuivant à 2.654.254,65 euros, décompte arrêté au 13 janvier 2012 et outre les intérêts postérieurs,
Ordonne la vente forcée,
Dit que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l'article R.334-3 du code des procédures civiles d'exécution complétant l'article R 334-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Renvoie le dossier devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse chargé du service des saisies immobilières, lequel fixera la date de la vente et les modalités de la procédure,
Rejette toute demande autre ou plus ample,
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 14 septembre 2016 par la SCI Mas du Moulin Vieux aux fins de voir la Cour :
Déclarer l'opposition formée par la SCI Mas du Moulin Vieux recevable et bien fondée,
Réformer 1'arrêt rendu par défaut le 18 avril 2016,
Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 12 mai 2015,
Condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur à payer à la SCI Mas du Moulin Vieux la somme de 3.000 € sur le fondement de 1'artic1e 700 du Code de procédure civile, aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Pierre LIBERAS sur son affirmation de droit.
La société soutient que :
- l'acte de cautionnement n'entre pas dans l'objet social même s'il a été autorisé par une délibération de l'assemblée générale des associés du 25 juin 2009,
- il est contraire à l' intérêt social en ce qu'il porte sur le seul bien immobilier de la société car il est de nature à compromettre l'existence même de la société en la contraignant à réaliser un bien pour s'acquitter de ses obligations, en ce que la société n' a retiré aucune contrepartie directe ou indirecte de la garantie et cette garantie grève lourdement son patrimoine qui n'est constitué que d'un seul immeuble.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 27 juillet 2017 par la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur tendant à voir la Cour
Réformer le jugement dont appel
Constater que la Caisse d'Epargne dispose d'une créance exigible en vertu du titre exécutoire du 04 février 2011, d'un montant de 2.654.254,65 euros, décompte arrêté au 13 janvier 2012 et outre intérêts postérieurs.
Renvoyer le dossier de la procédure au juge de l'exécution en vue de la taxation des frais de poursuites et de la fixation de la date d'audience à laquelle l'affaire sera rappelée conformément aux dispositions de l'article L 322-21 du Code des procédures civiles d'exécution.
En conséquence,
Constater que la présente procédure conforme aux articles L 311-2 et L 311-4, L 311-6 du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu les articles R 322-4 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution ,
Ordonner la vente forcée et en fixer la date.
Dire et juger que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l'article R.334-3 du Code des procédures civiles d'exécution complétant l'article R 334-2 du code des procédures civiles d'exécution,
Subsidiairement statuer sur l'autorisation de vente amiable présentée par les débiteurs saisis.
Plus subsidiairement encore, en cas d'autorisation de vente amiable, voir fixer le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché et aux conditions particulières de la vente dont s'agit et énumérer les diligences qui devront être accomplies par le propriétaire,
Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente dont distraction au profit de la SCP Agnès ERMENEUX - LEVAIQUE- ARNAUD &ASSOCIES,
La Caisse d'Epargne réplique que :
- le cautionnement entre dans l'objet social modifié par délibération de l'assemblée générale des associés du 25 juin 2009 en introduisant la possibilité de se porter caution hypothécaire au profit de ses associés,
- il est conforme à l'intérêt social, emportant de facto la conformité à l'intérêt social ; que contrairement au motif retenu par le premier juge, la valeur du bien ne peut être occultée, l' intérêt social s'appréciant, lorsque le bien donné en garantie constitue l'actif unique de la société à la lecture de la valeur du bien et le montant du cautionnement ; que la mise enjeu de la garantie n'entraînerait pas la réalisation de son entier patrimoine, la société pouvant réinvestir les sommes lui revenant de la vente, conformément à son objet social,
Vu l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2016,
MOTIFS
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
La pièce datée du 20 septembre 2016 communiquée par la Caisse d'Epargne est déclarée d'office irrecevable par application de l'article R322-15 du Code des procédures civiles d'exécution, après que les parties ont été invitées à présenter leurs observations.
L'arrêt par défaut prononcé le 18 mars 2016 est rétracté.
1. L'objet social :
Il ne peut être sérieusement contesté par la SCI Mas du Moulin Vieux que l'acte de cautionnement entre dans l'objet social de la société par suite de la modification de cet objet par délibération à l'unanimité de l' assemblée générale des associés du 25 juin 2009 qui a introduit la possibilité de se porter caution hypothécaire au profit de ses associés, ce qu'elle reconnaît en page 4 de ses dernières conclusions (Pièce 2 intimés), de sorte que l'acte de cautionnement consenti par la SCI le 4 février 2011de l'engagement de Monsieur et Madame [K] ses associés unis d'intérêts avec la société, souscrit auprès de la Caisse d'Epargne , entre bien dans l'objet social de cette société.
2. L'intérêt social :
La Caisse d'Epargne soutient vainement que la conformité à l'objet social emporte de facto la conformité à l'intérêt social, alors que le cautionnement même accordé par le consentement unanime des associés n'est pas valide s'il est contraire à l'intérêt social.(Cass. 3 ème Civ. 12 septembre 2012)
Pour combattre les motifs du premier juge la Caisse d'Epargne fait valoir que l'intérêt social s'apprécie lorsque le bien donné en garantie constitue l'actif unique de la société à la lecture de la valeur du bien et le montant du cautionnement.
La SCI Mas du Moulin Vieux réplique que la conformité à l' intérêt social exige notamment l'existence d'une contrepartie pour la SCI, que cette garantie grève lourdement son patrimoine qui n'est constitué que d'un seul immeuble, que la circonstance que le montant de la garantie soit inférieur à la valeur de l'immeuble, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, est totalement inopérante.
Si le consentement unanime des associés est requis pour la validité de l'acte, ce qui est le cas en l'espèce, l'acte ne doit pas être contraire à l'intérêt social en ce que l'acte ne doit pas être de nature à compromettre l'existence même de la société , au delà d'une absence de contrepartie.
En effet, l'absence de contrepartie pour la société n'est pas suffisante pour conduire à l'annulation de l'acte dans la mesure où l'opération n'expose pas la société à une disparition totale, au risque donc de l'existence même de la société garante.
Pour vérifier si l'existence même de la société était compromise, il convenait de rechercher si la réalisation du seul bien immobilier de cette société pour rembourser la dette personnelle des associés conduisait à la disparition totale du patrimoine social.
En l'espèce la Caisse d'Epargne justifie, sans être contredite utilement par la société qui n'offre pas d'apporter la preuve contraire, par des éléments chiffrés produits aux débats résultant d'une évaluation du bien immobilier donné en garantie, s'élevant à 3.241.622,29 euros en date du 2 mars 2006, actualisée au mois de mai 2010 à une date proche de la date de l'engagement de caution, que la valeur du bien s'élevait à 4.009.946,74 euros.
L'engagement de caution s'élevant au montant emprunté soit 2.259. 953,84 euros, en principal, frais et accessoires, la mise en jeu de la garantie n'entraîne pas la disparition totale du patrimoine social, la société pouvant réinvestir les sommes lui revenant de la vente, conformément à son objet social.
Il en résulte que le jugement dont appel est infirmé.
La SA Caisse d'Epargne justifie d'une créance exigible en vertu du titre exécutoire du 4 février 2011,
La créance du créancier poursuivant est mentionnée pour le montant de 2.654.254,65 euros, décompte arrêté au 13 janvier 2012 et outre les intérêts postérieurs.
La vente forcée est ordonnée.
L'affaire est renvoyée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse en charge des saisies immobilières pour la poursuite de la procédure.
La Cour , qui n'est pas juge de l'exécution, n'a pas a prononcer sur les différentes demandes qui doivent être présentées au juge de l'exécution.
Les dépens ne seront pas employés en frais privilégiés de vente, les frais taxés étant versés directement par l'acquéreur en sus du prix de vente par application de l'article R322-24 du Code des procédures civiles d'exécution.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable la pièce datée du 20 septembre 2016 communiquée par la SA Caisse d'Epargne,
Rétracte l'arrêt par défaut prononcé le 18 mars 2016,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la SA Caisse d'Epargne justifie d'une créance exigible en vertu du titre exécutoire du 4 février 2011,
Mentionne le montant retenu de la créance du poursuivant contre la SCI Mas du Moulin Vieux pour le montant de 2.654.254,65 euros, décompte arrêté au 13 janvier 2012 et outre les intérêts postérieurs,
Ordonne la vente forcée,
Renvoie la cause devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse en charge des saisies immobilières pour la poursuite de la procédure,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande,
Rejette toute demande autre ou plus ample,
Condamne la SCI Mas du Moulin Vieux aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
LE GREFFIERLE PRESIDENT