COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 03 NOVEMBRE 2016
N°2016/733
SP
Rôle N° 15/00944
[W] [X]
C/
SAS LE MERIDIEN
Grosse délivrée le :
à :
Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE
Me Olivier ANGOTTI, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section C - en date du 15 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 09/751.
APPELANT
Monsieur [W] [X], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SAS LE MERIDIEN, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Olivier ANGOTTI, avocat au barreau de PARIS
([Adresse 3])
substitué par Me Isabelle PONTAL, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016
Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [W] [X] expose qu'il a eu une carrière d'expatrié en qualité de chef de cuisine, au service des Hôtels [Établissement 1] en Afrique et qu'il a ainsi travaillé :
'du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire)
'du 1 mars 1981 au 31 mai 1983 à [Localité 2] (Cameroun)
'du 26 juillet 1983 au 12 juin 1984 à [Localité 3] (Rwanda)
'du 10 août 1984 au 14 septembre 1985 à [Localité 4] (Soudan).
Il indique que lorsqu'il a sollicité ses organismes de retraite, il a constaté qu'il n'avait pas été déclaré aux caisses de retraite françaises.
Monsieur [X] a saisi le 25 novembre 2009 le conseil des prud'hommes de Cannes, lequel par jugement mixte de départage du 15 mai 2012, a :
donné acte à la société Méridien SAS que Monsieur [X] était son salarié pour la période d'expatriation en Côte d'Ivoire du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977
enjoint à la société Méridien de procéder à la régularisation de la situation au regard des caisses de retraite française auxquelles ses salariés étaient affiliés, tant pour le régime général que pour les régimes complémentaires
dit que la société Méridien SAS devra en justifier à l'audience du 23 octobre 2012, à laquelle la réouverture des débats est ordonnée
dit n'y avoir lieu en état d'ordonner une astreinte
enjoint à Monsieur [X] de calculer son préjudice éventuel et d'en justifier à cette audience
ordonné l'exécution provisoire
débouté Monsieur [X] de ses prétentions au titre des autres contrats de travail
sursis à statuer sur l'article 700 et les dépens.
Monsieur [X] à qui le jugement a été notifié le 5 juin 2012, a interjeté appel le 18 juin 2012.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [X] appelant, demande à la cour de :
- condamner l'employeur à régulariser les cotisations auprès du régime de base de la CRAM ainsi qu'auprès du régime de l'Agirc sous astreinte de 150 € par jour de retard et subsidiairement, auprès du régime de l'Arrco
- dire qu'à défaut d'avoir présenté dans un délai de 2 mois un tel calcul, avec justification, une astreinte plus coercitive de 500 € par jour de retard sera instituée
- condamner d'ores et déjà l'employeur à payer la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et dire que cette somme sera nette de CSG et de CRDS
- dire que les sommes réclamées découlent du contrat de travail et qu'elles sont exclues en conséquence de l'article 10 du tarif des huissiers résultant du décret du 8 mars 2001
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
À cet effet, Monsieur [X] soutient que les différentes pièces qu'il verse aux débats au titre des périodes litigieuses démontrent que la société des hôtels Méridien était son co employeur, étant intervenue pour l'embauche, pour la remise d'instruction, etc. ; qu'il résulte d'une série d'arrêts concernant les anciens employés de la société Méridien rendues par la 18echambre D de cour d'appel de Paris le 18 novembre 2008, que le versement de cotisations régime vieillesse des pays d'accueil, si tant est qu'il soit prouvé, ne pouvait exonérer le Méridien de son obligation de maintenir le bénéfice pour le salarié du régime de base français de retraite, et que la réalité du préjudice est avérée dès lors que cette carence a une incidence sur le montant de la pension de retraite servie.
L'appelant soutient que le co employeur est celui qui intervient sur des points majeurs des relations de travail telles que l'embauche, l'appréciation de la notation, la remise d'instruction et les demandes de comptes rendus ; que le critère juridique du lien de subordination est suffisant pour caractériser le co emploi.
Monsieur [X] ajoute qu'il avait la qualité de chef de cuisine et le statut de cadre, de sorte qu'il demande que sa situation soit reconstituée auprès du régime de base de la CRAM ainsi qu'au titre du régime de l'Agirc, et subsidiairement de l'Arrco.
En ce qui concerne le préjudice, l'appelant soutient n'être pas en possession des éléments qui lui permettraient de pouvoir calculer ses droits à retraite auprès des régimes concernés ; que ces éléments sont en possession de l'employeur qui ne fournit aucun élément aux débats.
La société Méridien SAS , intimée, demande à la cour de prendre acte des paiements réalisés par elle au profit de Monsieur [X] pour sa période d'activité en Côte d'Ivoire auprès de la caisse de retraite complémentaire, de prendre acte de l'impossibilité de verser les cotisations de retraite de base compte-tenu des dispositions de l'article R742-32 du code du travail, de juger que Monsieur [X] n'a jamais été salarié de la société Méridien et que celle-ci n'a pas été placée en situation de co emploi à son égard. L'intimée sollicite le rejet de l'ensemble des demandes formées par Monsieur [X] à l'exception de la période pendant laquelle celui-ci a été salarié de la succursale ivoirienne, et sa condamnation à payer, outre les entiers dépens, la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A cet effet, la société Méridien soutient que lors de la phase initiale de son développement au cours des années 1950'1960, la société des Hôtels Méridien était le plus souvent propriétaire des hôtels qu'elle gérait elle-même, en France et à l'étranger ; qu'ensuite, elle a cessé d'être propriétaire de la plupart des établissements hôteliers pour en transférer la gestion à Méridien gestion SA puis, Méridien Sa et aujourd'hui Méridien SAS ; que la société Méridien SAS qui n'est pas propriétaire des hôtels de la chaîne Le Méridien, apporte son savoir-faire à chacune des compagnies propriétaire des hôtels à travers le monde en concluant avec elle des contrats de gestion parfois dénommés « contrat de management » ; que ces contrats comportent non seulement des activités occasionnelles de conseil, dans la phase de réalisation et de lancement de nouvelles hôtels, mais encore ont pour objet de lui déléguer la gestion de l'établissement ; qu'en contrepartie, chaque compagnie propriétaire verse des redevances ; qu'en marge de ces contrats, la société Méridien SAS se charge de centraliser, dans le cadre d'un « marché international de l'emploi Méridien » (MIEM)les offres d'emploi que proposent les compagnies propriétaires pour des postes autres que des postes de direction générale ; que cette bourse de l'emploi permet aux salariés recrutés directement par les hôtels de savoir quels sont les postes disponibles dans d'autres hôtels de l'enseigne, et de poursuivre ainsi leur carrière dans un autre pays sans qu'il existe pour autant une relation de travail salarié avec la société SAS Méridien; que dans ce cadre, Monsieur [X] a conclu des contrats de travail soumis au droit local avec des compagnies propriétaires exploitant l'enseigne Le Méridien à l'étranger.
L'intimée soutient que selon la jurisprudence de la Cour de cassation le fait qu'une société française intervienne dans la gestion des expatriés du groupe auquel elle appartient, en adressant par exemple des propositions de mutation, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un lien de subordination permanent.
La société Méridien SAS affirme avoir exécuté le jugement qui lui avait enjoint de procéder à la régularisation de la situation pour la période 6 mai 1974'21 juillet 1977, et soutient qu'elle a rapporté cette preuve lors de l'audience du 23 octobre 2012 à laquelle Monsieur [X] n'était ni présent ni assisté ; que concernant la régularisation des cotisations de retraite de base, elle s'est toutefois heurtée à une impossibilité de régularisation dans la mesure où les demandes doivent être formées dans un délai de 10 ans à compter du premier jour de l'exercice de l'activité à l'étranger selon l'article L742'2 du code de la sécurité sociale.
L'intimée ajoute que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que Monsieur [X] ne pouvait être considéré comme salarié ou co salarié de la société Méridien dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de droit entre lui et cette société ; que c'est l'absence d'exercice qui plus est permanent, du lien de subordination, doublée de la conclusion d'un contrat avec une autre entité juridique distincte, la société propriétaire de l'hôtel, qui font obstacle aux prétentions de Monsieur [X].
En ce qui concerne la notion de co emploi, l'intimée soutient que les sociétés qui l'ont recruté localement sont indépendantes et n'appartiennent pas au même groupe que la société Méridien SAS, à l'exception de la succursale ivoirienne ; que selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une situation de co emploi ne peut être retenue que si un lien de subordination est caractérisé ; que les premiers juges ont justement relevé que Monsieur [X] n'établissait pas l'existence d'un quelconque lien de subordination avec la société Méridien et la société employeur.
La société Méridien SAS soutient enfin qu'au titre de ces différents contrats, M. [X] était soumis à la législation sociale et affilié au régime de protection sociale applicable dans les différents pays où il a travaillé ; que les compagnies propriétaire étaient libres de faire bénéficier le personnel de nationalité française qu'elles recrutaient directement, des avantages sociaux additionnels plus favorables que le régime de protection sociale locale ; que Monsieur [X] ne saurait demander à ce que la société Méridien, avec laquelle il n'a jamais eu le moindre lien contractuel, soit condamnée à régulariser les cotisations du régime de base Agirc et Arrco ; que c'est à celui qui invoque l'existence d'un préjudice de prouver tant l'existence d'une faute, que d'un lien de causalité et d'un préjudice ; que l'intéressé a en sa possession tous les bulletins de salaire qui lui permettraient de calculer s'il le souhaitait le préjudice qu'il allègue ; qu'il n'appartient pas à la société Méridien de se substituer à lui.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE
Sur les demandes au titre de la période d'expatriation en Côte d'Ivoire du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977
Le conseil de prud'hommes a :
donné acte à la société Méridien SAS que Monsieur [X] était son salarié pour la période d'expatriation en Côte d'Ivoire du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977
enjoint à la société Méridien de procéder à la régularisation de la situation au regard des caisses de retraite française auxquelles ses salariés étaient affiliés, tant pour le régime général que pour les régimes complémentaires
dit que la société Méridien SAS devra en justifier à l'audience du 23 octobre 2012, à laquelle la réouverture des débats est ordonnée.
La société Méridien qui demande seulement à la cour de prendre acte des paiements réalisés par elle au profit de Monsieur [X] pour sa période d'activité en Côte d'Ivoire auprès de la caisse de retraite complémentaire, et de prendre acte de l'impossibilité de verser les cotisations de retraite de base compte-tenu des dispositions de l'article R742-32 du code du travail, ne demande pas la réformation du jugement de première instance, et ne conteste donc pas l'obligation d'avoir à procéder à la régularisation la situation de M. [X] vis-à-vis des caisses de retraite française. En tout état de cause Monsieur [X] verse aux débats le contrat de travail à durée déterminée (pièce numéro 2) souscrit entre la société des Hôtels Méridien et lui-même le 22 mai 1974 pour exercer les fonctions de chef de cuisine en côte d'ivoire et en particulier à [Localité 1], ainsi que sa prorogation par avenant du 18 août 1976 (pièce n°3).
Sur la régularisation auprès de la caisse de retraite complémentaire
La société Méridien verse aux débats un courriel adressé par « contre.expatries@novalistaitbout.com » du groupe Humanis ayant pour objet « NTI CRE IRCAFEX M64 LE MERIDIEN CONFIRMATION DE RECEPTION DES FONDS EXPROPRIATION MR [W] [X] », en ces termes « bonjour Madame Pontal, nous faisons suite à votre demande du 20 octobre 2012. Nous vous confirmons la bonne réception des fonds relatifs à la période d'expatriation de Monsieur [W] [X] sous couvert du mandataire le Méridien. (')
Mademoiselle [I] [I]
direction activité internationale retraite internationale »
Monsieur [X] qui ne conteste pas avoir eu une communication régulière de cette pièce, ne répond pas à la société intimée, et ne prétend pas que cette pièce serait insuffisante à justifier de la régularisation de la situation en ce qui concerne le régime complémentaire. Il y a lieu dès lors de juger que la régularisation demandée a bel et bien eu lieu de ce chef.
Sur l'impossibilité de régularisation en ce qui concerne le régime de base
La société Méridien prétend, s'agissant de la régularisation des cotisations de retraite de base, s'être heurtée à une impossibilité de régularisation dans la mesure où les demandes doivent être formées « dans un délai de 10 ans à compter du premier jour de l'exercice de leur activité à l'étranger » selon l'article L742'2 du code de la sécurité sociale.
L'intimée verse aux débats un courrier daté du 15 octobre 2012 établi par « l'assurance retraite Île-de-France sécurité sociale » à l'attention de maître Pontal en ces termes « maître, en réponse à votre courriel du 11 octobre 2012, je vous informe que vous n'avez aucune possibilité de régulariser la situation de Monsieur [X] au titre du régime général. En effet l'assuré ayant une activité hors de France, il aurait dû cotiser auprès de la CFE (régime de base + complémentaire) à l'époque. Il n'y a pas de possibilité de régularisation auprès de la CFE, il s'agit d'un organisme (comme l'URSSAF) qui perçoit les cotisations au moment des faits donc pas de rachat ni de rétablissement. Normalement une activité à l'étranger peut faire l'objet d'un rachat de cotisations auprès de la caisse vieillesse (loi du 10 juillet 1965) or suite à une modification de 2010 à compter du 1er janvier 2011, toute demande de rachat déposée plus de 10 ans après le retour en France doit faire l'objet d'un rejet. Dans votre cas l'assuré étant revenu au plus tard en 1985-1986 il ne peut bénéficier de ce rachat. Pour votre information les cotisations arriérées, concernent uniquement les activités effectuées sur le territoire français (métropole+dom). En ce qui concerne les versements pour la retraite la période demandée n'est ni une période d'études ni une période incomplète (aucun report au régime général), de plus l'assuré ne doit pas être retraité pour en bénéficier. En ce qui vous concerne, vous pouvez déposer, avec une procuration de l'assuré, une demande de rachat (loi 65) auprès de la CARSAT de Marseille afin qu'elle puisse vous faire un rejet ».
Par cette pièce, la société Méridien justifie de l'impossibilité légale à laquelle elle se heurte, impossibilité qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par Monsieur [X].
L'absence de cotisation par la société Méridien au régime général de base, lorsque l'intéressé travaillait pour une succursale de cette société en Côte d'ivoire, cause un préjudice financier à Monsieur [X] puisqu'il est indûment privé de sa retraite de base pour cette période.
Aucune des parties ne propose à la cour de calcul précis du manque-à-gagner subi par l'appelant. En particulier ne sont pas produits aux débats les taux de cotisation, et le montant des pensions auquel ses cotisations permettent de donner droit.
En considération de l'emploi occupé à la période litigieuse, à savoir « chef de cuisine , du montant contractuel de la rémunération pendant cette période d'activité telle qu'il apparaît sur le contrat de travail et sur le bulletin de changement de situation élevant le salaire au 1er janvier 1976 à 4000 FF (pièce numéro 4), et de la durée de l'emploi 4 ans et 2 mois et demi, la cour dispose des éléments pour fixer le préjudice à la somme de 6 000 €.
Sur les demandes au titre des 3 autres périodes d'expatriation
Il est constant que pour chacune des périodes litigeuses, M. [X] a conclu un contrat de travail avec la société locale pour laquelle il a travaillé (successivement la société camerounaise Doual'air société d'exploitation commerciale de l'aérogare [Localité 2], la société Soprotel exploitant l'hôtel [Établissement 2] au Rwanda, et la société Hôtel [Établissement 3] au Soudan). En tout état de cause, M. [X] n'est pas en mesure de produire un contrat de travail avec la Société des hôtels Méridien afférent aux périodes litigieuses.
Il appartient à Monsieur [X] qui considère que la société Méridien SAS était son employeur durant la durée de son activité professionnelle dans les différents hôtels exploités sous l'enseigne « Le Méridien », ou tout au moins qu'elle était son co employeur avec les différentes compagnies propriétaire des hôtels, de rapporter la preuve du lien contractuel ou en tout cas de l'existence d'un co emploi.
La relation travail implique un lien de subordination se caractérisant par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'un co emploi résulte, hors l'existence d'un lien de subordination, d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre plusieurs entités se manifestant par l'immixtion de l'une dans la gestion économique, financière, et sociale de l'autre, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un lien de subordination entre l'entité recherchée comme co employeur et le salarié.
M. [X] produit les pièces suivantes :
'lettre de promesse d'embauche de Monsieur [X] par l'hôtel [Établissement 4] du 1er juin 1983, pour exercer le poste de chef de cuisine à l'hôtel [Établissement 4], lettre émise de [Localité 5], signée du directeur de l'hôtel [Établissement 4]
'certificat de travail du 12 juin 1984 aux termes duquel le directeur général de l'hôtel [Établissement 2] certifie que Monsieur [X] a été employé dans son établissement en qualité de chef cuisinier du 26 juillet 1983 au 12 juin 1984 et qu'il quitte l'établissement « libre de tout engagement ». Ce certificat porte le logo Méridien, et la mention « les hôtels d'Air France dans le monde »
'lettre du 29 février 1984, portant les mêmes caractéristiques, par laquelle le directeur général de l'hôtel [Établissement 4] informe Monsieur [X] d'une augmentation de salaire qui s'élèvera désormais à 8800 FF mensuels
'avis de changement de situation au 1er janvier 1984 de modification de salaire portant le logo « M », et l'indication que la dernière promotion de Monsieur [X] actuellement à l'hôtel [Établissement 4], date de juillet 1983 à l'hôtel [Établissement 5], avis signé et approuvé par Monsieur [J]
'bulletins de salaire d'aout1983 à avril 1984 émanant de l'hôtel [Établissement 4]
'le contrat de travail entre Soprotel [Localité 3] représentée par la société des hôtels Méridien, elle-même représentée par Monsieur [B] son directeur et Monsieur [X] à durée indéterminée pour exercer la fonction de chef de cuisine à [Localité 3], contrat en date du 26 juillet 1983
'contrat de service pour expatriés au Soudan entre Méridien hôtel [Localité 4] et Monsieur [X] mentionnant une affiliation à la caisse de retraite des expatriés en France
'un certificat de travail du 10 août 1984 au 14 septembre 1985 par la direction générale hôtel [Établissement 3] pour les fonctions de chef cuisinier de Monsieur [W] [X]
'copie des bulletins de salaire émis par l'hôtel [Établissement 3] au bénéfice de Monsieur [X]
'contrat de travail, émis de [Localité 2], entre la société d'exploitation commerciale de l'aérogare [Localité 2] et Monsieur [X] pour exercer l'emploi de chef de cuisine à [Localité 2] au Cameroun, daté du 19 janvier 1981
'courrier du 29 décembre 1983 émanant de la société d'exploitation commerciale de l'aérogare [Localité 2] à Monsieur [X] du 29 décembre 2003 pour lui transmettre des bulletins de salaire d'octobre 1982 avril 83
'attestation portant le logo « Méridien » « les hôtels Air France dans le monde » émanant de « Monsieur [J] directeur recrutement et carrière de la société des hôtels Méridien », certifiant que Monsieur [X] a été employé à la Doual'air en qualité de chef de cuisine du 1er mars 1981 au 31 mai 1983. Ce certificat est établi à [Localité 5] et porte la date du 8 juin 1983
'certificat de travail établi par le directeur de la société Doual'air certifiant que Monsieur [X] a été employé dans l'établissement du 1er mars 981 au 31 mai 1983 et qu'il quitte l'établissement « libre de tout engagement pour une autre affectation au sein de la chaîne des hôtels [Établissement 6] »
'bulletins de salaire émis par la société d'exploitation commerciale de l'aérogare [Localité 2]
'document émanant du département du personnel de la société Méridien, les hôtels d'Air France, diffusé notamment à [Localité 3] et à [Localité 2] et Doual'air pour les aviser de la modification du plafond de sécurité sociale et du taux de cotisation pour les avantages sociaux cadre et expatriés, portant une mention de réception par l'hôtel [Établissement 3] le 9 juillet 1985
'les résultats de Monsieur [X] d'analyses médicales réalisées par le laboratoire d'Air France le 4 juillet 1984 (à cette date M. [X] vient de terminer son contrat à [Localité 3] et s'apprête à rejoindre[Localité 4])
Il s'évince de ces documents que Monsieur [J], alors directeur recrutement et carrière de la Société des hôtels Méridien a signé et approuvé les documents suivants :
-avis de changement de situation au 1er janvier 1984 notifiant une augmentation de salaire et portant l'indication que la dernière promotion de Monsieur [X] actuellement à l'hôtel [Établissement 4], date de juillet 1983 à l'hôtel [Établissement 5]
-certificat de travail de Monsieur [X] à la Doual'air en qualité de chef de cuisine du 1er mars 1981 au 31 mai 1983
Il ressort en outre des pièces produites par M. [X] que l'immixtion de la société des Hôtels Méridiens dans la gestion sociale des hôtels [Établissement 6] à travers le monde, va jusqu'à :
la représentation de l'employeur dans les contrats de travail
l'établissement et la diffusion à ceux-ci et en particulier à ceux de [Localité 3] et [Localité 2], d'instruction pour les aviser des modifications de la législation française de sécurité sociale,
l'organisation par Air France de visite médicale.
La société Méridien SAS qui soutient qu'elle apportait seulement son savoir-faire à chacune des compagnies propriétaire des hôtels à travers le monde en concluant avec elle des contrats de gestion parfois dénommés « contrat de management » s'abstient de produire aux débats d'une part un exemplaire de ces contrats, et d'autre part, les liens capitalistiques précis existants entre d'une part la société des hôtels Méridien, et chacun des hôtels, dont elle admet pourtant qu'à l'origine elle était bien la propriétaire.
Il s'évince de ses propres écritures oralement reprises, que la société à l'origine dénommée société des hôtels Méridien, est propriétaire de la marque, et anime un réseau allant jusqu'à organiser « une bourse de l'emploi » permettant aux salariés de changer d'affectation et de poursuivre « leur carrière ».
Il résulte en outre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendue le 18 novembre 2008, versé aux débats par la société Méridien, que Monsieur [D], salarié concerné par ce litige, avait été engagé en janvier 1981 à durée indéterminée par la société des hôtels Méridien, en qualité de « directeur général d'hôtels pouvant être affecté tant en France qu'à l'étranger ».
Il en ressort que la société des hôtels Méridien, devenue la société Méridien SAS, concluait avec les compagnies propriétaires d'hôtel à l'étranger, des contrats qui prévoyaient la mise à disposition du personnel de direction qu'elle recrutait elle-même.
Dans ses conclusions oralement reprises, la société Méridien expose d'ailleurs qu'en contrepartie de cette mise à disposition de savoir-faire, elle percevait des redevances.Elle expose également que l'objet de la société Méridien SAS, est la gestiondes établissements hôteliers [Établissement 6] à l'étranger (cf. page 3 des conclusions oralement reprises « suivant une évolution qu'ont connue d'autres groupes hôteliers, la société des hôtels Méridien a cessé d'être propriétaire de la plupart des établissements hôteliers pour en transférer la gestion à Méridien gestion SA puis de Méridien SA et enfin aujourd'hui à Méridien SAS »)
Ces éléments sont de nature à démontrer la confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre la société des hôtels Méridien et les hôtels [Établissement 6] à l'étranger, se manifestant par l'immixtion de l'une dans la gestion économique, financière, et sociale des autres.
La société Méridien SAS qui ne verse aucun élément pour renseigner la cour sur l'exacte nature et l'ampleur des relations entre elle et les hôtels à l'enseigne Méridien, notamment sur les aspects économiques et financiers, documents qu'elle est la seule à détenir, ne combat pas les éléments apportés par M. [X].
La cour retient en conséquence l'existence d'un co emploi.
La société Méridien a d'ores et déjà établi que la régularisation, s'agissant du régime de retraite de base, était impossible. Dès lors elle sera condamnée sous astreinte, selon détail précisé au dispositif, à régulariser la situation de Monsieur [W] [X] pour le régime complémentaire seulement.
L'absence de cotisation par la société Méridien au régime général de base, lorsque l'intéressé a travaillé successivement à [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4], cause un préjudice financier à Monsieur [X] puisqu'il est indûment privé de sa retraite de base pour ces périodes.
Aucune des parties ne propose à la cour de calcul précis du manque-à-gagner subi par l'appelant.
En considération de l'emploi occupé aux périodes litigieuses, à savoir « chef de cuisine », du montant contractuel de la rémunération pendant ces périodes d'activité, et de la durée de ces emplois la cour dispose des éléments pour fixer le préjudice subi à la somme de 12 000 €.
Sur les autres demandes de M. [X]
S'agissant des condamnations à des dommages et intérêts, la cour rappelle qu'elles sont exonérées de CSG et de CRDS dans la limite et les conditions légales.
S'agissant en outre de créances nées de l'exécution du contrat de travail, le droit proportionnel de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 n'est pas du.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [X] la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la présente procédure. La société Méridien sera condamnée à lui régler la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.
Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formée de ce même chef par la société intimée.
Succombant, la société Méridien SAS supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit M. [W] [X] en son appel,
Sur le fond,
Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Cannes sauf en ce qu'il a donné acte à la société Méridien SAS que Monsieur [X] était son salarié pour la période d'expatriation en Côte d'Ivoire du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977
Statuant à nouveau sur les chefs réformés,
Prend acte des paiements réalisés par la société Méridien SAS au profit de Monsieur [X] pour sa période d'activité en Côte d'Ivoire auprès de la caisse de retraite complémentaire
Prend acte de l'impossibilité de verser les cotisations de retraite de base compte-tenu des dispositions règlementaires
Condamne la société Méridien SAS à payer à M. [W] [X] la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner résultant de l'absence de cotisation au régime retraite de base pour la période de travail à [Localité 1] soit du 6 mai 1974 au 21 juillet 1977, et celle de 12 000 € pour le manque à gagner résultant de l'absence de cotisation au régime retraite de base pour les périodes de travail du 1 mars 1981 au 31 mai 1983, du 26 juillet 1983 au 12 juin 1984, et du 10 août 1984 au 14 septembre 1985
Rappelle que s'agissant de condamnations à des dommages et intérêts, celles-ci sont exonérées de CSG et de CRDS dans la limite et les conditions légales, et que s'agissant de créances nées de l'exécution du contrat de travail, le droit proportionnel de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 n'est pas du
Condamne la société Méridien SAS à régulariser les cotisations auprès du régime complémentaire sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt, au bénéfice de M. [W] [X] pour les périodes suivantes :
'du 1 mars 1981 au 31 mai 1983
'du 26 juillet 1983 au 12 juin 1984
'du 10 août 1984 au 14 septembre 1985
Condamne la société Meriden SAS à payer à M. [W] [X] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Meriden SAS aux dépens de première instance et d'appel
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER Madame Sophie PISTRE, Conseiller,
pour le président empêché