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03/11/2016 | FRANCE | N°15/06485

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 03 novembre 2016, 15/06485


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2016



N° 2016/ 390













Rôle N° 15/06485







SA GAN ASSURANCES

SCI SCI LES ARDENNES





C/



[G] [T]

Commune VILLE [Localité 1]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARI TIMES

Mutuelle MUTUELLES DU SOLEIL

Compagnie d'assurances GENERALI











Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-rémy DRUJON D'ASTROS



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



Me Romain CHERFILS



Me Vincent PINATEL























Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Février 2015 enregistré au répertoire ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2016

N° 2016/ 390

Rôle N° 15/06485

SA GAN ASSURANCES

SCI SCI LES ARDENNES

C/

[G] [T]

Commune VILLE [Localité 1]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARI TIMES

Mutuelle MUTUELLES DU SOLEIL

Compagnie d'assurances GENERALI

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-rémy DRUJON D'ASTROS

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Romain CHERFILS

Me Vincent PINATEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/05619.

APPELANTES

SA GAN ASSURANCES

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Jean-rémy DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Bénédicte PEIGNE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SCI SCI LES ARDENNES

dont le siège social est : [Adresse 2]

représentée par Me Jean-rémy DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Bénédicte PEIGNE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [G] [T]

numéro de sécurité sociale 2 56 06 599 056 40

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Audrey AYALA DUFOUR, avocat au barreau de GRASSE

Commune VILLE [Localité 1] représentée par son Maire en exercice

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-Jacques ISRAEL, avocat au barreau de PARIS

CPAM DES ALPES MARI TIMES,

dont le siège social est : [Adresse 5]

Représentée par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Mutuelle MUTUELLES DU SOLEIL

dont le siège social est [Adresse 6]

[Localité 3]

défaillante

Compagnie d'assurances GENERALI,

dont le siège social est : [Adresse 7]

représentée par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE substituée par Me Alexandre MAGAUD, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 4 juillet 2007 un feu a pris naissance dans le quartier des Semboules à [Localité 1] et s'est propagé en direction du centre-ville au niveau du quartier des Terriers ; Mme [G] [T] qui travaillait en tant que salariée dans le garage Dépannage du Golfe, exploité par son conjoint, a été partiellement brûlée.

Elle a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 12 janvier 2009, confirmée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 novembre 2009, a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur [E].

L'expert a déposé son rapport le 23 juin 2011.

Par actes des 15, 18, 19 et 22 octobre 2012 Mme [T] a fait assigner la SCI Les Ardennes, propriétaire du terrain jouxtant celui sur lequel se trouvait le garage Dépannage du Golf, l'assureur de celle-ci, la société Gan Assurances Iard (société Gan), la ville [Localité 1], propriétaire du terrain sur lequel le feu serait parti et la société Generali Iard devant le tribunal de grande instance de Grasse, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes (Cpam) et de la mutuelle Mutuelles du soleil, prises en leur qualité de tiers payeur, pour obtenir la désignation d'un nouvel expert.

Par jugement du 2 février 2015, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction, au visa des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil, a :

- mis hors de cause la commune [Localité 1], la mutuelle Mutuelles du soleil et la société Generali Iard,

- débouté la commune [Localité 1] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré la SCI Les Ardennes entièrement responsable du préjudice subi par Mme [T],

- condamné en conséquence in solidum la SCI Les Ardennes et la société Gan à réparer intégralement ce préjudice,

- ordonné une nouvelle expertise médicale de la victime et commis à cet effet le docteur [Q] [X],

- condamné la SCI Les Ardennes aux dépens supportés par la commune [Localité 1] avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- réservé toutes autres demandes des parties et les autres dépens.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré, d'une part, sur l'action engagée par Mme [T], que la SCI Les Ardennes n'avait pas rempli son obligation de débroussailler sa parcelle de terrain, contrevenant ainsi à l'arrêté préfectoral portant réglementation en vue de prévenir les incendies de forêt dans le département des Alpes-Maritimes et que sa négligence avait été la cause déterminante de la propagation du feu de son terrain à celui sur lequel était implanté le Garage du Golfe et du préjudice subi par Mme [T], d'autre part, sur l'appel en garantie exercé par la SCI Les Ardennes à l'encontre de la commune [Localité 1], qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de cette dernière qui était détenteur de la chose où était né l'incendie, les circonstances du départ du feu étant restées indéterminées et que l'éventuelle responsabilité du maire de la commune d'[Localité 1] ou de cette dernière quant à l'absence de mise en demeure d'avoir à débroussailler ne pouvait être qu'une responsabilité administrative échappant au champ de compétence du juge judiciaire.

Par acte du 16 avril 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SCI Les Ardennes et la société Gan ont interjeté appel général de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

La SCI les Ardennes et la société Gan demandent dans leurs conclusions du 15 mars 2016, en application des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1 du code civil, de :

à titre principal, infirmant le jugement

- juger que la preuve d'une faute ou d'une négligence de la SCI Les Ardennes en lien avec le préjudice de Mme [T] n'est pas rapportée,

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre, la mesure d'expertise devenant sans objet,

à titre subsidiaire

- juger que la propagation rapide et violente du feu est due à une conjonction de facteurs dont les conditions météorologiques, climatiques et géographiques, la faute de la société Dépannage du Golfe, la présence d'espaces fortement boisés ou encore la faute de la commune d'[Localité 1],

- juger en conséquence que la SCI Les Ardennes n'a contribué que pour partie à la réalisation du préjudice de Mme [T], lui faisant perdre une chance de ne pas le subir dans ces proportions,

- juger en conséquence que la SCI Les Ardennes et son assureur ne seront tenus qu'à hauteur de 20 % du préjudice subi par Mme [T],

- infirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la commune [Localité 1],

- constater que l'incendie à l'origine du dommage de Mme [T] est né sur un terrain lui appartenant,

- constater que la commune [Localité 1] a laissé une ancienne casse automobile à l'abandon sur son terrain en ce compris des matériaux inflammables et notamment des carcasses de véhicules aux réservoirs de carburant non vidés,

- constater qu'elle n'a pas nettoyé ce terrain et l'a laissé jonché de jantes, de pneumatiques et autres pièces automobiles, qu'elle n'a pas pris les mesures permettant de remédier à l'éradication de produits inflammables au sol et notamment des hydrocarbures,

- constater que ledit terrain était recouvert d'herbe, de broussailles, d'arbres et autres végétaux et que la ville n'avait pas satisfait à son obligation continue de débroussaillement,

- juger que la commune [Localité 1] a commis une faute qui a contribué à la naissance de l'incendie et à sa propagation et qu'elle doit être jugée responsable du dommage subi par Mme [T],

- juger la commune [Localité 1] entièrement responsable des conséquences dommageables de l'incendie,

- la condamner à les relever et garantir des condamnations qui seraient mises à leur charge,

en tout état de cause

- condamner tout succombant à leur verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Elles soutiennent que le fait régénérateur du dommage subi par Mme [T] est l'incendie lui-même et non sa propagation ; ainsi aucun élément probant ne permet d'établir que la négligence de la SCI Les Ardennes a permis la diffusion du feu, ni même que son terrain n'était pas entretenu, preuves dont la charge pèse sur Mme [T] ; bien au contraire la propagation de l'incendie est due à la présence d'hydrocarbures sur le terrain de la commune d'[Localité 1] et, ainsi que démontré par le pré- rapport du 12 mars 2008 et le rapport de 2015 de M. [G], désigné dans le cadre de la procédure pénale, aux conditions météorologiques particulièrement propices au développement de toute mise à feu et à la géographie des lieux, l'expert ayant notamment relevé que quelqu'ait été la hauteur des végétaux objets du débroussaillement le processus de déroulement de l'incendie aurait été sensiblement le même, ces documents étant opposables à Mme [T], le pré-rapport pour lui avoir été communiqué avec leurs conclusions récapitulatives et en toute hypothèse dans un délai suffisant pour y répondre et le rapport de 2015 étant un élément de preuve parmi d'autres, soumis à la libre discussion des parties, même si elle n'a pas été partie aux opérations d'expertise.

Elles ajoutent que la société Dépannage du Golfe a commis diverses fautes, ainsi son gérant ayant aperçu le feu dans la colline au-dessus du garage, au lieu d'assurer la sécurité de son terrain et d'évacuer les personnes présentes sur sa parcelle, a préféré aller voir d'où provenait le feu et aucune mesure propre à pallier le risque d'incendie sur le terrain n'avait été prise alors que divers véhicules étaient stationnés comportant des matériaux inflammables, de même la commune d'[Localité 1] qui n'a pris aucune mesure de protection contre le feu sur son terrain qui était pourtant encombré de carcasses de véhicules avec de l'essence dans les réservoirs, de pneus, de jantes et autres déchets, M. [G] ayant en outre noté que les pièces métalliques abandonnées le long du talus empêchaient toute tentative de débroussaillement de celui-ci et que la zone herbeuse le long de ce talus avait pu favoriser un geste malencontreux.

Mme [T] demande dans ses conclusions du 3 mars 2016, en application des articles 1382 et 1383 du code civil, L. 131-11, L. 134-7, L. 131-15, L. 134-5, L. 130-6, L. 134-8 et L. 131-18 du code forestier, 564 et 906 du code de procédure civile et de l'arrêté préfectoral n° 2002-343 du 19 juin 2002, de :

- constater que le fondement juridique ayant fixé l'objet du litige de l'action qu'elle a introduite à l'encontre de la SCI Les Ardennes et de la société Gan est l'application des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil,

- constater que malgré deux sommations d'avoir à communiquer en première instance et en cause d'appel faites à la SCI les Ardennes relatives à la communication des factures et justificatifs sur leur mode de paiement relatifs au débroussaillement des parcelles lui appartenant, aucune communication de ces pièces n'est intervenue,

- constater que la SCI Les Ardennes par défaut de débroussaillement de ses parcelles a volontairement violé les dispositions légales et réglementaires susvisées,

- constater que pour la première fois en cause d'appel la société Gan et la SCI Les Ardennes demandent à la cour en cas de condamnation à leur encontre de les exonérer à concurrence de 80 % dans la cause du dommage et de considérer celui-ci comme une simple perte de chance,

- constater que ni la société Gan ni la SCI Les Ardennes n'ont communiqué simultanément à leurs écritures d'appelantes et d'intimées le rapport d'expertise de M. [G] déposé en juillet 2015,

confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions,

subsidiairement,

- déclarer irrecevable la demande de la SCI Les Ardennes et de la société Gan tendant à une exonération à concurrence de 80 % de leur responsabilité délictuelle, cette prétention étant nouvelle en cause d'appel,

- rejeter la pièce n° 11 de la SCI Les Ardennes et de la société Gan celle-ci n'ayant pas été communiquée simultanément à leurs écritures,

- juger que le rapport civil de M. [G] déposé en juillet 2015 dans le cadre d'une instance à laquelle elle n'a jamais été partie lui est inopposable,

- débouter la SCI Les Ardennes et la société Gan de toutes leurs demandes,

condamner solidairement la SCI Les Ardennes et la société Gan à lui verser la somme de 5 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner solidairement aux dépens avec distraction.

Elle fait valoir que les fautes prétendues de la société Dépannage du Golfe ou de son précédent locataire ne sont jamais apparues dans aucun des rapports d'expertise établis par les services de police ou par les experts des compagnies d'assurances, que le débroussaillement des parcelles est une obligation de résultat qui pesait d'autant plus sur la SCI Les Ardennes que ses parcelles sont classées au plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 1] en 'espace boisé classé' que les procès-verbaux dressés par les services de police démontrent que la propagation du feu et son redoublement d'intensité ne sont intervenus qu'en raison de l'absence d'entretien et de débroussaillement depuis de nombreuses années des parcelles appartenant à la SCI Les Ardennes et qu'il n'y a pas lieu dès lors de rechercher un partage de responsabilités.

Elle avance que la pièce n° 11 de la SCI Les Ardennes et de la société Gan ne lui a pas été communiquée, ni en première instance ni en cause d'appel et que le rapport d'expertise du mois de juillet 2015 auquel elle n'a pas été partie ne lui est pas opposable.

La commune [Localité 1] demande dans ses conclusions du 4 mars 2016, confirmant le jugement, de :

- constater que la commune [Localité 1] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité dans l'incendie du 4 juillet 2007,

- constater que les appelants n'établissent pas une faute qu'elle aurait commise dans le déclenchement ou la propagation de l'incendie,

- constater le défaut de débroussaillement de la parcelle de la SCI Les Ardennes,

- juger en conséquence que la SCI Les Ardennes est seule responsable des dommages causés à Mme [T],

- la mettre hors de cause,

- débouter la SCI Les Ardennes et la société Gan de leur appel en garantie formé à son encontre,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Les Ardennes aux dépens avec distraction.

Elle soutient que la SCI Les Ardennes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans les dommages subis par Mme [T] ; en effet les procès-verbaux dressés au cours de l'enquête de police soulignent que le défaut de débroussaillement du terrain de la SCI Les Ardennes a constitué la cause de la propagation de l'incendie jusqu'au terrain sur lequel est exploité le garage Dépannage du Golfe ; ainsi cette société n'a pas respecté l'arrêté préfectoral numéro 2002-343 portant réglementation en vue de prévenir les incendies de forêt dans le département des Alpes maritimes qui prévoit que le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé sont obligatoires notamment dans les terrains situés dans les zones urbaines délimitées par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé, qu'il est indiqué à l'article L. 131-10 du code forestier que le débroussaillement comprend les opérations de réduction des combustibles végétaux de toute nature, que le débroussaillement et le maintien en état de débroussaillé permettent d'assurer une rupture suffisante de la continuité du couvert végétal et de limiter la propagation des flammes.

Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute ayant exécuté son obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé dans les délais, soit avant l'été, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise de M. [G] et du classement par le parquet de Grasse de la plainte déposée à son encontre et que le juge judiciaire ne pourrait apprécier son éventuelle responsabilité administrative pour ne pas avoir mis en demeure la SCI Les Ardennes d'avoir à débroussailler son terrain.

La société Generali Iard, demande dans ses conclusions du 11 septembre 2015, de :

- lui donner acte de ce que la SCI Les Ardennes et la société Gan ne formulent aucune demande à son encontre,

- lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de conclure plus amplement dès qu'elle aura eu connaissance de l'ensemble des pièces produites dans le cas de la procédure, des conclusions de première instance des parties et des demandes formulées à son encontre,

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,

- enjoindre aux parties d'avoir à lui communiquer dans le cadre de la procédure d'appel leurs conclusions de première instance,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel avec distraction.

La Cpam demande dans ses conclusions du 23 juin 2015, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a déclaré la SCI Les Ardennes et la société Gan entièrement responsables du préjudice subi par Mme [T] et a ordonné une expertise médicale,

- condamner les appelants aux dépens avec distraction.

La mutuelle Mutuelles du Soleil, assignée par les appelantes, par acte du huissier de justice du 15 juillet 2015, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions d'appelant n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 29 juillet 2015 elle a fait connaître le montant de sa créance provisoire de 5674,81 € composée de prestations en nature.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [T] n'indique pas dans ses conclusions à quel titre elle a attrait la société Generali Iard devant le juge de première instance ; si elle vise un contrat conclu avec cette société elle ne précise pas le contenu de celui-ci ; il n'est pas démontré ni même allégué que cette société lui a versé des prestations visées à l'article 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et aucune demande n'est formulée à son encontre ; la société Generali Iard doit en conséquence être mise hors de cause.

Il est mentionné à l'article 1384 du code civil que l''on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.'

Les dispositions du second alinéa de ce texte s'appliquent non seulement à la naissance de l'incendie mais également à son aggravation ou son extension.

Aucune des parties ne conteste que le feu s'est communiqué au terrain sur lequel est exploité le garage Dépannage du Golfe depuis la parcelle appartenant à la SCI Les Ardennes qui était elle-même en feu.

Il appartient en conséquence à Mme [T] de rapporter la preuve que cette communication d'incendie n'a été possible qu'en raison d'une faute de la SCI Les Ardennes.

Sur ce point il ressort du procès-verbal établi par les services de police et il n'est pas contesté que la zone dans laquelle l'incendie a pris naissance, a atteint la parcelle appartenant à la SCI Les Ardennes puis s'est propagé jusqu'au terrain sur lequel se situe le garage Dépannage du Golf est soumise à l'arrêté préfectoral n° 2002-343 du 19 juin 2002 portant réglementation en vue de prévenir les incendies de forêt dans le département des Alpes-Maritimes imposant le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé c'est à dire de débroussailler de nouveau dès que la végétation dense dépasse 0,50 cm de hauteur par rapport au sol.

Ce même procès-verbal fait état de ce que plusieurs témoins, notamment des propriétaires riverains, ont déclaré que divers terrains dont celui appartenant à la SCI Les Ardennes, soit n'étaient pas entretenus avec soin, soit n'avaient pas fait l'objet d'un débroussaillement ; la SCI Les Ardennes ne dénie pas que, malgré des sommations d'avoir à communiquer en première instance et en cause d'appel les factures et justificatifs de paiement des travaux de débroussaillement de ses parcelles, elle s'est abstenue de produire ces pièces ; il résulte de l'ensemble des ces éléments des indices graves, précis et concordants de ce que la SCI Les Ardennes n'a pas procédé au débroussaillement du terrain jouxtant celui sur lequel est exploité le garage Dépannage du Golfe ; cette société a ainsi commis une faute.

Il doit cependant être démontré que cette faute est à l'origine ou a contribué à la communication de l'incendie au terrain sur lequel se trouve le garage Dépannage du Golfe.

L'enquête de police et les photographies qui y sont jointes démontrent que la zone de feu était fortement boisée, que le feu a pris dans divers oliviers, palmiers, arbres et jardins, s'est propagé même à travers des terrains débroussaillés depuis peu de temps (une quinzaine de jours pour le terrain appartenant à 'EDF') et que ce feu a été attisé par le vent.

Les conclusions du rapport en date du 12 mars 2008 de l'expert, M. [G], désigné dans le cadre de la procédure pénale, qui peuvent être retenues comme pertinentes bien que l'intégralité du rapport n'ait pas été produit dans le cadre de la présente procédure et qui ont été communiquées à toutes les parties le 10 novembre 2015, soit dans un délai suffisant pour leur permettre de faire valoir leurs observations, la clôture de la procédure étant intervenue le 7 mars 2016, la circonstance que ce document n'ait pas été communiqué en même temps que les conclusions d'intimé étant indifférente, font état de ce que le feu s'est propagé rapidement et avec violence en raison des conditions météorologiques particulièrement propices au développement de toute mise à feu, notamment un fort vent d'ouest aggravé par l'effet de col, que la cause accidentelle ou fortuite ne peut être retenue et que la cause de l'incendie ou procédé technique ayant provoqué ce dernier ne peut être lié qu'à un acte délibéré avec usage d'une flamme (allumette ou briquet) portée au contact des végétaux.

L'expertise établie par ce même expert le 21 juillet 2015, dans une instance civile et à laquelle Mme [T] qui n'était pas concernée n'a pas participé, peut cependant être retenue comme élément de preuve valable parmi les précédents ci-dessus analysés, étant précisé que cette expertise a été communiquée dans le cadre de la présente procédure et que Mme [T] a pu en discuter le contenu.

Ce document conforte les points ci-dessus quand aux circonstances dans lesquelles le feu s'est propagé et a blessé Mme [T], car il y est précisé que :

- le 4 juillet 2007 toutes les conditions sont réunies pour que tout départ de feu non traité dans les toutes premières minutes dégénère en 'grand feu' dévorant à très grande vitesse tout ce qui est facilement inflammable, produisant une énergie colossale d'auto-inflammation ( vent d'ouest violent, rafales à 70 km/h, hygrométrie de 11 %, température proche de 30°, géographie des lieux),

- la colonne de fumée portée par le vent contient des gaz combustibles imbrûlés et transporte en outre une grande quantité de matériaux incandescents véritables brandons,

- ces derniers retombent plus ou moins loin, dont certains encore en ignition, au contact de matériaux inflammables, ce qui va provoquer leur mise à feu et générer un nouveau foyer,

- l'incendie est alors entré dans un cycle 'infernal' où le vent apporte l'oxygène nécessaire à la combustion mais aussi 'poussé' 'projette' le feu et tend à le rabattre au sol...,

- l'influence des conditions climatiques très sévères prend une place prépondérante alors que l'influence de la hauteur de la végétation devient quasiment secondaire et du simple fait de sa hauteur n'est pas en mesure de modifier de façon significative le déroulement et les conséquences de l'incendie,

- le feu a parcouru l'espace commune d'[Localité 1] traité il y a plus de trois mois puis l'espace Veolia traité il y a peine 15 jours, manifestement avec les mêmes facilités, ce qui a permis la communication aux arbres,

- ce constat met en évidence que quelque soit la hauteur des végétaux, objet du débroussaillement, fût-elle inférieure ou supérieure à 0,50 m, compte tenu des conditions météo climatiques du moment, particulièrement sévères, le processus de déroulement de l'incendie aurait été sensiblement le même.

L'ensemble de ces considérations démontre que la faute de la SCI Les Ardennes qui n'a pas débroussaillé son terrain n'est pas en relation de cause à effet, ne fusse qu'en partie, avec l'incendie qui s'est communiqué sur la parcelle sur laquel se trouve le garage Dépannage du Golfe et qui a blessé Mme [T] ; cette dernière doit en conséquence être déboutée de ses demandes dirigées contre cette société, ce qui sans objet l'appel en garantie formé contre la Commune [Localité 1].

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être infirmées.

Mme [T] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une quelconque des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance ou d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement,

Sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SA Generali Iard,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déboute Mme [G] [T] de ses demandes,

- Rejette l'appel en garantie dirigé par la SCI Les Ardennes et la société Gan Assurances Iard contre la Commune [Localité 1],

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

- Condamne Mme [G] [T] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/06485
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/06485 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;15.06485 ?
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