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03/11/2016 | FRANCE | N°15/19690

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 novembre 2016, 15/19690


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT
DU 03 NOVEMBRE 2016

No 2016/ 1071
S. K.
Rôle No 15/ 19690



Adamita X...


Gabriel
Y...



Dimitru Z...


Mariana
Y...
épouse A...


Vasile B...


C/

COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE

Grosse délivrée
le :
à :



Maître HUBERT

Maître DEBEAURAIN

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence

en date du 22 septembre 2015 enregistrée au répertoire général sous le no 15/ 893.



APPELANTS :

Monsieur Adamita X...

né le 20 Septembre 1957 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT
DU 03 NOVEMBRE 2016

No 2016/ 1071
S. K.
Rôle No 15/ 19690

Adamita X...

Gabriel
Y...

Dimitru Z...

Mariana
Y...
épouse A...

Vasile B...

C/

COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE

Grosse délivrée
le :
à :

Maître HUBERT

Maître DEBEAURAIN

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 septembre 2015 enregistrée au répertoire général sous le no 15/ 893.

APPELANTS :

Monsieur Adamita X...

né le 20 Septembre 1957 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Gabriel
Y...

né le 10 Avril 1972 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Dimitru Z...

né le 02 Août 1976 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

Madame Mariana
Y...
épouse A...

née le 20 Novembre 1992 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Vasile B...

né le 01 Janvier 1974 en ROUMANIE
demeurant ...

13090 AIX-EN-PROVENCE

représentés et plaidant par Maître Claudie HUBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE,
prise en la personne de son maire en exercice,
dont le siège est Hôtel de Ville-13100 AIX-EN-PROVENCE

représentée et plaidant par Maître Jean DEBEAURAIN de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Maître Laurianne MALDENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Serge KERRAUDREN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

LA COUR ÉTAIT COMPOSÉE DE :

Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Danielle DEMONT, conseiller
Madame Pascale POCHIC, conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2016.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2016,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*- *- *- *- *- *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :

Au cours du mois de juillet 2015, des personnes de nationalité roumaine se sont installées sans autorisation sur une parcelle appartenant au domaine privé de la commune d'Aix-en-Provence, cadastrée section LB no 196, plateau de l'Arbois.

Faisant valoir que cette occupation sans droit ni titre était dangereuse et que les conditions d'hygiène étaient déplorables, la commune a saisi en référé le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence qui, par une ordonnance du 22 septembre 2015, a :
- déclaré recevables les interventions volontaires de M. Dimitru Z...et M. Gabriel
Y...
,
- ordonné l'expulsion de ceux-ci, des défendeurs et de tous occupants de leur chef des parcelles indûment occupées, au besoin avec le concours de la force publique,
- accordé aux défendeurs un délai jusqu'au 22 février 2016 pour quitter les lieux,
- débouté la commune de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Cinq des personnes condamnées seulement ont relevé appel de cette ordonnance, à savoir M. Adamita X..., M. Gabriel
Y...
, M. Dimitru Z..., Mme Mariana
Y...
et M. Vasile B....

Ils ont déposé des conclusions récapitulatives le 28 septembre 2016 dont le dispositif est le suivant :

" Vu la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et plus particulièrement l'article 8, l'article 14 et l'article 6

Vu la Convention Internationale des Droits de l'Enfant du 20 Novembre 1989

Vu la Charte Sociale Européenne et notamment l'article 31 § 2

Vu les articles 115-1 et 115-2 du Code de l'Action Sociale et des Familles

Vu les articles 14 et suivants du Code de Procédure Civile

Vu les articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile

Vu les articles L. 41-1 à L. 412-8 du Code des Procédures Civiles d'exécution

Vu les observations du Défenseur des Droits

Dire que la mesure d'expulsion prononcée porte une atteinte disproportionnée aux droits des concluants à la vie privée et familiale, au droit à un domicile, à l'intérêt supérieur de l'enfant.

En conséquence,

Réformer l'ordonnance entrepise.

Débouter la Commune d'Aix en Provence de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Très subsidiairement

Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fixé au 22 Février 2016 le délai dont bénéficient les concluants pour quitter les lieux.
Accorder aux concluants un délai de trois ans à compter de l'arrêt à intervenir, à défaut, à compter de l'ordonnance dont appel.

Dire et juger qu'à l'arrivée du délai accordé la mesure d'éxpulsion ne pourra concerner que les personnes nommément visées dans l'acte introductif d'instance,

En tout état de cause,

Condamner la Commune d'Aix en Provence à verser aux concluants une somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dans l'hypothèse où leur demande d'aide juridictionnelle ne serait pas accueillie.

A défaut, la condamner à verser, conformément à l'article 37 de la loi du 10 Juillet 1991 une somme équivalente à Maître HUBERT Claudie, sous réserve qu'elle renonce à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle, à charge de l'Etat.

Condamner la Commune d'Aix en Provence aux entiers dépens distraits au profit de Me Claudie HUBERT sur son affirmation de droit. ".

La commune d'Aix-en-Provence, pour sa part, a conclu en dernier lieu le 30 septembre 2016 comme suit :

" Vu l'article L 2212-2 du Code général des collectivités territoriales,
Vu le constat d'huissier établi par Maître G...en date du 28 juillet 2015,
Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

Réformer l'ordonnance rendue par le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence le 22 septembre 2015 en ce qu'elle a accordé aux occupants des délais pour quitter les lieux jusqu'au 22 février 2016 ;

Statuant de nouveau

Constater l'existence de conditions manifestes d'insalubrité et de dangerosité de l'occupation illégale de la parcelle cadastrée LB no 0196,

Dire et juge que les occupants sont sans droit ni titre,

Prononcer leur expulsion ainsi que tout occupant de leur chef, sans terme ni délai, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 500 Euros par jour de retard et par personne à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

Leur interdire toute occupation de la parcelle cadastrée section LB no 0196 et ce sous astreinte de 1000 € par infraction constatée ;

Les débouter de toute demande, fin ou prétention tendant à l'octroi d'un délai supplémentaire pour quitter les lieux, ou ce dernier ne devant pas exécéder un mois,

Les condamner in solidum à payer à la Commune d'Aix-en-Provence la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Les condamner in solidum aux entiers dépens distraits au profit de Maître Jean DEBEAURAIN, en ce compris les frais de constat d'huissier. ".

Le Défenseur des droits à présenté des observations reçues au greffe de la cour le 24 février 2016 et communiquées aux parties le 1er mars 2016.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS :

Attendu qu'il est constant que les appelants occupent sans droit ni titre une parcelle appartenant au domaine privé de la commune d'Aix-en-Provence, ainsi qu'il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 28 juillet 2015 ; que, comme ils le reconnaissent expressément, cette violation du droit de propriété de l'intimée, garanti par l'article 544 du code civil, est bien constitutive d'un trouble manifestement illicite, au sens des dispositions de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile ;

Attendu que l'intimée invoque implicitement un dommage imminent puisqu'elle argue de risques d'incendie ; que le constat susvisé le déduit de l'état de sécheresse, lequel n'est pas permanent, et qu'il n'est pas prétendu que le moindre sinistre se soit déclaré alors que l'occupation perdure depuis plus d'une année ; que, s'agissant de l'insalubrité, elle ne relève manifestement pas de la catégorie des dommages imminents, puisque déjà avérée, et renvoie à la mesure nécessaire pour y mettre fin, le cas échéant, exposée ensuite ;

Attendu que le texte précité prévoit que le juge des référés peut prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que les appelants font valoir à bon droit qu'il convient de rechercher si la mesure d'expulsion requise par l'intimée est opportune en vérifiant si elle est proportionnée au regard de leur droit au respect de la vie privée et familiale, de leur domicile et de l'intérêt supérieur des enfants consacrés par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la Convention internationale des droits de l'enfant ;

Attendu, en fait, qu'il ressort des pièces versées aux débats que les familles concernées vivent dans la région d'Aix-en-Provence depuis de nombreuses années, même si elles occupent des terrains différents en raison des expulsions successives prononcées à leur encontre ; que ces familles bénéficient du soutien et de l'accompagnement d'associations (Secours catholique, Ligue des droits de l'homme, etc.) et bénévoles leur permettant de scolariser les enfants (et ce de manière effective, contrairement à ce qu'indique l'intimée, puisque sont notamment produits les certificats de scolarité des enfants Y...), suivre des formations, rechercher du travail ; que leur domicile, s'il est précaire, se trouve indiscutablement établi sur le terrain en cause, ce que ne discute pas l'intimée ; que la volonté d'insertion est avérée par les multiples témoignages produits, sans que l'intimée puisse sérieusement opposer aux intéressés, en l'état des difficultés qu'ils éprouvent, de n'avoir pas atteint le but recherché ;

Attendu que de multiples intervenants (éducateur, membres d'associations en contact avec la population en cause depuis des années) attestent de ce qu'une nouvelle expulsion mettrait à néant tous les efforts entrepris en vue d'une insertion sociale et professionnelle, pour laquelle une stabilité est impérative, et aurait de graves conséquences matérielles et psychologiques, spécialement pour les enfants ;

Attendu qu'au regard de ces éléments, la cour constate que le terrain de l'intimée est en friche et qu'elle ne prétend pas qu'un quelconque projet d'aménagement le concernant ait été envisagé avant qu'il soit occupé ; que ce terrain est éloigné des autres habitations et que les conditions déplorables d'hygiène et de salubrité affectent d'abord les intéressés eux-mêmes, sans qu'il soit allégué que des mesures alternatives d'hébergement ou d'accompagnement aient été envisagées par les pouvoirs publics, de sorte qu'une mesure d'évacuation du terrain ne mettrait pas fin à cette situation mais la déplacerait seulement ; qu'il n'est en tout cas pas fait état par la commune du moindre dommage matériel ou corporel précis en relation de causalité avec l'occupation litigieuse ;

Attendu en définitive que l'examen de proportionnalité révèle qu'à l'évidence le droit de propriété de l'intimée ne peut être préféré aux droits des appelants exposés précédemment pour justifier la mesure d'expulsion sollicitée ; que l'ordonnance déférée sera donc infirmée et la commune déboutée de ses prétentions ;

Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de procédure et qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

Déboute la commune d'Aix-en-Provence de toutes ses demandes,

Rejette les prétentions des parties fondées sur les dispositions des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamne la commune d'Aix-en-Provence aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 15/19690
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;15.19690 ?
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