La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2016 | FRANCE | N°14/07535

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 10 novembre 2016, 14/07535


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2016



N° 2016/660













Rôle N° 14/07535







SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT CIFD





C/



[O] [W]

[J] [J] épouse [W]

[B] [P]

SCP [K] & [C] & [P] & [A] & [Z]





















Grosse délivrée

le :

à : Me MAGNAN

Me SIMON-THIBAUD

Me G

UEDJ













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 16 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04848.





APPELANTE



SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, venant aux droits de la société CREDIT IMMOBILIER ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2016

N° 2016/660

Rôle N° 14/07535

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT CIFD

C/

[O] [W]

[J] [J] épouse [W]

[B] [P]

SCP [K] & [C] & [P] & [A] & [Z]

Grosse délivrée

le :

à : Me MAGNAN

Me SIMON-THIBAUD

Me GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 16 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04848.

APPELANTE

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, venant aux droits de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE - CIFRAA, elle-même venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean LACCOURREYE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [O] [W]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Pauline MANARA-PAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [J] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Pauline MANARA-PAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [B] [P], membre de la SCP [K] [C] [P] [A] & [Z]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 3] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

SCP [K] & [C] & [P] & [A] & [Z] Poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DEMORY-PETEL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant offre du 13 juin 2007 acceptée le 25 juin 2007, réitérée par acte authentique du 25 juillet 2007 établi par Maître [B] [P], notaire à [Localité 4], le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA) a consenti à M. [O] [W] et Mme [J] [J], son épouse, un prêt d'un montant de 243.974 euros, au taux de 4,90 %, remboursable sur trente ans.

Ce prêt était destiné à financer l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement, à usage locatif, sis à [Localité 5] (Vaucluse), [Adresse 4].

La vente en l'état futur d'achèvement de ce bien a été réalisée, dans le cadre d'une opération de défiscalisation, par l'intermédiaire de la société Apollonia.

S'estimant victimes d'une fraude, les époux [W], avec cent autres investisseurs, ont, par courrier du 19 mars 2009 adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille, déposé plainte pour, notamment, délit d'escroquerie.

Cette plainte a été jointe à l'information judiciaire ouverte à Marseille le 2 juin 2008 des chefs d'escroquerie en bande organisée, faux, usage de faux et exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque.

Parallèlement à cette procédure pénale, par exploits des 12 et 15 juin 2009, M. [O] [W] et Mme [J] [J], son épouse, ont fait assigner en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Marseille la SAS Apollonia, le CIFRAA et Maître [B] [P], notaire associé, membre de la SCP [K]-[C]-[P]-[A]-[Z].

Selon ordonnance du 8 février 2010, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.

Par ordonnance du 10 juin 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ordonné le sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive à la suite de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Marseille.

Entre-temps, à compter du mois d'octobre 2009, les époux [W] ont cessé de rembourser les échéances de l'emprunt.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 27 avril 2010, le CIFRAA a adressé aux emprunteurs mise en demeure de régler les sommes de, après déchéance du terme, 269.108,68 euros.

Par exploit du 29 juillet 2010, le Crédit Immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne a fait assigner en paiement M. [O] [W] et Mme [J] [J] devant le tribunal de grande instance de Toulon.

Par exploit du 19 novembre 2010, les époux [W] ont fait assigner en déclaration de jugement commun et appel en cause Maître [B] [P], notaire associé, et la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z].

Par ordonnance du 8 février 2011, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures.

Par arrêt du 19 avril 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, infirmant une ordonnance du 12 juillet 2011 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulon qui avait retenu la connexité de cette affaire avec celle pendante devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et l'avait renvoyée devant cette juridiction, a, notamment, rejeté les demandes de renvoi pour connexité et de sursis à statuer formées, d'une part, par les époux [W] et, d'autre part, par Maître [B] [P] et la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z].

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Toulon a, au visa des articles 31 du code de procédure civile et L111-3 du code des procédures civiles d'exécution :

- déclaré le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre de M. [O] [W] et Mme [J] [J] épouse [W],

- dit n'y avoir lieu en conséquence de statuer sur l'appel en garantie introduit à la requête de M. [O] [W] et Mme [J] [J] épouse [W] à l'encontre de Maître [B] [P] et de la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z], ni sur la disjonction des procédures,

- condamné le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne à payer à M. [O] [W] et Mme [J] [J] épouse [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 14 avril 2014, la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 23 septembre 2016, auxquelles il convient le cas échéant de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), venant aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

sur la recevabilité de sa demande en paiement :

- dire qu'elle a un intérêt à agir à l'encontre des emprunteurs,

en conséquence :

- infirmer le jugement en ce qu'il a : « déclar(é) le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre de M. [O] [W] et Mme [J] [J] épouse [W] »,

- dire que son action est recevable,

sur sa créance :

- constater qu'elle détient sur les emprunteurs une créance certaine, liquide et exigible au titre du prêt n°128416,

en conséquence,

- condamner solidairement les emprunteurs à lui verser la somme de 269.108,68 euros, outre intérêts au taux contractuel avec capitalisation,

- dire que cette somme portera intérêt au taux contractuel à compter de la déchéance du terme et jusqu'au parfait paiement des sommes dues entre ses mains,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil,

sur la mauvaise foi des emprunteurs :

- constater que les emprunteurs ont manqué à leur obligation de bonne foi dans leur relation contractuelle avec elle et partant lui ont causé un préjudice,

- constater qu'elle a subi un préjudice financier s'élevant à 54.000 euros,

en conséquence :

- condamner les emprunteurs à lui verser une somme de 54.000 euros en réparation de son préjudice,

en tout état de cause :

- ordonner la disjonction entre l'appel en garantie introduit par les emprunteurs à l'encontre de Me [P] et de la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z], et la présente action en paiement par elle initiée,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes,

- débouter les emprunteurs ainsi que Me [P] et la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner in solidum les emprunteurs à lui verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Paul Magnan Joseph Magnan, avocats.

Par leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 19 septembre 2016, auxquelles il y a également lieu de se reporter, M. [O] [W] et Mme [J] [J] demandent à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 16 janvier 2014,

- dire le CIFD irrecevable en ses demandes et l'en débouter,

à titre subsidiaire :

- surseoir à statuer sur la demande en paiement du CIFRAA et leurs demandes reconventionnelles,

à titre encore plus subsidiaire :

- ordonner la déchéance totale des intérêts,

- débouter le CIFD de ses demandes au titre des intérêts conventionnels,

- débouter le CIFD de ses demandes au titre de l'indemnité de résiliation,

- imputer les sommes par eux payées sur le capital,

- fixer la créance du CIFD à la somme de 215.978,68 euros,

en tout état de cause, reconventionnellement :

- condamner le CIFD à leur payer une somme de 184.588 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices financiers outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à rendre,

- les autoriser à payer le solde dû à la banque dans un délai d'un an,

- débouter le CIFD de toutes ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire :

- débouter le CIFD de sa demande de capitalisation des intérêts,

- débouter le CIFD de ses demandes au titre des intérêts conventionnels,

- condamner le CIFD à leur payer une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le CIFRAA aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Badie Simon-Thibaud & Juston.

Par conclusions notifiées et déposées le 20 août 2014, auxquelles il convient de se référer, Maître [B] [P] et la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z] demandent à la cour de :

- confirmer purement et simplement la décision du tribunal de grande instance de Toulon en date du 16 janvier 2014,

- dire que la jurisprudence générale consacre le caractère exécutoire de l'acte de prêt concerné,

- débouter les emprunteurs de toutes leurs demandes dirigées contre eux,

subsidiairement,

- dire qu'il existe une connexité évidente entre l'action en responsabilité initiée contre eux et celle pendante devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

- ordonner par conséquent la disjonction des actions en paiement et des actions en responsabilité,

- ordonner le renvoi de l'action en responsabilité devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

- condamner tout contestant aux entiers dépens de la présente instance d'appel dont distraction au profit de la SCP Cohen Guedj.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2016.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de la banque :

L'appelante fait grief au jugement querellé de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande en paiement au motif que, disposant d'un titre exécutoire, elle n'avait pas d'intérêt à agir.

Elle fait valoir qu'elle est recevable à agir dans le cadre de cette instance sur le fondement de l'acte sous seing privé de prêt, qu'en effet, aucune disposition légale n'empêche un créancier d'obtenir plus d'un titre exécutoire pour une même créance, qu'en l'espèce, son intérêt à agir est légitime et certain car sa demande tend à obtenir un titre exécutoire non contesté et susceptible d'exécution, lequel intérêt s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice.

Les époux [W] concluent à l'irrecevabilité de la demande de la banque pour défaut d'intérêt à agir, faisant valoir que le prêteur dispose d'un titre exécutoire, que l'assignation n'a été délivrée que dans le seul but d'interrompre la prescription, que cependant à cette date, ils n'avaient engagé aucune procédure en annulation de l'acte notarié, que d'ailleurs la Cour de cassation considère que les actes notariés sont valables en dépit des conditions dans lesquelles ils ont été établis et de la mise en examen des notaires.

Ils ajoutent qu'aucune mesure d'exécution forcée ou conservatoire n'a été prise à leur encontre depuis la lettre de déchéance du terme du 27 avril 2010, que l'assignation n'a pas pu interrompre la prescription, et que l'action est donc également irrecevable en application de l'article L137-2 du code de la consommation.

Maître [B] [P] et la SCP [K]-[C]-[P]-[A]-[Z] font quant à eux valoir que, comme l'a retenu le premier juge, la banque est aujourd'hui munie de la copie exécutoire d'un acte de prêt dont aucune décision n'est venue amoindrir la portée ou le caractère exécutoire, qu'il est vain pour elle de soutenir que des décisions consacreraient la nullité de ce titre exécutoire, qu'il n'est donc pas possible pour eux de cautionner le risque d'invalidation de ce titre exécutoire même s'il est parfaitement compréhensible que la banque cherche à se prémunir du fait de la carence de son débiteur.

Sur ce, il ne peut tout d'abord qu'être constaté que rien ne s'oppose à ce qu'un créancier muni d'un titre exécutoire notarié actionne son débiteur en paiement pour obtenir une décision judiciaire à son encontre, alors d'ailleurs que, comme le relève l'appelante, ces différents titres exécutoires n'ont pas la même portée, l'autorité de chose jugée s'attachant à la seule décision judiciaire.

S'agissant de l'intérêt à agir de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, aux droits de laquelle vient la SA Crédit Immobilier de France Développement, dans le présent litige, il n'est pas contesté qu'à la date d'introduction de sa demande, le 29 juillet 2010, les époux [W] avaient cessé de régler les échéances du prêt et que la déchéance du terme avait été prononcée.

Dès lors, la banque avait un intérêt, qui n'était ni hypothétique ni éventuel comme le prétendent les intimés dans leurs écritures mais bien né et actuel, à assigner en paiement les emprunteurs aux fins de voir consacrer et liquider sa créance.

Et cet intérêt apparaît d'autant plus légitime que, même si les débiteurs n'avaient pas, ainsi qu'ils le soutiennent, alors engagé de procédure en annulation de l'acte authentique détenu par la banque, Maître [B] [P], notaire rédacteur de l'acte, était à cette époque mis en examen des chefs notamment de faux en écriture publique et usage de faux en écriture publique dans le cadre de l'information pénale ouverte au tribunal de grande instance de Marseille comme cela résulte des pièces produites par les époux [W] eux-mêmes.

Ainsi, contrairement à ce prétendent ces derniers, l'action en paiement engagée à leur encontre par l'appelante, qui avait un intérêt légitime à faire purger sa créance de toute contestation, n'était donc ni préventive, ni conservatoire, et, l'assignation délivrée le 29 juillet 2010 ayant valablement interrompu la prescription biennale de l'article L137-2 du code de la consommation, la SA Crédit Immobilier de France Développement, qui vient aux droits de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, est recevable en sa demande.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.

Sur la demande de sursis à statuer :

A titre subsidiaire, M. [O] [W] et Mme [J] [J] sollicitent que soit ordonné le sursis à statuer en application de l'article 4 du code de procédure pénale.

Ils exposent que l'offre de prêt dont la banque demande l'exécution a été souscrite dans les conditions frauduleuses qui sont au c'ur de l'instruction et ont justifié la mise en examen pour complicité d'escroquerie en bande organisée de plusieurs directeurs de l'ex-CIFRAA, qu'ils sont victimes des man'uvres frauduleuses de cette dernière société et de la SAS Apollonia reconnues par diverses décisions judiciaires.

Ils font valoir que refuser de surseoir à statuer, ce serait les priver d'éléments de preuve pour la défense de leurs droits, aboutir à une condamnation en remboursement d'un prêt qui résulte d'infractions d'Apollonia et de fautes lourdes de la banque sans lesquelles il n'aurait pas été signé, et rompre l'égalité des parties dans un même litige.

Ils ajoutent que le sursis à statuer s'impose également parce qu'ils demandent à titre reconventionnel des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1116 du code civil du fait des man'uvres frauduleuses en cours d'instruction et auxquelles la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne est mêlée puisque c'est sa défaillance qui les a permises.

L'appelante réplique que la demande doit être rejetée car elle est, non seulement mal fondée, mais également contraire à une bonne administration de la justice.

Elle fait valoir que les actions sont indépendantes, qu'en l'espèce, la condition tenant à l'influence de l'action pénale sur l'action civile en paiement fait défaut, que, notamment, en effet, la mise en examen de la SA Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a été annulée par un arrêt de la chambre de l'instruction du 6 décembre 2012, que l'objet des demandes est distinct, que l'action en paiement ne repose pas sur l'acte authentique de prêt, qu'il n'existe pas de risque de contrariété entre les décisions.

Elle ajoute que l'argument selon lequel il serait impossible pour les emprunteurs de se défendre faute de pouvoir apporter les éléments se trouvant dans le dossier pénal est totalement inopérant, qu'ils sont libres en leur qualité de partie civile d'exposer leur cause sans aucune contrainte, ce qu'ils font d'ailleurs en citant des paragraphes entiers issus de la procédure pénale.

Par ailleurs, elle invoque le fait, d'une part, que l'obligation faite au juge de statuer dans un délai raisonnable ne pourrait pas être respectée, et, d'autre part, que la demande en paiement formée ne présente aucune difficulté sérieuse.

Sur l'application de l'article 4 du code de procédure pénale invoqué par les époux [W], il convient de rappeler qu'en vertu de ce texte, la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction.

Les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance.

En l'espèce, la demande formée par la banque ne tendant pas à la réparation du dommage causé par les infractions, il n'est pas contesté que le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale présente un caractère facultatif.

Or, dans cette hypothèse, le prononcé du sursis à statuer relève du pouvoir conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.

A cet égard, il sera observé que la procédure pénale, dont la complexité est induite par la multiplicité des infractions poursuivies et des personnes mises en examen, par le très grand nombre des parties civiles, dure depuis de nombreuses années et n'apparaît pas, ne s'agissant d'ailleurs que de la phase d'instruction, en voie d'achèvement.

En conséquence, la durée de la suspension qui résulterait d'un sursis à statuer serait incompatible avec l'obligation de statuer dans un délai raisonnable sur la demande en paiement introduite il y a déjà plus de six ans.

Aussi, étant en outre notamment constaté que la société appelante n'est plus directement concernée par l'information pénale en cours et que les époux [W], parties civiles, ont obtenu du juge d'instruction l'autorisation de communiquer les éléments de l'information qu'ils estiment utiles à la défense de leurs intérêts dans le cadre des instances civiles, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Sur la demande en paiement :

La SA Crédit Immobilier de France Développement expose qu'elle a remis les fonds aux emprunteurs, finançant ainsi leur acquisition d'un bien immobilier, qu'elle est donc en contrepartie créancière d'une obligation de remboursement des fonds prêtés, que sa créance, certaine et liquide, est par ailleurs totalement exigible du fait de la déchéance du terme du prêt valablement prononcée le 27 avril 2010 en raison de la défaillance persistante des emprunteurs, lesquels ont cessé de rembourser totalement les échéances de leur prêt alors qu'ils ont acquis grâce à ce financement un bien locatif dont ils perçoivent mensuellement des loyers.

Elle s'estime donc parfaitement fondée à requérir la condamnation des époux [W] au paiement de la somme de 269.108,68 euros au titre du prêt consenti, avec intérêts au taux contractuel à compter de la déchéance du terme.

Elle fait valoir que la demande de nullité du prêt présentée par les emprunteurs est irrecevable, car prescrite, et à tout le moins mal fondée, dans la mesure où les intimés, lesquels invoquent la nullité du prêt litigieux sur le fondement du dol, évoquent des man'uvres, qu'ils qualifient de frauduleuses, qui ne concernent que la société Apollonia, et où il n'existe pas entre elle et cette dernière de mandat au sens de l'article 1984 du code civil.

L'appelante ajoute qu'elle a bien respecté les dispositions des articles L.3l2-7 et L.312-10 du code de la consommation, qu'en tout état de cause la sanction civile de l'inobservation des règles de forme prescrites par ces articles n'est pas la nullité du contrat de prêt, mais la déchéance du droit aux intérêts contractuels, remplacés par des intérêts au taux légal, cette sanction n'étant d'ailleurs qu'une possibilité pour le juge.

Cependant, s'agissant des écritures des époux [W], il ne peut qu'être constaté que, après avoir, dans un paragraphe intitulé « sur le dol », répliqué que la demande en nullité du prêt n'est pas prescrite, et développé, de manière extrêmement abondante, l'intervention d'Apollonia, les man'uvres dolosives qu'ils imputent à cette société, et les agissements qu'ils reprochent à la banque CIFRAA, les intimés en tirent des conséquences, d'une part, quant au quantum des demandes de l'appelante, d'autre part, quant aux dommages et intérêts qu'il convient de leur allouer, et qu'en tout état de cause, ils ne formulent, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, aucune demande de nullité du prêt, mais, en ce qui concerne la créance de la banque qu'ils entendent voir fixer à 215.978,68 euros, sollicitent principalement la déchéance totale des intérêts.

Ainsi, il apparaît que la validité du prêt lui-même n'est pas en cause, et que, dès lors, les développements susvisés relatifs aux man'uvres frauduleuses doivent être considérés comme venant essentiellement à l'appui de l'action en responsabilité présentée à titre reconventionnel.

Dans le cadre de la présente demande en paiement, ne seront donc examinés que les manquements allégués aux dispositions du code de la consommation susceptibles de justifier la sanction sollicitée de déchéance des intérêts.

A cet égard, les emprunteurs font valoir que le prêteur n'a pas respecté les obligations de la loi Scrivener, qu'en effet, l'offre de prêt a été envoyée par la banque à la société Apollonia pour signature par le client, que la date d'acceptation est fausse.

Aux termes des dispositions des articles L.3l2-7 et L.312-10 du code de la consommation, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée par voie postale aux emprunteurs, lesquels ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue, l'acceptation devant être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

S'agissant de l'envoi de l'offre, par voie postale, aux emprunteurs, la SA Crédit Immobilier de France Développement n'en rapporte pas la preuve, qui lui incombe, par la seule production d'une lettre datée du 13 juin 2007 mentionnant l'adresse personnelle des époux [W] dont il n'est pas justifié de l'envoi effectif, alors d'ailleurs que, contrairement à ce que soutient la banque, le document signé par les intimés indiquant comme date de réception de l'offre le 14 juin 2007 ne comporte aucunement la déclaration selon laquelle ils reconnaîtraient avoir reçu ladite offre par voie postale.

Ainsi, il n'est pas établi qu'en l'espèce la formalité prévue par l'article L.3l2-7 a été respectée, quand au surplus il résulte des éléments de la procédure pénale versés aux débats que, selon une pratique habituelle reconnue par des employés de la banque, l'original de l'offre de prêt n'était jamais envoyé au client mais directement à la société Apollonia.

En ce qui concerne les obligations prescrites par l'article L.3l2-10, elles n'apparaissent pas davantage avoir été respectées, la date d'acceptation du 25 juin 2007 figurant au contrat étant, ainsi que le font valoir les époux [W], contredite par les mentions de la procuration notariée par eux donnée le 15 juin 2007 aux termes de laquelle l'offre de prêt a été signée « ce jour par le mandant ».

Et, si pour sa part la banque justifie, par la production d'une enveloppe portant le cachet de la poste en date du 25 juin 2007, avoir reçu le retour de l'offre acceptée dans les conditions prévues par le texte, il reste que les modalités mises en 'uvre par la SAS Apollonia pour l'établissement des procurations par les notaires et la signature des offres de prêt telles qu'elles ressortent des pièces pénales et notamment de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 6 décembre 2012 ne permettent pas de s'assurer de ce que les emprunteurs ont effectivement bénéficié du délai de réflexion imposé par les dispositions d'ordre public précitées.

En conséquence, par application des dispositions de l'article L.3l2-33 du code de la consommation, il convient de dire que la SA Crédit Immobilier de France Développement est déchue du droit aux intérêts, et ce, compte tenu des circonstances de l'espèce, en totalité.

En ce qui concerne l'indemnité contractuellement fixée conformément aux dispositions de l'article L.3l2-22, elle n'a pas lieu d'être supprimée.

Les intérêts conventionnels versés devant, du fait de la déchéance prononcée, s'imputer sur le capital, et n'étant pas contesté que les époux [W] ont jusqu'en septembre 2009, la dernière échéance payée étant celle du 10 septembre 2009, réglé la somme totale de 27.995,32 euros, le capital restant dû au titre du prêt est de 215.978,68 euros, de telle sorte que le montant de la créance de la banque, indemnité contractuelle comprise, s'élève à la somme totale de 231.097,18 euros.

En conséquence, les emprunteurs doivent être condamnés à payer à l'appelante, au titre du prêt qui leur a été consenti, ladite somme, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 avril 2010, et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la banque :

L'appelante expose que son préjudice ne réside pas uniquement dans le retard de paiement, mais également dans la désorganisation économique et budgétaire de la société soumise à une obligation d'équilibre drastique, et que le non-remboursement pur et simple du prêt décidé par les emprunteurs lui a donc causé un préjudice financier certain, lequel devra être évalué comme correspondant à 20% du montant du prêt litigieux, soit la somme de 54.000 euros.

Cependant, outre le fait qu'elle n'établit aucunement la réalité du préjudice qu'elle allègue, la SA Crédit Immobilier de France Développement ne démontre pas la mauvaise foi qu'en l'espèce elle impute aux emprunteurs.

Elle est donc déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité de la banque :

Les époux [W] demandent que leur soit allouée, à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice financier, une somme de 184.588 euros.

Ils exposent que cette demande est fondée sur, d'une part, le dol et la défaillance de la banque dans ses obligations de contrôle, mise en garde, information, conseil, et, d'autre part, les agissements frauduleux d'Apollonia, mandataire de la banque, et précisent que le préjudice financier du fait de la violation de l'obligation de mise en garde et de conseil est une perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux.

Ils font valoir qu'en l'espèce, la perte de chance n'est pas contestable, car, si l'appelante les avait informés du surendettement résultant du prêt en se renseignant sur leur situation personnelle, de ce que les prêts n'étaient pas remboursés par les loyers et la TVA, et de ce que de nombreux clients s'étaient déjà plaints des investissements Apollonia, ils n'auraient pas contracté le prêt litigieux.

Ils précisent que l'aléa pour eux de ne pas contracter ce prêt est très faible et que la perte de chance doit être évaluée à 99 %.

La SA Crédit Immobilier de France Développement réplique que, dans le cas où la litispendance des demandes des emprunteurs avec celles formulées dans le cadre de l'action en responsabilité ne serait pas retenue d'office, les époux [W] devront être déboutés de leurs demandes tendant à voir engager sa responsabilité.

Elle explique qu'elle a respecté les obligations qui lui incombaient en l'espèce, à savoir de mise en garde et de vigilance, qu'elle n'est pas tenue à un devoir de conseil, qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à un quelconque devoir de mise en garde, qu'elle a, en effet, vérifié les capacités financières des emprunteurs, et au vu des éléments fournis, a accordé le prêt sans avoir à les mettre en garde puisque leur capacité financière vérifiée permettait parfaitement l'octroi du prêt, et qu'en tout état de cause, les intimés sont particulièrement mal fondés dans leurs prétentions dès lors qu'il apparait qu'ils étaient des emprunteurs parfaitement avertis.

Elle ajoute qu'elle ne saurait voir, du fait des man'uvres reprochées à la société Apollonia, sa responsabilité engagée sur le fondement du dol.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause, la perte de chance n'est pas caractérisée en l'espèce, que la probabilité qu'avaient les emprunteurs de ne pas réaliser l'investissement litigieux, s'ils avaient été mis en garde, apparaît plus que douteuse tant ils étaient au fait des avantages potentiels de leurs investissements, avantages qui semblaient correspondre à leurs besoins patrimoniaux, que, surtout, la banque n'a pas à se prononcer sur l'opportunité d'une opération immobilière, qu'en l'espèce, les emprunteurs se plaignent en réalité, non pas des acquisitions litigieuses réalisées, mais de leur rentabilité laquelle, d'après eux, s'avère inférieure à celle qui leur avait été vantée par la société Apollonia, et qu'en définitive, aucun lien de causalité n'est juridiquement possible entre, d'une part, les réclamations des emprunteurs, et, d'autre part, ses obligations.

Sur ce, s'agissant de la litispendance à laquelle fait allusion l'appelante, il sera rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article 102 du code de procédure civile, lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de litispendance ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur.

Dès lors, la cour ne saurait se dessaisir au profit du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.

Ceci étant, s'agissant de sa responsabilité sur le fondement de ses obligations contractuelles, c'est à juste titre que la SA Crédit Immobilier de France Développement, qui n'est pas à l'origine de l'opération de défiscalisation invoquée, fait valoir que, en sa qualité de fournisseur de crédit, elle n'est en l'espèce pas tenue à un devoir de conseil, mais à un devoir de mise en garde, ce à la double condition que les emprunteurs soient non avertis et qu'il existe, au regard de leurs capacités financières, un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

A cet égard, il n'est pas établi que, lorsqu'ils ont souscrit le prêt litigieux, les époux [W] disposaient d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière leur permettant de mesurer les risques attachés à leurs engagements.

En effet, le fait qu'ils soient déjà propriétaires d'un bien immobilier et disposent des capacités intellectuelles pour appréhender la situation ne peut suffire à permettre de les considérer comme des emprunteurs avertis, contrairement à ce que soutient l'établissement de crédit, qui, sans craindre de se contredire, fait valoir que l'opération de défiscalisation envisagée nécessitait une réflexion approfondie.

De même, l'argument selon lequel, satisfaits de cette première opération, ils ont souscrit à une nouvelle offre de prêt auprès d'une autre banque le 9 octobre 2008 est inopérant, cette deuxième opération étant par hypothèse postérieure au contrat en cause.

Il étaient donc alors des emprunteurs non avertis.

En ce qui concerne leurs capacités financières, la banque, qui expose qu'elle a procédé à la vérification de la situation familiale, professionnelle, financière, mais aussi patrimoniale des emprunteurs, produit une fiche de renseignements datée du 7 juin 2007 signée de M. [O] [W] et de Mme [J] [J], ainsi que différents documents, en l'occurrence avis d'impositions, bulletins de paie de chacun des époux, relevés de comptes d'épargne, de titres et autres pièces justificatives, dont il résulte essentiellement que :

- M. [O] [W], employé en qualité d'ingénieur par Jacobs France à compter de juillet 2006, percevait, hors prime semestrielle, une rémunération nette imposable de l'ordre de 3.600 euros par mois,

- Mme [J] [J], employée en qualité d'ingénieur par Lawson Software Consulting France depuis janvier 1997, a perçu, en 2006, des salaires nets imposables de 39.919 euros, soit un revenu net imposable mensuel moyen de 3.326 euros,

- les époux, mariés sous le régime de la communauté légale, étaient propriétaires, pour l'avoir acquise en 1989, de leur résidence principale sise à [Localité 6] (Val d'Oise), bien estimé 410.000 euros, le prêt immobilier contracté pour son acquisition auprès de la BNP, remboursable par mensualités de 946,73 euros, devant se terminer en décembre 2009,

- le couple disposait par ailleurs de livrets de développement durable, plan d'épargne en actions, contrat d'assurance vie, compte épargne salariale, pour un montant total indiqué de l'ordre de 22.000 euros.

En considération de la situation financière et patrimoniale des emprunteurs telle qu'elle ressort des éléments ainsi communiqués à la banque, il apparaît que le crédit octroyé, représentant des remboursements de 1.491,04 euros par mois, n'était pas de nature à constituer pour les époux [W] un risque d'endettement, alors d'ailleurs que, destiné à la location, le bien acquis à l'aide dudit prêt devait être source de revenus supplémentaires, ce qui n'est pas contesté.

Et les emprunteurs, qui exposent qu'ils ont acquis en 2007 et 2008 dans le cadre de l'escroquerie orchestrée par la société Apollonia deux biens dans deux résidences-services distinctes accolés à deux prêts, l'un de 243.974 euros financé par SA CIFRAA, l'autre de 294.844 euros financé par le CIF Centre Poitiers, et soutiennent que le groupe CIFD les a donc surendettés pour une somme de 539.818 euros, alors qu'ils étaient déjà tenus par deux autres prêts pour leur résidence et une maison à [Localité 7] dans le Var, ne sont pas fondés à se prévaloir dans le cadre de la présente instance d'un prêt contracté postérieurement auprès d'un autre établissement bancaire, ni d'une situation de surendettement jugée recevable par un jugement du tribunal d'instance de Toulon du 25 avril 2016.

Quant à leur argumentation selon laquelle ils contestent le contenu des informations sur la fiche de renseignements communiquée à la banque dès lors qu'elle n'est pas complète, leur dossier ayant été falsifié par la société Apollonia qui a occulté le prêt BNP pour l'acquisition d'une maison à [Localité 7] dans le Var ainsi qu'une opération portant sur la résidence [Localité 8] et financée par le CIF Ouest, elle ne peut qu'être rejetée.

En effet, d'une part, ce dernier prêt, ainsi qu'il vient d'être dit, n'existait pas encore, et, d'autre part, s'agissant du seul élément susceptible de modifier l'appréhension qu'avait la banque de leur situation à la date de conclusion du crédit litigieux, en l'occurrence le remboursement d'un emprunt par eux contracté en février 2007 auprès de la BNP pour l'acquisition d'une résidence secondaire, l'établissement de crédit, dont il n'est pas démontré, au vu des pièces pénales produites aux débats, qu'il connaissait alors les pratiques utilisées par la société Apollonia pour justement dissimuler aux organismes prêteurs la situation des emprunteurs potentiels et éviter un refus de financement, était en droit de se fier à la fiche de renseignements, accompagnée de documents justificatifs, signée par les époux [W], laquelle ne comportait aucune anomalie apparente, étant d'ailleurs observé que la réalité des éléments précités qui y figurent n'est aucunement contestée.

Dans ces conditions, la SA Crédit Immobilier de France Développement n'était pas tenue envers les intimés d'un devoir de mise en garde relativement au crédit octroyé en juillet 2007, et leur demande d'indemnisation à ce titre est rejetée.

A l'appui de leur demande de dommages et intérêts, les époux [W] invoquent également le dol dont ils s'estiment victimes de la part de la banque.

Dénonçant des man'uvres dolosives qu'ils imputent à la SAS Apollonia, à savoir, notamment, un démarchage agressif et la promesse que les investissements s'autofinançaient sans apport personnel et sans risque pour leurs biens, la présentation à leur insu d'une demande de financement en tronquant leur état patrimonial, la présentation à leur signature, dans le cadre d'une « séance expéditive de signature », de l'offre de prêt, fiches de renseignements bancaires, contrat de réservation, bail, documents d'assurance, etc..., la confiscation de l'offre de prêt, leur isolement, et le « ficelage » des investisseurs, ils reprochent à la SA Crédit Immobilier de France Développement ses agissements consistant selon eux en l'introduction illicite d'Apollonia dans le processus de prêt et un défaut de contrôle sur son apporteur et sur les dossiers, l'acceptation du cloisonnement des emprunteurs en se subordonnant Apollonia.

A cet égard, c'est à juste titre que la banque réplique qu'elle ne saurait être responsable des man'uvres frauduleuses de cette dernière en l'absence de mandat.

Or, il ne résulte d'aucun élément que l'établissement bancaire ait donné pouvoir à la société Apollonia de le représenter pour conclure des actes juridiques, et notamment accorder ou refuser un prêt.

Il n'est pas davantage établi que la société Apollonia ait accompli un quelconque acte juridique au nom et pour le compte de la SA CIFRAA.

Et la convention d'apporteur d'affaires entre la SAS Apollonia et le CIFFRA dont se prévalent les époux [W], qui n'est ni datée, ni signée par la banque ainsi que celle-ci le rappelle, ne constitue pas, en tout état de cause, un contrat de mandat.

Dès lors, les emprunteurs, qui se contentent de faire état d'actes matériels insusceptibles de caractériser un tel contrat, doivent être déboutés de leur demande présentée sur le fondement des dispositions des articles 1382, 1384 et 1984 du code civil, alors en outre qu'aucun lien de subordination, contrairement à ce que soutiennent également les intimés, n'existe entre les sociétés, et que ne sont par ailleurs pas établies en l'espèce de man'uvres dolosives directement imputables à la banque.

Sur la demande de délai :

La demande des époux [W] tendant à se voir autorisés à payer les sommes dues à la banque dans le délai d'un an n'apparaît pas justifiée, alors par ailleurs que les intimés ont saisi la commission de surendettement des particuliers.

Sur la procédure à l'encontre des notaires :

La SA Crédit Immobilier de France Développement demande que soit ordonnée la disjonction entre l'appel en garantie introduit par les emprunteurs à l'encontre de Maître [B] [P] et la SCP de notaires [K]-[C]-[P]-[A]-[Z], et l'action en paiement par elle initiée, sur le fondement de l'offre de prêt et non de l'acte authentique, qui ne concerne pas les notaires dont la présence est selon elle sans objet.

Maître [B] [P] et la SCP [K]-[C]-[P]-[A]-[Z] font, quant à eux, également valoir qu'il ne pourra rien être jugé à leur égard, qu'en effet, ils sont fondés à soulever la disjonction de l'action en paiement de l'action en responsabilité initiée par les emprunteurs, laquelle est précisément celle actuellement pendante devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et objet d'un sursis à statuer.

Cependant, il ne peut qu'être constaté qu'aux termes de leurs dernières écritures, les époux [W] ne formulent, dans le cadre de la présente instance, aucune demande à l'encontre de Maître [B] [P] ou de la SCP [K]-[C]-[P]-[A]-[Z].

Dès lors, une disjonction apparaît sans objet.

Sur les frais irrépétibles :

En l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elle exposés et non compris dans les dépens.

Les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare la SA Crédit Immobilier de France Développement recevable en ses demandes,

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

Condamne M. [O] [W] et Mme [J] [J] à payer à la SA Crédit Immobilier de France Développement la somme de 231.097,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2010,

Dit que les intérêts se capitaliseront dans les termes de l'article 1154, devenu 1343-2, du code civil,

Déboute les époux [W] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la SA Crédit Immobilier de France Développement,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne les époux [W] aux dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/07535
Date de la décision : 10/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°14/07535 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-10;14.07535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award