COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2016
N° 2016/ 680
Rôle N° 14/17901
[M], [A] [Y] [N] veuve [P]
C/
[D] [X]
[N] [Z]
Grosse délivrée
le :
à :BONAN
LIBERAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Juin 2014
APPELANTE
Madame [M] [A] [Y] [N] veuve [P]
née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 1] (DANEMARK)
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [D] [X], es-qualité de liquidateur judiciaire de la Société LIFE INVEST FUND 3 INC, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [N] [Z], es qualité de mandataire ad hoc, représentant la société LIFE INVEST FUND 3 INC
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement du 16 juin 2014 par lequel le tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré recevable l'action en résolution de vente viagère introduite par Mme [M] [N],
- rejeté cette demande,
- alloué à Mme [M] [N] la somme de 20 169,64 euros au titre des arrérages de la rente viagère arrêtés au mois de septembre 2013 non inclus,
- constaté que la créance de Mme [M] [N] s'élève à la somme de
20 169,64 euros,
- alloué à Mme [M] [N] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts,
- constaté que la créance de Mme [M] [N] s'élève à 10 000 euros de dommages et intérêts,
- rejeté toute autre demande des parties,
- ordonné l'exécution provisoire,
- fait masse des dépens et les a partagés par moitié entre Mme [M] [N], d'une part, et Me [D] [X], es qualités de liquidateur judiciaire et Mme [N] [Z], es qualités de mandataire ad hoc de la société LIFE INVEST FUND 3INC, d'autre part,
Vu la déclaration du 17 septembre 2014 par laquelle Mme [M] [N] a interjeté appel de cette décision,
Vu les dernières conclusions du 26 septembre 2016 aux termes desquelles Mme [M] demande à la cour de :
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande en résolution de la vente viagère en date du 24 mars 2009 consentie à la société LIFE INVEST FUND 3 INC,
- prononcer, aux torts exclusifs de la société LIFE INVEST FUND 3 INC, la résolution de la vente en date du 24 mars 2009 du bien immobilier,
- ordonner la publication aux hypothèques de la décision à intervenir prononçant la résolution de la vente,
- pour le surplus, confirmer la décision entreprise, sauf à dire et juger que Me [D] [X], es qualités, devra payer non seulement les arrérages de rente dus au 30 septembre 2013 mais aussi tous les arrérages qui auront couru depuis cette date jusqu'à ce qu'une décision définitive passée en force de chose jugée soit rendue sur la base d'une rente viagère de 1.061,56 € par mois,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté que sa créance de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner au surplus Me [D] [X] es qualités à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner Me [D] [X] ès qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Jean Louis BONAN, Avocat, sur son affirmation de droit, par application de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions du 23 septembre 2016 aux termes desquelles Me [D] [X], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LIFE INVEST FUND 3 INC et Mme [N] [Z], mandataire ad hoc de cette société, demandent à la cour de :
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté la demande de
résolution de la vente,
- juger inefficace le commandement de payer visant clause résolutoire signifié le 19 novembre 2012 à la société LIFE INVEST FUND 3 INC prise en la personne de
Maître [X] es qualité de liquidateur judiciaire,
- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a fait droit aux demandes de paiements des rentes et accordé une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [M] [N]
- condamner Mme [M] [N] à payer à Me [D] [X] es qualités et Mme [N] [Z] es qualité la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens,
MOTIFS
Attendu que par acte notarié du 24 mars 2009, Mme [M] [N] a vendu en viager à la société LIFE INVEST FUND 3 INC un bien immobilier moyennant le paiement comptant d'une somme de 24 000 euros et d'une rente viagère annuelle de 12 360 euros, tout en se réservant un droit d'usage et d'habitation ;
Que ce contrat de vente stipulait expressément en sa page 4 que l'acquéreur devenait propriétaire de l'immeuble par le seul fait de l'acte notarié ;
Que par jugement du 30 avril 2012 le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société LIFE INVEST FUND 3 INC et nommé Me [D] [X] mandataire judiciaire ;
Que par courrier du 24 mai 2012 Mme [M] [N] a déclaré sa créance pour une somme totale de 3 171,81 euros au titre des arrérages échus en février, mars et avril 2012 ;
Que par jugement du 23 juillet 2012, le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé la liquidation judiciaire de la société LIFE INVEST FUND 3 INC et nommé Me [D] [X] liquidateur judiciaire ;
Que par acte d'huissier du 19 novembre 2012, Mme [M] [N], n'étant plus payée depuis février 2012, a signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société LIFE INVEST FUND 3 INC prise en la personne de son liquidateur judiciaire, réclamant le règlement des mensualités échues et impayées du mois de février 2012 au mois de novembre 2012 ;
Que par acte d'huissier du 17 décembre 2012 Me [X] es qualités et le mandataire ad hoc de la société LIFE INVEST FUND 3 INC ont assigné Mme [M] [N] aux fins de voir déclarer inefficace le commandement de payer, et ce, en application de l'article L 622-21 du code de commerce ;
Sur la résolution de la vente
Attendu que Mme [M] [N] demande à la cour de constater l'efficacité du commandement de payer délivré le 19 novembre 2012 et de prononcer la résolution de la vente aux torts exclusifs de la société LIFE INVEST FUND 3 INC ;
Qu'à l'appui de sa prétention, elle fait valoir, en premier lieu, que son commandement de payer est régulier dans la mesure où il vise non seulement les arrérages échus antérieurement au jugement ouvrant la procédure collective mais aussi les arrérages échus postérieurement à ce jugement d'ouverture ;
Mais attendu que, ainsi que le soutiennent à juste titre les intimés, le contrat de vente en viager ne peut être qualifié de contrat en cours dès lors que le transfert de propriété de l'immeuble est intervenu avant le jugement d'ouverture ;
Que les mensualités échues antérieurement comme postérieurement au jugement d'ouverture trouvent toutes leur origine dans le contrat de vente qui est antérieur au jugement ouvrant la procédure collective ; que les créances au titre de ces mensualités sont des créances antérieures ;
Qu'en conséquence, en application de l'article L 622-21 du code de commerce, Mme [M] [N], qui n'est créancière que de créances antérieures, ne peut exercer une action en résolution du contrat de vente ou tendant à faire constater l'acquisition d'une clause résolutoire pour défaut de paiement des arrérages échus antérieurement ou postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective ;
Qu'il en aurait été autrement si la clause résolutoire avait été acquise avant le jugement d'ouverture, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Que la demande en résolution du contrat doit être rejetée ;
Attendu que Mme [M] [N] soutient en second lieu, que le commandement de payer est régulier en application de l'article L 643-2 du code de commerce qui autorise les créanciers titulaires d'un privilège spécial à exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire ;
Mais attendu que ce texte autorise seulement la poursuite ou l'engagement des voies d'exécution et non l'action résolutoire ;
Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en résolution formée par Mme [M] [N] ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur la fixation et le paiement de la créance au titre des arrérages impayés
Attendu que Mme [M] [N] sollicite le paiement de tous les arrérages échus depuis le mois de février 2012, n'ayant reçu aucun paiement depuis cette date ;
Mais attendu que, comme il a été rappelé ci-dessus, les créances au titre des arrérages, même échus postérieurement au jugement d'ouverture, sont des créances nées antérieurement à ce jugement dont le paiement est interdit par application de l'article L 622-7 du code de commerce ;
Que Mme [M] [N] sera déboutée de sa demande en paiement ;
Attendu que s'agissant de la fixation de sa créance, [N] ne peut en faire constater le principe et le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances ;
Que le juge commissaire est seul compétent pour fixer cette créance, au titre des arrérages échus antérieurement comme postérieurement au jugement d'ouverture ;
Que la demande présentée par Mme [M] [N] tendant à faire fixer sa créance au titre des rentes échues et non payées sera rejetée ;
Sur la fixation de la créance de dommages et intérêts
Attendu que Mme [M] [N] sollicite une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de paiement des rentes, lesquelles représentaient un complément de revenus ;
Mais attendu que cette créance de dommages et intérêts, à supposer qu'elle existe, trouve son
origine dans le contrat de vente qui a été conclu antérieurement au jugement d'ouverture ;
Que cette créance doit dès lors être considérée comme une créance née antérieurement
au jugement ouvrant la procédure collective et doit être constatée par le juge commissaire seul compétent ;
Que Mme [M] [N] sera déboutée de sa demande formée de ce chef ;
Attendu que l'équité commande qu'aucune condamnation ne soit prononcée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- alloué à Mme [M] [N] la somme de 20 169,64 euros au titre des arrérages de la rente viagère arrêtés au mois de septembre 2013 non inclus,
- constaté que la créance de Mme [M] [N] s'élève à la somme de
20 169,64 euros,
- alloué à Mme [M] [N] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts,
- constaté que la créance de Mme [M] [N] s'élève à 10 000 euros de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ces chefs,
- Déboute Mme [M] [N] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- Rejette la demande présentée par Maître [D] [X], es qualités de mandataire judiciaire et par Mme [N] [Z], es qualités de mandataire de la société LIFE INVEST FUND 3 INC, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [M] [N] au paiement des dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT