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25/11/2016 | FRANCE | N°12/22609

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 25 novembre 2016, 12/22609


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2016



N° 2016/



Rôle N° 12/22609





SAS ALITALA - COMPAGNIA AEREA ITALIA S.P.A.

Société ALITALIA - LINEE AEREE ITALIANE S.P.A

[D] Prof.Avv.[O]

[N] Prof. Avv [H]

[X] Prof.Dott [Y]





C/



[H] [B]



CGEA - ILE DE FRANCE OUEST





Grosse délivrée

le :



à :



Me Olivier KRESS, avocat au barreau de PARIS



Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS



Me Delphine BERG, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2016

N° 2016/

Rôle N° 12/22609

SAS ALITALA - COMPAGNIA AEREA ITALIA S.P.A.

Société ALITALIA - LINEE AEREE ITALIANE S.P.A

[D] Prof.Avv.[O]

[N] Prof. Avv [H]

[X] Prof.Dott [Y]

C/

[H] [B]

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST

Grosse délivrée

le :

à :

Me Olivier KRESS, avocat au barreau de PARIS

Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS

Me Delphine BERG, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 30 Octobre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1199.

APPELANTS

SAS ALITALA - COMPAGNIA AEREA ITALIA S.P.A., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier KRESS, avocat au barreau de PARIS

Société ALITALIA - LINEE AEREE ITALIANE S.P.A, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me LETOUZE avocat au barreau de PARIS

Maître [D] AMBROSINI Alitalia S.P.A in Ammistrazione Straordinaria, mandataire liquidateur de la Ste Alitalia Linee Aeree Italiane SpA, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me LETOUZE avocat au barreau de PARIS

Monsieur [N] Prof. Avv [H] Alitalia S.P.A in Ammistrazione Straordinaria, mandataire liquidateur de la Ste Alitalia Linee Aeree Italiane SpA, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me LETOUZE avocat au barreau de PARIS

Monsieur [X] Prof.Dott [Y] Alitalia S.P.A in Ammistrazione Straordinaria, mandataire liquidateur de la Ste Alitalia Linee Aeree Italiane SpA, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me SIMMONS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me LETOUZE avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [H] [B], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Delphine BERG, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie THERY, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2016.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [B] a été embauché par la Société Alitalia Lignes Aériennes Italiennes (LAI) en qualité de comptable, selon contrat à durée indéterminée en date du 1er août 1971, sur le site Orly/Ouest.

Le 1er août 1977, il a été transféré au sein de la représentation régionale de [Localité 1], pour occuper le poste 'd'agent de réservation et comptoir vacant'. Il a ensuite obtenu la qualification de cadre A et occupé le poste de 'chargé d'affaires'.

Le 29 août 2008, rencontrant d'importantes difficultés économiques, la société LAI a été placée par le conseil des ministres italien, sous procédure d'administration extraordinaire des grandes entreprises publiques, suivie d'une décision de liquidation judiciaire du tribunal ordinaire de Rome le 5 septembre 2008.

Monsieur [Q] [V] a été nommé, par le Président du conseil des ministres italien, commissaire extraordinaire avec notamment comme fonction de procéder aux opérations de liquidation par la cession des actifs de la société LAI. Un premier appel d'offre a alors été formulé en vue d'informer les investisseurs potentiels.

Après de nombreuses négociations, c'est l'offre de la société Alitalia Compagnie Aérienne Italienne (CAI) qui a été finalement retenue. Le 12 décembre 2008 un acte de cession partielle, à effet du 12 janvier 2009, a été signé entre les sociétés LAI et CAI.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 janvier 2009, la société LAI a notifié à Monsieur [H] [B] son licenciement pour motif économique.

Contestant ce licenciement et invoquant l'application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail relatif au transfert des contrats de travail en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, Monsieur [H] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'[Localité 2] qui, par jugement en date du 30 octobre 2012, en sa section encadrement, a:

*constaté l'absence d'obligation d'exequatur du jugement italien prononçant la liquidation judiciaire de la société LAI en application du règlement communautaire n°44/2001 du 22 décembre 2000;

*constaté le maintien du contrat de travail de Monsieur [H] [B] en application de l'article L1224-1 du code du travail,

* constaté le non respect de l'obligation de reclassement individuel en violation de l'article L1233-4 du code du travail,

*constaté le non respect de l'ordre des licenciements,

*constaté que Monsieur [H] [B] bénéficiait de facilité de prime de transport,

*constaté l'absence de convention de reclassement personnalisé,

*dit et jugé que la décision de la juridiction italienne, déclarant la société Alitalia en insolvabilité est directement applicable en France, en l'absence d'obligation d'exequatur,

*mis hors de cause la Société LAI et le CGEA,

*dit et jugé que Monsieur [H] [B] était salarié de la Société CAI,

*dit et jugé que le licenciement de Monsieur [H] [B] était sans cause réelle et sérieuse,

* dit et jugé que la Société CAI n'avait pas respecté son obligation de reclassement en faveur de Monsieur [H] [B],

*dit et jugé que la Société CAI n'avait pas respecté l'ordre des licenciements,

*condamné la Société CAI à verser les sommes suivantes à Monsieur [H] [B]:

-87837,66 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements,

-5000 € au titre de la réparation pour perte de facilité de transport,

-5000 € à tire de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage,

-5000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-7200 € au titre de l'allocation de reclassement,

-2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*ordonné l'exécution provisoire du présent jugement

*débouté Monsieur [H] [B] du surplus de ses demandes,

*débouté la Société CAI de ses demandes,

*condamné la Société CAI aux entiers dépens.

Le 29 novembre 2012, la SAS Alitalia Compagnie Aeara Italia (CAI) a régulièrement relevé appel de cette décision.

MM. [O], [H] et [Y], administrateurs extraordinaires de la société LAI, ont été régulièrement convoqués par le greffe.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément référé, la société CAI demande à la cour, de:

1 A titre principal,

*réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société CAI à indemniser Monsieur [H] [B] et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

*dire et juger que, par application des textes communautaires et de la jurisprudence, ainsi que de la loi italienne, l'acquisition de certains actifs de la société LAI par la société CAI, à l'occasion de la liquidation judiciaire de la société LAI, n'entraîne pas de transfert du contrat de travail de Monsieur [H] [B] au sein de la société CAI;

2. A titre subsidiaire,

* réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société CAI à indemniser Monsieur [H] [B] et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

*dire et juger que l'acquisition de certains actifs de la société LAI par la société CAI ne constitue pas un transfert d'entité économique autonome au sens de l'article L1224-1 du code du travail;

3. A titre infiniment subsidiaire,

*réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société CAI à indemniser Monsieur [H] [B] et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

*dire et juger que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société LAI est valable et que le licenciement de Monsieur [H] [B] à l'initiative de la société LAI repose sur une cause réelle et sérieuse;

4. En tout état de cause,

*condamner Monsieur [H] [B] à verser à la Société CAI la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamner Monsieur [H] [B] aux entiers dépens.

L'appelante critique le jugement déféré pour les motifs suivants:

- la directive du 12 mars 2001 exclut en son article 5-1 dans la situation de transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'entreprise, le transfert des contrats de travail lorsque le cédant fait l'objet d'une procédure de faillite ou d'insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d'une autorité publique compétente,

- la commission européenne a été saisie à l'occasion du projet de cession de la LAI à la CAI et a jugé par une décision du 12 novembre 2008 qu'il n'y avait pas en l'espèce de transfert d'une entité économique conservant sa propre identité,

- en l'absence de continuité d'activité économique ou opérationnelle aucun transfert de contrat de travail n'a eu lieu entre LAI ET CAI, c'est ce qu'ont jugé des décisions rendues par des juridictions espagnoles, italiennes et un jugement du juge départiteur de Paris du 26 avril 2013, dans la même espèce,

- à titre subsidiaire, la cession de certains actifs de la société LAI à CAI ne constitue pas un transfert d'entité économique autonome poursuivant son activité au sens de l'article L 1224-1 du code du travail, ainsi que cela résulte de la décision de la commission du 12/11/2008 et du changement radical des procédés d'exploitation qui entraînent l'altération de l'identité de l'entité économique

Aux termes des écritures déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément référé la société LAI, sous procédure d'administration extraordinaire, et ses liquidateurs MM. [O] [H] et [Y], administrateurs extraordinaires de la société LAI, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause ladite société.

Ils demandent à la cour de dire et juger que:

1. A titre principal,

*le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société LAI est conforme aux exigences légales,

*le motif économique est réel et sérieux,

*la société LAI a parfaitement rempli son obligation de recherche de reclassement à l'égard de Monsieur [H] [B],

*il n'y a pas lieu à appliquer l'ordre des licenciements ni la priorité de réembauchage, les demandes de Monsieur [H] [B] étant infondées,

*la demande de facilité de transport doit être rejetée, la demande étant infondée,

*la demande au titre du préjudice moral doit être rejetée, la demande étant dépourvue de fondement,

*la demande d'allocation de reclassement doit être rejetée, du fait de l'absence d'imputabilité à l'employeur,

*les activités de la société LAI n'ont pas fait l'objet d'une cession d'une entité économique autonome poursuivant son activité auprès de la société CAI justifiant le transfert automatique du contrat de travail du demandeur à cette société,

*débouter, en conséquence, Monsieur [H] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions de ces chefs;

2. A titre subsidiaire,

*dire et juger que la demande de Monsieur [H] [B] au titre de la nullité du licenciement est irrecevable, comme étant dépourvu de fondement légal et, en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions du chef de la nullité du licenciement,

*à titre très subsidiaire, dire et juger que la demande de Monsieur [H] [B] s'analyse en une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de fixer ces dommages et intérêts à la somme de 33204,96 €,

*rejeter purement et simplement la demande liée à la reconnaissance du caractère sans cause réelle ni sérieuse du licenciement ainsi que ses conséquences indemnitaires, en cas de reconnaissance de la nullité des licenciements résultant de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société LAI et d'indemnisation du salarié sur cette base,

*à titre très subsidiaire, dire et juger que la demande de Monsieur [H] [B] au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse est excessive et la ramener au minimum légal de six mois de salaire, soit 33204,96 €,

*dire et juger que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et l'indemnité de même nature pour non respect de l'obligation de reclassement ne se cumulent pas;

3. En tout état de cause,

*condamner les AGS à garantir les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées à l'encontre de la société LAI,

*rejeter la demande de Monsieur [H] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*rejeter la demande d'exécution provisoire,

*condamner le salarié à payer à la Société LAI la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamner le demandeur aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément référé, Monsieur [H] [B] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté:

*l'absence d'obligation d'exequatur du jugement italien prononçant la liquidation judiciaire de la société LAI en application du règlement communautaire n°44/2001 du 22 décembre 2000,

*le maintien du contrat de travail de Monsieur [H] [B] en application de l'article L1224-1 du code du travail,

*l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi dans la présentation aux institutions représentatives du personnel en application de l'article L1233-61 du code du travail et dans les propositions de reclassement en application de l'article L1233-62 du code du travail,

*le non respect de l'obligation de reclassement individuel en violation de l'article L1233-4 du code du travail ainsi que le non respect de l'ordre des licenciement en violation de la convention collective applicable,

*le bénéfice par Monsieur [H] [B] de facilités de transport,

*l'absence de convention de reclassement personnalisé;

En conséquence, il demande à la cour de:

*dire et juger que:

-la décision de la juridiction italienne déclarant la Société LAI en insolvabilité est directement applicable en France,

-il est salarié de la société CAI,

-le licenciement est nul pour insuffisance de présentation du plan de sauvegarde de l'emploi aux institutions représentatives du personnel,

-le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi dans les propositions de reclassement de Monsieur [H] [B],

-la société CAI n'a pas respecté son obligation de reclassement individuel en faveur de Monsieur [H] [B],

-la société CAI n'a pas respecté l'ordre des licenciements,

-il doit bénéficier de facilités de transports, peut prétendre à une indemnité de reclassement, a subi un préjudice moral,

-l'article 700 du code de procédure civile est applicable à l'espèce;

*condamner la Société CAI à verser à lui verser les sommes suivantes:

-58558,44 € à titre de dommages et intérêts pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi,

-87837,66 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-87837,66 € au titre du non respect de l'obligation de reclassement individuel,

-9759,74 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage,

-29424,80 € au titre du non respect de l'ordre des licenciements,

-16000 € au titre des réparations pour la perte des facilités de transport,

-25000 € au titre du préjudice moral,

-7200 € au titre de l'allocation de reclassement,

-2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne faisait pas application de l'article L1224-1 du code du travail, condamner in solidum la société LAI et le CGEA à lui verser les sommes précisées ci-dessus.

Le CGEA Ile de France Ouest, intervenant au titre de la prodécure collective de la LAI, dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, demande à la cour de:

*confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 30 octobre 2012 en ce qu'il a considéré que le contrat de travail a été transféré à la société CAI,

Subsidiairement,

*débouter Monsieur [H] [B] de sa demande de nullité du licenciement,

*dire et juger légitime le licenciement de Monsieur [H] [B] dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures de reclassement tant internes qu'externes, dans le respect de l'ordre des licenciements,

Très subsidiairement,

*réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités pour réparer la perte de son emploi,

*dire et juger qu'il ne justifie pas de préjudices distincts, pour chacune des demandes de dommages et intérêts qu'il formule,

*réformer le jugement déféré sur ces points,

*dire et juger que la garantie AGS ne s'applique aux indemnités de rupture que lorsque celle-ci intervient dans l'une des périodes définies à l'article L3253-8, 2,3,4 du code du travail,

*dire et juger que la garantie AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

*mettre hors de cause le CGEA de L'Ile de France Ouest pour les demandes au titre des frais irrépétibles, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité;

*dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable ( articles L 3253-17 et D 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-19 du code du travail;

*dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels ( article L 622-28 code du commerce).

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le transfert du contrat de travail,

A titre préalable, il est observé que la reconnaissance du jugement du tribunal ordinaire de Rome en date du 5 septembre 2008 qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société LAI n'est aucunement discutée et résulte de l'application de l'article 16 du règlement CE n°1346/2000. Ce règlement précise par ailleurs en son article 10 que les effets de la procédure d'insolvabilité sur le contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l'Etat membre applicable au contrat de travail.

M. [B], dont le contrat est soumis à la loi française, invoque au soutien de ses demandes les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail selon lequel lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise et en conclut qu'étant salarié de la société LAI à la date de la signature de l'acte de cession entre cette dernière et la société CAI, soit le 12 décembre 2008, son contrat de travail a été automatiquement transféré à la société cessionnaire.

L'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

La société CAI appelante soutient que ladite directive exclut le transfert des contrats de travail en cas de liquidation judiciaire, de sorte que M. [B] ne peut se prévaloir de ces dispositions, peu important que la cession d'actifs critiquée constitue ou non une entité économique autonome.

Selon son article premier 1 a) et b), la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements est applicable à tout transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'entreprise ou d'établissement à un autre employeur résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion; est considéré comme transfert, celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

Certes, son article 5.1 dispose que, sauf si les Etats membres en disposent autrement, les articles 3 et 4 qui prévoient le principe du maintien des droits de travailleurs, dont le transfert du contrat de travail, ne s'appliquent pas au transfert d'entreprise lorsque le cédant fait l'objet d'une procédure de faillite ou d'insolvabilité analogue en vue de la liquidation des biens du cédant, cependant, eu égard au champ d'application de la directive, cette exclusion est limitée à la liquidation de l'actif restant en vue de l'apurement du passif, avec pour condition qu'il forme une entité économique autonome maintenant son identité.

En conséquence, cette condition est préalable et non subsidiaire, ainsi que le conclut à tort l'appelante.

Il est ajouté que si la décision de la commission européenne du 12 novembre 2008 et l'accord cadre du 14 septembre 2008 conclu entre le gouvernement italien et les syndicats italiens permettent d'éclairer les conditions de la cession, ils ne sauraient, par principe, empêcher tout recours de M. [B] fondé sur les dispositions de l'article susvisé, de sorte qu'il serait plus exactement irrecevable. Les dispositions de l'article L 626-10 du code de commerce ne peuvent davantage avoir pour effet d'écarter les dispositions d'ordre public dudit article, dès lors que la cession porte sur une entité économique autonome.

Il est rappelé que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre; le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant. Il est exigé que l'entité économique conserve son identité après le transfert.

Lorsque ces conditions sont réunies, le transfert s'opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d'en assurer la direction.

Il est nécessaire de rappeler la chronologie des opérations de cession entre la LAI et la CAI:

- l'offre partielle de reprise présentée par la société CAI a été acceptée par le commissaire extraordinaire le 20 novembre 2008,

- ce dernier a décidé le 26 novembre suivant qu'il y avait lieu de procéder dans les meilleurs délais possibles à la fermeture de tous les sièges de la société LAI et donc de rompre les contrats de travail du personnel en cours et a ordonné à M. [W], mandataire en France, de procéder à la rupture des contrats de travail avec la succursale en opérant selon la législation et accords individuels et collectifs applicables,

- le président du conseil des ministres italiens a autorisé le commissaire extraordinaire par décret du 1er décembre 2008 à différer jusqu'au 12 janvier 2009, mais pas au delà, le transfert des biens et contrats faisant l'objet de l'offre de cession, l'activité de service aérien devant continuer d'être assurée par la LAI dans l'intérêt du public et en raison de la période d'augmentation du trafic pendant les fêtes de fin d'année,

- l'acte de cession prévoit une prise d'effet au 12 janvier 2009 à 23 heures, date à laquelle la société CAI est devenue propriétaire des actifs achetés comprenant des avions, des créneaux de vol, biens immatériels .....

Cette prise d'effet différée avait pour but de garantir la continuité du service aérien pendant les fêtes de fin d'année et non de faire obstacle aux droits des salariés français dont la procédure de licenciement collectif était déjà engagée depuis le 24 novembre 2008 avec consultation des représentants du personnel sur le projet du PSE, avant l'envoi par la société LAI d'une lettre de licenciement pour motif économique le 9 janvier 2009, soit antérieurement au transfert des actifs.

Les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail ne peuvent trouver application dès lors que:

- la cession ( cf pièce 2 de l'appelant, clause objet du contrat traduite in extenso) ne porte que sur l'activité de transport de passagers et sur certains biens afférents, à l'exclusion de l'activité de frêt, et des services au sol, soit 69 % de l'activité de la LAI en matière de transport de passagers,

- la cession ne concerne que la moitié des 180 avions,

- le plan industriel mis en place par le cessionnaire démontre un changement radical d'exploitation aux conditions du marché,

- la CAI n'a pas repris les licences de vol de la LAI, laquelle, compagnie nationale, n'était titulaire à la date de la cession, que d'une licence temporaire, valable 30 jours, destinée à assurer le service public aérien, la CAI s'est vue attribuer une autorisation de vol à compter du 13 janvier 2009.

La décision de la commission européenne du 12 novembre 2008 qui porte effectivement sur l'offre de la CAI qu'elle analyse en détail, dont les pièces 27 et 28 de l'appelante établissent qu'elle n'a pas été modifiée entre le 31 octobre et 19 novembre, ayant pour objet de se prononcer sur ' l'éventuelle acquisition par des tiers de certains biens d'Alitalia, qui se fera sur la base d'une offre déjà formulée, ne comporte pas d'éléments de continuité économique avec l'entreprise mise en administration extraordinaire qui pourraient porter à croire à un transfert à l'acheteur des dettes d'Alitalia, en particulier de son obligation de restituer les aides d'Etat illégales qui avaient été accordées à Alitalia', conclut qu'il n'y aura pas de continuité économique entre la LAI et la CAI.

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a jugé que le contrat de travail de M. [B] était maintenu et qu'il était salarié de la CAI.

2. Sur la demande de nullité du licenciement pour insuffisance de présentation du plan de sauvegarde de l'emploi aux institutions représentatives du personnel,

La procédure applicable est celle d'un licenciement collectif pour motif économique concernant au moins 10 salariés, sur une période de 30 jours dans une entreprise comptant au moins 50 salariés, l'effectif est celui des salariés relevant des établissements situés en France (77).

M. [B] soutient que le licenciement est nul par application de l'articles L 1235-10 du code du travail et sollicite en application de l'article L 1235-11, le paiement de la somme de 58 558,48€ à titre de dommages et intérêts en raison de l'insuffisance du PSE dans la présentation aux institutions représentatives du personnel.

Dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 14 juin 2013, l'article L 1235-10 dispose que 'Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciements concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.

Le premier alinéa n'est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires'.

Quant à l'article L 1235-11, ' Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois'.

Or, les pièces du dossier établissent que le plan a été présenté aux représentants du personnel, 'réunis, informés et consultés' avant le licenciement ( pièces 5 à 13 de la LAI). En tout état de cause, le dernier alinéa de cet article précise que la nullité n'est pas encourue en raison de l'insuffisance applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.

Cette demande sera en conséquence rejetée.

3. Sur le licenciement et les demandes afférentes,

Il est certain que le plan de sauvegarde de l'emploi doit contenir des mesures concrètes et précises de reclassement interne et dans le groupe, propres à éviter des licenciements ou à en réduire le nombre, ainsi que des dispositions destinées à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité.

La validité du PSE, régulièrement autorisée par la Directe, est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique ou sociale ou le groupe. Elle impose de tenir compte des capacités limitées de l'entreprise en état de cessation des paiements, comme du délai de l'article L.3253-8 du code du travail qui est accordé au liquidateur pour notifier les

licenciements ouvrant droit à la garantie de l'AGS.

M. [B] soutient que le PSE est insuffisant dans les propositions de reclassement qui lui ont été faites.

Il est rappelé que ledit plan s'inscrit dans le cadre d'une procédure de cessation totale des activités de toutes les sociétés du groupe LAI ,qui avait à cette époque des dettes à hauteur de 2,8 milliard d'euros, placées en liquidation judiciaire. Cette cessation d'activité par la mise en oeuvre de la procédure 'd'administration extraordinaire' équivalente à une liquidation judiciaire, s'est traduite par une disparition de tous les emplois du groupe et donc une impossibilité de reclassement interne.

Sur le reclassement externe, le PSE prévoit en son article 2 B diverses mesures dont des contacts avec la commission paritaire nationale de l'emploi du secteur d'activité, dont il est justifié, ainsi que le recours à une entreprise spécialisée, chargée par Alitalia d'une cellule de reclassement (cabinet outplacement), consistant en un accompagnement de reclassement de huit mois pour les salariés de moins de 50 ans et d'un an pour ceux de plus de 50 ans. Cette cellule a permis le reclassement de certains salariés ( pièce n°17). Cette cellule, comprenant un accompagnement personnalisé, était ouverte aux salariés volontaires. Ces modalités sont rappelées dans la lettre de licenciement. Il n'est pas établi que M. [B] ait adhéré à ce dispositif matérialisé par la signature d'une charte d'adhésion entre le salarié, le consultant et Alitalia.

En cet état, l'insuffisance du PSE et le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement individuel qui priverait le licenciement de M. [B] de sa cause réelle et sérieuse ne sont pas démontrés.

M. [B] réclame ensuite le paiement de 9759,74 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage et de 29424,80 € au titre du non respect de l'ordre des licenciements.

Sur la première demande formée au visa de l'article L 1235-12 du code du travail, la cessation totale des activités de la société dans le cadre d'une liquidation judiciaire la rend infondée. En tout état de cause, il n'est établi, ni la demande en ce sens du salarié, dans l'année suivant le licenciement, ni une embauche violant cette priorité. Quant à la seconde, dès lors que le licenciement est intervenu dans le cadre d'une cessation totale des activités de la société, l'obligation d'établir un ordre de licenciement ne s'impose pas à l'employeur.

Sur la somme de 7200 € intitulée 'allocation de reclassement', réclamée par le salarié pour absence de réponse suite à l'acceptation du contrat de reclassement personnalisée, la cour observe que M. [B] qui a reçu la proposition de CRP le 22 décembre 2008 ( pièce 25 de la LAI) ne justifie aucunement contrairement à ce qu'il soutient, avoir accepté ce contrat dans le délai de réflexion de 14 jours qui lui était imparti, le courrier dont il se prévaut étant daté du 20 février 2009. Or, l'absence de réponse dans ce délai vaut refus, ce qui explique les termes de la lettre de licenciement. Ladite demande sera également rejetée.

4. Sur les autres demandes,

Sur la perte des facilités de transport, elle est la conséquence inévitable du licenciement dont la cour considère qu'il est fondé. M. [B] ne saurait prétendre à une indemnisation de ce chef.

Enfin, la cour jugeant par le présent arrêt que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse et que l'employeur a respecté les obligations lui incombant la demande au titre du préjudice moral sera également rejetée.

M. [B] qui succombe en l'ensemble de ses demandes, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Alitalia Lignes Aériennes Italiennes (LAI) prise en la personne de ses liquidateurs et de la SAS Alitalia Compagnie Aeara Italia (CAI) l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles ont engagés au cours de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [H] [B] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

Déboute la société Alitalia Lignes Aériennes Italiennes (LAI) prise en la personne de ses liquidateurs et la SAS Alitalia Compagnie Aeara Italia (CAI) de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [H] [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/22609
Date de la décision : 25/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°12/22609 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-25;12.22609 ?
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