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08/12/2016 | FRANCE | N°14/03675

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 08 décembre 2016, 14/03675


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 08 DÉCEMBRE 2016



N° 2016/400













Rôle N° 14/03675







Compagnie d'assurances AXA FRANCE





C/



[Q] [P]

[T] [W] épouse [P]

L'EUROPEENNE DES SOLS ET FONDATIONS

SA GAN ASSURANCES







Grosse délivrée

le :

à :

Me F. BOULAN

Me R. BUVAT

Me S. MAYNARD

Me V. DEMICHELIS




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 18 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/10034.





APPELANTE



Compagnie d'assurances AXA FRANCE

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 72...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 08 DÉCEMBRE 2016

N° 2016/400

Rôle N° 14/03675

Compagnie d'assurances AXA FRANCE

C/

[Q] [P]

[T] [W] épouse [P]

L'EUROPEENNE DES SOLS ET FONDATIONS

SA GAN ASSURANCES

Grosse délivrée

le :

à :

Me F. BOULAN

Me R. BUVAT

Me S. MAYNARD

Me V. DEMICHELIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 18 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/10034.

APPELANTE

Compagnie d'assurances AXA FRANCE

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean Jacques DEGRYSE de la SELARL CABINET DEGRYSE, avocat au barreau de TOULON, substitué par Me Nathalie CAMPANA de la SELARL CABINET DEGRYSE, avocate au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [Q] [P],

[Adresse 2]

représenté par Me Robert BUVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL GILBERT BOUZEREAU GREGORY KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

Madame [T] [W] épouse [P],

[Adresse 2]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL GILBERT BOUZEREAU GREGORY KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.R.L. L'EUROPEENNE DES SOLS ET FONDATIONS

siège social sis [Adresse 3]

représentée en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité au dit siège social et encore en son établissement secondaire sis [Adresse 4]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me André BERNARD, avocat au barreau de PARIS

SA GAN ASSURANCES

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 5]

représentée et plaidant par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Mélanie LOEW de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédactrice)

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2016.

Le 24 Novembre 2016, les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé et que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Suivant marché de travaux du 10/03/2000, les époux [P] ont confié à la SARL MGO assurée auprès de la SA AXA FRANCE IARD la construction d'une maison d'habitation à [Localité 1].

L'étude des sols confiée à la SARL EUROPEENNE DES SOLS (ESF) assurée auprès de la compagnie GAN ASSURANCES IARD a été réalisée le 07/04/2000.

La déclaration d'ouverture du chantier (D.R.O.C) indique que le chantier a été ouvert le 23/04/2001 pour la totalité des travaux ayant fait l'objet du permis de construire.

La déclaration d'achèvement des travaux est datée du 14/04/2002 et il n'y a pas eu de procès-verbal de réception des travaux.

Début 2003, les époux [P] ont constaté l'apparition d'importantes fissures évolutives sur leur construction.

Par jugement du 07/05/2004, le Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL MGO, puis par jugement du 18/10/2004 la clôture de la procédure a été prononcée pour insuffisance d'actif.

Différentes expertises amiables ont été diligentées à la demande de GROUPAMA, assureur des époux [P], et d'AXA, assureur de la SARL MGO.

Par ordonnance du 09/07/2008 rendue à la demande des époux [P], le président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN statuant en référé a ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [Z] [U].

Par ordonnance du 12/05/2010 rendue à la demande de la compagnie AXA, le juge des référés du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a déclaré commune et opposable à la SARL ESF et à la société GAN IARD l'ordonnance de référé du 09/07/2008 et dit que M. [Z] [U], expert commis, devra poursuivre ses opérations contradictoirement à l'égard de la SARL ESF et de la société GAN IARD, que les mis en cause devront être régulièrement convoqués par l'expert et que son rapport leur sera opposable.

Par ordonnance du 08/07/2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a notamment ordonné une expertise complémentaire confiée à M. [Z] [U] pour déterminer une éventuelle aggravation des désordres, rechercher si l'ouvrage menace ruine et, le cas échéant, chiffrer le coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage et au besoin proposer toute mesure urgente dans les plus brefs délais aux frais avancés des époux [P] demandeurs à l'incident.

L'expert a déposé un premier rapport le 02/08/2010 se référant à la mission visée par l'ordonnance rendue le 09/07/2008 et un deuxième rapport le 22/02/2012 se référant à la mission visée par l'ordonnance rendue le 08/07/2011.

Par ordonnance du 03/05/2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a notamment :

- rejeté la demande de provision des époux [P],

- dit que la demande de la société ESF tendant à considérer comme nulle l'expertise de M. [Z] [U]' relève de la compétence du juge du fond,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 27/09/2013 pour clôture impérative et fixation avec injonction aux parties de signifier leurs conclusions récapitulatives et pièces au plus tard le 13/09/2013.

Le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a, par jugement réputé contradictoire du 18/12/2013:

- dit que la réception tacite des travaux est intervenue le 14/04/2002,

- constaté en conséquence la mise en oeuvre de la garantie décennale à l'encontre de la société MGO,

- constaté que les désordres affectant la construction des époux [P] relèvent de la garantie décennale,

- dit que le rapport d'expertise déposé le 02/08/2010 est nul à l'égard de la société ESF pour non respect du contradictoire,

- dit que la SARL MGO est entièrement responsable des malfaçons et désordres affectant l'immeuble des époux [P],

- condamné la compagnie AXA es qualité d'assureur de la société MGO au paiement des travaux de remise en état évalués par expert:

* à la somme de 10022,55 euros HT les travaux de démolition/reconstruction de l'auvent du garage sous réserve de la réduction de la somme de 1261,35 euros relative à la réfection des enduits, ce poste de travaux étant mentionné deux fois dans le chiffrage de l'expert,

* à la somme de 14560,40 euros HT les travaux de démolition/reconstruction de la terrasse sous réserve de la déduction de la somme de 3380,40 euros qui concerne le poste réfection des enduits et qui est mentionné deux fois dans le chiffrage de l'expert,

* à la somme de 39383,95 euros HT la démolition, reprise en sous-oeuvre et embellissement de la villa,

- dit qu'un taux de TVA à 7% sera appliqué aux travaux de reprise,

- condamné la compagnie AXA au paiement du préjudice immatériel des époux [P] évalué à la somme de 26670 euros en ce qui concerne leur déménagement et aménagement, et relogement pendant les travaux de reprise,

- débouté les époux [P] pour le surplus,

- condamné la compagnie AXA à verser aux époux [P] et à la société ESF la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

******

Par déclaration du 21/02/2014, la compagnie d'assurance AXA FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice a interjeté appel.

Par dernières conclusions récapitulatives avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 05/01/2015, elle demande à la cour :

Vu les articles 462 et 463 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 16, 114 et 175 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1147 et 1382 du Code Civil,

Vu le jugement du 18 décembre 2013,

Vu les articles L 241-1 et A 243-1 du Code des Assurances,

Vu la norme NF P 94-500,

- de RECEVOIR la société AXA FRANCE IARD en son appel et le déclarer bien-fondé,

- de REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN le 18 décembre 2013 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du rapport d'expertise judiciaire du 2 août 2010 à l'égard de la société ESF,

- dit que la société MGO est seule responsable des désordres affectant I'immeuble,

- condamné la société AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur décennal de la société MGO à régler aux époux [P] le coût des travaux réparatoires des dommages matériels tels qu'évalués par l'Expert Judiciaire, déductions à faire de la somme de 1261,35 euros pour les travaux de démolition et de reconstruction de l'auvent du garage, et de 3380,40 euros au titre des travaux de démolition et reconstruction de la terrasse,

- condamné la société AXA FRANCE IARD à indemniser les époux [P] de leur préjudice immatériel évalué à la somme de 26670 euros,

- condamné la société AXA FRANCE IARD à verser une indemnité de procédure à Monsieur et Madame [P], ainsi qu'à la société ESF, et au paiement des dépens de l'instance,

- de constater et juger que le Tribunal a omis de statuer sur l'action récursoire en garantie formée par la société AXA FRANCE IARD à l'encontre de la société ESF et de la société GAN ASSURANCES,

- de constater et juger que le Tribunal a également omis de statuer sur la demande de la société AXA FRANCE IARD au titre des honoraires des sociétés ERG et SUDEX INGENIERIE par elle réglés, sous les plus expresses réserves de garantie à titre de frais avancés pour le compte de qui il appartiendra,

- de confirmer le jugement en date du 18 décembre 2013 pour le surplus,

- de constater et juger que le Tribunal n'a pas omis de statuer sur la demande de frais de maîtrise d''uvre des époux [P],

Et ce faisant, statuant à nouveau,

- de juger le rapport d'expertise judiciaire du 2 août 2010 opposable et régulier à |'égard de la société ESF et de la société d'Assurance GAN, qui ne justifient d'aucun grief,

- de débouter la société ESF et la société d'Assurance GAN de leur demande de nullité du rapport d'expertise,

- de dire et juger que la société GAN ASSURANCES est l'assureur de responsabilité civile décennale de la société ESF lors de l'ouverture du chantier des époux [P],

En conséquence,

- de débouter la société GAN ASSURANCES de sa demande de mise hors de cause,

- de constater qu'aucune réception des travaux n'a eu lieu,

- de dire et juger que la date de prise de réception tacite au 14 avril 2002, telle que revendiquée par les demandeurs ne pourra être retenue, pas plus que la demande tendant à voir prononcer la réception judiciaire à cette date,

- de dire et juger que la garantie décennale souscrite par la société MGO auprès de la société d'assurance AXA FRANCE IARD ne saurait être utilement mobilisée,

- de débouter les demandeurs, ou toute autre partie à la cause, de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société d'Assurance AXA FRANCE IARD,

A titre subsidiaire, si une condamnation était prononcée à l'encontre de la société d'assurance AXA FRANCE IARD :

- de CONSTATER, DIRE ET JUGER que la responsabilité de la société E.S.F est établie,

- de DIRE ET JUGER que la date d'ouverture du chantier à retenir est celle du 23 avril 2001, voire le cas échéant du 29 mai 2001, date de la visite de chantier n°1 de la société ESF, et que la société d'Assurance GAN est bien l'assureur de Responsabililé Civile Décennale de la Société ESF, à ces dates,

- de DIRE ET JUGER que la garantie décennale de la société d'Assurance GAN est mobilisable,

- de DIRE ET JUGER que la société E.S.F et sa compagnie d'assurance GAN IARD devront in solidum relever et garantir la société d'Assurance AXA FRANCE IARD de toutes condamnations mises à sa charge, en principal, intérêts, frais et accessoires,

Le cas échéant, au titre des préjudices et frais annexes,

- de CONDAMNER la société ESF à relever et garantir la société d'Assurance AXA FRANCE IARD de toutes sommes qui seraient mises à sa charge au titre des préjudices invoqués par les époux [P],

En tout état de cause :

- d'HOMOLOGUER le chiffrage à dire d'expert sous réserve des modifications suivantes :

- 1 261,35 € HT à déduire du poste concernant la réfection des enduits après reconstruction de l'auvent du garage,

- 3 380,40 € HT à déduire du poste concernant la réfection des enduits de la terrasse à l'identique,

- application d'une TVA au taux réduit en vigueur au jour de l'arrêt à intervenir,

- de CONSTATER que la société d'assurance AXA FRANCE IARD a réglé, sous les plus expresses réserves de garantie, à ses frais avancés les sommes suivantes:

- Facture d'honoraires d'ERG : 3 869,20 € TTC

- Facture d'honoraires SUDEX INGENIERIE: 3 165 € TTC,

- de CONDAMNER tout succombant à payer à la concluante, lesdites sommes.

En toute hypothèse :

- de DEBOUTER Monsieur et Madame [P], ou toute autre partie à la cause, de l'intégralité de leurs autres demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société d'Assurance AXA FRANCE IARD,

- de CONDAMNER tout succombant à payer à la société d'assurance AXA France IARD la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de l'instance, avec distraction.

******

Par dernières conclusions récapitulatives avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 26/06/2014, M. [Q] [P] et Mme [T] [W] épouse [P] demandent à la cour :

Sur la demande de rectification du jugement :

Vu les articles 462 et 463 du Code de Procédure Civile,

- de RECTIFIER le dispositif du jugement frappé d'appel de la façon suivante :

«CONDAMNE la Cie AXA es qualité d'assureur de la société MGO au paiement des travaux de remise en état évalués par l'expert :

- à la somme de 139 383, 95 € HT la démolition, reprise en sous 'uvre et embellissement de la villa.

CONDAMNER la Compagnie AXA au paiement de la somme de 15 688, 40 € TTC au titre des frais de maîtrise d'oeuvre.''

A titre principal au fond,

Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,

Vu les désordres évolutifs,

Vu l'atteinte à la destination des ouvrages,

Vu l'atteinte à la sécurité des personnes,

Vu le principe de précaution,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la réception tacite des travaux est intervenue le 14 avril 2002 et à défaut prononcer la réception judiciaire au 14 avril 2002,

- de dire et juger que les désordres revêtent un caractère décennal,

- de dire et juger que les constructeurs engagent leur responsabilité solidaire au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil,

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1147 du Code Civil,

- de dire et juger que les constructeurs engagent leur responsabilité contractuelle de droit commun au sens de l'article 1147 du code civil,

En tout état de cause,

- de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la Société ESF et son assureur GAN,

- de condamner solidairement la société ESF, son assureur la Compagnie GAN, la compagnie AXA ès qualité d'assureur de la SARL MGO à payer aux époux [P] les sommes de :

- 166 703,20 € TTC au titre des travaux de reprise de la villa,

- 17 414,24 € TTC au titre des travaux de démolition et la reconstruction de la terrasse,

- 11986,98 € TTC au titre des travaux de démolition et la reconstruction de l'auvent du garage,

- 15 688,4 € TTC au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre,

- 4 980,86 € TTC au titre des frais de déménagement et réaménagement,

- 19 200 € pour les frais de location d'une habitation équivalente pendant 6 mois,

- 21 600 € pour le préjudice de vue et de jouissance du jardin,

- 5 668 € pour le préjudice lié à l'impossibilité de construire le mur de soutènement,

- 5 000 € pour résistance abusive,

- 2 292,66 € au titre des frais de location des étais,

- 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire et juger que les condamnations seront réindexées sur l'indice du coût de la construction à compter du dépôt du rapport de Monsieur [U] jusqu'au jour où la décision sera rendue (BT01),

- de dire et juger que les condamnations seront assorties du taux de TVA applicable au moment du prononcé de la présente décision,

- de condamner la compagnie AXA à payer aux époux [P] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

- de condamner solidairement les requis aux dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier et des deux expertises judiciaires.

******

Par dernières conclusions récapitulatives avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 05/03/2015, la société EUROPEENNE DES SOLS ET FONDATION demande à la cour :

Vu les articles 462 et 463 du Code de Procédure Civile, ainsi que 16, 114 et 175 du même code,

Vu les articles 1134 et suivants, ainsi que 1792 et suivants et 1147 et 1382 et suivants du Code Civil,

Vu les articles L241-1 et A 243-1 du Code des Assurances,

Vu l'article 6.1 de la CEDH, ainsi que la norme NF P 94-500,

- de recevoir la société ESF en ses écritures, et dire et juger recevable ses écritures,

En conséquence,

- de confirmer en tous points le jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 18 décembre 2013,

- de rejeter l'ensemble des prétentions et des demandes des époux [P] à l'égard de la société ESF, ainsi que celles de la compagnie AXA,

Subsidiairement, si par impossible, la Cour devait imputer une part de responsabilité à la société ESF Géo Sud, il conviendra de dire et juger que cette dernière sera intégralement garantie par la compagnie d'assurance GAN IARD, conformément à la police d'assurance souscrite,

- de condamner tout succombant à payer à la société ESF la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance.

******

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et notifiées par

le R.P.V.A. le 13/10/2014, la SA GAN ASSURANCES demande à la cour :

Au principal,

Vu l'Annexe l à l'article A 243-1 du Code des Assurances dans sa version antérieure à l'Arrêté du 19 novembre 2009 et la jurisprudence qui s'y rattache,

- de dire et juger que le GAN n'était pas l'assureur de la société ESF à la date de son intervention;

- de dire et juger en conséquence que les garanties souscrites auprès du GAN ne peuvent être mobilisées et mettre en conséquence le GAN hors de cause,

Subsidiairement,

- de dire et juger l'ordonnance de référé du 9 juillet 2008 non avenue par application de l'article 478 du Code de Procédure Civile,

- de constater en conséquence que le GAN n'était pas partie à l'expertise de Monsieur [U] jusqu'à sa mise en cause par l'assignation en référé de la compagnie AXA du 15 avril 2010 ;

- de dire et juger nul et de nul effet le rapport d'expertise de Monsieur [U] pour défaut de respect du principe du contradictoire tant avant qu'après l'ordonnance du 15 avril 2010 ;

Subsidiairement,

- de dire et juger que l'ouvrage n'a pas été réceptionné par les époux [P],

- de dire et juger en conséquence que la garantie décennale des constructeurs ne peut pas être mobilisée,

- de débouter en conséquence la compagnie AXA des fins de son appel et mettre le GAN purement et simplement hors de cause ;

Encore plus subsidiairement,

- de dire et juger que la société MGO est responsable de plein droit à l'égard des maîtres de l'ouvrage, les époux [P] au visa des articles 1792 et suivants du Code Civil,

- de dire et juger pour le cas où une part d'imputabilité serait retenue à l'encontre de la société ESF, que celle-ci ne saurait excéder 30 %,

- de constater que la police d'assurance souscrite par la société ESF auprés du GAN ne vise que la garantie obligatoire de responsabilité décennale,

- de débouter en conséquence la compagnie AXA et tous autres demandeurs de leurs demandes, notamment en ce qui concerne les dommages immatériels,

- de condamner tout succombant à payer au GAN une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20/09/2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de mise hors de cause de l'assureur GAN

La société GAN soutient, au visa de l'annexe I à l'article A 243-1 du code des assurances dans sa version antérieure à l'arrêté du 19/11/2009, qu'elle n'était pas l'assureur de la société ESF à la date de son intervention, puisque le contrat souscrit par la société ESF stipule qu'il prenait effet au 24/01/2001 alors que l'étude de sol confiée à la société ESF a été réalisée le 07/04/2000.

Il résulte des pièces régulièrement communiquées que l'étude de sol jointe au marché de travaux a effectivement été réalisée le 07/04/2000 par M. [Q], gérant de la société ESF, le rapport joint au marché de travaux signé par les époux [P] datant du 13/04/2000.

Aucun contrat liant le maître d'ouvrage ou le constructeur MGO à la société ESF concernant la mission d'étude de sol n'est produit et rien ne permet de déterminer si la société ESF était assurée le 07/04/2000 pour l'exécution de ses missions d'étude de sols.

Le contrat d'assurance de la responsabilité décennale de la SARL ESF a été souscrit auprès du GAN le 26/02/2001 avec effet à compter du 24/01/2001 pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction (conditions particulières produites en pièce 1).

Les conditions générales de cette police d'assurance (pièce 2) stipulent :

- en page 2: 'ce contrat a donc pour objet de couvrir la responsabilité décennale que vous encourez en qualité de maître d'oeuvre ou de technicien pendant toute sa durée concernant les missions que vous exécutez pour des chantiers ouverts pendant la période de validité du contrat',

- en page 6: 'le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du code civil les missions portant sur les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières.'

Contrairement à ce que soutient notamment l'appelante, la date d'ouverture du chantier ne peut correspondre à la seule déclaration d'ouverture de chantier mentionnée au premier alinéa de l'article R 426-16 du code de l'urbanisme, puisque ces dispositions résultent de l'arrêté du 19/11/2009 inapplicable chronologiquement au cas d'espèce.

La notion d'ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat d'assurance doit s'entendre comme le commencement effectif des travaux confiés à l'assuré, datant d'avril 2000 et étant donc bien antérieur à la prise d'effet du contrat, lequel ne contient d'ailleurs aucune clause de reprise des missions effectuées par l'assuré dans son activité de géotechnicien antérieurement à la souscription du contrat d'assurance.

En l'espèce, la mission essentielle confiée à la société ESF a consisté dans l'étude de sol préalable à la construction, et ce sont, selon l'expert, les préconisations qui ont été faites dans cette étude concernant les fondations de l'ouvrage, qui sont à l'origine du sinistre. Si par la suite, la SARL ESF a effectué un contrôle d'exécution sur site pendant les travaux de construction, notamment s'agissant des fondations de l'ouvrage, entre le 29/05/2001 et le 05/03/2002, cette mission n'est qu'accessoire et consistait seulement à vérifier la mise en oeuvre des préconisations faites dans l'étude de sol effectuée en avril 2000.

Dès lors, le fait générateur du sinistre imputable à l'assuré est antérieur à la période de validité du contrat d'assurance et les garanties souscrites auprès du GAN ne peuvent être mobilisées.

En conséquence, l'assureur GAN doit être mis hors de cause.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise

En première instance, la société ESF a sollicité la nullité du rapport d'expertise de M [U] déposé le 02/08/2010, faisant valoir qu'elle n'avait pas été convoquée aux différentes réunions, qu'elle n'avait pas été destinataire du pré rapport d'expertise et qu'elle n'avait donc pas pu faire valoir ses observations tout au long de l'expertise.

Le premier juge a 'dit que le rapport d'expertise déposé le 02/08/2010 est nul à l'égard de la société ESF pour non-respect du contradictoire', en retenant notamment que 'la société AXA ne justifiait pas avoir appelé en cause la SARL ESF et son assureur la société GAN (.....) et que le Tribunal ne pouvait apprécier si la société ESF avait été mise en demeure de débattre contradictoirement au cours des opérations d'expertise, avant le dépôt du rapport du 02/08/2010 ou si au contraire c'est elle qui a fait preuve de carence en ne participant pas volontairement aux dites opérations'.

Les époux [P] ainsi que la compagnie AXA concluent à la réformation du jugement déféré, faisant principalement valoir qu'aucun grief n'est démontré.

Il résulte des écritures des parties et des pièces régulièrement communiquées que :

- la première ordonnance de référé réputée contradictoire du 09/07/2008 qui a désigné M. [U] en qualité d'expert a été rendue alors que la SARL ESF et la société GAN étaient défaillantes, aucune signification de cette décision dans le délai de 6 mois n'ayant eu lieu,

- la société ESF reconnaît avoir été convoquée à la première réunion d'expertise,

- par une ordonnance réputée contradictoire du 12/05/2010, rendue alors que la SARL ESF et la société GAN étaient encore défaillantes, le juge des référés a déclaré commune et opposable à la SARL ESF et la société GAN IARD l'ordonnance de référé du 09/07/2008 ayant désigné M. [U] en qualité d'expert et dit que ce dernier devra poursuivre ses opérations contradictoirement à leur égard, cette ordonnance ayant été régulièrement signifiée le 18/05/2010 à la personne de M. [U] [Q] gérant de la SARL ESF et le 20/05/2010 à la société GAN (remise à pesonne dûment habilitée au siège social) selon pièces 23 et 24 produites par le conseil d'AXA,

- le premier rapport déposé par M. [U] le 02/08/2010 énumère en page 4 les parties ainsi que leurs coordonnées comprenant notamment la SARL ESF et la société GAN, puis il mentionne en page 12 :

* 'accédit N°1: un premier accedit a été organisé sur les lieux le 29/10/2008, les accusés de réception des courriers de convocation ayant été conservés par l'expert,

* accédit N°2: afin de rendre opposables à la SARL ESF les opérations, l'expert a organisé un second accédit le 24/06/2010 sur les lieux, les accusés de réception des courriers de convocation ayant été conservés par l'expert' et il précise en page 11: 'le 02/03/2010 envoi du pré-rapport aux parties',

- la société AXA justifie avoir saisi l'expert par courrier du 21/08/2014 aux fins d'obtention des avis d'envoi des convocations aux parties et du pré-rapport, qu'elle verse aux débats ainsi qu'un courrier en réponse de M. [U] (pièces 40 et 41) dont il ressort que toutes les parties et notamment la société ESF et le GAN ont été convoquées par LRAR pour le premier accédit du 29/10/2008,

- le deuxième rapport déposé par M. [U] le 22/02/2012 suite à l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du 08/07/2011 mentionne en annexe A 'compte-rendu d'accédit N°1 du 26/10/2011 sur les lieux en présence des époux [P] et de leur conseil, de M. [Q] (gérant de la SARL ESF) et de son conseil Maître [J], ainsi que du conseil de la compagnie AXA,

- l'expert a mentionné en page 7 de son rapport du 22/02/2012 notamment que Maître [J] et la compagnie GAN ne lui avaient remis aucune pièce et qu'il avait envoyé son pré rapport aux parties le 09/01/2012.

Il est constant que la nullité encourue suite à l'inobservation d'une formalité substantielle ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité alléguée.

En l'espèce, si la SARL ESF prétend n'avoir pas eu la possibilité de présenter ses observations et pièces tout au long de l'expertise, il est établi que par un courrier du 31/10/2008, son gérant M. [Q] a écrit à l'expert M. [U] en ces termes'nous avons bien reçu votre premier accédit N°1, mais nous n'avons aucun commentaire à vous soumettre. Nous vous rappelons cependant que ce dossier a été déclaré en sinistre à notre compagnie d'assurances GAN, [Adresse 6], qui a ouvert un dossier sous le numéro K 0196874. Nous vous remercions de bien vouloir, à l'avenir, faire suivre toute convocation à accédit, ainsi que tout document au GAN, pour le respect parfait du contradictoire' (pièce 41).

Dans son courrier du 10/09/2014, l'expert justifie avoir transmis à toutes les parties son pré rapport le 02/03/2010 par courrier simple, de même que son rapport du 02/08/2010 et il précise avoir convoqué la SARL ESF pour le deuxième accédit relatif à la première mission d'expertise par LRAR au cabinet GAN à deux adresses différentes (agence de [Localité 2] et siège social à [Localité 3]) en joignant les avis d'envois correspondants (pièce 41), conformément à la demande de la SARL ESF.

Le 26/10/2011, le gérant de la SARL ESF et son conseil ont participé à l'accédit organisé par l'expert suite à l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du 08/07/2011. En annexe A page A3 du rapport du 22/02/2012, l'expert mentionne que 'lors de l'accédit organisé le 26/10/2011, Maître [J], conseil de M. [Q] gérant de la SARL ESF, déclare qu'un dire sera produit au sujet de la mission dévolue à ESF', or aucun dire de Maître [J] n'a été transmis à l'expert.

Ainsi, même dans l'hypothèse où la SARL ESF n'aurait jamais été destinataire de certaines convocations et du pré rapport de l'expert relatif à sa première mission, ce qui n'est pas démontré, il n'est pas établi que cette inobservation lui a causé un quelconque grief, puisqu'elle a effectivement participé au complément d'expertise ordonné par le juge de la mise en état confié au même expert, lequel a notamment repris dans son dernier rapport l'ensemble des désordres et leur aggravation, de sorte que si elle voulait présenter ses observations ou fournir des pièces, elle a bien été mise en mesure de le faire.

Il s'ensuit qu'aucune violation du principe du contradictoire susceptible de causer grief à la SARL ESF n'est établie.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de rejeter la demande d'annulation du rapport d'expertise du 02/08/2010.

Sur les désordres et les responsabilités

La réception

En l'espèce, si aucun PV de réception n'a été formellement établi par les parties, il résulte des pièces produites d'une part, que le 14/04/2002, l'ouvrage était terminé, et d'autre part, que les époux [P], maîtres d'ouvrage profanes et non conseillés, ont pris possession des lieux après avoir intégralement réglé les travaux, en manifestant une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il y avait eu en l'espèce réception tacite de l'ouvrage le 14/04/2002.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point, la cour y ajoutant que cette réception tacite a eu lieu sans réserve.

Les désordres

Il résulte du rapport d'expertise établi le 02/08/2010 que :

- l'ouverture du chantier a eu lieu le 23/04/2001 et que les travaux ont été terminés le 14/04/2002,

- de nombreuses fissures ont été constatées dans la structure de l'ouvrage, ces désordres n'étant pas visibles lors de la prise de possession de l'ouvrage, la fissuration de la structure étant due à une variation hydrique du sol d'assise non instantanée,

- la cause des désordres relève d'une erreur de conception, notamment dans le choix du système de fondation par semelles filantes superficielles peu ancrées dans le sol, non adaptées au sol d'assise,

- les désordres constatés étaient évolutifs en fonction des variations hydriques,

- à terme, la solidité de l'ouvrage pouvait être compromise en le rendant impropre à sa destination,

- le montant total des travaux propres à remédier aux désordres constatés était estimé à 130484,92 euros HT.

Il résulte du rapport d'expertise établi le 22/02/2012 que :

- la plupart des désordres constatés sont l'aggravation des précédents désordres et pour certains d'entre eux, ils sont la suite des précédents désordres, des photographies de comparaison des fissures au sol et sur les murs au niveau du porche d'entrée, de la façade ouest, des pignons sud et nord, de la terrasse est, du joint du garage de la villa, du vide sanitaire, ainsi qu'à l'intérieur de la maison les illustrant (pages 11 à 19),

- l'aggravation des désordres initiaux et l'apparition de nouveaux désordres appartenant à la même famille que les désordres initiaux, compromettent la solidité de l'ouvrage et peuvent, à terme, le rendre impropre à sa destination à une date qu'il n'est pas possible de prévoir,

- les désordres constatés sur le porche d'entrée et sur la terrasse EST sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes, l'expert en ayant recommandé la démolition sous 2 mois au cours de l'accédit du 26/10/2011,

- l'ouvrage menacera ruine à un terme qui ne peut être fixé,

- les travaux de démolition et reconstruction de l'auvent du garage se chiffrent à un total de 10022,55 euros HT,

- les travaux de démolition et reconstruction de la terrasse se chiffrent à un total de 14560,40 euros HT,

- les travaux de reprise en sous-oeuvre et embellissement de la villa se chiffrent à un total de 139383,95 euros HT.

Il se déduit de ces constatations effectuées par l'expert que les multiples fissures qui sont apparues sur l'ouvrage à différents endroits tant sur les façades extérieures, qu'au sol et à l'intérieur de la maison constituent des désordres généralisés qui compromettent la solidité de l'ouvrage et sont donc de nature décénale comme l'a exactement relevé le premier juge, étant précisé qu'ils sont survenus dans le délai de 10 ans.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Les responsabilités

Le premier juge a retenu la responsabilité unique et entière de l'entreprise MGO dans la réalisation des désordres.

Or, il résulte des rapports d'expertises sus-visés que la cause des désordres réside d'abord dans une erreur de conception : le choix d'un système de fondation par semelles filantes superficielles peu ancrées dans le sol n'étant pas adapté au sol d'assise.

Le marché de travaux signé entre les maîtres d'ouvrage et la SARL MGO stipule en page 2 que l'entreprise signataire s'engage à exécuter les travaux selon les documents et plans annexés, dont notamment le rapport établi le 13/04/2000 par M. [U] [Q] géologue expert de la SARL ESF, qui indique en page 7 point 15 A que 'des fondations superficielles sont possibles pour toute la villa en emprise directe sur le sol marneux du Keuper à condition de s'affranchir partout des épaisseurs de la terre végétale' puis en point 15B que 'les fondations par semelle filantes sont admises, elles seront entrecroisées (sous murs périphériques et refends) convenablement armées, prenant assises dans le Keuper, dont la profondeur doit être recherchée, sous l'épaisseur de la terre végétale' et en points 15E et 15F 'que des fondations semi-profondes ou profondes ne sont pas nécessaires'.

Il se déduit de ces préconisations faites par la SARL ESF que les risques concernant l'assise de la construction ont été manifestement sous-estimés au vu de la situation et de la nature particulière du terrain d'implantation de l'ouvrage.

Ainsi, la responsabilité de la SARL ESF doit être retenue et le jugement déféré sera infirmé.

S'agissant de l'entreprise MGO, il est établi qu'elle a réalisé intégralement la construction. Dès lors que les désordres sont imputables aux travaux qu'elle a effectués, sa responsabilité décennale est engagée, sauf à prouver l'existence de causes exonératoires, telles que la force majeure, le fait d'un tiers ou le fait du maître d'ouvrage, qui ne sont pas invoquées par son assureur.

Ainsi, la responsabilité de la SARL MGO doit également être retenue.

En conséquence, dès lors que la SARL ESF et la SARL MGO ont concouru à la réalisation des dommages, elles doivent être condamnées in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage, au titre de leur responsabilité décennale puisqu'il y a atteinte à la solidité de l'ouvrage.

Compte tenu des conclusions de l'expert et des pièces produites par les parties qui établissent d'une part, que la SARL ESF a dit que le type de fondation retenu était possible lors de l'étude des sols préalable, et, d'autre part que la SARL ESF a effectué régulièrement un suivi géotechnique d'exécution, notamment avant le coulage des fondations, puis après, sur la période comprise entre le 29/05/2001 et le 05/03/2002 (pièces 12/13/14/15), il convient de dire que dans leurs rapports, la SARL ESF sera tenue au paiement des condamnations à hauteur de 60% et la SARL MGO à hauteur de 40%.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur la garantie :

La compagnie AXA ne conteste pas être l'assureur de la société MGO et elle ne fait valoir aucun moyen relativement à la police souscrite par cette dernière concernant la garantie des dommages de nature décennale.

Dès lors que la Cour a écarté le moyen relatif à l'absence de réception des travaux et a retenu d'une part, qu'il y avait eu une réception tacite au 14/04/2002 sans réserve et d'autre part, que les désordres affectant la construction des époux [P] étaient de nature décennale, la compagnie AXA doit garantir son assurée, la SARL MGO.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu la garantie de la société AXA.

Sur l'indemnisation des désordres :

Contrairement à ce que le premier juge a indiqué en page 7 du jugement déféré, la cour relève qu'il n'appartient pas à une juridiction 'd'homologuer' le rapport de l'expert judiciaire.

Il apparaît que c'est par une lecture erronée et une mauvaise analyse du rapport de l'expert et notamment des réponses circonstanciées et pertinentes de ce dernier aux dires des parties que le premier juge a d'une part retenu le chiffrage des travaux de l'expert en y imputant des réductions pour les travaux de démolition et de reconstruction de l'auvent du garage et de la terrasse, et d'autre part dit que les travaux de démolition, reprise en sous-oeuvre et embellissement de la villa s'élevaient à la somme de 39383,95 euros HT.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ces points et la Cour condamnera in solidum la société ESF et la SA AXA à payer, dans les proportions ci-dessus définies et reprises au dispositif, les sommes suivantes :

- 10 022,55 euros HT au titre des travaux de démolition et reconstruction de l'auvent du garage,

- 14 560,40 euros HT au titre des travaux de démolition et reconstruction de la terrasse,

-139 383,95 euros HT au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre et embellissement de la villa.

Etant précisé que ces sommes seront majorées de la TVA au taux applicable au jour du règlement, sans qu'il y ait lieu de retenir une TVA à taux réduit, dès lors qu'il résulte de l'expertise que le montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres représente plus de la moitié de la valeur du gros-oeuvre existant (page 26 rapport du 22/02/2012).

En outre, le premier juge a omis de statuer sur la demande au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre à hauteur de 15688,40 euros à nouveau formulée en appel par les époux [P].

Cette demande apparaissant justifiée au regard de la complexité des travaux de reprise à effectuer, il y sera fait droit, étant précisé que cette somme sera également majorée de la TVA au taux applicable au jour du règlement.

Sur les préjudices immatériels

Le premier juge a indiqué en page 8 du jugement déféré qu'il y avait lieu de faire droit à la demande des époux [P] en leur allouant la somme de 26670 euros concernant le trouble de jouissance consécutif à la durée des travaux (6 mois) au déménagement et à leur relogement pendant la période, or dans leurs écritures les époux [P] sollicitent en appel à ce titre la somme de 19200 euros correspondant à la valeur locative d'un logement équivalent à leur propriété pendant 6 mois et la somme de 4980,86 euros correspondant aux frais de déménagement et de réaménagement en produisant les justificatifs y afférant en pièces 19 et 20, soit au total la somme de 24180,86 euros.

Cette somme étant justifiée, il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur le quantum du préjudice immatériel concernant le déménagement, l'aménagement et le relogement des époux [P] pendant les travaux de reprise, qui sera fixé à la somme de 24180,86 euros.

Concernant les demandes des époux [P] relatives à leur 'préjudice de vue' consécutif à l'état de chantier de leur jardin depuis plus de 7 ans et à l'absence d'édification du mur de soutènement des terres à l'entrée de leur propriété au coût dont ils auraient dû bénéficier en 2003, c'est à juste titre que le premier juge les a rejetées en relevant que les époux [P] n'avaient jamais formulé de doléances relatives à l'environnement de l'ouvrage, les désordres affectant seulement l'immeuble.

Les époux [P] ne justifiant pas plus de la réalité de ce préjudice en appel, la seule estimation de prix pour les travaux de murs de soutenement produite en pièce 21 ne permettant pas d'établir que ces travaux sont directement liés aux désordres affectant leur maison, le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Sur le préjudice lié à la location d'étais

En appel, les époux [P] formulent une demande relative à la location d'étais pour la somme annuelle de 254,74 euros de septembre 2005 à octobre 2006. Ils affirment qu'il résulte des rapports d'expertise que les étais sont présents à ce jour et sollicitent le remboursement des frais de location des étais pour la période allant de 2006 à 2014, soit la somme de 2292,66 euros.

Au soutien de cette demande, ils se contentent de produire une facture de la SARL DA SILVA du 08/09/2006 correspondant à la location de 10 étais pour étayer la façade coté terrasse de septembre 2005 à octobre 2006 pour un total de 254,74 euros (pièce 26), cette seule pièce ne permettant pas d'établir qu'ils ont loué ces étais pour la période invoquée de 2006 à 2014.

Ce préjudice sera donc indemnisé pour la seule période justifiée, soit pour la période comprise entre septembre 2005 à octobre 2006, à hauteur de 254,74 euros.

Sur la demande de la société AXA FRANCE IARD au titre des honoraires des sociétés ERG et SUDEX INGENIERIE

La société AXA FRANCE IARD sollicite la condamnation de 'tout succombant' à lui payer les sommes de 3869,20 euros TTC et 3165 euros TTC qu'elle a provisoirement avancées pour prendre en charge des études sur la base desquelles l'expert a évalué le coût des travaux de reprise en sous-oeuvre de la villa.

Contrairement à ce que prétend la compagnie AXA, elle ne démontre nullement avoir été contrainte de faire procéder à ces études techniques, qu'elle a produit à titre indicatif à l'expert, comme l'ont également fait les époux [P] en produisant un devis de la société SURFACE ET STRUCTURES.

Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande dépourvue de fondement.

Sur les dommages et intérêts

Les époux [P] formulent en premier lieu une demande de condamnation solidaire de la société ESF, de la compagnie GAN et de la société AXA à leur payer la somme de 5000 euros pour résistance abusive.

En second lieu, ils demandent la condamnation de la société AXA à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit.

Les époux [P] ne démontrent nullement la mauvaise foi de la compagnie AXA alléguée dans leurs écritures, le seul fait pour AXA d'avoir soutenu devant le juge de la mise en état l'existence d'une contestation sérieuse pour s'opposer à leur demande de provision, n'étant qu'un moyen de défense, qui a d'ailleurs été retenu par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 03/05/2013, et qui ne peut donc être considéré comme abusif.

Ils ne démontrent pas plus la résistance abusive de la société ESF, de l'assureur GAN qui est mis hors de cause, et de la compagnie AXA.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10000 euros et la Cour, y ajoutant, rejetera la demande de condamnation solidaire de la société ESF, de l'assureur GAN et de la compagnie AXA à payer aux époux [P] la somme de 5000 euros pour résistance abusive, demande à laquelle il n'avait pas été repondu par le premier juge.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner in solidum la SARL ESF et la compagnie AXA aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût des expertises et de dire que dans leurs rapports, la SARL ESF supportera 60% des dépens et que la société AXA FRANCE en supportera 40%.

Il convient de rappeler que les frais de constat d'huissier ne relèvent pas des dépens, en vertu de l'article 695 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer aux époux [P] une indemnité de 8000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour leurs frais irrépétibles en première instance et en appel, somme au paiement de laquelle la SARL ESF et la société AXA seront condamnées in solidum.

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux demandes de la SARL ESF, de la société GAN et de la compagnie AXA au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :

- dit que l'ouvrage a fait l'objet d'une réception tacite à la date du 14/04/2002,

- dit que les désordres étaient de nature décennale,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts relatives au préjudice concernant la vue du jardin resté en chantier et l'absence de réalisation du mur de soutènement des terres à l'entrée de la propriété des époux [P],

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

INFIRME le jugement déféré pour le surplus,

STATUANT À NOUVEAU et Y AJOUTANT,

MET hors de cause la société GAN ASSURANCES IARD,

REJETTE la demande d'annulation du rapport d'expertise du 02/08/2010,

DIT que la réception tacite de l'ouvrage est intervenue sans réserves le 14/04/2002,

Vu les rapports d'expertise de M. [Z] [U] en date du 02/08/2010 et du 22/02/2012,

DIT que la SARL MGO et la SARL ESF sont responsables des désordres relevés par l'expert,

DIT que la société AXA FRANCE doit sa garantie, en tant qu'assureur décennal, à la SARL MGO,

CONDAMNE in solidum la SARL ESF et la société AXA FRANCE à payer à M. [Q] [P] et à Mme [T] [W] épouse [P] les sommes suivantes :

- 139 383,95 € HT au titre des travaux de reprise de la villa,

- 14 560,40 € HT au titre des travaux de démolition et de reconstruction de la terrasse,

- 10 022,55 € HT au titre des travaux de démolition et de reconstruction de l'auvent du garage,

- 15 688,40 € HT au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre,

- 254,74 € au titre des frais de location des étais,

DIT que ces condamnations seront actualisées en fonction de la variation de l'index BT01 entre le 22/02/2012 et la date du présent arrêt,

DIT que ces condamnations, à l'exception de celle relative aux frais de location des étais (déjà majorée de la TVA applicable à l'époque où ces frais ont été facturés), seront assorties du taux de TVA applicable au moment de leur règlement,

DIT que dans leurs rapports, la SARL ESF et la société AXA FRANCE seront tenues au paiement des condamnations à hauteur de 60% pour la SARL ESF et à hauteur de 40% pour la société AXA FRANCE.

CONDAMNE in solidum la SARL ESF et la société AXA FRANCE à payer à M. [Q] [P] et à Mme [T] [W] épouse [P] la somme de 24 180,86 euros au titre du préjudice immatériel correspondant aux frais de déménagement et de réaménagement et aux frais de location d'une habitation équivalente pendant 6 mois,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

REJETTE la demande de la société AXA FRANCE IARD en paiement des honoraires des sociétés ERG et SUDEX INGENIERIE,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT que le greffe communiquera à l'expert une copie du présent arrêt,

CONDAMNE in solidum la SARL ESF et la société AXA FRANCE à payer aux époux [P] une indemnité de 8000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DEBOUTE la SARL ESF, la société GAN ASSURANCES IARD et la compagnie d'assurances AXA FRANCE de leurs demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE in solidum la SARL ESF et la société AXA FRANCE aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût des expertises.

EN ORDONNE la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

RAPPELLE que dans leurs rapports, la SARL ESF supportera 60% des dépens et des frais irrépétibles et que la compagnie AXA FRANCE en supportera 40%.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/03675
Date de la décision : 08/12/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°14/03675 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-08;14.03675 ?
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