COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 DÉCEMBRE 2016
N°2016/392
Rôle N° 14/14754
[N] [W]
C/
SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS
Grosse délivrée
le :
à :
Me J. DEBEAURAIN
Me N. CENAC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/05001.
APPELANTE
Madame [N] [W]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (Tunisie),
demeurant [Adresse 1]
représentée et plaidant par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 391 227 878,
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Nathalie CENAC de la SCP CENAC NATHALIE CAMILLE, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François BANCAL, Président, et Mme Patricia TOURNIER, Conseillère.
Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédactrice)
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2016.
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Madame [N] [W] a souscrit auprès de la SA SWISS LIFE une police d'assurance Multirisque Habitation garantissant la maison à usage d'habitation dont elle est propriétaire à [Adresse 3], du chef du risque Catastrophes Naturelles, cette maison ayant été construite en 1988.
Le 18 Avril 2008, un arrêté de catastrophes naturelles, publié le 23 Avril 2008, intervenait au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier 2006 à mars 2006 pour la commune [Localité 2].
Le 30 Avril 2008, Madame [W] déclarait le sinistre à son assureur, puis elle effectuait une déclaration de sinistre complémentaire au titre d'un nouvel arrêté de catastrophe naturelle du 7 Août 2008, portant sur les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier à mars et de juillet 2007 à septembre 2007.
Le 20 Mai 2008 et le 21/08/2008, la SA SWISS LIFE mandatait le Cabinet AITEC en qualité d'Expert pour examiner les dommages et déterminer leur origine.
Le cabinet AITEC (devenu IXI) a établi deux rapports suite auxquels en juin 2010 et en janvier 2011, la SWISS LIFE a décliné sa garantie en indiquant que les désordres provenaient d'un défaut structurel de la construction, ainsi que d'un non-raccordement des eaux de ruissellement et d'un effet de la végétation.
Madame [W] a assigné la SA SWISS LIFE devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence le 16/06/2011 aux fins d'obtenir sa condamnation à prendre en charge le sinistre et à lui payer la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 16/12/2011, le Juge de la Mise En Etat a ordonné une expertise confiée à Monsieur [Y] [S], lequel a déposé son rapport le 13 avril 2013.
Par jugement du 22/07/2014, le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence a débouté Madame [W] de ses demandes, retenant notamment que Madame [W] ne rapportait pas la preuve que la sécheresse constatée de janvier à mars 2006 puis de janvier à mars et de juillet à septembre 2007, était la cause déterminante des désordres observés par l`expert [S], ce dernier ayant relevé que les premiers désordres affectant la maison
s'étaient manifestés en 1991 lors d'une période de sécheresse et que les périodes d'observations ultérieures des désordres et de leur extension ou de leur aggravation faisaient suite à d'autres périodes de sécheresse reconnues par différents arrêtés entre1993 et 2008 (autres que les arrêtés objet de la déclaration du sinistre).
Madame [W] a relevé appel de ce jugement le 25/07/2014.
Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 27/11/2015, elle demande à la Cour la condamnation de la SWISS LIFE à prendre en charge le sinistre qu'elle a subi suite aux sécheresses de 2006 et 2007 et de la condamner à lui verser la somme de 118020 euros TTC correspondant aux travaux de reprise extérieurs et intérieurs, la somme de 10000 euros au titre du préjudice de jouissance, la somme de 10000 euros pour résistance abusive et la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 16/07/2015, la SA SWISS LIFE demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- de dire et juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve du caractère déterminant des effets des phénomènes de sécheresse objet des arrêtés des 18 avril et 7août 2008 sur les désordres affectant son bien, en présence de mouvements constatés depuis 1991 et imputés par l'expert [S] à des épisodes de sécheresse antérieurs successifs et de vices constructifs caractérisés à l'origine de l'apparition des désordres.
- en conséquence, de débouter Madame [W] de l'intégralité de ses demandes.
- à titre infiniment subsidiaire, de débouter Madame [W] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et pour résistance abusive et de dire que la franchise légale de 1 520 € devra venir en déduction de toute condamnation à intervenir,
- de condamner la demanderesse au paiement d'une indemnité de 1500 € par application de l'article 700 du Code cle Procédure Civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nathalie CENAC conformément aux dispositions de l'artícle 699 du Code de Procédure Civile.
La clôture de la procédure est en date du 27 septembre 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l'article L 125-1 alinéa 3 du code des assurances, sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
En vertu de ces dispositions, il appartient à l'assurée, Mme [N] [W], de rapporter la preuve que la sécheresse, qui a eu lieu au cours des mois de janvier à mars 2006, puis de janvier à mars 2007 et de juillet à septembre 2007, est la cause déterminante des désordres dont elle demande la réparation.
En l'espèce, il résulte des pièces produites régulièrement communiquées et des écritures des parties :
- que Mme [W] a acquis le 28/09/1990 la maison litigieuse qui avait été construite en 1988, un procès-verbal de réception étant intervenu le 29/07/1988,
- que des fissures sont apparues en 1991 et ont été signalées en novembre 1991 au constructeur qui mit en place des témoins, en particulier au droit d'un poteau en façade ouest,
- que la société PROMIDI (constructeur) a été mise en liquidation judiciaire,
- que les fissures évoluant, Mme [W] a fait intervenir un expert ainsi qu'un huissier qui a établi plusieurs constats les 11/02, 16/02 et 02/05/1995,
- que Mme [W] précisant avoir eu connaissance de l'existence d'une police dommages-ouvrage, fit une déclaration le 13/02/1992 à la compagnie AM PRUDENCE qui dénia sa garantie au motif que la déclaration de sinistre intervenait plus de deux ans après l'apparition des dommages,
- que par jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence du 05/02/2002, M. [B] [D] a été désigné en qualité d'expert judiciaire et a conclu dans un rapport en date du 08/03/2006 que :
*diverses fissures affectaient la façade principale (ouest) plus particulièrement un poteau supportant une terrasse/solarium située à l'étage, cette fissuration affectant la solidité de la structure et revêtant ainsi un caractère décennal,
* d'autres fissures ou micro-fissures étaient constatées, sur les façades Ouest et Est ainsi que sur le pignon sud à plusieurs angles, qualifiées d'anciennes et non évolutives et n'affectant pas la solidité de la structure ou ne rendant pas la maison impropre à sa destination,
* le tassement d'ordre centimétrique du pilier en façade ouest est à l'origine des désordres,
* les désordres résultent de l'assise des fondations dans un horizon peu profond et sensible aux variations de teneur en eau,
- que suite à cette expertise un protocole d'accord transactionnel est intervenu entre Mme [W] et l'assureur du constructeur AM PRUDENCE, ce dernier ayant notamment réglé une somme globale de 20194 euros pour la réparation des désordres de la terrasse supérieure, les travaux ayant été réalisés en 2008 et en 2009.
Il résulte du rapport de l'expert [S] établi le 17/04/2013:
- que les premiers désordres se sont manifestés en 1991 lors d'une période de sécheresse et que les périodes d'observations ultérieures des désordres et de leur extension ou de leur aggravation font suite à d'autres périodes de sécheresse reconnues par les différents arrêtés intervenus entre 1993 et 2008, une nette aggravation et une extension étant observées après les périodes reconnues par les arrêtés intervenus en 2008,
- que ces différents éléments amènent à considérer que les différentes périodes de sécheresse sont la cause principale des désordres et de leur évolution,
- qu'il n'a pas été observé la présence de végétation suffisamment proche de la construction pour que celle-ci soit impliquée,
- que l'absence de gestion des eaux pluviales (gouttières, larges trottoirs, voir drainage) ne peut être considérée comme à l'origine des désordres mais seulement comme une cause aggravante,
- qu'une reprise par micropieux généralisée à l'ensemble de la construction est préconisée,
- que la mise en cause de l'entreprise CARNIER LAUGIER, qui a effectué la reprise localisée sous le poteau sud de la loggia, n'est pas apparue nécessaire compte tenu du compte-rendu de visite de fouilles du 22/01/2008 qui avait conclu que 'le sol observé en fond de fouille est compatible avec les préconisations', l'expert relevant que la position des désordres et les caractéristiques géomécaniques des différents sols d'assise ne peuvent évoquer l'effet d'un 'point dur' ayant pu amener des tassements différentiels de consolidation.
L'appelante fait valoir en premier lieu que le Tribunal n'a tiré aucune conséquence légale de ses propres constatations et elle soutient que l'expert indiquait logiquement à travers son analyse que la sécheresse visée par les arrêtés du 18/04/2008 et du 07/08/2008 était la cause déterminante des désordres observés et constatés.
Pourtant, cette affirmation ne figure pas dans le rapport et elle ne peut davantage être déduite des constatations de l'expert, d'autant plus que ce dernier n'a pas répondu à certaines questions qui ont été précisément posées par le juge de la mise en état dans la mission qu'il lui a confiée, notamment au point numéro 10.
En effet, alors que l'expert a relevé que 'les sols d'assise sont constitués, sous une faible couverture de remblais (0,45 m et 1,4 m) d'argiles sablo limoneuses recouvrant des marnes argileuses ou calcaires grises (....), et qu'ils présentent une susceptibilité de variation volumique faible à moyenne en cas de modification hydrique tandis que les fondations sont constituées de semelles filantes ancrées entre 0,45 et 0,65 m, dans les argiles sablo limoneuses', il s'est contenté d'indiquer que 'leur ancrage est proche ou conforme au DTU 13.12 vis-à-vis de la mise hors gel', sans répondre au chef de mission concernant l'incidence de défaut structurel de la construction et sans préciser si compte tenu de la sécheresse qui peut être constatée de manière assez fréquente dans la région [Localité 2], il n'aurait pas été préférable de prévoir des fondations plus profondes lors de la conception de l'ouvrage.
De même, l'expert n'a pas répondu au chef de mission concernant les mesures habituelles qui auraient pu être prises pour prévenir les dommages ou empêcher leur survenance, alors que, dans son rapport d'expertise du 08/03/2006, M. [D] concluait que les désordres résultaient de l'assise des fondations dans un horizon peu profond et sensible aux variations de teneur en eau, étant observé que cette conclusion avait été émise avant les épisodes de sécheresse de janvier à mars et de juillet à septembre 2007 reconnus par l'arrêté de catastrophes naturelles du 07/08/2008.
Cependant, compte tenu des constatations de l'expert [S] et dans la mesure où il préconise dans son rapport 'une reprise par micropieux généralisée à l'ensemble de la construction', il y a lieu d'en déduire un défaut d'adaptation de la structure de l'ouvrage au sol.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante et comme l'a exactement relevé le premier juge, il n'est pas établi que les désordres invoqués par Madame [W] ont pour cause déterminante les phénomènes de sécheresse visés par les arrêtés de catastrophes naturelles du 18 avril et du 07/08/2008, d'autres périodes de sécheresse ayant été reconnues par plusieurs arrêtés de catastrophes naturelles du 18/05/1993, du 30/06/1994, du 11/01/2005 (pièce 13 de l'intimée).
En second lieu, l'appelante fait valoir que dans la mesure où la SWISSLIFE est intervenue pour elle en tant qu'assureur protection juridique et a spontanément réglé les frais d'expertise judiciaire, elle a nécessairement admis sa responsabilité. Or comme le relève pertinemment l'intimée, aucune conséquence ne peut valablement être tirée de la mise en oeuvre de l'assurance protection juridique pour l'assurée sur le bien-fondé de ses prétentions dans l'action qu'elle a engagée au fond et au surplus, conformément à la législation applicable, c'est la société CIVIS qui, de manière externe à la compagnie SWISSLIFE, garantit l'assistance juridique de Madame [W].
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé.
L'appelante succombant en ses prétentions en appel, supportera les dépens de la présente instance.
Elle sera déboutée en conséquence de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit à la demande de la SA SWISS LIFE au titre des frais de procédure exposés en appel, la décision déférée ayant également rejeté l'application de ce texte en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme la décision du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 22 juillet 2014.
Y AJOUTANT,
Déboute Madame [N] [W] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société SWISS LIFE Assurances de Biens de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert, Monsieur [Y] [S].
Condamne Madame [N] [W] aux dépens de la présente instance.
En ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT