COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT AU FOND
DU 04 JANVIER 2017
F.T.
N°2017/4
Rôle N° 15/16526
[N] [E]
C/
[D] [L] [C] [P] divorcée [E]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marc CONCAS
SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Août 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06024.
APPELANT
Monsieur [N] [E]
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté par Me Marc CONCAS, avocat plaidant au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [D] [L] [C] [P] divorcée [E]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Olivier CASTELLACCI, avocat plaidant au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence TESSIER, Conseiller faisant fonction de Présidente, et M. Benoît PERSYN, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Florence TESSIER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Florence TESSIER, Conseiller faisant fonction de Présidente
M. Benoît PERSYN, Conseiller
Madame Monique RICHARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2017.
Signé par Mme Florence TESSIER, Conseiller faisant fonction de Présidente et Mme Patricia ADAM, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [N] [E] et Madame [D] [P] se sont mariés le [Date mariage 1] 2000 par devant l'officier d'état civil de la ville d'[Localité 1], sans contrat de mariage préalable.
Préalablement à leur mariage, par acte authentique du 17 juillet 2000, ils ont acquis en indivision, à raison de la moitié chacun, un bien immobilier situé à [Localité 1].
Par jugement en date du 29 août 2007, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice a prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés et a attribué à Madame [D] [P] épouse [E] la jouissance du domicile conjugal, à charge pour elle de payer sa part de crédit.
Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 2 septembre 2009.
Par arrêt du 18 janvier 2012, la première chambre civile de la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par Monsieur [N] [E] à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2012, Madame [D] [P] divorcée [E] a fait assigner Monsieur [N] [E] devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux et de voir ordonner une mesure d'expertise destinée à déterminer la valeur vénale du bien immobilier indivis sis à [Localité 1].
Par jugement avant dire droit en date du 4 juillet 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice a ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné à cet effet Monsieur [S] [X], avec pour mission principale d'évaluer le plus précisément possible le bien immobilier indivis sis à [Localité 1] et de déterminer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation, les demandes des parties étant réservées.
L'expert judiciairement mandaté a déposé son rapport définitif le 24 juin 2014.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2014, Madame [D] [P] divorcée [E] a sollicité l'homologation partielle du rapport d'expertise judiciaire et conclu à :
-la prescription quinquennale des indemnités d'occupation de l'immeuble indivis par elle dues,
-la fixation de la valeur locative de ce bien à la somme mensuelle de 1.000 euros au 1er janvier 2003,
-la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage et d'un juge pour les surveiller, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les dépens étant employés en frais privilégiés de partage.
Monsieur [N] [E], aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 mai 2015 a demandé au tribunal de :
-arrêter la valeur vénale de l'immeuble indivis à la somme de 392.441 euros,
-fixer sa valeur locative à la somme mensuelle de 2.003 euros,
-dire que Madame [D] [P] divorcée [E] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 12 décembre 2002, aucune prescription ne pouvant s'appliquer,
-dire n'y avoir lieu à remboursement de travaux effectués sur le bien indivis par son ex-épouse,
-ordonner l'ouverture des opérations de liquidation-partage de la communauté ayant existé entre les époux,
-dire que le notaire commis devra faire application des dispositions de l'article 1469 alinéa 3 du code civil pour fixer la récompense due à chacune des parties, selon le compte des crédits remboursés,
-lui attribuer préférentiellement l'immeuble indivis, à charge pour lui de régler une éventuelle soulte à Madame [D] [P] divorcée [E],
-laisser à chacune des parties la charge de ses dépens.
Par jugement contradictoire en date du 4 août 2015, le tribunal de grande instance de Nice a :
-ordonné le partage des intérêts patrimoniaux des parties,
-désigné pour dresser l'acte de partage Maître [H] [Z], notaire à [Localité 6],
-dit que le bien immobilier indivis sis à [Localité 1] a une valeur de 486.000 euros,
-attribué de manière préférentielle ce bien à Monsieur [N] [E],
-rejeté l'exception de prescription quinquennale concernant les indemnités d'occupation dues par Madame [D] [P] divorcée [E],
-dit que l'indemnité d'occupation due par Madame [D] [P] divorcée [E] à l'indivision, du 12 décembre 2002 jusqu'au jour du partage s'élève à la somme de 1.166,40 euros par mois,
-rejeté toute demande plus ample ou contraire,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
Monsieur [N] [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 15 septembre 2015.
Monsieur [N] [E], aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 novembre 2016, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les évaluations retenues concernant la valeur vénale et la valeur locative de l'immeuble indivis.
Il sollicite de la cour, statuant à nouveau, d'arrêter à la somme de 373.000 euros la valeur vénale de ce bien et à celle de 2.004 euros par mois sa valeur locative, aucune décote ne devant être appliquée compte tenu de la durée de l'occupation de plus de quatorze années, ou, subsidiairement, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, avec partage des frais par moitié entre les coindivisaires, Madame [D] [P] divorcée [E] devant être condamnée aux entiers dépens.
Il conteste les conclusions expertales, soutenant que l'expert a commis des erreurs sur les prix et les surfaces indiquées par lui pour ses références, qui ne sont pas pertinentes, aucune correction n'ayant été appliquée liée à la taille des terrains, la décote de 30% n'ayant été appliquée que sur la valeur locative de l'immeuble et une décote supplémentaire ayant été appliquée sans justification.
Madame [D] [P] divorcée [E], dans ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2016, sollicite de la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, y ajoutant, d'arrêter le calcul de l'indemnité d'occupation à la date du jugement de première instance soit à la date du 4 août 2015 et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que la méthode retenue par l'expert judiciaire est exacte, les six biens immobiliers pris en comparaison présentant des caractéristiques proches de celles de l'immeuble indivis dont s'agit, elle-même ayant effectué sur ce dernier des travaux de rénovation et de réparation pour un montant de 19.081,32 euros.
Elle ajoute que les décotes retenues pour la fixation de l'indemnité d'occupation sont justifiées par la nature précaire de son occupation.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 23 novembre 2016.
MOTIVATION DE LA DECISION
1/ Sur la valeur vénale et locative du bien immobilier indivis sis [Adresse 2] :
*sur la valeur vénale :
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire en date du 24 juin 2014, que le bien appartenant en indivision aux parties consiste en une maison élevée sur deux niveaux, avec jardin, datant des années 1969/1970, la parcelle étant d'une superficie totale de 584 mètres carrés ;
Que la maison, d'une surface habitable totale de 138,84 mètres carrés, est accessible par un escalier assez pentu, en servitude de passage, l'accès par véhicule étant donc impossible, tout comme le stationnement dans l'impasse ;
Qu'elle comporte trois chambres, un coin bureau, avec salle de bains attenante, ainsi qu'un dressing et bénéficie de vues Sud et Sud-Ouest très dégagées sur les collines, la mer et le [Localité 2] en arrière-plan ;
Que les vues Ouest et Nord-Ouest sont ouvertes sur la [Localité 8], [Localité 3] et le [Localité 5] ;
Que le jardin n'est affecté par aucun vis-à-vis ;
Attendu que l'expert judiciaire a fixé la valeur vénale de ce bien immobilier à la somme de 486.000 euros, en prenant sept éléments de comparaison laissant apparaitre un prix brut du mètre carré de 3.178 euros, prix qui doit être, selon lui, élevé à la somme de 3.500 euros le mètre carré, compte tenu « du style très contemporain de la villa qui fait penser à une maison d'architecte, de superbes vues dégagées et d'une très belle terrasse( ') » ;
Mais attendu que les références retenues ne présentent pas de caractéristiques identiques à celles du bien immobilier dont s'agit, qui n'a ni piscine, ni garage, ni place de stationnement, la villa étant bâtie sur une parcelle de petite taille ;
Qu'en outre l'immeuble est dégradé et nécessite des travaux de rénovation, d'un montant d'environ 20.000 euros, tel que cela ressort des photographies annexées au rapport d'expertise judiciaire et des conclusions-mêmes de Madame [D] [P] divorcée [E] ;
Que l'accès au bien est malaisé à pied et impossible en voiture, le village d'[Localité 1] étant isolé, pour être situé à douze kilomètres de [Localité 6] Nord, et ne comporter quasiment aucun commerces ni services, à l'exception d'une pharmacie, d'un coiffeur, d'un bar-tabac, de quelques restaurants, les supermarchés les plus proches étant situés à six kilomètres, tout comme le collège de rattachement, seule une école maternelle se trouvant proche du village ;
Attendu que la partie appelante communique aux débats des annonces récentes d'agences immobilières du secteur concerné, qui démontrent que sont mis à la vente au prix de 465.000 euros ou 470.000 euros, hors frais, des biens immobiliers comprenant cinq à six pièces, et non quatre telle que la villa indivise litigieuse, édifiés sur des parcelles d'une superficie trois fois plus importante et dotés d'une piscine et de vues également exceptionnelles ;
Attendu que les éléments de comparaison produit par Madame [D] [P] divorcée [E] sont sans rapport avec la villa indivise en cause, la maison « SVETCHINE », construite par l'architecte de renom portant le même nom, étant un bien d'exception ;
Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, ainsi que de la chute du marché immobilier accusée entre 2014 et 2016, il convient d'infirmer le jugement déféré qui a fixé la valeur vénale du bien immobilier indivis des parties à la somme de 486.000 euros, et de dire que celle-ci doit être arrêtée à la somme de 400.000 euros ;
*sur la valeur locative :
Attendu que les conclusions expertales révèlent que la villa est en bon état général, malgré les travaux de rafraichissement à prévoir, présente une distribution pratique, un jardin et une terrasse très agréable, avec vue sur la mer ;
Que cependant, le stationnement est impossible et l'accès difficile ;
Attendu par suite que l'expert judiciaire a justement évalué à la somme de 1.458 euros par mois la valeur locative de l'immeuble, à laquelle doit être appliqué un abattement de 20%, pour tenir compte de la précarité de l'occupation, la jouissance du bien par l'occupant n'étant pas juridiquement protégée, soit la somme mensuelle de 1.166,40 euros ;
Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé sur ce point ;
2/ Sur l'indemnité d'occupation :
Attendu que Madame [D] [P] divorcée [E] sollicite que l'indemnité d'occupation du bien immobilier indivis par elle due soit arrêtée à la date du jugement de première instance du 4 août 2015, au motif que l'appel interjeté par Monsieur [N] [E] est dilatoire ;
Attendu que cette demande sera rejetée, le motif invoqué n'étant pas de nature à réduire la durée de l'indemnité d'occupation due, l'intimée en étant redevable à l'indivision jusqu'à la date de libération du bien ou, à défaut, jusqu'au partage ;
Qu'en outre, Madame [D] [P] divorcée [E] ne démontre pas que Monsieur [N] [E] aurait commis une faute en interjetant appel de la décision de première instance, exerçant ainsi une voie de recours ordinaire, à laquelle il a été, de surcroit, partiellement fait droit ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
P A R C E S M O T I F S
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé la valeur vénale du bien immobilier indivis sis [Adresse 2] à la somme de 486.000 euros ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Fixe la valeur vénale du bien immobilier indivis sis [Adresse 2] à la somme de 400.000 euros ;
Y ajoutant,
Déboute Madame [D] [P] divorcée [E] de sa demande tendant à réduire la durée de l'indemnité d'occupation par elle due à l'indivision post-communautaire ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de partage et recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT