COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 11 JANVIER 2017
N°2017/
Rôle N° 16/01280
PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE
C/
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE
- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES MARITIMES en date du 15 Décembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 21503604.
APPELANTE
PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE, anciennement dénommée INEOS MANUFACTURING France SAS demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [Q] [D] (Inspectrice juridique) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Madame Florence DELORD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE a fait appel d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 15 décembre 2015 qui l'a déboutée de son recours contre la décision de la commission de recours amiable du 5 janvier 2016 ayant rejeté sa demande tendant à l'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du 2 avril 2015 de prendre en charge la maladie déclarée le 27 novembre 2014 par son salarié, M. [M] au titre du tableau 30.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 23 novembre 2016, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement et de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie a demandé à la Cour de confirmer le jugement et de rejeter les demandes de l'appelante.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
La société appelante fait valoir que la décision de la caisse primaire lui était inopposable au motif que la décision de prise en charge ne porte aucune signature, subsidiairement, qu'une consultation effective du dossier n'avait pas été possible du fait du refus de la caisse de lui en donner une photocopie ou même d'en assurer la transmission dématérialisée, et enfin que les conditions médicales du tableau 30B n'étaient pas remplies.
La caisse a contesté toutes ces critiques.
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Le moyen tiré du non-respect des conditions du tableau 30B est rejeté car la prise en charge concernait le tableau 30.
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L'employeur, avisé de la fin de l'enquête de la caisse, le 13 mars 2015, est allé consulter le dossier le 25 mars 2015 et en a demandé la communication dématérialisée ou version papier le jour-même, ce qui lui a été refusée.
La décision de prise en charge est datée du 2 avril 2015.
I - Concernant la communication des pièces du dossier à l'employeur, la caisse ne conteste pas avoir reçu cette demande le jour où l'avocat de l'employeur se trouvait dans ses locaux pour consulter le dossier, mais elle considère que son refus était parfaitement fondé dans la mesure où sa seule obligation est de permettre la consultation du dossier, qui avait bien eu lieu puisqu'une attestation avait été établie selon laquelle l'avocat avait pu lire sur écran, l'enquête administrative et la « fiche colloque ».
L'article R441-13 dans sa rédaction (inchangée avant juin 2016) issue du décret du 21 décembre 1986, prévoit que « Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre : 1°- la déclaration d'accident et l'attestation de salaire, 2° - les divers certificats médicaux; 3°- les constats faits par la caisse primaire ; 4°- les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ; 5°- les éléments communiqués par la caisse régionale ; 6°- éventuellement le rapport de l'expert technique. Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, à ses ayants droit et à l'employeur ou à leurs mandataires. Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire ».
Ce dossier contient donc des éléments médicaux qui, toutefois, ne doivent pas être connus de l'employeur ni des tiers, alors même qu'à ce stade de l'enquête ils concernent uniquement la maladie ou les lésions prétendûment causées par le travail, et qui, en tout état de cause, seront révélés ultérieurement, ainsi que toute autre pathologie préexistante, à la faveur d'une expertise médicale en cas de recours contentieux, puisque le rapport d'expertise est « communiqué » aux parties dans le respect du principe du contradictoire posé par l'article 132 du code de procédure civile.
Il n'en demeure pas moins que, par ce texte, le pouvoir réglementaire a instauré un droit d'obtenir communication d'un dossier dont il fixe le contenu sans émettre de restriction à cette communication, ce droit étant toutefois mis en oeuvre selon la qualité de ceux qui demandent à l'exercer.
Dans ce contexte, le verbe « pouvoir » ne saurait s'entendre comme laissant à la caisse la faculté d'accepter ou de refuser la demande, mais comme lui donnant l'autorisation de communiquer un dossier ou du moins une petite partie de ce dossier.
Le verbe « communiquer » est un verbe transitif dont le complément d'objet direct peut être immatériel (communiquer une idée, un don, etc...) ou matériel (communiquer un contrat, une photographie, un dossier, etc...).
Dans ce second cas, la communication se caractérise par la remise matérielle et effective de l'objet de la communication.
Ce sens est plus large que celui de « consultation » qui, lorsqu'il s'agit de la consultation d'un document écrit ou sonore, se définit comme la mise à disposition d'un document pour permettre qu'il soit lu ou entendu.
Contrairement à la consultation, la communication implique nécessairement la remise matérielle de l'objet ou de sa copie.
C'est ainsi que le texte prévoit que le dossier doit contenir « les éléments communiqués par la caisse régionale ; », ce qui implique la remise matérielle d'un document.
C'est ainsi également que, d'une manière plus générale, l'article 132 du code de procédure civile prévoit la « communication » des pièces dont les parties à un procès entendent faire état: cette communication s'opère par la remise des documents (copie papier ou copie dématérialisée) ; une simple consultation de ces pièces proposée à l'adversaire ne pourrait suffire à constituer la « communication » imposée par ce texte qui garantit le caractère contradictoire de la procédure.
Le code de la sécurité sociale procède à la même dictinction en posant le principe général de la communication du dossier (article R441-13 supra) et en réglant plus spécifiquement sa consultation (article R441-14 infra) qui permet aux parties de présenter leurs observations avant la décision de la caisse.
L'article R441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le décret du 29 juillet 2009, prévoit qu'une fois son enquête terminée, et dix jours avant de prendre sa décision sur une demande de reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, la caisse doit informer la victime et l'employeur « sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R441-13 ».
Cette règle garantit aux parties le respect du principe du contradictoire.
Tout manquement à ce principe est sanctionné par l'inopposabilité de la décision.
Si les modalités de la communication (papier ou non) et de la consultation (lieu et durée de la consultation, consultation avec ou sans rendez-vous, sur papier ou sur écran ) relèvent du seul pouvoir de la caisse, le juge judiciaire doit veiller au respect effectif des droits de consultation (délai « suffisant ») et de communication du dossier, car ces droits garantissent le respect du principe du contradictoire.
Il vient d'être démontré que l'employeur avait le droit d'obtenir la communication du dossier, du moins pour sa partie communicable, qu'il en avait fait la demande et s'est heurté à un refus.
Ce refus constitue un manquement au respect du principe du contradictoire et doit être sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge du 2 avril 2015.
II ' Concernant la signature de la décision de prise en charge, la caisse primaire a fait valoir que cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité et que, dès lors que la délégation de pouvoir de l'agent ayant pris la décision est incontestable et que l'employeur dispose d'un recours sur le fond, celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence de signature de la décision de prise en charge.
La Cour rappelle que, s'il est vrai qu'il n'y a pas de contestation quant à l'existence d'une délégation de pouvoir du directeur de la caisse à l'agent qui a pris la décision du 2 avril 2015, cette délégation de pouvoir implique une « délégation de signature » et que, les mots ayant un sens, la signature ainsi déléguée doit apparaître sur la décision notifiée aux parties.
En effet, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations prévoit, en son article 4 que « toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles, du prénom, nom et de la qualité de celui-ci ».
S'agissant d'une loi relative aux relations entre les citoyens et les administrations, cette signature doit apparaître sur le document original conservé par l'administration dans son dossier, mais aussi sur l'exemplaire notifié aux « citoyens », donc, en l'espèce, à l'employeur.
Il n'est pas contesté que les organisme de sécurité sociale sont soumis à l'application de ce texte.
Leurs décisions, qui mettent en oeuvre une prérogative de puissance publique, se définissent comme des actes faisant grief, notamment parce que la reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle aura des conséquences financières pour l'employeur, ce qui justifie son droit d'exercer un recours à l'encontre de ces décisions.
Les textes régissant les règles de sécurité sociale sont d'ordre public et la formalité ainsi imposée par l'article 4 précité en fait une formalité substantielle.
Le non-respect de cette formalité substantielle, qui serait sanctionnée par la nullité de la décision devant la juridiction administrative, doit être sanctionné également devant la juridiction judiciaire au nom du principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Puisque le présent contentieux s'inscrit dans les seules relations entre la caisse et l'employeur, cette sanction est l'inopposabilité de la décision à l'employeur.
Il importe peu que l'employeur puisse émettre ultérieurement une contestation sur le fond, comme l'a fait valoir la caisse primaire, car cela reviendrait à décider que les règles de forme n'ont jamais à être respectées.
La société appelante est donc fondée à soutenir, pour ce second motif également, l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge notifiée le 2 avril 2015.
La Cour infirme le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement et en matière de sécurité sociale,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 15 décembre 2015,
Et statuant à nouveau :
Déclare inopposable à la SAS PETROINEOS MANUFACTURING FRANCE la décision du 2 avril 2015 par laquelle la caisse primaire a pris en charge la maladie professionnelle de son salarié, M. [M] (tableau 30).
LE GREFFIERLE PRESIDENT