COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 20 JANVIER 2017
N°2017/ 45
Rôle N° 14/13547
SARL FC CAPELLI TRANSPORTS
C/
[A] [P]
Grosse délivrée le :
à :
-Me Sylvain ALET, avocat au barreau de MONTPELLIER
- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section C - en date du 19 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/380.
APPELANTE
SARL FC CAPELLI TRANSPORTS, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sylvain ALET, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME
Monsieur [A] [P], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2017
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2017
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée déterminée [A] [P] a été engagé par la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS en qualité de conducteur routier , à compter du 2 octobre 2009 jusqu'au 31 décembre 2009.
Par avenant du 9 décembre 2009, les relations contractuelles ont été prorogées au 31 mars 2010, puis se sont poursuivies au delà de cette date , dans le cadre d'une relation de travail à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des transports routiers.
Par courrier du 20 juin 2011, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour insubordination.
Par courrier du 28 novembre 2011, il lui a notifié un second avertissement pour non respect des règles de sécurité.
Après entretien préalable le 23 janvier 2013 , [A] [P] a été licencié pour faute grave par la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS par lettre recommandée avec accusé réception en date du 30 janvier 2013 dans les termes suivants :
' Par lettre recommandée avec AR en date du 9 janvier 2013, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, en vue du prononcé d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au vendredi 18 janvier 2013 à 14H00 dans nos locaux de [Localité 1].
Par correspondance en date du 11 janvier 2013, vous nous avez informé que vous ne pouviez vous rendre à la dite convocation car l'heure du rendez-vous ne correspondait pas avec les heures de sorties autorisées, étant en arrêt de travail depuis le 19 décembre 2012.
Pour vous permettre de vous rendre à l'entretien préalable nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec AR en date du 15 janvier 2013, à un autre entretien fixé au 23 janvier 2013 à 11H30, ayant le même objet et tenant ainsi de vos heures de sortie autorisées.
Vous vous êtes présenté à cet entretien, assisté de MR [V] es qualité de délégué du personnel.
Au cours de cet entretien nous vous avons expliqué les raisons de votre convocation et notamment le fait que :
- Le lundi 17 décembre 2012, vous avez informé votre supérieur hiérarchique , Monsieur [K] [Y], responsable d'exploitation de l'Agence de [Localité 1] , que le 19 décembre 2012 , vous aviez un rendez-vous médical à 15H et sollicitiez par la même l'autorisation de vous y rendre.
Dans la mesure où il s'agissait de raisons médicales, nous vous avons autorisé à vous rendre chez votre médecin le mercredi 19 décembre 2012 à 15H00.
Mais à fin de ne pas entraver la bonne marche de l'entreprise durant une période d'importantes sollicitations nous vous avons alors indiqué que vous deviez prendre toutes dispositions pour vous y rendre par vos propres moyens.
En effet, eu égard à l'activité accrue qui était celle de l'entreprise en cette période, vous ne pouviez ignorer que nous ne pouvions nous permettre d'immobiliser le camion et le chauffeur de passe une journée durant, et ainsi ne pas assurer les livraisons planifiées pour le 20 décembre 2012.
Nonobstant cette directive claire et impérative vous n'avez ramené le camion que le 20 décembre 2012 au soir, causant un préjudice financier important à l'entreprise.
De surcroît, il ressort de l'analyse du système de géo-localisation du camion que vous conduisiez, que le 19 décembre 2012 vous vous êtes rendu chez vous à 14h00, puis chez votre médecin à 15h00 et retour chez vous en suivant avec le camion de l'entreprise, alors même que votre Médecin venait de vous placer en arrêt maladie. Ces faits vous ayant d'ailleurs été exposés en présence de Mr [V] lors de notre entretien et que vous avez reconnu.
Ce faisant vous avez commis une faute qui consiste dans la conduite du camion en état d'arrêt maladie. Etat, qui aurait pu vous conduire à causer un accident à vous-même, des tiers ou au dit camion, qui plus est, sans que vous ne soyez couvert par la police d'assurance souscrite par l'entreprise.
Cette situation est en outre susceptible de recouvrir une qualification pénale aussi bien vous concernant qu'à l'égard de l'entreprise.
Par conséquent, comme nous vous l'avons indiqué au cours de notre entretien, et comme vous l'avez reconnu vous-même, vous avez non seulement fait totalement fi des directives que nous vous avions données, mais aussi et surtout, conduit le camion de l'entreprise en arrêt maladie.
En outre, il est apparu que vous aviez conduit le camion de l'entreprise le 20 décembre 2012, en arrêt maladie, et sans avoir inséré de disque dans le chrono-tachygraphe, alors que cela fait partie des obligations essentielles attachées à votre fonction.
En effet, vous ne pouvez ignorer que le fait de conduire le camion sans insérer de disque dans le chrono-tachygraphe est constitutif d'un délit, pour lequel vous pouvez être personnellement et pénalement poursuivi tout comme l'entreprise.
Interrogé sur ces points, vous avez reconnu les faits et n'avez fourni aucune explication valable. l'ensemble de ces faits sont constitutifs d'une faute grave qui empêche votre maintien dans l'entreprise.
Par conséquent nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement qui prend effet immédiatement, la gravité de la faute que vous avez commise étant exclusive de l'exécution de tout préavis. ...'.
La SARL FC CAPELLI TRANSPORTS employait habituellementau moins onze salariés au moment du licenciement ( mais moins de 50).
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [A] [P] a saisi le 21 mai 2013 le conseil des prud'hommes d'Arles qui par jugement du 19 juin 2014 a:
VU le contrat à durée déterminée signé entre les parties à compter du 02 octobre 2009 pour 3 mois, renouvelé une fois pour surcroît d'activité.
- dit n'y avoir lieu à requalification et débouté M. [A] [P] de sa demande d'indemnité à ce titre.
VU les avertissements notifiés à M. [A] [P] en date des 20 juin et 28 novembre 2011.
- dit que ces avertissements sont fondés et qu'il n'y a pas lieu à annulation.
- débouté M. [A] [P] de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.
VU le statut protecteur de M. [A] [P] par sa désignation comme délégué syndical CGT.
- dit que le licenciement de M. [A] [P] est nul pour défaut d'autorisation administrative préalable.
En conséquence,
- condamné la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS, en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. [A] [P] les sommes de :
* 4.068,64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 406,86 € à titre de congés payés afférents;
* 1.830,89 € à titre d'indemnité de licenciement;
* 12.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;
* 24.411,84 € au titre des salaires que M. [A] [P] aurait dû percevoir pendant la période de protection, soit 12 mois de salaire, outre la somme de 2.441,18 à titre de congés payés afférents;
- condamné la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS à remettre à M. [A] [P], sous astreinte de 10 € par jour de retard à compter d'un délai de 30 jours de la notification du présent jugement, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi dûment rectifiés; le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte;
- dit n'y avoir lieu, en conséquence, à se prononcer sur la demande subsidiaire en dommages et intérêts et demandes afférentes relatives à un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, l'employeur invoquant une faute grave de M. [A] [P];
- condamné également la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS, en la personne de son représentant .légal en exercice, à payer à M. [A] [P] les sommes de :
* 661,08 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 66,11 € à titre de congés payés afférents;
* 13.206,36 € à titre de repos compensateurs, vu l'accord du 18 avril 2002 étendu, fixent à 130 heures le forfait contingent annuel d'heures supplémentaires et au-delà duquel un repos compensateur est dû, et ce pour les années 2010, 2011 et 2012, outre la somme de 1.320,63 € à titre de congés payés afférents;
* 500 € au titre des dispositions de l'art. 700 du Code de Procédure Civile;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires, principales ou reconventionnelles;
- condamné la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS aux dépens de l'instance, frais de signification et d'exécution du présent jugement.
Le 30 juin 2014, la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS demande de :
- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale à intervenir;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté:
- la demande de requalification;
- les demandes indemnitaires formulées au titre des sanctions disciplinaires;
- confirmer leur bien fondé;
- réformer l'intégralité du surplus de la décision;
En tout état de cause:
Vu l'article 1134 du Code civil, Vu la jurisprudence,
Vu les articles L.1245-1 et suivants du Code du Travail, et les pièces du dossier:
En conséquence:
- rejeter la demande de requalification et l'indemnité sollicitées par Monsieur [P];
Vu les dispositions des articles L.1333-1 et suivants ainsi que les éléments versés au débats:
- dire et juger que les avertissements délivrés à Monsieur [P] sont parfaitement fondés ;
En conséquence:
- rejeter la demande d'annulation et l'indemnité sollicitées par Monsieur [P];
Vu les articles L.2141-3 ; L.2143-6 et L.2143-11 nouveau du Code du Travail,
Vu les pièces du dossier et notamment le courrier de l'inspection du travail en date du la juin 2013 (Pièce n021), ainsi que celui de la CGT en date du 24 avril 2013 (Pièce n025) ;
- Dire et juger que Monsieur [P] ne peut se prévaloir du statut de salarié protégé.
En conséquence:
- dire et juger que la SARL CAPELLI TRANSPORTS n'avait pas à recueillir une autorisation administrative pour procéder au licenciement de Monsieur [P];
- rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par Monsieur [P] de ce chef.
Vu l'article L.1322-1 du Code du travail et tout ce qui précède:
- dire et juger que le licenciement de Monsieur [P] se trouve être pourvu d'une cause réelle et sérieuse;
- rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par Monsieur [P] de ce chef.
- donner acte à la SARL CAPELLI TRANSPORTS à ce qu'elle s'engage à verser à Monsieur [P] la somme de 661,08€ à titre de rappel d'heure supplémentaires et 66,11€ à titre de congés payés;
- rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [P];
- condamner Monsieur [P] au paiement des sommes par lui perçues au titre de l'exécution provisoire, à savoir une somme de 19.402,34€ ;
- condamner Monsieur [P] au paiement d'une somme de 5000€ à titre de dommages et intérêt;
- condamner Monsieur [P] à payer à la SARL CAPELLI TRANSPORTS la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [A] [P] demande de :
- débouter la SARL FC CAPELLI TRANSPORTS de son appel principal comme étant non fondé;
- recevoir l'appel incident du concluant comme étant régulier en la forme et juste au fond ;
VU les dispositions des articles L.1245-1, L1245-2 et R1245-1 du Code du travail,
- prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée initial en contrat de travail à durée indéterminée, pour les causes sus énoncées.
En conséquence,
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement de la somme de 1.599 € 75 à titre d'indemnité de requalification.;
Vu les dispositions de l'article 1333-1 et L1333-2 du Code du travail;
- prononcer l'annulation des avertissements des 20 juin et 28 novembre 2011.
En conséquence,
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement de la somme 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi;
Sur le licenciement:
Au principal:
Vu les dispositions de L2411-3 alinéa 1 du Code du travail;
- constater que le licenciement de Monsieur [A] [P] est intervenu sans autorisation administrative;
En conséquence,
- constater sa nullité;
En conséquence,
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement des sommes suivantes:
* 24.411 € 84 au titre des salaires que les concluant aurait du percevoir pendant la période de protection, outre incidence congés payés à hauteur de 2.441 € 18 à titre d'incidence congés payés;
* 4.068 € 64 à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
* 406 € 86 € à titre d'incidence congés payés;
* 1.830 € 89 à titre d'indemnité de licenciement;
* 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
- ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI qui devront mentionner la période de préavis qu'il aurait dû exécuter, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
SUBSIDIAIREMENT:
Vu les dispositions de l'article L1232-1 du Code du travail,
Vu les délibérations de la CNIL du 16 mars 2006, no 2006-066 et 2006-067 ;
- dire et juger que le licenciement de Monsieur [A] [P] ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,
En conséquence,
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement des sommes suivantes:
* 4.068 € 64 à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
* 406 € 86 € à titre d'incidence congés payés;
* 1.830 € 89 à titre d'indemnité de licenciement;
* 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI qui devront mentionner la période de préavis qu'il aurait dû exécuter, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
En tout état de cause,
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement de la somme de 661 € 08 à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre celle de 66 € 11 à titre d'incidence congés payés.
Vu l'accord du 18 avril 2002, étendu par arrêté du 22 décembre 2003 et publié au JORF du 07 janvier 2004,
Vu les dispositions de la loi n° 2008-789, 20 août 2008, art. 18 IV ;
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement de la somme de 13.206 € 36 à titre de repos compensateur outre la somme de 1.320 € 64 à titre d'incidence congés payés;
- condamner la SARL CAPELLI TRANSPORTS au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC;
- la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer
L'appelante soutient que la désignation de Monsieur [P] en qualité de délégué syndical en date du 27 juin 2012 est un faux, elle précise qu'elle a porté plainte pour faux et usage de faux le 28 mai 2016. Elle explique la tardiveté de sa plainte par le fait que le 25 mai 2016, elle a eu un entretien avec le signataire supposé de ce document ( Monsieur [Q]) , lequel a contesté sa signature.
Elle fait valoir qu'il ne saurait lui être opposé une quelconque prescription , l'infraction de faux et usage de faux, se renouvelant à chaque fait positif d'usage qui interrompt la prescription et que telle s'analyse en l'espèce la production en cause d'appel de la pièce litigieuse.
Invoquant les dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale, elle expose que si l'enquête pénale établit que Monsieur [Q], secrétaire général de la CGT de Sète n'est pas le signataire de la désignation de Monsieur [P] en qualité de délégué syndical, le document en question doit être considéré comme un faux, de sorte que ce dernier ne peut prétendre à un statut protecteur.
Les demandes du salarié étant de voir juger son licenciement nul pour violation de son statut protecteur , elle considère dès lors qu' il est d'une bonne administration de la justice de prononcer un sursis à statuer.
[A] [P] s'oppose à cette demande qu'il considère dénuée de toute pertinence, arguant en tout état de cause du mandat apparent dont il bénéficiait, et dont l'employeur avait connaissance au moment du licenciement. Il observe que :
- l'employeur a déposé plainte en mai 2016, selon lui de manière dilatoire, rappelant que la procédure prud'homale a été initiée en mai 2013;
- M. [Q] n'a jamais déclaré ni attesté directement ne pas être l'auteur de cette désignation;
- M. CAPELLI , gérant de la société CAPELLI évoque au terme de sa déposition devant les gendarmes, que Monsieur [Q] aurait parlé d'un certain [Z], membre du syndicat, comme étant celui qui aurait pu signer le document en question;
- il n'a jamais été prétendu que Monsieur [P] lui-même avait rédigé le document litigieux;
- si ce Monsieur [Z] ou un autre membre de l'union locale CGT était le rédacteur et le signataire de la désignation de Monsieur [P] en qualité de délégué syndical, cette désignation produirait son entier effet, selon le principe du mandat apparent .
L'article 4.3 du code de procédure pénale dispose:
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Le sursis à statuer, en présence d'une action pénale en cours, n'est pas obligatoire et il appartient au juge d'apprécier l'opportunité d'une telle décision au regard des circonstances de l'espèce.
L'article L 2411-3 du code du travail dispose :
Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an.
Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.
L'article L 2411-5 du code du travail dispose :
Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution
L'article L 2411-7 du code du travail dispose :
L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement
La cour note que le salarié sollicite à titre principal la nullité de son licenciement intervenu sans autorisation de l'inspection du travail alors que:
- il s'est déclaré candidat aux élections des délégués du personnel prévues le 16 juin 2012;
- il a été désigné délégué syndical le 27 juin 2012;
- l'employeur a cru organiser lesdites élections pendant ses congés payés du 27 juillet 2012 au 28 août 2012;
- l'inspection du travail a indiqué envisager dresser procès-verbal pour délit d'entrave de ces chefs.
L'issue de la procédure pénale engagée sur plainte déposée en mai 2016, soit 4 ans après la désignation aux fonctions de délégué syndical de Monsieur [P], apparaît sans incidence sur le litige, dans la mesure où :
- il n'est pas prétendu que Monsieur [P] aurait lui-même rédigé cette désignation;
- il est constant que la société CAPELLI a eu connaissance au moins à compter du 27 novembre 2012 date du courrier à elle adressé par l'inspecteur du travail , de la désignation de [A] [P] aux fonctions de délégué syndical, qu'il convient de se placer à cette date pour apprécier l'existence ou non du statut protecteur revendiqué;
- Monsieur [P] se prévaut également de sa candidature aux élections du personnel.
La cour rejette en conséquence la demande de sursis à statuer.
Sur la requalification du contrat de travail
L'article L 1242-2 du code du travail applicable dispose:
'Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:
1° Remplacement d'un salarié en cas :
....
2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;
....'
Le contrat de travail du 1er octobre 2009 mentionne que Monsieur [P] est engagé par la SARL CAPELLI TRANSPORTS pour assurer le surcroît de travail du 4ème trimestre 2009.
L'avenant au 9 décembre 2009, stipule que le contrat à durée déterminée du 1er octobre 2009 est renouvelé pour permettre à la société d'assurer au mieux le surcroît de travail du 4ème trimestre 2009 qui se prolonge au 1er trimestre 2010 et qui avait motivé le recours à ce contrat.
Monsieur [P] soutient que l'employeur ne justifie pas la réalité de ce motif.
La société CAPELLI demande au contraire à la cour de constater qu'une telle preuve est rapportée, en ce que entre 2009 et 2010, le chiffre d'affaire de la société a augmenté de près d'un million d'euros et son résultat de 20000 €.
Elle produit aux débats l'état comptable de son grand livre des comptes clients, en 2008, 2009 et 2010, ainsi que ces bilans 2008, 2009, 2010, pièces desquelles il ressort , ainsi que le conseil des prud'hommes l'a à bon droit relevé, l'existence d'un accroissement d'activité résultant notamment du développement important et soudain du chiffre d'affaires , justifié devant la cour comme étant passé de 2 157 890 € en 2008, à 2 283 691€ en 2009 à 3663 289 € en 2010.
La cour constate que l'employeur rapporte en conséquence la preuve du bien fondé du recours en l'espèce au contrat à durée déterminée et confirme le rejet des prétentions de M. [P] en vue d'une requalification des relations contractuelles et de sa demande indemnitaire en découlant.
Sur les avertissements
Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige concernant le bien fondé d'une sanction disciplinaire, l'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction et le juge doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si le doute subsiste, il profite au salarié;
L'avertissement du 20 juin 2011 est le suivant :
Un avertissement vous est notifié ce jour pour la raison suivante: Insubordination.
En effet, en date du 10 juin 2011, vous ne vous êtes pas présenté chez notre client à 18H00 pour charger un conteneur, ce transport ayant été planifié avec vous depuis la veille.
A 17H00, les responsables d'exploitation de notre agence de [Localité 1], vous ont contacté pour votre planning du mardi suivant et c'est à ce moment que vous leur avez signifié votre refus d'effectuer votre mission de 18H00, sans aucune raison et en adoptant de surcroît une attitude irrespectueuse à leur égard. Je vous rappelle qu'ils sont vos responsables hiérarchiques directs.
Ce comportement à mis à mal la relation de confiance que nous avions tissé avec ce client, mettant en péril la pérennité de nos accords commerciaux ainsi que l'image et entité.
Si dans le futur un comportement similaire devait vous être reproché, nous nous verrions dans l'obligation de prendre des sanctions plus importantes à votre égard.
Le salarié fait valoir que l'employeur ne produit aucune pièce établissant un comportement fautif du salarié de sorte qu'il convient d'annuler cette sanction.
Le moyen soulevé par l'employeur tiré de la contestation tardive de cet avertissement par le salarié et de l'absence de motif donné par ce dernier à l'appui de sa demande d'annulation, est inopérant. En effet, la cour relève d'une part, que M. [P] conteste cette sanction pour le motif précisément de l'absence d'élément établissant une faute du salarié et d'autre part que les dispositions légales susvisées imposent à l'employeur de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction. Il ne saurait être satisfait à cette exigence par la seule affirmation d'un comportement fautif sans apporter de quelconques pièces permettant de l'établir.
La cour infirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 20 juin 2011 et annulera ladite sanction.
L'avertissement du 28 novembre 2011 est le suivant:
'Un avertissement vous est notifié ce jour pour la raison suivante: non respect des règles de sécurité en toute connaissance de causes.
Nous accusons réception ce jour d'un courrier recommandé émanant de notre client SDV, dans lequel il nous est reproché le non respect du Contrat annuel de protocole sécurité signé entre nos deux entités au mois de mars 2011. Le cahier des charges de ce contrat indique:
- que le port [Établissement 1] est obligatoire.
En effet, le 16 novembre 2011, vous vous êtes présenté chez notre client, avez signé le protocole de consignes de sécurité à l'entrée, et ne l'avez pas respecté, à savoir vous ne portiez pas vos chaussures de sécurité.
Sachant que vous êtes en possession de tout l'équipement de Protection demandé par notre client, il est inadmissible que vous ne les portiez pas, tant pour votre sécurité individuelle, que pour la pérennité des accords commerciaux entre notre société et SDV.
Nous vous rappelons que votre embauche a été motivée principalement par le trafic de conteneurs avec ce client, et que celui-ci dans le courrier recommandé précédemment cité, nous invite à ' respecter strictement ces consignes, faute de quoi ils devront mettre un terme à notre collaboration'
Cet avertissement se trouvant être le second en moins de 6 mois en rapport direct avec SDV, nous vous informons que nous ne tolèrerons plus aucun manquement vous concernant émanant de l'un de nos clients. Dans le cas contraire nous serons dans l'obligation d'appliquer à votre égard une procédure disciplinaire plus sévère.'
Le salarié fait valoir qu'il n'est pas rentré dans les entrepôts du client mais seulement dans les bureaux, qu'il n'a nullement procédé aux opérations de chargement ou de déchargement de son véhicule, de sorte que le reproche qui lui est fait est injustifié. Il demande l'annulation de cette sanction.
L'employeur produit un courrier du 21 novembre 2011 de la société SDV exposant l'incident, la lettre de voiture du 16 novembre 2011 portant mention du nom du conducteur ( M. [P]). Elle rappelle que les tâches confiées au salarié consistent dans la prise en charge de containers qui impliquent nécessairement que le chauffeur se rende avec son camion sur les quais de chargement et de déchargement, et conteste ainsi l'affirmation faite par M. [P] dans ses conclusions selon laquelle il aurait exécuté sa mission depuis les bureaux de la cliente.
Les pièces versées aux débats par l'employeur établissent que :
- le 16 novembre 2011, était établie une lettre de voiture, confiant à Monsieur [P] conducteur le soin de procéder à la livraison de marchandises depuis Nestlé Waters à Eurofos;
- il est arrivé sur le lieu de chargement le 16 novembre 2011;
- la société SDV a écrit à l'employeur par courrier du 21 novembre 2011 avoir appris de son client Nestlé Waters qu'un de ses chauffeurs n'avait pas respecté les consignes de sécurité figurant dans le protocole de sécurité qu'il a signé à son arrivée, qu'en effet, il s'est présenté le 16 novembre 2011 chez le client sans chaussure de sécurité.
Il est acquis que le salarié ne portait pas de chaussures de sécurité.
L'existence du protocole de sécurité applicable aux conducteurs n'est pas contestée par M. [P], qui ne démontre par aucune pièce que de quelconques circonstances l'autorisaient à déroger aux obligations imposées au chauffeur, à savoir en l'espèce le port de chaussures de sécurité.
L'avertissement apparaît justifié et la cour confirme le rejet de la demande d'annulation de cette mesure.
Monsieur [P] entend obtenir paiement d'une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de mesures disciplinaires injustifiées. Si le premier avertissement du 20 juin 2011 est injustifié, force est de constater que le salarié ne rapporte pas la preuve du préjudice moral invoqué, alors même qu'il n'a entendu émettre une contestation sur ce point que deux ans après son prononcé.
La cour confirme le rejet de sa demande indemnitaire de ce chef.
Sur les heures supplémentaires
L'employeur n'entend pas discuter la demande formulée par le salarié, qui revendique paiement d'une somme de 661.08 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées et celle de 66.11€ au titre de l'incidence congés payés.
La cour confirme en conséquence la décision des premiers juges condamnant l'employeur au paiement de ces sommes.
Sur le repos compensateur
L'article L 3121-11 du code du travail applicable à la relation contractuelle dispose:
Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.
Monsieur [P] demande paiement d'une somme de 13 206.36 € à ce titre ( outre l'incidence congés payés) pour la contrepartie due au titre des heures supplémentaires accomplies en 2010, 2011 et 2012, au delà de 130 heures, sur la base de 100 % du temps effectué, l'entreprise ayant plus de 20 salariés.
Il conteste l'application invoquée par l'employeur en l'espèce des dispositions de l'article 4 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 selon lesquelles :
' En l'absence d'accord conclu dans le cadre des dispositions de l'article L 212-8 du code du travail et par dérogation au paragraphe 1 du présent article, la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, pouvant être égale à au plus trois mois, après avis du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel s'ils existent.', relevant qu'en l'espèce, il n'est pas démontré par la société CAPELLI qu'un tel avis a été sollicité.
La société CAPELLI s'oppose à la demande formée et fait valoir que :
- les calculs opérés par Monsieur [P] ne distinguent pas entre les années où la société employait moins de 20 salariés et celles ou elle en avait plus;
- il ne peut lui être opposé l'absence d'avis des délégués du personnel, alors qu'en raison des seuils requis , la société CAPELLI TRANSPORTS n'a eu de délégué du personnel qu'à compter d'août 2012;
- dès la première réunion avec le délégué du personnel, ce dernier a approuvé le mode de calcul des heures supplémentaires ;
- en tout état de cause cet avis est consultatif,
- les dispositions de l'article L 3121-11 du code du travail sont des dispositions de droit commun, que celles du décret du 26 janvier 1983 sont de droit spécial , que le spécial prime sur le général ;
- toutes les entreprises de transport font application de ce décret;
- en application des dispositions applicables en conséquence à la situation de M. [P], chauffeur grand routier, il y a lieu de procéder à un calcul trimestriel et par tranche.
L'article 4 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 modifié par le Décret n°2003-1242 du 22 décembre 2003 dispose
La durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine.
La durée hebdomadaire du travail des personnels roulants marchandises peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine en application d'un accord conclu dans le cadre des dispositions de l'article L. 212-8 du code du travail.
A défaut d'accord, et par dérogation au paragraphe 1 du présent article, dans le cas où, pour des raisons techniques d'exploitation, il serait impossible d'organiser le travail sur une semaine pour les personnels roulants marchandises, la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, et pouvant être égale à deux semaines consécutives, trois semaines consécutives ou au plus un mois, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent, et autorisation de l'inspecteur du travail des transports territorialement compétent.
La société CAPELLI verse aux débats son registre d'entrée et de sortie du personnel arrêté au 25 mars 2016. A défaut pour elle de soumettre à la cour des éléments précis permettant de déterminer avec exactitude ses effectifs en 2010, 2011 et 2012, il convient de constater, comme le souligne justement le salarié, qu'elle ne démontre pas avoir disposé d'un effectif inférieur à 20 salariés avant août 2012, et ne pas avoir été astreinte à la mise en place de représentants du personnel dans l'entreprise.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rappelé que l'employeur n'était pas fondé à faire état du décret du 26 janvier 1983 qui l'autorisait à calculer la durée du travail sur la base d'un trimestre et non hebdomadaire, en l'absence de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.
La cour confirme en conséquence la condamnation de l'employeur au paiement des repos compensateurs, justement calculés par le salarié, au regard des dispositions applicables.
Sur la nullité du licenciement
Monsieur [P] entend voir déclarer nul son licenciement à défaut d'autorisation de l'inspection du travail , revendiquant un statut protecteur.
Le salarié fait valoir que :
- il été désigné délégué syndical le 27 juin 2012;
- cette désignation est régulière en application de l'article L 2143-3 du code du travail ;
- elle a été portée à la connaissance de l'employeur , tout au moins par l'inspection du travail le 27 novembre 2012 , et donc antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement;
- cette désignation n'a pas fait l'objet d'une contestation par l'employeur devant les juridictions compétentes;
- il a fait acte de candidature aux élections des délégués du personnel, candidature réceptionnée par l'employeur.
La société CAPELLI conteste tout statut de salarié protégé à Monsieur [P] auquel elle objecte que :
- elle n'a jamais été destinataire d'une candidature de Monsieur [P] aux élections du personnel qui ont eu cours; le salarié en tout état de cause ne rapporte pas cette preuve à défaut de produire le fax objet de l'accusé réception versé aux débats;
- elle a été contrainte de reprendre tout le processus électoral , suite à une irrégularité de ce dernier , dont elle a été alertée par l'inspection du travail le 14 juin 2012, si bien qu'eu égard à l'annulation totale du processus électoral, l'hypothétique candidature de Monsieur [P] le 5 juin 2012 est sans effet
- si une protection devait lui être reconnue au titre de cette candidature du 16 juin 2012, celle-ci durant 6 mois, elle était expirée à la date du licenciement intervenu le 30 janvier 2013;
- les élections professionnelles prévues initialement le 16 juin 2012 ont donc été reprogrammées sur instruction de la DIRECCTE , le premier tour étant prévu le 2 août 2012, de sorte qu'on ne peut lui faire grief d'avoir organisé ces élections pendant les congés du salarié;
- l'employeur a informé de la tenue des nouvelles élections alors que Monsieur [P] n'était pas encore en congés et que de surcroît le 9 août 2012, les documents afférents au vote par correspondance étaient envoyés à tous les salariés;
- aucune organisation syndicale ne s'est manifestée et aucun candidat n'a été présenté au premier tour des élections fixé le 2 août 2012;
- au second tour le 16 août 2012, Monsieur [P] ne s'est pas porté candidat;
- le salarié n'a jamais été élu délégué du personnel;
- il est donc bien en peine d'expliquer par quel mécanisme juridique , un salarié, non élu en tant que délégué du personnel, peut être désigné délégué syndical par un syndicat non représentatif dans une entreprise de moins de 50 salariés , rappelant les dispositions de l'article L 2143-6 du code du travail applicables en l'espèce;
- la CGT a d'ailleurs, par courrier du 24 avril 2013, annulé la désignation de Monsieur [P] en qualité de délégué syndical;
- l'employeur ne s'est pas vu dresser procès-verbal pour délit d'entrave.
Il est justifié par la société CAPELLI d'un effectif inférieur à 50 salariés, de sorte qu'elle oppose à bon droit la non application des dispositions de l'article L 2143-3 du code du travail , servant de fondement juridique à la désignation de Monsieur [P] en date du 27 juin 2012 en qualité de délégué syndical, celles-ci ayant trait à la désignation des délégués syndicaux dans les entreprises de plus de 50 salariés.
L'article L 2143-6 du code du travail dispose :
Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical.
Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le délégué du personnel pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical
Il est constant que Monsieur [P] n'a pas été élu aux élections du personnel organisées par l'employeur en août 2012.
La cour observe que ce dernier, contrairement à ce qu'il soutient, a été informé des dates nouvelles d'élections professionnelles fixées au 2 août 2012 pour le premier tour et au 16 août 2012 pour le second, par voie d'affichage le 29 juin 2012, date à laquelle le salarié était présent dans l'entreprise (cf attestation de Messieurs [D] et [K]).
Monsieur [P] a formé le 5 juin 2012 acte de candidature libre auprès de Monsieur CAPELLI [T], gérant de la société CAPELLI , pour le poste de délégué du personnel en vue de l'élection prévue le 16 juin 2012. Monsieur [P] produit un accusé réception délivré par CAPELLI d'une télécopie de 1 page le 5 juin 2012 à 15h09, qu'il affirme être l'accusé réception de son acte de candidature. La société CAPELLI conteste la réception de cet acte de candidature.
La preuve effective de la candidature de monsieur [P] aux élections de délégué du personnel effectuée par ce dernier le 5 juin 2012, est cependant sans incidence en l'espèce dans la mesure où, à supposer celle-ci régulièrement effectuée:
- la protection du salarié issue de sa candidature est de six mois à compter de l'envoi en recommandée de celle-ci à l'employeur;
- quand bien même les nouvelles élections de délégués du personnel ont été organisées durant les congés de Monsieur [P], sans tenir compte de sa candidature régulièrement formée, la cour observe que ces élections n'ont pas l'objet d'une quelconque procédure en annulation;
- Monsieur [P] ne peut donc , en application des dispositions légales, se prévaloir d'un statut protégé en raison de sa candidature, la protection y afférente étant expirée à la date de sa convocation à entretien préalable le 9 janvier 2013.
Concernant la protection invoquée au titre de la désignation en qualité de délégué syndical, il est relevé de manière pertinente par l'employeur, que la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical est liée à son élection en qualité de délégué du personnel.
Monsieur [P] ne justifie d'aucun mandat électif dans l'entreprise. Il ne peut donc revendiquer un statut protecteur au titre d'une désignation en qualité de délégué syndical, qui , bien que portée à la connaissance de l'employeur par l'inspection du travail le 27 novembre 2012, sans que ce dernier ne la conteste devant les juridictions judiciaires, ne pouvait avoir de portée en tout état de cause à cette date, en l'absence de mandat de délégué du personnel de M. [P]. Ces moyens soulevés par le salarié au soutien de l'existence d'un statut protecteur sont donc inopérants.
La cour infirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a reconnu un statut protecteur au salarié et déclaré le licenciement nul pour défaut d'autorisation administrative préalable.
Sur la cause du licenciement
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier, et tel est le cas en l'espèce, doit en rapporter la preuve.
En l'espèce, les griefs formulés sont les suivants:
- le non respect des directives;
- la conduite d'un poids lourd en arrêt maladie;
- la conduite du poids lourd sans disque chronotachygraphe.
Pour justifier de ces manquements , la société CAPELLI verse aux débats :
- une attestation de Monsieur [K] qui déclare : avoir personnellement et expressément indiqué à Monsieur [P] que s'il lui était possible bien que non souhaitable de se rendre chez son médecin en raison des maux qui l' affectaient le 19 décembre 2012 avec le camion de la société, il était impératif qu'il mette tout en 'uvre pour que le camion soit au dépôt le 19 décembre au soir, afin de ne pas troubler le fonctionnement de l'entreprise en procédant inutilement à l'immobilisation du véhicule, l'informant par ailleurs qu'à cette fin le personnel de l'entreprise était à sa disposition. Malgré ce, Monsieur [P] fut placé en arrêt maladie le 19 décembre 2012 suite à sa visite chez son médecin et a conservé le camion toute la journée du 19 mais aussi celle du 20 décembre 2012. En effet ce n'est que le 20 décembre 2012 à 17 heures qu'il a lui-même ramené le camion à l'entrepôt conformément à l'attestation par lui signé ledit jour, alors qu'il se trouvait être en situation d'arrêt de travail.
- le compte rendu de l'entretien préalable en date du 23 janvier 2013, signé du salarié, de l'employeur et de l'assistant du salarié, au terme duquel Monsieur [P] a reconnu avoir ramené le camion le 20 décembre 2012 à 17 heures sans tenir compte des recommandations faites par Monsieur [K] et avoir conduit le camion en période d'arrêt maladie le 20 décembre 2012, et ne pas avoir remis à son employeur de disque chronotachygraphe pour la journée du 20 décembre 2012
- une fiche de restitution du véhicule signé par Monsieur [P] le 20 décembre 2012, portant mention de la remise par le salarié des disques chronotachygraphes du 17 septembre 2012 au 19 décembre 2012 .
Le salarié conteste l'intégralité des griefs, et entend relever que l'employeur ne pouvait utiliser le système de géo-localisation pour contrôler le comportement fautif d'un salarié, ne pouvant user de cette faculté qu'à la double condition que le salarié ait été informé préalablement que son activité était contrôlée par un tel système et qu'une déclaration en ce sens ait été effectuée auprès de la CNIL.
Il ressort des pièces produites que le salarié a reconnu les faits reprochés en entretien préalable et que ces faits sont matériellement établis par l'attestation de Monsieur [K] corroborée par la fiche de restitution du véhicule signé par Monsieur [P]; le recours à un système de géolocalisation par l'employeur pour rapporter la preuve des faits est donc surabondant en l'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en examiner le bien fondé.
Le non-respect d'une directive d'un supérieur hiérarchique constitue un comportement fautif, il en est de même de la conduite par un salarié , chauffeur poids-lourds , pendant son arrêt maladie d'un véhicule appartenant à l'employeur, qui lui était confié pour l'exercice de ses fonctions, un tel comportement contrevenant aux règles essentielles de sécurité; il est constant également que le fait de rouler sans disque chronotachygraphe constitue tant pour le chauffeur concerné que pour l'employeur des faits susceptibles d'être poursuivis pénalement; le non-respect de cette réglementation par le salarié qui ne pouvait, au regard de l'essence même de ses fonctions ignorer celle-ci, caractérise également un comportement fautif.
La cour considère que l'ensemble des manquements fautifs reprochés au salarié traduisant un affranchissement des consignes données , des règles de sécurité impératives et des règles afférentes au code de la route, caractérise une faute grave ne permettant pas le maintien du salarié dans l'entreprise.
La cour dit en conséquence fondé le licenciement de [A] [P] procédant en l'espèce d'une faute grave, et déboute ce dernier de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre.
Sur les autres demandes
La société CAPELLI TRANSPORT condamnée à payer des sommes au salarié au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, condamnation confirmée en cause d'appel n'est pas fondée à solliciter le remboursement des sommes versées à ce titre en exécution du jugement. Elle ne peut davantage prétendre à des dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la mise en 'uvre de l'exécution forcée la décision ici confirmée et du blocage des comptes opéré.
L'équité commande de confirmer la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles en première instance .
Il n'y a pas lieu en revanche de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La société CAPELLI TRANSPORTS supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme le jugement rendu le 19 juin 2014 par le conseil des prud'hommes d'Arles en ce qu'il a:
- dit n'y avoir lieu à requalification des relations contractuelles et débouté [A] [P] de sa demande d'indemnité à ce titre;
- dit l'avertissement du 28 novembre 2011 fondé et dit n'y avoir lieu à annulation;
- débouté [A] [P] de sa demande en dommages intérêts au titre de sa demande d'annulation des avertissements ;
- condamné la société CAPELLI TRANSPORTS à payer à [A] [P] les sommes de 661,00 € huit à titre de rappel d'heures supplémentaires et de 66,11 €à titre de congés payés afférents, de 13'206,36 € au titre des repos compensateurs est celle de 1320,63 € au titre des congés payés afférents, et 500 €au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule l'avertissement du 20 juin 2011,
Déboute [A] [P] de sa demande de nullité du licenciement pour violation d'un statut protecteur et de ses demandes indemnitaires en découlant,
Dit que le licenciement de [A] [P] procède d'une faute grave,
Déboute [A] [P] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société CAPELLI TRANSPORTS de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la société CAPELLI TRANSPORTS aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT