COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 20 JANVIER 2017
N°2017/ 46
Rôle N° 14/20903
[B] [Y]
C/
SARL L'IMMO DU PALAIS, venant aux droits de M. [T]
Grosse délivrée le :
à :
-Me François DIESSE, avocat au barreau de PARIS
- Me Jennifer ASSERAF, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 01 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/3499.
APPELANTE
Madame [B] [Y], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François DIESSE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SARL L'IMMO DU PALAIS, venant aux droits de M. [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jennifer ASSERAF, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2017
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2017
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Invoquant une relation de travail salarié avec l'agence immobilière IMMO DU PALAIS , du 3 septembre 2009 au 23 février 2011, [B] [Y] a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille en référé le 30 juin 2011 d'une demande de rappels de salaire. Par ordonnance du 11 août 2011, la juridiction des référés s'est déclarée incompétente pour connaître du litige au profit du tribunal de commerce de Marseille.
Mme [Y] ayant formé contredit, la cour d'appel d'Aix- en-Provence, par arrêt du 23 février 2012 a infirmé l'ordonnance et déclaré la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige.
Sollicitant la requalification des relations contractuelles en contrat de travail, de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse , [B] [Y] a saisi le 8 juillet 2013 le conseil des prud'hommes de Marseille qui par jugement du 1er juillet 2014 a:
- débouté Mme [B] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle
- condamné la partie demanderesse aux dépens.
Le 9 juillet 2014, [B] [Y] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [B] [Y] demande de :
-déclarer Mme [Y] recevable et bien fondée en son appel, en l'ensemble des demandes, fins et conclusions;
- constater la violation de l'article L. 1411-1 du code du travail ;
- constater la violation des articles 1710 et 1787 du code civil, article 9 CPC ;
- dire et juger que l'employeur, échoue à établir l'existence entre lui et Mme [Y] d'un «contrat d'entreprise» ou « contrat de mission »;
- infirmer en conséquence le jugement critiqué et statuer à nouveau, débouter l'employeur de ses demandes, et fins conclusions.
- constater, dire et juger qu'il a existé entre Mme [Y] et Mr [T], de l'agence «L'IMMO DU PALAIS» un contrat de travail verbal ayant pris effet le 03/09/2009.
- dire et juger que ce contrat est présumé être à durée indéterminée et à temps plein;
- Sur le rappel de salaire de septembre 2009 à février 2011
Vu l'avenant IDCC1527 du 5 mai 2009 de la convention collective de l'immobilier
- condamner l'employeur à 34478,23€ et 3447,82€ de congés payés afférents (subsidiairement, 14651,23€ et 1465,12€ de congés payés).
- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Vu les articles 1134, 1135 et 1184 C. Civ; articles L.1221-1 et L.1222-1 C. trav.
- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'employeur;
- fixer la date de cette résiliation au jour du jugement.
- Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
- Rappeler que la résiliation judiciaire du contrat emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- condamner en conséquence l'employeur à :
* 4933€ d'indemnité compensatrice de préavis (et subsidiairement 2730€);
* 493,30€ de congés payés sur préavis (subsidiairement 273€) ;
* 2466,50€ de dommages et intérêts pour non respect de la procédure (subsidiairement 1365€)
* 44397€ d'indemnité pour rupture abusive ;
* 5121,9€ (subsidiairement 2835€) d'indemnité de congé payé;
- ordonner le rappel de salaire de mars 2011 au jugement (avril 2014). Soit 91 260€ (subsidiairement 50 505€).
- Sur le travail dissimulé
Vu les articles L1221-10; L8221-3 et L8821-5 du Code du travail
- dire et juger l'employeur est coupable de travail dissimulé ;
- le condamner en conséquence au paiement de la somme de 14799€ (subsidiairement 8190€ ) à titre d'indemnité pour travail dissimulé .
- Sur les documents sociaux
- ordonner la remise des documents suivants:
* certificat de travail du 03/09/2009 au jugement
* Bulletins de paie pour la même période ;
* Attestation Pole Emploi pour la même période;
le tout sous astreinte de 100€/jour de retard et par document à compter de la signification du jugement.
- condamner l'employeur à 8000€ au titre de l'article 700 CPC et aux dépens.
- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal ;
- autoriser la capitalisation des intérêts
- rappeler l'exécution provisoire de droit;
- ordonner l'exécution provisoire en raison de l'ancienneté du litige.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société unipersonnelle IMMO DU PALAIS demande de :
Vu notamment les articles L.8221-6 et L.8221-6-1 du Code du travail,
Vu les dispositions de la Loi Hoguet n070-9 du 2 janvier 1979 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce,
Vu les dispositions d'ordre public des articles L.1411-1 et L.1411-5 du Code du travail,
- recevoir la société L'IMMO DU PALAIS, venant aux droits de Monsieur [T], en ses présentes conclusions les disant bien fondées;
- constater que Madame [Y] est inscrite au Registre Spécial des Agents Commerciaux (RSAC) en tant que travailleur indépendant statut-auto-entrepreneur depuis le 8 décembre 2009, pour un début d'activité non salariée au 1er janvier 2010
- constater que Madame [Y] n'a jamais été liée par un contrat de travail avec la société L'IMMO DU PALAIS, venant aux droits de Monsieur [H] [T], que ce soit avant ou après sa déclaration d'activité commerciale;
- constater que la société L'IMMO DU PALAIS, venant aux droits de Monsieur [H] [T], n'a pas jamais eu la qualité d'employeur à l'égard de Madame [Y] mais celle de donneur d'ordre commercial à titre non exclusif;
De ces chefs,
- dire et juger que l'activité commerciale de Madame [Y] s'inscrit dans le cadre d'un contrat de mission d'Auto-entrepreneur étranger à tout lien de subordination et à toute relation salariale;
- dire et juger qu'en application des articles L.8221-6 et L.8221-6-1 du Code du travail le contrat de mission d'Auto-entrepreneur bénéficie d'une présomption légale de non salariat;
- dire et juger que Madame [Y] est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de la fourniture d'un travail dans le cadre d'un lien de subordination entre elle et Monsieur [T] de la société L'IMMO DU PALAIS;
- dire et juger que les parties sont liées par un contrat d'entreprise, et non, par un contrat de travail;
En conséquence,
- dire et juger que le litige est de nature commerciale, CONFIRMER le jugement déféré,
- débouter Madame [Y] de l'ensemble des ses demandes fins et conclusions,
- dire n'y avoir lieu à rappel de salaire et incidences en l'absence de contrat de travail liant Madame [Y] à la société L'IMMO DU PALAIS;
- dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande en résiliation judiciaire, celle-ci étant irrecevable;
En tout état de cause.
- condamner Madame [Y] à payer à la société L'IMMO DU PALAIS de 3.500,00 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
[B] [Y] soutient à l'appui de ses demandes avoir été liée par un contrat de travail avec l'intimée à compter du 3 septembre 2009.
Pour en justifier elle fait valoir que :
- dès 2009, étant sans formation, sans expérience en matière immobilière , sans carte professionnelle, elle a été employée et a travaillé sous la dépendance directe de M. [T] qui remplit depuis des années les conditions requises d'agent immobilier
- M. [H] [T] , exerçant sous le nom commercial agence IMMO DU PALAIS lui a confié à compter de cette date les tâches suivantes: gestion des dossiers de location et/ou vente immobilière confiés à son agence, visite des biens immobiliers, établissement des états des lieux entrants et sortants, établissement des dossiers de location et de vente, représentation dans les négociations et conclusions des locations et ventes immobilières, suivi de la procédure des ventes immobilières , représentation auprès des clients, administrateurs de biens et tiers, recherche de nouveaux mandats de location ou vente
- l'employeur a formé Mme [Y] à l'utilisation des logiciels et appareils, et mis ainsi à sa disposition les outils suivants : carte de visite, bureau, ordinateur, imprimante, téléphone fixe, portable, accès au logiciel, cachet, papeterie, agenda...
- M. [T] lui a donné des consignes, des directives et des instructions
- en décembre 2009, M. [T] lui a confié en sus, la mise en place d'une structure conjointe de collaboration immobilière avec d'autres partenaires dont M. [R] [X]
- elle a perçu en contrepartie de son travail, son premier salaire le 2 octobre 2009 et le dernier en janvier 2011
- elle a refusé de signer les documents dits 'attestation de rétrocession d'honoraires' et 'factures ' rédigées par l'employeur
- il lui a recommandé de s'inscrire comme 'prospect immobilier ' en auto-entrepreneur, ce qu'elle a fait le 8 décembre 2009, avec un début d'activité prévue au 1er janvier 2010, projet qui n'a pas eu lieu
- en décembre 2010, les négociations sur ce projet ont repris, et M.[T] a organisé lui-même un rendez vous chez Monsieur [X]; mais ce projet une fois de plus a été abandonné
- le 23 février 2011, M. [T] lui a demandé d'arrêter de travailler et de restituer ses outils de travail
- la cour d'appel par arrêt du 23 février 2012 ayant force de chose jugée, a déjà examiné les conditions d'existence du contrat de travail de Mme [Y].
La société IMMO DU PALAIS conteste l'existence d'un contrat de travail avec l'appelante.
Elle expose que son gérant Monsieur [T] est titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier, et qu'en application de la loi Hoguet du 2 juillet 1970 , l'agent immobilier titulaire de la carte professionnelle peut soit l'exercer lui-même, soit la déléguer en tout ou partie à un 'négociateur immobilier' qui sera soit un salarié, soit une personne ayant un statut d'indépendant, celui d'agent commercial en immobilier, auto-entrepreneur ou non.
Concernant la situation de Mme [Y], elle indique que :
- fin 2009, elle a été démarchée par un entrepreneur individuel Mme [Y] , non titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier, mais désireuse d'être initiée et exercer l'activité de 'prospection immobilière', à son propre compte, sous le statut d'auto-entrepreneur
- elle a indiqué à M. [T] avoir entrepris les démarches administratives, sociales et fiscales nécessaires pour s'inscrire et exercer sous ce statut à compter du 1er janvier 2010; elle a effectué toutes les démarches seules jusqu'à son immatriculation au registre des agents commerciaux le 24 mai 2011
- la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a expressément exclu les auto-entrepreneurs du champ du salariat, en établissant à leur égard une présomption de non salariat, au même titre que les commerçants, les artisans ou les dirigeants de société
- Mme [Y] n'a débuté sa mission de négociateur immobilier indépendant qu'à compter du 1er janvier 2010, dans le cadre de relations commerciales, exclusives de tout contrat de travail
- elle a bénéficié ainsi d'une maîtrise totale dans l'organisation de ses missions de prospection ainsi que dans la recherche de clients ou de fournisseurs
- aucune exclusivité n'a été signée avec elle, car elle est intervenue dès le départ, pour le compte d'autres donneurs d'ordre, dont le réseau OPTIM HOME, devenu son donneur d'ordre exclusif à compter du 23 mai 2011
- début 2011, les parties ont convenu de mettre un terme au contrat de prestations de service les liant
- ce n'est que le 24 février 2011 que Mme [Y] a revendiqué la reconnaissance d'un contrat de travail
- la cour d'appel par arrêt du 23 février 2012, n'a fait que rappeler que la juridiction prud'homale était compétente pour dire si la relation entre les parties s'inscrivait ou non dans le cadre d'une relation salariée
- Mme [Y] ne démontre pas l'existence d'un contrat de travail entre les parties, à défaut de tout lien de subordination , de l'absence de paiement de salaire, seules ayant eu lieu des rétrocessions d'honoraires payées sur la base de factures établies par cette dernière
- au contraire l'intimée établit la preuve d'un contrat commercial liant les parties résultant de la libre initiative d'inscription et d'immatriculation comme travailleur indépendant par Mme [Y], la liberté de prospection et de moyens de celle-ci, la maîtrise de la recherche des clients la pluralité de donneurs d'ordre, la facturation variable en fonction des prestations réalisées
- elle conteste un début des relations le 3 septembre 2009, tel que prétendu, précise que la facture du 5 janvier 2010 réglée par chèque du 31 décembre 2009 a été comptabilisée en avance sur facture, que le chèque de 28 octobre 2009 de 592,64 € se rapporte à une rétrocession d'honoraires au titre d'apporteur d'affaire
- il ne peut être tiré aucun argument de la date d'immatriculation de Mme [Y] au répertoire spécial des agents commerciaux (24 mai 2011) pour exclure le début de cette activité au 1er janvier 2010, Mme [Y] ayant procédé le 8 décembre 2009 à une déclaration unique d'activité, le relevé SIRENE mentionnant bien le début d'activité au 1er janvier 2010, comme la fiche d'établissement, de sorte que ce décalage entre la déclaration de création de l'entreprise et l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux ne s'explique que par les délais de gestion et de transmission entre le CFE et l'INSEE.
L'article L8221-6 du code du travail dispose :
Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales
...
L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
L'article L 8221-6-1 du code du travail dispose :
Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre.
Il a été justement retenu en l'espèce par les premiers juges une présomption de non salariat . En effet la cour relève que les affirmations de l'intimée selon lesquelles Mme [Y] exerçait depuis fin 2009 une activité de travailleur indépendant sont corroborées par les éléments suivants:
- le 8 décembre 2009, Mme [Y] a déclaré un début d'activité commerciale dans l'activité de prospection immobilière ; il est rappelé sur sa déclaration signée, que cette déclaration vaut déclaration aux services fiscaux, aux organismes de sécurité sociale, à l'INSEE,s'il y a lieu à l'inspection du travail, au registre spécial des agents commerciaux
- le répertoire SIRENE mentionne que Mme [Y] est inscrite depuis le 01.01.2010 avec l'identifiant SIREN 519 247 431
- elle a été immatriculée au registre spécial des agents commerciaux le 24 mai 2011 avec pour numéro d'identification 519247431 RSAC Marseille
- elle a signé le 26 avril 2011 un contrat de négociateur non salarié en transactions immobilières avec la société OPTIMHOME; le certificat de stage délivré par le réseau OPTIMHOME en mai 2011 n'est pas une formation qualifiante ou diplômante, pour l'obtention d'une carte professionnelle et ces éléments qui traduisent la collaboration commerciale à compter de mai 2011 de Mme [Y] à titre exclusif avec le donneur d'ordre la société OPTIMHOME, n'excluent nullement tout autre collaboration commerciale antérieure à cette date,
- Monsieur [I] [G] déclare :' agissant pour mon compte comme agent mandataire immobilier atteste sur l'honneur n'avoir aucune relation exclusive ni être soumis à aucun horaire ou instruction particulière de la part de Monsieur [H] [T] . Je travaille régulièrement au siège social de l'entreprise ainsi que chez les clients . Je suis parfois amené à utiliser le logiciel de l'agence IMMODUPALAIS . Je facture régulièrement des honoraires de rétrocession en fonction des affaires emmenées. J'atteste bien connaître Madame [B] [Y] qui exerce la même activité que moi et dans les mêmes conditions. J'atteste que [B] [Y] n'a jamais été soumise un quelconque contrat de travail, écrit ou verbal avec Monsieur [H] [T] et qu'elle connaît bien pour en avoir régulièrement parlé avec elle les principes de l'activité d'agent mandataire indépendant. Madame [B] [Y] m'a souvent parlé des avantages que lui apporte ce statut pour la gestion de son emploi du temps et en particulier pour la garde de ses enfants'
- Madame [P] [V] déclare : 'j'atteste par la présent avoir été employée en contrat à durée déterminée par Monsieur [H] [T] du 2 novembre 2000 10 au 31 décembre 2010. J'atteste que durant cette période nous n'étions que 2 salariés moi-même et Monsieur [S] [P] qui était employé en contrat à durée indéterminée
-Monsieur [S] [P] déclare : avoir été salarié par Monsieur [H] [T] en contrat à durée indéterminée du 1er février 2008 au 28 février 2011 date à laquelle j'ai démissionné suite à la prévision de mon déménagement dans la région d'[Localité 1]. J'atteste que sur cette période Monsieur [T] [H] n'a jamais salarié d'autres personnes à l'exception de Mademoiselle [P] [V] fin 2010 pour un contrat à durée déterminée de deux mois. Monsieur [H] [T] collabore régulièrement avec des confrères ainsi qu'avec des agents mandataires indépendants comme Madame [B] [Y] qui s'est toujours présentée comme tel. J'atteste que Monsieur [T] ne lui a jamais imposé d'horaire ou promis un quelconque contrat de travail pendant la période de son activité.'
- Monsieur [R] [X], gérant de société promoteur immobilier déclare :' je suis propriétaire de locaux' dans lesquels sont logées mes activités de promotion immobilière et d'édition de presse. Dans ses locaux Monsieur [H] [T] ( Immo du palais) est locataire et à ce titre. Nous entretenons des relations cordiales et sommes liés par un contrat commercial. Nous ne nous sommes pas liés professionnellement, aucune interaction entre nos sociétés. En décembre 2010 j'ai rencontré Madame [Y] sur les recommandations de Monsieur [T] car elle souhaitait apparemment parfaire son parcours chez un promoteur. Or lors de ce rendez-vous ses attentes professionnelles se sont avérées incompatibles avec le mode de fonctionnement du groupe que je dirige. En effet Madame [Y] souhaitait travailler de chez elle en statut indépendant mandataire immobilier. Il se trouve que je ne recherchais à ce moment-là aucun collaborateur de cette nature. La discussion a pris fin rapidement je n'ai jamais revu Madame [Y] je précise que je n'ai jamais eu la moindre intention de m'associer avec cette personne que je ne connaissais pas avant' en ce qui concerne les relations entre Monsieur [H] [T] et moi il n'a jamais été question de créer ni de reprendre société commerciale en commun. Il est mon locataire tout simplement.
Concernant cette dernière attestation, la cour relève que non seulement , cette pièce confirme l'exercice par Mme [Y] d'une activité indépendante mais que bien plus elle contredit les affirmations de l'appelante quant aux liens ayant existé avec ce témoin.
Mme [Y] qui revendique la qualité de salariée, doit donc renverser cette présomption en démontrant avoir été placée quant à l'organisation de son travail, dans une situation de dépendance quelconque vis à vis de l'intimée.
La société IMMO DU PALAIS fait valoir à juste titre que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 23 février 2012 qui ne fait que rappeler que la juridiction prud'homale est compétente pour 'apprécier si l'activité exercée par Mme [Y] s'inscrivait dans le cadre d'une relation salariée ou non ', ne s'analyse pas en une décision ayant force de chose jugée, reconnaissant le statut de salariée de Mme [Y], comme prétendu par celle-ci.
Mme [Y] ne produit aucune pièce permettant de démontrer de quelconques instructions ou directives données par M.[T] dans l'organisation de son travail; notamment, il doit être relevé que les SMS de M. [T] à l'appelante en décembre 2010 constatés par huissier ('je serai au bureau demain pour qu'on fasse un point tous ensemble', 'tu as rendez vous lundi 15 h chez [R] [X] pour faire le point sur la convention', 'on se verra en fin de matinée au bureau', 'on se verra demain à midi') n'ont aucune valeur probante permettant de caractériser un pouvoir d'instruction , de direction, de contrôle de M.[T] sur Mme [Y], notamment compte tenu de leur insignifiance, du manque de précision, de la non retranscription des messages de Mme [Y] et des indications données par M. [X] lui-même sur la nature des relations nouées entre les parties.
S'agissant des outils de travail que Mme [Y] indique avoir été mis à sa disposition , elle produit une carte de visite à son nom avec entête de l'agence IMMO DU PALAIS.
Il est fort pertinemment observé par l'intimée que le numéro de téléphone portable de Mme [Y] figurant sur cette carte de visite est le numéro personnel de celle-ci, numéro reproduit dans les publicités mises en ligne par cette dernière au soutien de son activité d'agent commercial.
Si cette carte de visite, mentionne le numéro de téléphone fixe , l'adresse postale et l'adresse mail de l'agence IMMO DU PALAIS, et si Mme [Y] produit également différents courriers adressés à des clients ou autres agences signés par elle, et portant l'entête et les coordonnées de l'agence IMMO DU PALAIS, il est justement observé par l'intimée et par les premiers juges, que Mme [Y] n'était pas titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier, au contraire de l'intimée, seule habilitée à négocier et transiger.
Dès lors, ne pouvant effectuer en direct son activité de travailleur indépendant, Mme [Y] a donc été amenée à échanger avec les clients prospectés par elle et signer des mandats sous couvert de l'agence IMMO DU PALAIS sans que ne puisse être tiré argument d'une quelconque relation salariée; les démarches effectuées ultérieurement par celle-ci pour l'obtention de la carte professionnelle d'agent immobilier, son assurance professionnelle et autres démarches en cette qualité, sont inopérantes sur ce point.
Elle ne peut non plus arguer de la mise à disposition par l'intimée de son fichier client, la communication de ces informations n'étant pas incompatibles avec l'exercice de mandataire, comme rappelé par le témoin M. [G].
Ce dernier témoin évoque la latitude dont dispose un agent mandataire dans l'exercice de ses missions. Mme [Y] ne produit aucune pièce permettant de démontrer que tel n'était pas le cas en ce qui la concerne, n'établissant nullement avoir été soumise à des horaires ou des conditions de travail imposées par l'intimée.
Elle soumet à la cour un tableau des ' salaires ' perçus de l'agence IMMO DU PALAIS, et soutient sans pour autant le démontrer, que les factures de rétrocession d'honoraires, correspondant aux sommes versées, produites aux débats par la société IMMO DU PALAIS ont été établies unilatéralement par l'intimée. La cour relève que :
- la première facture en date du 5 janvier 2010 porte l'entête suivant :
Madame [B] [Y]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
agent commercial
RCSA en cours d'attribution
- les factures suivantes précise le numéro RCSA 519 247 431
- il n'est pas contesté que l'adresse mentionnée est l'adresse personnelle de Mme [Y]
- l'ensemble de ces factures ( 23 au total ) portent la référence d'une rétrocession affaire...
- le témoin [G] confirme le règlement de ses prestations par facturation d'honoraires de rétrocession sur les affaires emmenées
- il a été signé par Mme [Y] le 28 octobre 2009 une attestation de rétrocession d'honoraires en tant que rapporteur d'affaires, pour une somme de 592,64 €
- l'ensemble des sommes versées par l'agence IMMO DU PALAIS à Mme [Y] au titre des 23 factures est porté sur le bilan - compte annuel 2010 de l'agence en 'factures'.
- il a été fort justement relevé par les premiers juges l'absence de tout bulletin de salaire
Mme [Y], au vu de ces éléments, ne peut contester la large latitude dont elle disposait pour exercer les missions qu'elle justifie avoir menées. Elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir reçu des instructions ou directives précises de la société IMMO DU PALAIS, elle ne justifie pas avoir perçu une rémunération en contrepartie de missions confiées par cette dernière.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont exclu tout contrat de travail entre les parties et débouté [B] [Y] de ses demandes.
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité des frais irrépétibles exposés à l'occasion de cette instance. Il lui sera alloué une somme de 700 € de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2014 par le conseil des prud'hommes de Marseille en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne [B] [Y] à payer à la société IMMO DU PALAIS une somme de 700€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [B] [Y] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT