COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2017
No2017/022
Rôle No 15/01456
Philippe X...
Claudine Y... épouse X...
C/
Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ECOCAZA
Grosse délivrée
le :
à :
Me J-P A...
Me P. B...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le no 13/01783.
APPELANTS
Monsieur Philippe X...
né le [...] à PARIS,
demeurant [...]
représenté par Me Jean Philippe A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Gauthier C..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame Claudine Y... épouse X...
née le [...] à SAINT-RAPHAEL (83700),
demeurant [...]
représentée et assistée par Me Jean Philippe A..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Gauthier C..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Maître Liliane Z... prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ECOCAZA
demeurant [...]
représenté et assisté par Me Philippe B... de la SCP ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Marie D... , avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Jean-François BANCAL, Président,
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère,
en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2017.
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l'assignation devant le tribunal de grande instance de Draguignan délivrée le 19.2.2013 à la requête de Philippe X... et Claudine Y... épouse X... à la S.A.R.L. ECOCAZA aux fins :
au visa des articles L. 230 – 10, L. 232 – 1 et L 232 – et R. 231 – 4 du code de la construction et de l'habitation,
de voir prononcer la nullité du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans, signé par eux le 13 août 2012,
en l'état de la nullité du contrat,
d'obtenir la condamnation de la S.A.R.L. ECOCAZA :
** à leur rembourser la somme de 18380 € versée en exécution du contrat de construction de maison individuelle du 13 août 2012, outre intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012, date de notification de la mise en demeure, jusqu'à complet règlement,
** à leur payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec exécution provisoire,
Vu la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la S.A.R.L. ECOCAZA par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 10 octobre 2013 et la désignation de Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur,
Vu l'assignation devant le tribunal de grande instance de Draguignan délivrée le 15 novembre 2013 à la requête de Philippe X... et Claudine Y... épouse X... à Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA, par lesquelles ils formulent les mêmes demandes sauf à voir désormais fixer au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA leur créance de 18380 € outre intérêts au taux légal du 5 novembre 2012 au 10 octobre 2013 date de prononcé de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA,
Vu le jugement du 5 décembre 2014 par lequel le tribunal de grande instance de Draguignan a notamment :
– débouté Philippe X... et Claudine Y... épouse X... de l'intégralité de leurs demandes,
– condamné ces derniers à payer à Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'appel interjeté le 30 janvier 2015 par Philippe X... et Claudine Y... épouse X...,
Vu les conclusions de Philippe X... et Claudine Y... épouse X... avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 5 août 2015,
Vu les conclusions de Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 18 mai 2015,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 novembre 2016,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans et sa nullité :
Sous le titre : " Chapitre II : Contrat de construction d'une maison individuelle sans fourniture du plan".
L'article L232-1 du code de la construction et de l'habitation énonce :
"Le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 231-1 et ayant au moins pour objet l'exécution des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, doit être rédigé par écrit et préciser :
a) La désignation du terrain ;
b) La consistance et les caractéristiques techniques de l'ouvrage à réaliser ;
c) Le prix convenu forfaitaire et définitif, sous réserve, s'il y a lieu, de sa révision dans les conditions et limites convenues, ainsi que les modalités de son règlement au fur et à mesure de l'exécution des travaux ;
d) Le délai d'exécution des travaux et les pénalités applicables en cas de retard de livraison ;
e) La référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage en application de l'article L. 242-1 du code des assurances ;
f) L'indication que le maître de l'ouvrage pourra se faire assister par un professionnel habilité en application de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 précitée ou des articles L. 111-23 et suivants lors de la réception ou par tout autre professionnel de la construction titulaire d'un contrat d'assurance couvrant les responsabilités pour ce type de mission ;
g) L'engagement de l'entrepreneur de fournir, au plus tard à la date d'ouverture du chantier, la justification de la garantie de livraison qu'il apporte au maître de l'ouvrage, l'attestation de cette garantie étant établie par le garant et annexée au contrat."
Et en vertu de l'article L.232-2 du même code sont notamment applicables au contrat prévu au présent chapitre, les dispositions de l'article L. 231-6 concernant la garantie de livraison aux prix et délai convenu, celles du paragraphe II de l'article L. 231-4, des articles L. 231-8, L. 231-9 concernant la notice d'information à joindre au contrat et L. 231-13 concernant les contrats de sous-traitance.
Ces dispositions sont d'ordre public, en application de l'article L.230-1 du C.C.H..
La nullité du contrat ne peut être demandée que par le maître de l'ouvrage qui est en droit d'obtenir, outre l'annulation du contrat, la restitution des acomptes versés.
En l'espèce, il ressort des explications des parties et de l'analyse de la pièce numéro 1 du constructeur, et de la pièce numéro 2 des maîtres de l'ouvrage :
que ces derniers ont contacté la S.A.R.L. ECOCAZA en vue de faire édifier une maison en bois sur un terrain dont ils étaient propriétaires lotissement les collines de la tour 83600 à Fréjus,
que la S.A.R.L. ECOCAZA a établi un devis le 13 août 2012 concernant l'édification de cette villa et plus précisément : les travaux de terrassement, fondations, garage, livraison et pose d'une maison en bois massif, avec pose de portes intérieures, travaux d'électricité et de plomberie, chape au sol, carrelage et faïence, terrasse, nettoyage de chantier, pour un montant de 373899€ TTC ramené à 367599 €,
que cette proposition a fait l'objet d'un document signé tant par le représentant de la S.A.R.L. ECOCAZA, que par le maître de l'ouvrage qui y a apposé sa signature sous la mention manuscrite : « bon pour accord » (pièce 1 de l'intimée),
que ce dernier a versé à l'entreprise un acompte de 5 % du prix, soit 18379,95 €, somme arrondie à 18380 €,
qu'il n'est pas contesté que la S.A.R.L. ECOCAZA n'a pas fourni les plans de la villa à édifier et que les travaux de construction n'ont pas débuté.
Ainsi, il ressort clairement des termes de ce devis accepté par le maître de l'ouvrage, qui constitue donc le contrat régissant les rapports entre les parties, que celui-ci avait pour objet l'exécution des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au maître de l'ouvrage.
En conséquence, il est soumis aux dispositions d'ordre public du code de la construction et de l'habitation régissant le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans, puisqu'il ne s'agit pas, comme l'invoque à tort le constructeur, « d'un simple contrat d'entreprise » ou d'un « marché de travaux ».
La S.A.R.L. ECOCAZA devait notamment, non seulement respecter un certain nombre de dispositions concernant le contenu du CCMI et indiquer la référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, mais encore fournir une garantie de livraison.
N'ayant pas respecté au moins ces deux obligations, elle a fait signer au maître de l'ouvrage un contrat nul.
Et c'est vainement qu'elle prétend que le contrat n'aurait "jamais été régularisé" alors que la signature du document précité par les parties manifeste leur accord, traduit au surplus par le versement d'un acompte de 5% du prix total.
Enfin, c'est tout aussi vainement que, pour échapper à ses obligations de constructeur de maison individuelles et à la nullité encourue, la S.A.R.L. ECOCAZA invoque une prétendue rupture des relations contractuelles qu'elle impute au maître de l'ouvrage demandant de mettre l'opération "en attente" (copie d'un mel du 19.10.2012).
En effet, à cette époque, le contrat avait déjà été signé et avait reçu un commencement d'exécution manifesté aussi bien par le versement d'un acompte que par la recherche de sous traitants par la S.A.R.L. ECOCAZA.
Et en réponse au courrier de l'avocat de Philippe X... et Claudine Y... épouse X... invoquant la nullité du contrat et demandant la restitution de l'acompte, la S.A.R.L. ECOCAZA évoquait seulement une suspension du projet et les solutions à envisager (pièces 4 et 5 des appelants).
Contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, le contrat est donc soumis à la réglementation d'ordre public des CCMI sans fourniture de plans, et, faute de respecter au moins deux des dispositions impératives de cette loi, doit être annulé, les maîtres de l'ouvrage étant fondés à obtenir la restitution de l'acompte versé.
Compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la S.A.R.L. ECOCAZA, de la déclaration de créance des appelants, leur créance de restitution de cet acompte doit être fixée au passif de cette procédure collective à hauteur de la somme de 18380€ en principal, outre intérêts au taux légal du 8.11.2012, date de réception de la mise en demeure adressée par l'avocat des appelants, au 10.10.2013, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Succombant, Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA supportera les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer à Philippe X... et Claudine Y... épouse X... une indemnité de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement,
Contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT À NOUVEAU et Y AJOUTANT,
PRONONCE la nullité du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans conclu en 2012 entre Philippe X... et Claudine Y... épouse X... d'une part et la S.A.R.L. ECOCAZA d'autre part, pour l'édification d'une villa en bois lotissement les collines de la tour 83600 à Fréjus,
FIXE À 18380 € avec intérêts au taux légal du 8 novembre 2012 au 10 octobre 2013, la créance de restitution d'acompte de Philippe X... et Claudine Y... épouse X... au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA,
CONDAMNE Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA à payer à Philippe X... et Claudine Y... épouse X... 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Maître Liliane Z... en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECOCAZA aux dépens de première instance et d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT