La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2017 | FRANCE | N°15/05903

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 16 février 2017, 15/05903


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2017



N°2017/128

JLT/FP-D













Rôle N° 15/05903







SAS CIFFREO BONA





C/



[I] [U]













































Grosse délivrée le :

à :

Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE



Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 13 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/121.





APPELANTE



SAS CIFFREO BONA, demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2017

N°2017/128

JLT/FP-D

Rôle N° 15/05903

SAS CIFFREO BONA

C/

[I] [U]

Grosse délivrée le :

à :

Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE

Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 13 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/121.

APPELANTE

SAS CIFFREO BONA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

Monsieur [I] [U], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2017

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [U] a été embauché par la société l'Entrepôt du Bâtiment, aux droits de laquelle se trouve la SAS CIFFREO BONA, en qualité de vendeur, par un contrat de travail à durée déterminée du 1er octobre 1988 poursuivi par un contrat de travail à durée indéterminée.

Il a été promu chef de parc selon avenant du 1er juillet 2001.

A la suite d'un accident du travail survenu le 22 septembre 2006, il a été déclaré inapte par le médecin du travail selon avis des 2 et 16 septembre 2011.

Il a été licencié le 23 novembre 2011 pour inaptitude au poste et impossibilité de reclassement.

Saisi par le salarié le 18 septembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de Nice, par jugement du 13 février 2015, a dit que la société CIFFREO BONA a manqué à son obligation de résultat en matière de santé et de sécurité au travail, qu'à défaut de reclassement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et il a condamné la société CIFFREO BONA à payer à M. [U] les sommes de:

- 1 751,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 175,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 10 652,26 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 43 200,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter du dépôt de la saisine.

La société CIFFREO BONA a relevé appel le 30 mars 2015 de ce jugement notifié le 27 mars 2015.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience la SAS CIFFREO BONA, concluant à la réformation du jugement, demande :

- de dire fondée la mesure de licenciement et de débouter M. [U] de sa demande indemnitaire,

- de constater le règlement des sommes exécutoires de droit par provision et l'acceptation par elle desdits règlements représentant le solde de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents ainsi que le solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- de condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande de limiter l'indemnisation de M. [I] [U] à 10 800,00 €.

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, M. [U], conclut à la confirmation du jugement sauf à porter à 50 000,00 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner la SAS CIFFREO BONA à lui payer la somme de 5 000,00 € au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat ainsi que celle de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat

M. [U] explique que, lors de l'accident du travail dont il a été victime, il conduisait un véhicule 'BOBCAT' de type mini pelle. Il reproche à l'employeur de ne pas lui avoir fait passer le Certificat d'Aptitude à la Conduite d'[Localité 1] en Sécurité (CACES) de type 1 nécessaire pour conduire un tel engin et de ne lui avoir dispensé aucune formation similaire.

Aux termes de l'avenant du 1er juillet 2001 lui attribuant les fonctions de chef de parc, il était prévu, au titre des tâches principales, 'l'utilisation d'un engin de manutention pour les opérations de chargement, de déchargement et de rangement, contrôle de la bonne marche et de la bonne utilisation des engins par les caristes' et, au titre des tâches occasionnelles, 'venir en aide aux caristes en cas de fréquentation importante'.

L'employeur ne conteste pas que M. [U] devait utiliser l'engin dont il fait état dans l'exercice de ses fonctions ni qu'il n'a pas reçu la formation CACES mais il fait valoir que celle-ci n'est pas obligatoire, que le salarié a reçu une formation interne suffisante et qu'il a été habilité à la conduite

L'article L 4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, mesures qui comprennent des actions d'information et de formation.

S'agissant de la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de travail servant au levage, celle-ci est réservée aux travailleurs qui ont reçu une 'formation adéquate' en vertu de l'article R 4323-55 du code du travail. Cette formation doit être 'complétée et réactualisée chaque fois que nécessaire'. L'article R 4323-56 précise que la conduite de certains équipements présentant des risques particuliers, en raison de leurs caractéristiques ou de leur objet, est subordonnée à l'obtention d'une autorisation de conduite délivrée par l'employeur.

Les conditions de la formation exigée par l'article R 4323-55 ainsi que les conditions dans lesquelles l'employeur s'assure que le travailleur dispose de la compétence et de l'aptitude nécessaires pour assumer, en toute sécurité, la fonction de conducteur d'un équipement de travail sont déterminées par un arrêté du ministre du travail.

En application de ces textes, l'autorisation de conduite ne peut être délivrée qu'après prise en compte d'un contrôle des connaissances et savoir-faire pour la conduite en sécurité.

La Caisse Nationale d'Assurance Maladie des travailleurs salariés a établi des recommandations définissant un ensemble de connaissances et de savoir-faire des conducteurs pour la conduite en sécurité ainsi que les contenus des tests d'évaluation tant théoriques que pratiques auxquels doivent satisfaire les candidats en vue de l'obtention du Certificat d'Aptitude à la Conduite d'[Localité 1] en Sécurité (CACES). Le CACES est délivré par des organismes 'testeurs certifiés'. Il est recommandé par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie pour satisfaire à l'obligation de contrôle des connaissances et savoir-faire de l'agent pour la conduite en sécurité. La formation porte notamment sur les responsabilités du conducteur d'engin, la connaissance de l'engin, les risques inhérents à la fonction, les règles de conduite. Le CACES est valable 5 ans, le conducteur devant réactualiser ses connaissances et repasser les tests d'évaluation avant l'échéance.

Il est vrai que le CACES n'est ni un diplôme ni un titre de qualification professionnelle et qu'il constitue seulement un moyen pour l'employeur de se conformer à ses obligations en matière de contrôle des connaissances et savoir-faire des conducteurs pour la conduite en sécurité.

Néanmoins, il incombe en toute hypothèse à l'employeur de justifier qu'il s'est conformé aux dispositions des articles R 4323-55 et suivants du code du travail et que le salarié auquel sont confiées des tâches de conduite d'équipements de travail mobiles automoteurs ou d'équipements de travail servant au levage, a reçu la formation adéquate.

En l'espèce, l'employeur verse aux débats des documents relatifs aux formations internes assurées par l'entreprise. Il fait valoir que M. [U] a été formé par M. [Q] et il justifie que ce dernier a suivi des formations en matière de conduite en sécurité et qu'il a bénéficié de plusieurs formations ('management sécurité', 'formateur en matière de sécurité CIFFREO BONA', 'fondamentaux de la santé et de la sécurité CIFFREO BONA', 'évaluateur en conduite d'engins', 'perfectionnement aux techniques de prévention', etc.).

L'employeur produit également le 'guide de formation à la conduite des engins sur les dépôts CIFFREO BONA' qui s'adresse aux 'conducteurs de chariots automoteurs de manutention à conducteur porté' et qui est présenté comme le 'référentiel de base du chef de dépôt' ainsi que des fiches thématiques concernant la formation et l'autorisation de conduite interne, la 'procédure de formation et l'autorisation de conduite cariste', le 'contrôle des aptitudes à la conduite engin de manutention', le livret pédagogique contenant rappel des règles de sécurité de base sur la conduite des chariots élévateurs.

S'agissant plus spécialement de M. [U], l'employeur produit :

- l'attestation de 'formation à la sécurité sur le dépôt nouveaux embauchés' signée par M. [U] le 16 mai 2001 par lequel celui-ci atteste 'avoir reçu, ce jour, de M. [J] S, (son) responsable, une formation et une sensibilisation ainsi qu'un 'guide sécurité' portant sur les risques et moyens de prévention associés, liés à (sa) fonction et à (son) lieu de travail',

- un document intitulé 'examen conduite engin de manutention' daté du 9 novembre 1999, détaillant les épreuves théoriques et pratiques auxquelles a satisfait M. [U]. Ce document comporte l'autorisation donnée à l'intéressé de conduire et comporte sa signature ainsi que celle de l'examinateur (M. [J]) et celle du responsable des ressources humaines,

- l'autorisation de conduite délivrée à M. [U] par l'employeur le 10 novembre 1999.

L'employeur justifie ainsi de l'existence d'une structure organisée, interne à l'entreprise, tendant à la formation des salariés à la sécurité et à la conduite d'engins. Cependant, à supposer que 'M. [Q]' et 'M. [J]' soit une seule et même personne et quelle que soit la qualité de la formation suivie par celui-ci, rien ne permet de vérifier que M. [U] aurait reçu la formation adéquate exigée par l'article R 4323-55 du code du travail. Le seul document versé aux débats concernant la formation qui lui a été prodiguée est l'attestation du 16 mai 2001 qui semble faire état d'une formation n'ayant duré qu'une seule journée et qui est insuffisante pour apprécier la délivrance d'une formation d'une qualité équivalente à celle du CACES. Il convient, en outre, de relever que les documents relatifs à la formation reçue par M. [U] sont antérieurs de plus de 5 ans à la date de l'accident dont il a été victime alors que l'article R 4323-51 impose une réactualisation périodique de la formation.

Aucune des pièces produites ne permet de s'assurer que l'employeur se serait conformé aux dispositions des articles R 4323-55 et suivants du code du travail alors qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, il est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat.

M. [U] est, par suite, bien fondé à soutenir que l'employeur a manqué à son obligation et que ce manquement lui a causé un préjudice, compte tenu de l'accident dont il a été victime et des conséquences de celui-ci.

Il justifie, en effet, que le 22 septembre 2006, il a été victime d'une chute en utilisant un engin de manutention de type 'BOBCAT', qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour 'algodystrophie cheville et pied droit', pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle, qu'il s'est vu reconnaître, le 20 décembre 2007, la qualité de travailleur handicapé et qu'il s'est vu délivrer, le 31 mai 2011, une pension d'invalidité de 2ème catégorie.

Compte tenu de ces éléments d'appréciation, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société CIFFREO BONA a manqué à son obligation de résultat en matière de santé et de sécurité au travail. Y ajoutant, il sera alloué au salarié la somme de 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

'(...)Le 2 septembre 2011, vous avez passé une visite médicale de reprise suite à un arrêt pour accident du travail. -

A cette occasion, le médecin du travail a prononcé l'avis suivant : '1ère visite, art. R. 4624-31 du Code du Travail. Inapte au poste de chef de parc-cariste. Apte à un travail à temps très partiel, assis et sans efforts physiques. A revoir dans 14jours'.

Le docteur [Y] a réalisé l'étude de votre poste et des conditions de travail et déclaré que Monsieur [U] 'peut travailler à temps très partiel (1 à 2 heures par jour) sur un poste assis sans port de charges'.

Lors de la 2ème visite médicale du 16 septembre courant, le médecin du travail a prononcé l'avis suivant : '2ème visite, arr. R 4624-31 du Code du Travail. Inapte définitivement au poste de chef de site-cariste. Apte à un travail assis, sans port de charges et à temps très partiel'.

Au vu des observations et préconisations émises et des postes existants au sein de nos sociétés, après avis des délégués du personnel en date du 3 octobre 2011, nous vous avons proposé un reclassement au poste de guichetier, poste assis sans efforts physiques, sur notre dépôt de [Localité 2], sur un horaire d'une heure trente soit de midi à treize heures trente du mardi au samedi.

En effet, ce poste sans port de charges, avec cet aménagement spécifique possible compte tenu du nombre de guichetier sur ce dépôt, vous aurait permis de travailler sur une plage horaire réduite.

Ce poste répondait également aux prescriptions du médecin du travail que nous avions sollicité précédemment à l'envoi du présent courrier et qui avait déclaré ce poste compatible avec votre état de santé.

En l'absence de réponse quant à cette proposition dans le délai que nous vous avions indiqué, nous considérons que vous refusez ce poste. Ce que vous nous avez d'ailleurs confirmé téléphoniquement le 3 novembre 2011.

Lors de l'entretien, nous avons refait le point une nouvelle fois sur toutes les solutions de reclassement, et nous avons à nouveau constaté qu'il n'y avait aucun autre reclassement possible, y compris par mutation, transformation, adaptation de poste ou aménagement des horaires.

Au cours de celui ci, vous nous avez confirmé votre refus pour le reclassement proposé.

En conséquence, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail sans autre reclassement possible que celui que nous avons proposé (...)'.

En l'espèce, M. [U] a été victime d'un accident du travail le 22 septembre 2006 qui a donné lieu à un arrêt de travail sans interruption jusqu'au 28 janvier 2008, pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail. Il a été victime d'une rechute qui a donné lieu à un nouvel arrêt de travail prolongé jusqu'au 30 décembre 2010 et il s'est vu notifier son classement en invalidité 2ème catégorie le 31 mai 2011.

Il convient de relever que M. [U] n'a jamais repris le travail jusqu'aux visites de reprise des 2 et 16 septembre 2011 et l'avis d'inaptitude du médecin du travail.

Il apparaît, en l'absence de preuve de l'existence d'une quelconque autre cause d'inaptitude physique du salarié, que l'inaptitude de M. [U] à occuper son emploi a pour origine l'accident du travail, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'employeur qui a suivi la procédure applicable en matière de licenciement suite à inaptitude résultant d'un accident du travail en consultant les délégués du personnel.

Or, dans la mesure où l'accident du travail dont a été victime M. [U] et l'inaptitude qui en a résulté ont pour origine la chute du salarié à l'occasion de l'utilisation d'un engin de manutention sans avoir reçu la formation adéquate exigée, la rupture du contrat de travail pour inaptitude résulte de la faute de l'employeur et se trouve dès lors dépourvue de cause réelle et sérieuse.

En outre, en application de l'article L 1226-10 du code du travail, l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé. L'employeur doit rechercher toutes les possibilités de mutations, de transformations de postes ou d'aménagement du temps de travail.

En l'espèce, le médecin du travail a rendu un premier avis le 2 septembre 2011, ainsi rédigé: 'Inapte au poste de chef de parc-cariste. Apte à un travail à temps très partiel, assis et sans efforts physiques'.

Dans son second avis, émis le 16 septembre 2011, il indique : 'Inapte définitivement au poste de chef de site-cariste. Apte à un travail assis, sans port de charges et à temps très partiel'.

A la demande de l'employeur, le médecin du travail a précisé, le 29 septembre 2011, que M. [U] peut travailler 'à temps très partiel (1 ou 2 heures par jour), sur un poste assis sans port de charges'.

Compte tenu de cet avis, il incombait à l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement dans des postes compatibles avec l'état de santé du salarié.

L'employeur justifie avoir informé M. [U], le 17 octobre 2011, qu'il était en mesure de lui proposer un reclassement au poste de guichetier au sein du dépôt de [Localité 2] avec un horaire de une heure trente par jour, soit de midi à treize heures trente sur 5 jours. Il lui était imparti un délai jusqu'au 21 octobre suivant pour communiquer son acceptation ou son refus, étant précisé que l'absence de réponse serait assimilée à un refus.

Le salarié n'ayant pas répondu, il a été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement le 9 novembre 2011.

L'employeur fait valoir que cette proposition répondait aux préconisations du médecin du travail, s'agissant d'un poste sans port de charges avec une plage horaire réduite, que le salarié ne peut se plaindre d'un délai de réflexion trop court, n'ayant demandé aucun délai supplémentaire, et que le premier juge a retenu à tort les dires de M. [U] selon lesquels le dépôt de [Localité 2] aurait été fermé entre 12h00 et 13h00.

Cependant, M. [U] reproche à l'employeur de ne lui avoir adressé qu'une seule proposition de reclassement alors que le groupe CIFFREO BONA englobe six enseignes ainsi qu'il ressort d'un extrait de son site Internet. Or il n'est justifié d'aucune recherche effective qui aurait été effectuée au sein de l'entreprise.

En l'absence de production aux débats du registre des entrées et des sorties du personnel de l'entreprise, il n'est nullement démontré qu'il n'aurait existé au sein de celle-ci aucun poste disponible compatible avec l'état de santé de l'intéressé autre que celui qui a fait l'objet de la proposition litigieuse.

Il n'est pas davantage justifié qu'avant de procéder au licenciement, l'employeur aurait fait la moindre démarche pour rechercher les possibilités de mutation, d'adaptation ou de transformation de poste ni même qu'il aurait envisagé de telles mesures.

Dès lors, il n'est pas démontré que le reclassement du salarié au sein de l'entreprise aurait été impossible et le licenciement se trouve, pour ce motif également, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

M. [U] a été licencié après 23 ans d'ancienneté au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés, à l'âge de 47 ans et est toujours, à ce jour, sans emploi, bénéficiant d'une allocation aux adultes handicapés.

Compte tenu de son salaire mensuel brut (environ 1 800,00 €), il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, la somme de 43 200,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement devant être confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement

Les dispositions du jugement relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante et à l'indemnité spéciale de licenciement n'étant pas critiquées en appel, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société CIFFREO BONA devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ce qui exclut qu'elle puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser M. [U] supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Ainsi outre la somme de 1 500,00 € déjà allouée par les premiers juges, laquelle mérite confirmation, une indemnité supplémentaire de 1 500,00 € lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Condamne la société CIFFREO BONA à payer à M. [I] [U] les sommes de:

* 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la société CIFFREO BONA doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05903
Date de la décision : 16/02/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°15/05903 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-16;15.05903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award