COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2017
N° 2017/ 147
Rôle N° 15/11300
SA CIC - LYONNAISE DE BANQUE
C/
[V] [S]
SOCIETE LAGARDERE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP ERMENEUX
SCP BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de NICE en date du 18 Juin 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015M02220.
APPELANTE
SA CIC - LYONNAISE DE BANQUE,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Frédéric PIAZZESI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [V] [S]
Mandataire Judiciaire,
agissant es qualité de Mandataire Judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS LAGARDERE.,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE
SOCIETE LAGARDERE,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement en date du 26 février 2014, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Lagardère et désigné Me [S], en qualité de mandataire judiciaire.
La société CIC Lyonnaise de Banque a déclaré au passif de cette société une créance de 149 995,62 euros, au titre du solde débiteur d'un compte courant, laquelle a fait l'objet d'une contestation.
Par ordonnance n° 2014M00546 du 13 janvier 2015, le juge-commissaire de la procédure collective a retenu que la contestation soumise excédait les limites de son pouvoir juridictionnel et s'est déclaré incompétent.
La juridiction du fond n'ayant pas été saisie pour trancher le litige, la société CIC Lyonnaise de Banque a alors demandé au juge-commissaire de tirer les conséquences de la carence de la société débitrice et du mandataire judiciaire, lesquels ont soutenu que le juge-commissaire était définitivement dessaisi.
Statuant par ordonnance en date du 18 juin 2015, le juge-commissaire à la procédure collective a dit que la créance déclarée par la CIC Lyonnaise de Banque était « irrecevable en l'état en l'intégralité de ses demandes ».
La CIC Lyonnaise de Banque a fait appel de cette ordonnance par déclaration en date du 22 juin 2015.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2016 par la société CIC Lyonnaise de Banque.
Elle demande la cour d'infirmer l'ordonnance dont appel de se déclarer compétente pour connaître de ses demandes de juger que les moyens développés par les parties adverses à l'appui de leur contestation de la créance qu'elle a déclarée au titre du solde débiteur du compte courant sont forclos, en conséquence d'admettre sa créance au passif de la SAS Lagardere pour la somme de 149 995,62 euros, à titre chirographaire et de condamner cette dernière ainsi que Me [S], ès qualités, aux entiers dépens,
Vu les conclusions déposées et notifiées le 18 novembre 2015 par la société Lagardère et par Me [S],
Elles demandent à la cour de juger que le CIC Lyonnaise de Banque est mal fondée en son appel, de faire application des dispositions des articles 122, 480 et 481 du Code de Procédure Civile et de l'article 1351 du Code Civil, et dire et juger que le CIC Lyonnaise de Banque est irrecevable en son action et en ses demandes, en l'état de l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance n° 2014M00546 du 13 janvier 2015 et du dessaisissement du juge-commissaire, de confirmer l'ordonnance dont appel, et, y ajoutant, de condamner le CIC Lyonnaise de Banque à payer à la société Lagardère et Me [S], ès qualités, chacun, la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, ceux d'appel distrait au profit de leur avocat.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 janvier 2017.
SUR CE, LA COUR,
1. Le juge-commissaire a énoncé dans son ordonnance que « la contestation soumise excède les limites du pouvoir juridictionnel du Juge commissaire suivant l'article R 624-5 », et a statué par une décision d'incompétence.
2. Dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, l'article R624-5 dispose en son alinéa 1 que : « La décision d'incompétence ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire, un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, à moins de contredit ».
Ce délai de forclusion s'applique aussi bien lorsque le juge-commissaire est incompétent que lorsque la contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel (Cour de Cassation Chambre Commerciale 13 mai 2014 n°13-13284).
3. En l'espèce, la forclusion édictée par ce texte est acquise, faute de saisine du juge compétent dans le délai imparti.
4. selon les intimés, la position procédurale du créancier est celle du demandeur, puisque la déclaration de créance s'analyse en une demande en justice , de sorte que la forclusion est opposable au créancier qui n'a pas saisi le juge compétent et si, selon l'article 379 du Code de Procédure Civile, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge, un tel sursis n'a pas été ordonné en l'espèce de sorte que, conformément à l'article 481 du Code de Procédure Civile, le juge-commissaire ne peut que constater son dessaisissement.
Ils en tirent la conséquence que les demandes du CIC se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance devenue définitive du 13 janvier 2015 et ce, conformément aux dispositions des articles 122 et 480 du Code de Procédure Civile et 1351 du Code Civil.
5. Mais il n'incombe pas au seul créancier de saisir le juge compétent, l'article R. 624-5 précité disposant, en effet, que « la décision d'incompétence ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire un délai d'un mois à compter de la notification de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à moins de forclusion (') ».
6. En réalité, ainsi que le soutient le CIC Lyonnaise de Banque, c'est à la personne ayant intérêt à ce que sa prétention soit tranchée qu'il revient de saisir le juge compétent.
Or, dans le cours de la relation contractuelle cette banque a adressé des relevés de compte dont il n'est pas prétendu qu'ils ont donné lieu à litige, puis elle a produit à l'appui de sa déclaration de créance la convention de compte, le relevé de compte faisant apparaître le débit et a ainsi apporté les éléments de nature à faire la preuve matérielle de sa prétention.
La contestation de la débitrice et de Me [S] est intervenue au vu de cette déclaration à travers une argumentation juridique dont il leur appartenait de faire juger qu'elle était fondée et dont il n'est pas contesté qu'elle était ainsi formulée : « considérant la pratique illicite des dates de valeur négatives sur les opérations de débit ainsi que le caractère irrégulier, invalide et inefficient, erroné et en tout cas inopposable au taux effectif global appliqué par le CIC LYONNAISE DE BANQUE, dire et juger irrecevable et en tout cas mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dire et juger que le CIC LYONNAISE DE BANQUE a adopté un comportement dolosif en agissant sciemment en violation de règles qu'il ne peut ignorer puisque relevant de son activité bancaire même ».
7. Il leur incombait donc de saisir le juge du fond dans le délai d'un mois précité, ce qu'ils n'ont pas fait, de sorte qu'ils sont désormais forclos et que le juge-commissaire, qui a recouvré sa compétence pour statuer sur la contestation par suite de l'absence de saisine du juge du fond et en vertu du mécanisme institué par l'article R 624-5 du Code de commerce, ne pouvait statuer comme il l'a fait.
La cour admettra donc au passif de la société Lagardère sa créance à hauteur de la somme de 149 995,62 euros, à titre chirographaire, correspondant solde débiteur du compte courant.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,
Infirme l'ordonnance dont appel,
Vu l'absence de saisine du juge du fond dans le délai d'un mois, prévue à l'article R. 624-5 du code de commerce,
Dit que la forclusion est opposable à la SAS Lagardère et à Me [S], ès qualités,
En conséquence,
Admet la créance déclarée par la SA CIC Lyonnaise de Banque au passif de SAS Lagardère pour la somme de 149 995,62 euros, à titre chirographaire,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective,
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,