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09/03/2017 | FRANCE | N°15/17628

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 09 mars 2017, 15/17628


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2017



N° 2017/108













Rôle N° 15/17628







ONIAM





C/



[A] [M]

CPAM DE BEZIERS





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN



Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY















Décision défé

rée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 08 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06451.





APPELANTE



ONIAM,

dont le siège social est : [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2017

N° 2017/108

Rôle N° 15/17628

ONIAM

C/

[A] [M]

CPAM DE BEZIERS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN

Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 08 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06451.

APPELANTE

ONIAM,

dont le siège social est : [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anne BENHAMOU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [A] [M]

née le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Catherine SZWARC, avocat au barreau de MONTPELLIER

CPAM de BEZIERS,

dont le siège social est : [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 novembre 2009, Mme [A] [M], alors qu'elle était âgée de 77 ans, a fait une chute en descendant d'un autobus et elle s'est fracturé le fémur gauche. Elle a été transportée à la clinique [Établissement 1] où elle a été opérée, le lendemain, d'une ostéosynthèse par le docteur [Y]. À la suite de cette opération elle a été transférée le 4 décembre 2009 au centre de rééducation de [Localité 2] où elle a séjourné jusqu'au 12 février 2010.

Souffrant d'une importante pseudarthrose, elle a bénéficié le 9 août 2010 d'une greffe osseuse assortie d'une nouvelle ostéosynthèse au Chu de [Localité 3]. Le matériel d'ostéosynthèse a été retiré lors d'une hospitalisation dans ce centre hospitalier où elle a séjourné du 24 au 30 avril 2012.

Se plaignant d'une inégalité de longueur de jambes et de douleurs importantes, Mme [M] a saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise en désignant le docteur [E] en qualité d'expert. Aux termes d'une ordonnance du 17 janvier 2013, les opérations d'expertise ont été étendues à l'Oniam.

Le docteur [E] a déposé son rapport le 5 septembre 2013 en concluant à l'existence d'un aléa thérapeutique.

Par actes des 29 octobre 2013 et 22 novembre 2013, Mme [M] a fait assigner l'Oniam devant le tribunal de grande instance de Nice, en réparation de son préjudice et ce, en présence de la Cpam de Béziers.

Selon jugement rendu le 8 septembre 2015, le tribunal a :

- dit que par application des articles L. 1142-1 II et L. 1142-22 du code de la santé publique, l'Oniam doit réparer le préjudice de Mme [M] résultant de l'accident médical du 22 novembre 2009 ;

- condamné l'Oniam à payer à Mme [M] la somme de 33.926,31€ en réparation de son préjudice corporel ;

- condamné l'Oniam à payer à Mme [M] la somme de 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens incluant les frais d'expertise.

Au vu de l'expertise, le tribunal a rappelé que l'intervention du 22 novembre 2009 réalisée par le docteur [Y] a entraîné l'allongement du membre inférieur gauche de l'ordre de 2cm et n'a pas permis la consolidation de la fracture, rendant nécessaire une deuxième intervention pratiquée le 9 août 2010, qui elle, a conduit à cette consolidation. Il a considéré, à la lecture des conclusions de l'expert qui n'a pas relevé de manquement imputable au chirurgien, qu'il s'agit de la réalisation d'un aléa thérapeutique, l'allongement de 2cm du membre inférieur gauche étant constitutif à la mise en traction sur table orthopédique, geste qui est indispensable dans ce type de fracture.

Sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique et au visa des critères de gravité posés par le décret du 19 janvier 2011 dont les dispositions figurent à l'article D.1142-1 du code de la santé publique, le tribunal a relevé que le déficit fonctionnel temporaire total et le déficit fonctionnel temporaire partiel, strictement imputable, égal ou supérieur à 50 %, est de 6 mois et 6 jours sur une période de 12 mois et il en a déduit que, les conditions cumulatives précitées étant réunies, l'Oniam devait indemniser Mme [M] du préjudice en lien avec l'accident médical.

Il a évalué le préjudice de la façon suivante :

- déficit fonctionnel temporaire total du 8 août 2010 au 22 octobre 2010, soit pendant 2 mois et 14 jours : 1875€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % avec utilisation de deux cannes anglaises sur une période de 107 jours : 2006,25€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % avec l'utilisation d'une canne anglaise sur une période de 250 jours : 1562,50€

- assistance de tierce personne : 4815€

- souffrances endurées 4/7 : 10'000€

- déficit fonctionnel permanent 3 % : 2850€

- préjudice d'agrément : 4000€

- préjudice esthétique permanent 1,5/7 : 3000€

- frais futurs (renouvellement semelles orthopédiques) : 2737,56€

- frais de déplacement : rejet.

Par déclaration du 7 octobre 2015, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées, l'Oniam a relevé appel général de ce jugement.

A l'audience de plaidoirie du 25 janvier 2017, Mme [M] qui indique avoir conclu au-delà du délai fixé par l'ordonnance de clôture pour communiquer quatre pièces non-produites devant le premier juge sollicite par voie de conclusions le rabat de cette ordonnance pour les voir admettre. Le conseil de l'Oniam ne s'y oppose pas. L'ordonnance de clôture est donc rabattue, avec une nouvelle clôture au 25 janvier 2017, avant l'ouverture des débats, de telle sorte que les conclusions signifiées le 23 janvier 2017 par Mme [M] ainsi que les pièces nouvellement communiquées sont déclarées recevables.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions du 19 avril 2016, l'Oniam demande à la cour de :

' réformer le jugement ;

à titre principal, de :

' constater que Mme [M] a été victime d'un accident médical non fautif ;

' constater que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

' prononcer sa mise hors de cause ;

' rejeter toutes autres demandes ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait l'aléa thérapeutique, de :

' réduire les prétentions indemnitaires à de justes proportions, et exclure toutes les demandes non fondées conformément à ses observations ;

' condamner Mme [M] aux entiers dépens.

L'Oniam estime que les conditions de son intervention, au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies. Aux termes de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, le patient peut prétendre à l'indemnisation d'un accident médical au titre de la solidarité nationale sous quatre conditions cumulatives :

- s'il a été victime d'un accident médical non fautif,

- si l'accident médical est directement imputable à des actes de prévention de diagnostic ou de soins,

- si l'accident médical a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci,

- si cet accident médical a occasionné des séquelles d'une certaine gravité.

Il soutient qu'il n'existe pas d'aléa thérapeutique en l'espèce, et qu'il s'agit d'un simple échec thérapeutique qui ne peut être pris en compte au titre de la solidarité nationale. En effet le raccourcissement du membre inférieur gauche est un simple échec thérapeutique et non un accident médical au visa des dispositions du code de la santé publique car, à la lecture du rapport d'expertise le dommage survenu est imputable à la mise en traction sur table orthopédique et à l'absence de critères de réduction de cette fracture.

Il fait valoir qu'il appartenait au premier juge de mettre en évidence un accident médical, c'est-à-dire un événement indésirable en lien avec l'intervention réalisée à l'origine directe du résultat dommageable constaté. Or il n'existe aucun événement indésirable ou accident, ni survenu en cours ou après l'intervention d'ostéosynthèse.

La technique chirurgicale adoptée à savoir la traction orthopédique, justifiée par la complexité de la fracture présentée par la patiente, n'avait pas pour objectif une réduction anatomique du foyer de la fracture, mais seulement la réalisation d'un alignement de la fracture. Selon l'expert la réalisation de cet acte chirurgical était indispensable et l'objectif recherché par le chirurgien a été atteint sans complication. Dès lors il n'est pas possible d'identifier la survenue d'un accident médical non fautif dans la réalisation, comme dans les suites, de ce seul geste chirurgical.

Si la réduction de la fracture était le but de l'intervention réalisée, il n'en demeure pas moins que le résultat ne pouvait être atteint au regard de l'importance du traumatisme initial, et plus particulièrement du caractère comminutif de la fracture. Ainsi malgré une réalisation technique conforme l'ostéosynthèse n'a pas eu le résultat escompté et ce en l'absence de toute complication opératoire. Ce défaut de résultat n'est pas la conséquence des soins qui ont été apportés à Mme [M], mais exclusivement celle de la complexité et de la gravité de la fracture initiale présentée. La différence de longueur des membres inférieurs résulte donc d'un échec thérapeutique dans le cadre d'une fracture complexe, qui ne saurait justifier l'intervention de la solidarité nationale.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il propose l'indemnisation suivante :

- déficit fonctionnel temporaire sur une base mensuelle comprise entre 300€ et 500€ par mois : 3097€

- déficit fonctionnel permanent : pas d'observations

- frais d'assistance par tierce personne temporaire sur la base de 13€/heure : 936€

- souffrances endurées 4/7 : 8281€

- préjudice esthétique permanent 2/7 : 2126€

- préjudice d'agrément : rejet et à titre subsidiaire 1500€

- dépenses de santé future : rejet

- frais de déplacement : rejet.

Par conclusions du 26 février 2013, Mme [M] demande à la cour, de :

' statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

' confirmer le jugement qui a dit que l'Oniam doit réparer le préjudice qu'elle a subi et le réformer pour le surplus ;

' juger recevable et bien fondé son appel incident ;

' réformer le jugement sur l'indemnisation des postes de préjudice déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, tierce personne, souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, frais futurs et frais de déplacement ;

' condamner l'Oniam à lui payer la somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' le condamner aux entiers dépens y compris l'expertise.

Elle soutient qu'elle a bien été victime d'un aléa thérapeutique et non pas d'un simple échec thérapeutique. L'expert écarte le défaut de consolidation qui serait imputable au caractère comminutif du foyer fracturaire, à savoir l'existence de nombreux fragments d'os et donc à la complexité de la fracture. L'objectif n'était pas seulement l'alignement de la fracture mais aussi la réduction de celle-ci, et l'expert a bien souligné le caractère exceptionnel de l'allongement de 2cm après ce type de fracture. L'expert s'est référé à des données statistiques pour retenir l'existence d'un aléa thérapeutique, révélateur de conséquences anormales. Le préjudice dont elle est victime remplit le caractère de gravité requis par l'article D.1142-1 du code de la santé publique.

Elle chiffre son préjudice de la façon suivante :

- déficit fonctionnel temporaire (base mensuelle 1.000€) : 2467€

- déficit fonctionnel temporaire à 50 % : 1867€

- déficit fonctionnel temporaire à 25 % : 1817€

- déficit fonctionnel permanent 3 % : 2900€

- tierce personne temporaire (Base 24,85€/heure) : 9766,05€

- souffrances endurées 4/7 : 15'000€

- préjudice esthétique 1,5/7 : 3000€

- préjudice d'agrément : 10'000€

- frais futurs : 2737,56€

- frais de déplacement : 224,10€.

La Cpam de Béziers, assignée par acte d'huissier du 4 janvier 2016 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 18 mars 2016 elle a fait connaître le montant de ses débours pour la somme de 25.727,92€ correspondant en totalité à des prestations en nature.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un aléa thérapeutique :

En application de l'article L.1142-1 II du code de la santé publique lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et en cas de décès, de ses ayants droits au titre de la solidarité nationale, s'ils sont directement imputables à des actes de prévention de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme l'évolution prévisible de celui-ci et présente un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Le 21 novembre 2009, Mme [M] a présenté une fracture trochantéro diaphysaire du fémur gauche traitée le 22 novembre 2009 par ostéosynthèse par clou-plaque. Dans les suites de cette intervention, elle a présenté une pseudarthrose partielle du fémur gauche. Dès le 26 janvier 2010, le docteur [H] a constaté médicalement un allongement de 2cm du coté gauche opéré. L'évolution s'est faite vers une consolidation de la corticale externe et un retard de consolidation au niveau de la corticale médiane, mis en évidence par un scanner pratiqué le 8 juin 2010. Le 9 août 2010 elle a fait l'objet d'une reprise chirurgicale, avec mise en place d'une plaque à vis verrouillée associée à une autogreffe prélevée au niveau de la crête iliaque antérieure homolatérale. L'inégalité de longueur résiduelle d'environ 2cm n'a pas été modifiée mais la patiente a indiqué que la sensation d'inégalité des membres inférieurs était moins sensible depuis cette opération. Du 24 avril 2012 au 30 avril 2012, Mme [M] a été hospitalisée pour ablation du matériel d'ostéosynthèse.

L'expert judiciaire a chiffré à 22mm la différence de longueur des membres inférieurs au détriment du membre inférieur droit, nécessitant l'utilisation d'un talon compensé de 1cm et d'une semelle de 1cm à l'intérieur de la chaussure droite. En position couchée sur le dos, talons joints, l'expert a noté que l'inégalité est légèrement supérieure à 2cm.

Il n'est pas discuté que l'intervention était nécessaire et qu'il n'y avait pas d'alternative à l'ostéosynthèse de la fracture.

Le docteur [E] écrit que 'l'intervention du 22/12/009 réalisée par le Docteur [Y] a entraîné un allongement du membre inférieur gauche de l'ordre de 2cm et n'a pas permis la consolidation de la fracture rendant nécessaire une deuxième intervention pratiquée le 09/08/2010 qui a permis la consolidation de la fracture.' Il ajoute 'il faut considérer que c'est la distraction du foyer de fracture de l'ordre de 2cm survenue lors de l'intervention du 22/11/2009 qui par le défect osseux qu'elle entraîne au niveau du foyer fracturaire est la cause déterminante du défaut de consolidation.'

L'expert n'a relevé à l'égard du docteur [Y] aucun manquement et il écrit que 'les soins ont été attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque des faits'.

Pour argumenter sa position il explique que la fracture que Mme [M] présentait à l'origine était complexe puisqu'elle était comminutive et comportait donc de nombreux fragments osseux. Il décrit que pour réaliser l'ostéosynthèse d'une fracture de l'extrémité supérieure du fémur, le patient est installé en traction sur la table orthopédique et que lorsqu'il s'agit d'une fracture comminutive, le chirurgien ne doit pas rechercher une réduction anatomique, mais 'aligner' la fracture et réaliser son ostéosynthèse. Il ajoute qu'en l'espèce, c'est ce que le docteur [Y] a fait.

Il précise que par ailleurs ce chirurgien 'ne disposait d'aucun 'critère de réduction' lui permettant de contrôler un éventuel allongement du fémur gauche' et conclut que ces deux facteurs, d'une part la mise en traction du patient, indispensable dans ce type de fracture et d'autre part l'absence de ce 'critère de réduction' de la fracture complexe sont à l'origine de l'allongement de 2cm du membre inférieur gauche.

Ce faisant, l'expert judiciaire explique qu'il ne s'agit pas d'un échec thérapeutique comme entend le faire juger l'Oniam, mais bien d'un aléa thérapeutique, en soulignant dans les réponses qu'il a apportées aux dires qu'un allongement de 2cm du membre inférieur gauche, survenu après l'intervention du 22 novembre 2009 constitue un événement exceptionnel, correspondant à la survenance, en dehors de toute faute du praticien d'un risque accidentel à l'acte médical et qui ne peut être maîtrisé.

En tout état de cause, il ne peut s'agir d'un échec thérapeutique dans la mesure où l'opération pratiquée par le docteur [Y] a eu pour objectif de réduire la fracture fémorale présentée par Mme [M], de manière à ce qu'elle puisse se consolider. Le but a été partiellement atteint puisque l'évolution s'est faite vers une consolidation de la corticale externe et un retard de consolidation au niveau de la corticale médiane. Défaut de consolidation que le docteur [E], après avoir très clairement exclu toute faute imputable au chirurgien, met en relation à la fois avec le caractère comminutif de la fracture et avec la distraction du foyer fracturaire, et il complète son propos en précisant que c'est la distraction de 2cm qui crée, au niveau du foyer de fracture, un défect osseux qui est l'élément déterminant du défaut de consolidation. Ce défect osseux a conduit à une reprise chirurgicale au cours de laquelle Mme [M] a bénéficié d'une autogreffe osseuse, ayant permis la consolidation, mais à l'issue de laquelle elle a néanmoins conservé l'allongement de la jambe gauche.

En conséquence, l'Oniam est débouté de ses prétentions tendant à voir juger qu'il n'existe pas d'aléa thérapeutique et le jugement est confirmé de ce chef.

L'Oniam ne discute pas du caractère de gravité au regard du déficit fonctionnel temporaire, dont Mme [M] a souffert et qui s'avère supérieur ou égal à 50% et à 6 mois sur une période de 12 mois, selon le rapport d'expertise.

SUR LE PRÉJUDICE CORPOREL

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 27 et 28 mars 2013, taux d'intérêt 1,2%, dont Mme [M] sollicite l'application.

L'expert, le docteur [Q] [E], indique que Mme [M] a été opérée pour une fracture trochantérienne ostéosynthésée par clou-plaque et qu'elle conserve comme séquelles l'inégalité des membres inférieurs de l'ordre de 2cm.

Il conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 8 août 2010 au 22 octobre 2010

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 23 mai 2010 au 7 août 2010 puis du 23 octobre 2010 au 30 novembre 2010

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25% du 1er décembre 2010 au 8 août 2011

- une consolidation au 9 août 2011

- des souffrances endurées de 4/7

- un déficit fonctionnel permanent de 3%

- un préjudice esthétique permanent de 1,5 /7.

- un préjudice d'agrément correspondant à une réduction du périmètre de marche et à l'incapacité de pratiquer le yoga

- un besoin d'assistance de tierce personne de 3h/j, 7 jours sur 7, du 23 mai 2010 au 7 août 2010 et du 23 octobre 2010 au 30 novembre 2010, puis de 2h/semaine du 1er décembre 2010 au 9 août 2011.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1932, de son statut de retraité, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 25.727,92€

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la Cpam soit 25.727,92€, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Frais divers224,10€

Ils sont représentés par les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables. Mme [M] s'est rendue à deux réunions d'expertise dans la ville de [Localité 4], la première fois le 24 juillet 2012 et la seconde le 23 mai 2013. Elle justifie par les sources Mappy, du kilométrage, et du coût du péage, soit une somme de 224,10€ qu'il convient de lui allouer.

- Assistance de tierce personne6.288€

La nécessité de la présence auprès de Mme [M] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L'expert précise, en effet, qu'elle a eu besoin d'une aide pour :

- une durée de 3h/jour, sept jour sur sept, pendant la période du 23 mai 2010 au 7 août 2010 puis du 23 octobre 2010 au 30 novembre 2010, soit sur 107 jours,

- une durée de 2h par semaine du 1er décembre 2010 au 9 août 2011, soit 36 semaines.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16€.

L 'indemnité de tierce personne s'établit à :

- 107 jours x 3h x 16€ : 5.136€

- 36 semaines x 2h x 16€ : 1.152€

et au total la somme de 6.288€.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures2491€

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

L'expert indique la nécessité d'utiliser une semelle de surélévation de 1cm à droite et un talon de surélévation de 2cm de la chaussure gauche, ces deux éléments étant à renouveler tous les six mois.

Il est constitué :

- des frais d'acquisition de semelles orthopédiques, par Mme [M] le 6 février 2015 pour la somme de 140€ dont elle justifie, soit pour la période passée, ces frais d'acquisition puis les quatre renouvellements du 6 août 2015 au 6 février 2017 soit la somme de 700€ (140€ x 5)

- des frais de renouvellement tous six mois pour la période future, et alors que Mme [M] aura 85 ans lors du prochain renouvellement en août 2017, soit un euro de rente viagère de 6,396 et la somme de 1790,90€ (140€ x 2 semestres x 6,396) arrondie à 1791€

et au total la somme de 2.491€.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire4920€

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 800€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit pendant la période de :

- déficit fonctionnel temporaire total de 2 mois et 14 jours la somme de 1.973,33€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% de 3 mois et 22 jours, la somme de 1493,33€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25% de 7 mois et 8 jours, conformément à la durée retenue par la victime dans ses conclusions, et donc la somme de 1.453,33€

soit au total celle de 4920€.

- Souffrances endurées 15.000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de la nécessité d'une seconde intervention, de l'hospitalisation, du séjour en centre de rééducation, de la durée de deux ans écoulée entre l'accident médical et la consolidation ; évalué à 4/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 15.000€.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent2850€

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par l'inégalité des membres inférieurs de l'ordre de 2cm, ce qui conduit à un taux de 3% justifiant une indemnité de 2.850€ pour une femme âgée de 79 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique2500€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique

Qualifié de 1,5 /7 au titre de la cicatrice de prélèvement de la greffe osseuse eu niveau de la crête iliaque gauche et de l'inégalité de longueur de 2cm des membres inférieurs, il doit être indemnisé à hauteur de 2500€

- Préjudice d'agrément5.000€

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme [M] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives et de loisir auxquelles elle s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir la participation à des voyages organisés, la marche et le yoga, suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 5.000€.

Le préjudice corporel global subi par Mme [M] s'établit ainsi à la somme de 65.001,02€ soit, après imputation des débours de la Cpam (25.727,92€), une somme de 39.273,10€ lui revenant qui, en application de l'article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 8 septembre 2015 à hauteur de 33.926,31€ et du prononcé du présent arrêt, soit le 9 mars 2017, à hauteur de 5.346,79€.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'Oniam qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenu à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à Mme [M] une indemnité de 2000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour

- Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 9 janvier 2017 ;

- Fixe la nouvelle clôture au jour de l'audience du 25 janvier 2017, avant l'ouverture des débats ;

- Déclare recevables les conclusions et les pièces signifiées le 23 janvier 2017 par Mme [M] ;

- Confirme le jugement

hormis sur l'évaluation du préjudice corporel de la victime et les sommes lui revenant ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [M] à la somme de 65.001,02€ ;

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 39.273,10€ ;

- Condamne l'Oniam à payer à Mme [M] les sommes de :

* 39.273,10€, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 8 septembre 2015 à hauteur de 33.926,31€ et du prononcé du présent arrêt, soit le 9 mars 2017, à hauteur de 5.346,79€,

* 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

- Condamne l'Oniam aux entiers dépens d'appel ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/17628
Date de la décision : 09/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/17628 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-09;15.17628 ?
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