COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2017
N° 2017/ 148
Rôle N° 16/00045
[Q] [U]
SARL VAUBAN YACHT SERVICES
C/
[T] [Q]
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à :
Me SAMAK
SCP ROUILLOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 07 Décembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015F00287.
APPELANTS
Maître [Q] [U]
es-qualités d'administrateur judiciaire de la SARL VAUBAN YACHT SERVICES.
Intervenant volontaire.
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe SAMAK, avocat au barreau de NICE
SARL VAUBAN YACHT SERVICES,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Philippe SAMAK, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [T] [Q]
Es-qualités de mandataire judiciaire de la SARL VAUBAN YACHT SERVICES.
Intervenant forcé.
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
défaillant
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SCP ROUILLOT - GAMBINI, avocat au barreau de NICE substituée par Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller rapporteur
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte du 30 mars 2010 la société Vauban Yacht Services a acquis les parts sociales de la société Voiliers Services, financé en partie par un prêt de 800.000 euros consenti par la Caisse d'Epargne Côte d'Azur le 26 mars 2010.
Par jugement du 25 mai 2012 le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Vauban Yacht Services. Me [Q] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
La Caisse d'Epargne, par courrier du 1er août 2012, a déclaré une créance d'un montant de 590.000 euros, outre intérêts et assurance.
Ces créances non contestées ont été admises dans leur intégralité selon avis du greffe du 7 juin 2013, étant portées sur l'état des créances publié au Bodacc.
La réclamation formée par Monsieur [T], gérant de la société Vauban Yachts Services, contre l'état de créances a été rejetée par ordonnance du juge commissaire du 23 septembre 2015 l'ayant déclaré irrecevable.
De même le recours formé par Monsieur [J], associé de la société Vauban Yacht Services et caution, a également été rejeté comme étant irrecevable par ordonnance du 16 septembre 2015.
Ces deux décisions ont été appelées par les intéressés.
Par exploit du 26 mars 2015 la société Vauban Yacht Services a assigné la Caisse d'Epargne devant le tribunal de commerce de Nice aux fins de voir annuler la stipulation d'intérêts et condamner la Caisse au paiement du prêt en raison de manquements à ses obligations d'information et de conseil dans la souscription d'une assurance.
Par jugement du 7 décembre 2015 le Tribunal l'a déboutée de ses demandes et conclusions et condamnée au paiement de la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la demande de nullité du taux d'intérêt stipulé dans le prêt en l'attente de la décision à intervenir sur les appels des cautions, ni à statuer sur cette demande de nullité dès lors que l'admission des créances portées à l'état de créances était définitive à l'égard de la société et revêtue de l'autorité de la chose jugée quelle que soit l'issue de la procédure engagée par les cautions.
Il a dit qu'aucune responsabilité n'était encourue par la Caisse du fait de la non souscription d'une assurance groupe par le gérant de la société Vauban Yacht Services, cette assurance n'étant que facultative, son absence étant mentionnée dans l'acte de prêt et qu'elle n'avait aucune obligation de conseil à cet égard, relevant que le gérant connaissait ce dispositif qu'il avait déjà souscrit dans d'autres dossiers.
Par acte du 4 janvier 2016 la société Vauban Yacht Services a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 19 décembre 2016, tenues pour intégralement reprises, la société Vauban Yacht Services et Me [U], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Vauban Yacht Services, désigné avec mission d'assistance par jugement du 29 janvier 2016 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société, demandent à la cour de :
Recevoir Me [U] ès qualités en son intervention volontaire,
Infirmer le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
I Sur les intérêts du prêt :
A - Une admission sans intérêt ;
Dire que le débat porte sur la question des intérêts dus à la Caisse d'Epargne et que la cour est habile à statuer sur l'étendue de l'admission qui n'empêche pas l'annulation qui n'aura effet que sur les intérêts payés antérieurement à la procédure collective,
Constater que la notification de l'admission de la créance de 590.219,17 euros ne comporte aucun intérêt,
Constater que les intérêts pour mémoire ne sont pas déterminés dans l'état des créances et qu'il s'agit d'une omission à statuer dont il incombait au créancier de demander la réparation dans l'année en vertu de l'article 463 du code de procédure civile,
Dire que la créance de 590.219,17 euros est admise sans intérêt,
B - La nullité de la stipulation d'intérêt :
Substituer les intérêts au taux légal aux intérêts conventionnels,
A défaut surseoir à statuer dans l'attente des arrêts à intervenir sur les recours effectués par les cautions contre les ordonnances du juge commissaire,
II - Sur l'assurance vie :
Dire que le recours des coobligés contre l'état des créances, codébiteurs solidaires mutuellement représentés avec le débiteur principal, effectués au contradictoire de toutes les parties, emportera erga omnes sa rectification,
Dire qu'il ne peut y avoir autorité de la chose jugée de l'admission sans vérification de la créance déclarée en 2012 dans la procédure de sauvegarde alors que le plan a été résolu et l'appelante placée en redressement judiciaire en 2016, que le sinistre a eu lieu en 2013,
Dire que la Caisse d'Epargne était tenue d'une obligation d'information et de conseil envers la société Vauban Yacht Services concernant l'assurance,
Dire qu'il n'est justifié d'aucune faculté permettant de qualifier l'assurance de facultative,
Dire qu'elle a laissé croire à la société Vauban Yacht Services qu'elle était assurée,
Constater la perte de chance de la société Vauban Yacht Services de pouvoir contracter une assurance couvrant l'invalidité de son dirigeant,
Condamner la Caisse d'Epargne à payer à la société Vauban Yacht Services société Vauban Yacht Services une somme égale au montant des sommes dues à ce jour et de celles restant à courir, le prêt ayant été souscrit pour 7 ans à compter de mars 2010,
La condamner au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions n° 3 déposées et notifiées le 29 décembre 2016, tenues pour intégralement reprises, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :
Vu l'article 500 du code de procédure civile,
Vu les notifications d'admission des créances de la Caisse d'Epargne,
Confirmer le jugement attaqué en ses dispositions non contraires au présent dispositif,
Dire qu'il n'appartient pas à la cour de statuer sur l'étendue de l'admission de sa créance au passif de la procédure de la société Vauban Yacht Services,
Au regard de la contradiction flagrante des moyens soutenus par la société Vauban Yacht Services devant les premiers juges,
La juger irrecevable à se prévaloir du moyen tiré d'une admission de sa créance au passif sans intérêt, la dire mal fondée,
Juger que l'admission de sa créance à titre privilégié à échoir suivie de la mention 'outre intérêts pour mémoire' est constitutive d'une simple erreur matérielle dès lors que l'admission pour la partie échue de cette même créance mentionne bien le taux d'intérêts,
Lui donner acte qu'elle se réserve de saisir le juge commissaire d'une requête en rectification d'erreur matérielle,
Juger que le recours de Monsieur [T] formé contre l'état des créances est irrecevable dès lors qu'il n'a pas la qualité de tiers intéressé au sens de l'article R 624-8 du code de commerce,
Dire que le recours formé par Monsieur [J] sur l'état de créances est comparable à une tierce opposition qui ne peut en tant que tel avoir d'effet qu'à son égard,
Constater que la société Vauban Yacht Services ne rapporte pas la preuve du caractère erroné du TEG et qu'elle n'indique pas quel serait le nouveau TEG au regard des anomalies dont elle se prévaut,
Sur son devoir de conseil et de diligences s'agissant de l'assurance,
Juger qu'elle n'est tenue d'aucune obligation en matière d'assurance facultative et que la société Vauban Yacht Services ne justifie pas d'un préjudice indemnisable, notamment au titre de la perte d'une chance,
Débouter la société Vauban Yacht Services de ses demandes,
La condamner au paiement d'une somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par assignation du 14 avril 2016 délivrée à domicile la société Vauban Yacht Services a appelé en intervention forcée Me [Q] ès qualités de mandataire judiciaire.
Ce dernier n'ayant pas constitué avocat l'arrêt sera rendu par défaut.
L'affaire a été clôturée en l'état le 4 janvier 2017.
A l'audience les parties ont été autorisées à transmettre à la cour les deux arrêts en délibéré au 9 février 2017 à intervenir sur les recours de Messieurs [T] et [J] à l'encontre de l'état des créances, sans observation.
MOTIFS
Attendu que la Caisse d'Epargne et la SARL Vauban Yacht Services ont versé aux débats les deux arrêts rendus par la 8ème chambre B de cette Cour le 9 février 2017, ayant, pour le premier, débouté Monsieur [T] et la SARL Vauban Yacht Services de leur demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire du 23 septembre 2015 et confirmé cette décision ayant déclaré irrecevable le recours formé par Monsieur [T], et, pour le second, annulé l'ordonnance du 16 septembre 2015, déclaré recevable la réclamation de Monsieur [J] contre l'état des créances, dit que cette réclamation ne peut avoir d'effet qu'à son égard, dit que le litige relatif à la nullité de la stipulation d'intérêt et à la responsabilité de la banque ne relève pas du pouvoir juridictionnel de la Cour, invité Monsieur [J] à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois de la notification de l'arrêt à peine de forclusion en application de l'article R 624-5 du code de commerce et sursis à statuer sur l'admission de la créance ;
Sur l'admission de créance de la Caisse d'Epargne :
Attendu que la société Vauban Yacht Services demande à la cour de dire que la notification de l'admission de la créance de 590.219,17 euros par le greffe du tribunal de commerce ne comporte aucune stipulation d'intérêt, que les intérêts 'pour mémoire' ne sont pas déterminés dans l'état des créances, que donc la créance est admise uniquement en principal sans intérêt et qu'en tout état de cause le TEG mentionné dans le contrat étant erroné, la clause le stipulant est nulle, seuls les intérêts au taux légal peuvent être réclamés par la Banque ;
Attendu toutefois que la société Vauban Yacht Services, dans le cadre de cette procédure en responsabilité de la Banque pour manquement à son devoir de conseil et d'information, ne peut former une réclamation contre la décision d'admission de la créance de la Caisse d'Epargne portée sur l'état des créances déposé au greffe, dans la procédure de sauvegarde ouverte le 25 mai 2012 ;
Attendu par ailleurs que l'accueil de la réclamation de la caution contre l'état des créances admises au passif du débiteur ne pouvant avoir pour effet de remettre en cause la décision irrévocable d'admission de la créance dans les rapports débiteur principal/créancier (Cour de Cassation 3 mai 1994 n° 92-16158), il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur la nullité invoquée de la stipulation d'intérêts en l'attente d'une décision définitive sur les réclamations formées par Messieurs [T] et [J] ;
Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre du présent litige, de dire que l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne à titre privilégié à échoir, suivie de la mention 'outre intérêts pour mémoire' est constitutive d'une simple erreur matérielle, ni de donner acte à la Caisse d'Epargne qu'elle se réserve de saisir le juge commissaire d'une requête en rectification d'erreur matérielle ;
Attendu enfin que Messieurs [T] et [J] n'étant pas parties dans cette instance, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité du recours de Monsieur [T] formé contre l'état des créances ;
Sur la responsabilité du banquier s'agissant de l'assurance du prêt :
Attendu que la société Vauban Yacht Services soutient que la Caisse d'Epargne a failli à son obligation d'information en matière d'assurance, faute de lui avoir conseillé la souscription d'une assurance au profit de son dirigeant, alors que le prêt était important, que Monsieur [T] était âgé de 56 ans à la date du contrat et qu'elle était tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur ;
Attendu qu'elle ajoute qu'aucune information ne lui a été donnée préalablement à la signature du contrat de prêt sur la faculté de souscrire une assurance, non mentionnée sur l'avant contrat, et que Monsieur [T] n'est pas un emprunteur averti, sa qualité de dirigeant d'une société exerçant une activité de travaux maritimes étant insuffisante à lui conférer cette qualité ;
Attendu qu'elle précise que la banque a déclaré le 1er août 2012 de manière erronée sa créance 'assurance incluse' et qu'après la survenance des graves problèmes de santé de son dirigeant en février et juillet 2013 (accidents cardio vasculaires) lui a laissé croire qu'elle était assurée en lui disant transmettre son dossier à la compagnie d'assurance, et avoir reçu le 28 juillet 2015 un courrier de la CNP lui annonçant que l'assurance groupe n'avait pas été souscrite pour le prêt de 800.000 euros souscrit en 2010 ;
Mais attendu que l'établissement de crédit qui consent un prêt n'est pas tenu à l'égard de l'emprunteur, profane ou non, d'un devoir de conseil sur l'opportunité de souscrire une assurance facultative ; (Cour de cassation Chambre commerciale 9 février 2016 n° 14-23210) ;
Attendu que le contrat de prêt bancaire aux entreprises du 26 mars 2010, paraphé et signé par Monsieur [T] représentant la société Vauban Yacht Services, mentionne de manière apparente dans l'article 1 'Caractéristiques du prêt' : 'Adhésion à l'assurance Groupe Facultative NON' et l'article 16 'Assurances décès invalidité et/ou incapacité de travail' : 'L'emprunteur ou son représentant, dans l'hypothèse où il adhérerait au contrat d'assurance groupe souscrit par la Caisse d'Epargne, recevra une copie de son bulletin d'adhésion à l'assurance et reconnaît avoir reçu la notice précisant les modalités et les conditions de cette garantie et en avoir pris connaissance...';
Attendu ainsi que pour ce prêt consenti à une société commerciale l'assurance groupe était facultative ;
Attendu que la société Vauban Yacht Services admet ne pas avoir adhéré à cette assurance, précisant que la notification de l'accord de financement du 27 février 2010 qui lui a été adressée ne faisait état d'aucune assurance et elle ne soutient pas avoir reçu une copie d'un bulletin d'adhésion ;
Attendu que, par ailleurs, en signant le contrat elle a reconnu avoir reçu la notice d'information sur les conditions de l'assurance groupe ;
Attendu que la circonstance que la Caisse d'Epargne ait, de manière erronée, déclaré sa créance le 1er août 2012 'assurances incluses' et annoncé à la société en septembre et octobre 2014 transmettre son dossier à l'assurance est sans effet sur le manquement à son devoir d'information et de conseil reproché à la Caisse lors de la conclusion du prêt ;
Attendu enfin que l'absence de souscription d'une assurance de groupe lors de la conclusion du contrat de prêt ne saurait faire regarder ce prêt consenti comme étant en lui-même fautif ;
Attendu que le jugement ayant débouté la société Vauban Yacht Services de ses demandes est par conséquent confirmé ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Vauban Yacht Services est condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, par défaut, publiquement,
Confirme le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Vauban Yacht Services de ses demandes, fins et conclusions,
Déboute la Caisse d'Epargne de sa demande tendant à dire que l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne à titre privilégié à échoir, suivie de la mention 'outre intérêts pour mémoire' est constitutive d'une simple erreur matérielle,
Dit n'y avoir lieu de lui donner acte qu'elle se réserve le droit de saisir le juge commissaire d'une requête en rectification d'erreur matérielle,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la recevabilité du recours de Monsieur [T], non partie à l'instance, formé contre l'état des créances,
Déboute les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Vauban Yacht Services aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT